Il y a plus de gens qui partent à la recherche du bonheur à la fin du printemps et au commencement de l’été qu’à toute autre saison. C’est l’époque de l’année où des milliers de jeunes gens sortent de nos universités et de nos écoles pour s’embarquer dans la vie.
Les voies qui s’ouvrent à eux sont nombreuses : professions, commerce, industrie, finance, agriculture et une foule d’autres moyens de gagner leur vie. Leur problème est de choisir la voie dans laquelle ils trouveront le bonheur.
L’idée du bonheur diffère d’une époque à une autre. Les petits traités populaires intitulés « Comment… » du 18e siècle s’en tenaient principalement à la manière de mourir en bonne odeur ; ceux du 19e siècle abordèrent le sujet de gagner de l’argent ; et ceux du 20e siècle nous enseignent à vivre heureusement.
Beaucoup de gens, probablement la plupart, diraient sans doute que le plus grand bonheur dans la vie est d’être libre et capable de faire ce qu’on veut. Ce n’est pas une très bonne définition du bonheur, parce qu’il est difficile de savoir au juste ce qu’on désire aujourd’hui, et bien moins ce qu’on souhaitera l’an prochain ou dans vingt ans.
Le nature humaine est changeante, et ce qui nous paraît le comble du bonheur matériel aujourd’hui pourrait bien n’être plus de mode dans quelques mois.
Qu’est-ce que le bonheur ?
Le bonheur découle en grande partie des qualités morales de contentement, confiance, tranquillité d’esprit et vive bienveillance. Il comprend la douleur de perdre aussi bien que la joie de découvrir. Le terrain qui lui convient le mieux est une vie bien remplie. Tous ceux que l’histoire ou les biographies nous décrivent comme le plus heureux avaient toujours trop à faire. Chaque moment de leur vie était occupé par toutes sortes de projets ambitieux, littérature, amours, politique, science, amitiés, commerce, professions, métiers et une foule d’autres occupations. C’est en s’intéressant intensivement à tout ce qui fait partie de la vie qu’on arrive à découvrir le secret du bonheur.
Aristote a résumé ainsi cette idée : « Le bonheur consiste à exercer nos facultés à la poursuite de la perfection, au cours d’une vie qui leur offre tous les moyens de se développer. »
Il convient d’éviter les extrêmes de placidité léthargique et de fiévreuse activité. Les jeunes gens d’aujourd’hui ne se contenteront certes pas d’une félicité inerte et insensible comme celle d’une pierre, mais ils éprouveront plus tard du chagrin et des regrets s’ils courent de tous les côtés, en se laissant gouverner par ce que Platon, le maître d’Aristote, appelait « la démangeaison d’agir. »
Le bonheur comprend manifestement deux états : l’état actif et l’état passif. On peut dire que l’état actif consiste à rechercher et partager le bonheur, et l’état passif à en jouir en sécurité. Une partie n’est pas complète sans l’autre, et aucune des deux n’est entièrement satisfaisante si elle est trop prépondérante. Les philosophes depuis les anciens Grecs jusqu’à Bouddha, Balzac, Pascal et Pitkin ont dit qu’une vie bien équilibrée est la plus heureuse, et beaucoup de gens malheureux peuvent, en y réfléchissant, se rendre compte que leur état provient du manque d’équilibre.
La recette pour être heureux ne tient pas en un seul mot, parce que les nombreux ingrédients doivent en être mélangés en quantités exactes, au moment voulu, pour le but désiré.
Le Dr Martin Gumpert, qui penche à croire que le bien-être physique forme la base du bonheur, donne la prescription suivante dans son livre L’anatomie du bonheur : prévenez les souffrances physiques ; évitez la culpabilité ; bannissez les illusions ; acceptez la réalité de la mort ; faites ce que vous aimez à faire ; connaissez la limite de vos capacités ; payez volontiers le prix de tout ce que vous recevez ; soyez désireux et capable d’aimer ; n’ayez pas de secrets.
La recherche du bonheur
Il est légitime de chercher le bonheur. Disons en passant que quoique les disciples de certaines écoles nous conseillent d’éviter de chercher le bonheur, ils donnent à entendre que nous serons heureux si nous le cherchons.
La recherche exige un plan. Sachons d’abord quelle sorte de bonheur nous cherchons, en quoi il consiste, quels sont nos plus grands besoins, et ce que nous avons pour commencer. Apprenons à garder le programme simple et libre de complications et d’additions, à faire attention aux petits détails, à ne pas nous laisser gonfler par les louanges ou nous laisser abattre par les désappointements, à saisir ou créer l’occasion d’exercer nos talents spéciaux, à cultiver l’excellence dans tout ce que nous faisons, à rester modestes, et à réviser, et encore réviser, périodiquement.
Pas besoin d’aller bien loin pour la plupart de nous. Le bonheur croît dans notre propre foyer, si nous le cultivons.
Les jeunes gens à l’esprit romantique s’imaginent que les événements heureux de leur vie feront leur apparition au son des tambours et des trompettes, mais quand nous atteignons l’âge mûr nous nous rendons compte qu’ils sont arrivés tranquillement, presque inaperçus. Benjamin Franklin dit dans son autobiographie : « La félicité humaine n’est pas tant le résultat de gros coups de bonne fortune qui arrivent rarement, que de petits avantages qui nous échoient chaque jour. »
Succès dans un emploi
L’attention aux détails est nécessaire dans toutes les professions et tous les métiers. Regardez la multitude de petits détails qui entrent dans l’ensemble des trois pressants problèmes de gestion industrielle : l’application de la science et de la technique à un perfectionnement matériel ou à un produit ; l’ordonnance systématique des opérations, et l’organisation du travail collectif et de la continuité de collaboration.
L’ouvrier qui fait bien son travail contribue au succès de la plus grosse entreprise, et l’homme qui attaque sa tâche avec zèle et détermination, en faisant de son mieux, éprouve de ce fait un sentiment de satisfaction, qui est un ingrédient du bonheur.
On reconnaît l’homme déterminé à trouver le bonheur dans son travail à ce qu’il ne demande pas avant d’accepter un emploi si sa chaise a un coussin ou si l’édifice est climatisé. Il est trop pressé de se mettre au travail.
Un ouvrage médical mentionne quelques-uns des avantages du travail à part le prix que nous en recevons. Le travail est un exercice physique et mental sans lequel nous tomberions malades et nous dépéririons. Il est essentiel au développement de la personnalité. Il nous tient en rapport avec le reste du monde et, ce qui est très important du point de vue physique, il nous fait goûter le plaisir du repos.
Bien connaître son métier
S’il est vrai qu’il n’y a pas de plaisir à être ignorant, cela est doublement vrai dans le cas de notre travail. Il faut, pour trouver le succès et le contentement dans son emploi, être bien au courant du travail à faire. La conscience d’être à la hauteur de sa tâche inspire un merveilleux sentiment de confiance en soi qu’il faut avoir éprouvé pour le connaître.
En apprenant son métier, un employé acquiert de la perspicacité, ce qui le rend capable d’assumer des responsabilités. La bonne gestion des affaires exige que le directeur connaisse la cause des événements, et elle n’est connue que de ceux qui étudient les raisons et les causes des procédés commerciaux.
Comment apprendre tout cela ? En posant des questions. Dans tout ce qu’il entreprend, le jeune employé trouve à poser des questions. D’abord il apprend les procédés et la technique de son métier, mais à mesure qu’il avance il fera bien de ne pas accepter sans preuves es idées que d’autres acceptent aveuglément.
Après avoir recueilli tous les renseignements utiles, il s’agit de les mettre à profit dans la vie. Il suffit d’avoir de la mémoire pour acquérir des connaissances, mais il faut de l’intelligence pour savoir s’en servir. L’employé capable fait bien son travail ; l’homme ingénieux mêle l’imagination à tout ce qu’il fait, perfectionne le produit de son travail et ouvre ainsi la porte à de nouvelles applications.
Par-dessus tout, soyez actif
Le bonheur aime l’action, et tous les philosophes disent qu’une sorte quelconque d’activité est nécessaire au bonheur. La vie exige qu’on travaille, mais pour être heureux il faut savoir rêver, faire des plans et des projets, agir et aller toujours de mieux en mieux.
L’indolence a un effet déprimant et laisse un sentiment de futilité. La plus grande satisfaction est celle qu’on éprouve après un grand effort. Nous en sommes payés par le plaisir, le repos et la récréation ; mais quand vient le soir, demandons-nous : « Qu’ai-je accompli dans ma journée ? »
Il est bon de tempérer l’enthousiasme qui nous pousse à faire oeuvre utile par le bon sens, l’art et la discrétion. Réfléchissons longuement et froidement avant de nous laisser emporter par l’inspiration du moment. Brahms dit que la plus grande partie de la mauvaise musique est due à la hâte des compositeurs qui s’imaginent que toutes les notes tracées par leur plume d’oie fait partie d’un chef-d’oeuvre. Mieux vaut nous contenter de faire moins et bien, que de nous engager fébrilement dans une oeuvre qui ne saurait être, au plus, que médiocre.
C’est folie d’entreprendre l’impossible. Nous n’avons qu’à envisager les faits, connaître notre fort et notre faible, appliquer notre intelligence et choisir ce qui convient à notre nature et notre capacité.
Confiance en soi
C’est ainsi qu’on acquiert la confiance en soi. L’homme qui a confiance en lui-même inspire confiance aux autres, à condition qu’il s’estime à sa juste valeur et qu’il sache bien se conduire.
Aucun succès n’est possible dans les affaires, les professions ou les arts, pour celui qui cherche conseil avant d’entreprendre quelque chose d’important. La confiance en soi est faite de nombreuses qualités : calme, disposition à faire face à la réalité et assumer la responsabilité, discipline, foi en son propre jugement, et habitude de prendre des décisions et de s’y tenir.
Il faut admettre que prendre une décision, ou, encore mieux, revenir sur une décision, est ce qu’il y a de plus grave dans la vie. « Il n’y a pas d’erreur en guerre ou politique, » dit Scott dans sa Vie de Napoléon, « plus commune que celle de manquer le bon moment d’agir », et cela s’applique également aux affaires. Celui qui s’habitue à prendre rapidement de fermes décisions, même dans les petites choses comme écrire une lettre ou être exact à un rendez-vous, est rendu plus heureux par le sentiment qu’il est capable de mener énergiquement ses projets à bonne fin.
Dès qu’il a mis un projet sur pied, il s’attaque à un autre. Pour lui, le bonheur ne consiste pas à imiter les autres, mais à avoir des idées originales et à faire des choses nouvelles.
Le bon choix
Ceux qui réussissent le mieux dans leur recherche du bonheur sont ceux qui ont une idée exacte de ce qu’ils vont faire avant de commencer. Il faut un but précis, concret et bien défini. Beaucoup de gens n’arrivent nulle part parce qu’ils ne savent pas où ils veulent aller.
Que cherchons-nous pour être heureux ? N’aspirons pas dès l’abord au suprême bonheur, mais préparons-nous à y arriver étape par étape. Notre premier plan n’est qu’un simple croquis d’une partie de l’ensemble.
Le choix d’une route ne nous transporte pas au bout. Il faut faire chaque pas du chemin. Cela nous fait laisser quelque chose en arrière et passer des paysages qui nous invitent à les contempler. Chaque pas en avant comporte un gain et une perte, et c’est une condition inexorable à laquelle il faut se résigner en faisant notre choix. Mais le bonheur de celui qui va droit au but qu’il s’est fixé est beaucoup plus grand que le bonheur de celui qui trouve le plaisir sans faire aucun sacrifice.
Le choix d’un but exige de la sagesse et beaucoup de réflexion. Il vous fait éviter les discussions inutiles et concentrer votre esprit sur les affaires importantes.
Le bon jugement nous aide à connaître nos points forts et nos points faibles. Il nous dit quand il faut agir et quand il faut réfléchir, quand il faut nous hâter et quand il faut aller lentement. Quand le timide Adamanthe dit : « Ceux qui se lèvent avant le signal sont fouettés, » Thémistocle lui répondit : « Oui, mais ceux qui sont en retard ne sont pas couronnés. »
La sagesse ne voyage pas dans les ornières, mais elle va de tous côtés à la recherche de la vérité. Il lui arrive de mettre en doute nos plus chères croyances et de nous faire demander : « Comment ai-je pensé à cela ? » Plus nous réfléchissons, moins nous sommes portés à nous montrer intolérants, parce que nous trouvons que rien n’est absolument bon ou vrai, et rien absolument mauvais ou faux.
Un bon choix exige notre plus grande concentration d’esprit. La distraction est un mauvais défaut. On ne devrait jamais prendre une décision quand on a d’autres choses à l’esprit. Il nous arrive souvent de détourner notre attention d’une chose juste assez pour nous occuper d’une autre. Ce manque d’attention ne produit jamais de bons résultats. Il prive nos conclusions de la netteté qui caractérise les jugements des grands esprits.
La concentration nous aide à mener un travail physique ou intellectuel à bonne fin. C’est le secret du succès d’hommes comme Léonard de Vinci, qui était sculpteur, musicien, architecte, mathématicien, ingénieur, et peintre de l’immortelle Mona Lisa, et comme le Dr Wilder Penfield, chirurgien de renommée internationale, savant, directeur de recherches, premier « cartographe » du cerveau humain, et auteur de No Other Gods. Tous les hommes de nombreux talents possèdent au plus haut degré le don de concentrer entièrement leur esprit sur une seule action, un seul problème, une seule idée et oublier tout le reste.
En choisissant notre route vers le bonheur, n’oublions pas que cela demandera du courage. Quand nous refusons d’accepter un sort insipide au lieu du bonheur, nous portons un défi à la vie. Nous faisons un geste d’héroïsme. Nous affirmons que nous sommes capables de garder le cap dans la direction que nous nous sommes tracés et, en quelque sorte, nous lançons le vaisseau dans d’inévitables tempêtes.
Aides au bonheur
Certaines choses rendront notre recherche du bonheur moins difficile, quoique jamais facile. Les bonnes habitudes, par exemple, nous aideront à nous débarrasser de petites besognes matérielles et intellectuelles pour nous permettre de consacrer notre vigueur physique et morale à la grande tâche de notre existence.
La civilisation avance à mesure que nous faisons plus de choses importantes sans avoir besoin d’y penser. Ce qui devient une habitude économise le temps et l’énergie, nous accoutume a expédier les tâches déplaisantes, à devenir ponctuels et détester les tergiversations et, en général, nous rend libres de consacrer notre entière attention aux choses importantes.
Il est bon d’adopter un système qui simplifie les tâches routinières et qui nous délivre de la nécessité de prendre chaque jour les mêmes décisions d’ordre secondaire, mais il ne faut pas pousser l’habitude au point de s’en faire l’esclave. Quand les habitudes d’un homme deviennent sacrées et immuables, c’est le commencement de la vieillesse.
La santé est une partie essentielle du bonheur. Quand notre système nerveux déborde d’énergie, nous prenons plaisir à la dépenser et à nous remettre. Le manque de santé, ou l’abus du plaisir au delà de nos forces, cause des soucis.
En gardant l’équilibre dont on parle si souvent entre le gain et la perte d’énergie, les émotions, le sens social et les autres forces qui exercent une influence sur notre bonheur, nous découvrons les bienfaits de l’empire sur soi-même. Il n’y a jamais eu, et il ne peut y avoir, de bonne existence sans empire sur soi-même, a dit Tolstoy.
Il ne suffit pas de faire extérieurement preuve de sang-froid. Au fond de nos cellules et fibres nerveuses, les molécules tiennent compte de chaque infraction. Rien de ce que nous faisons n’est jamais effacé. Les émotions que nous laissons bouillonner sous une apparence tranquille laissent leur marque dans le registre et nous devons en rendre compte au débit ou au crédit.
On se moquera peut-être de l’idée qu’un homme absorbé dans la finance, les affaires, sa profession ou l’industrie, ferait bien de réfléchir à tout cela. Il est en train de penser toutes les heures de la journée, dira-t-on. Mais ce n’est pas de la réflexion.
Être assis bien tranquille dans une chambre, seul avec ses pensées, ou en compagnie d’une personne qui partage vos goûts et vos idées, dans une atmosphère de calme et de contentement, c’est déjà là un bonheur et l’augure de plus de bonheur à venir.
Ce qu’il faut faire
De même qu’un homme d’affaires compare le doit et l’avoir d’aujourd’hui avec ceux d’hier et fait des plans pour le lendemain selon l’état de ses comptes, il ne tient qu’à nous d’en faire autant dans les affaires de la vie.
La lecture de livres ou d’un essai comme celui-ci ne remplacera jamais un candide examen de ce que vous avez fait dernièrement et de ce que vous allez faire. Celui qui se laisse vivre ou qui fait son travail sans réfléchir où il va ni d’où il vient, est peut-être content de son sort, mais c’est un bien pauvre contentement.
Cet inventaire personnel est un facteur important, sinon essentiel, dans la recherche du bonheur. Le philosophe grec a dit : « Connais-toi toi-même » ; le philosophe romain est allé plus loin et a dit : « Sois toi-même » ; et Saint-Paul a touché la vraie corde en disant : « Ne néglige pas le don qui est en toi. »
C’est la connaissance de ce clair objectif et sa capacité d’organisation qui permet au chef d’entreprise de bien conduire ses affaires ; c’est le sentiment d’avoir le pied sûr qui donne confiance au réparateur de cheminées ; c’est la connaissance de soi-même, mère du perfectionnement, qui conduira les jeunes diplômés de l’année dans la voie du bonheur.
Il convient de garder de justes proportions dans cet examen de soi-même et de ne pas trop regretter le passé ni trop espérer de l’avenir.
La vie en société
Nous ne sommes jamais seuls dans la vie. Nous vivons dans un enchevêtrement de familles, de bureaux, d’usines, de groupes et d’obligations. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous suffire. Une machine qui ne gagne que ce qu’elle coûte n’a aucune valeur. Il faut faire une contribution à l’ensemble pour être heureux.
Le Dr N. V. Peale cite la recette suivante dans son livre The Power of Positive Thinking : Le moyen d’être heureux ? bannissez la haine de votre coeur, les soucis de votre esprit. Vivez simplement, espérez peu, donnez beaucoup. Aimez tous vos semblables. Répandez la joie autour de vous. Oubliez-vous vous-mêmes, pensez aux autres. Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit. Essayez cela une semaine et vous serez surpris des résultats.
L’égoïsme ou l’amour de soi est le pire de tous les défauts. Il nous empêche de nous adapter à notre milieu social. Notre vanité nous fait dédaigner l’estime et les éloges que nous pourrions mériter. Celui qui a une idée exagérée de sa propre importance ressemble à la Mouche du Coche qui « pensait à tout moment qu’elle faisait aller la machine. »
Il faut gagner le bonheur
Il n’y a pas de train pour le bonheur. C’est une destination à laquelle on arrive à pied par le chemin qu’il faut découvrir soi-même. Il faut lutter et travailler pour toutes les bonnes choses de la vie, y compris le bonheur et, comme dit le poète : « À vaincre sans péril on triomphe sans gloire. »
La condition nécessaire à la conquête du bonheur, dans la société, les affaires ou les professions, est le contraire de l’inertie, et le hasard y entre pour peu. C’est la volonté qui compte. Les éléments qui contribuent au bonheur, comme la santé, la richesse, l’honneur et le succès, sont neutres en soi. Ils sont bons ou mauvais selon l’usage qu’on en fait. Ils sont inutiles quand on ne sait pas s’en servir ou stériles quand on s’en sert mal.
La recherche du bonheur n’est pas faite pour les Lotophages qui vivent dans l’inaction et l’oubli. Mais il ne faut pas non plus aller trop vite. Aucun artiste ne peut peindre le monde entier sur une seule toile ; il se contente de remplir le cadre de son tableau.
Les principes qui gouvernent notre vie, dans les affaires et la société, sont la partie la plus importante du bonheur. Il faut faire attention, en arrivant au bonheur, de ne pas perdre les qualités auxquelles nous le devons. Le jeune homme qui réussit dans sa carrière fera bien de ne jamais oublier la prudence, la modération et la bonté qui ont contribué à son succès.
Quant à ceux qui sont partis depuis longtemps des écoles et des universités à la recherche du bonheur, ils ont la consolation de ne pas désespérer du bonheur, malgré tous les dangers qui le menacent. Tout le monde possède, ou est capable d’acquérir, la faculté de profiter de ce qui lui arrive. À la fin de la journée, quand on peut dire qu’elle a été bien employée, que ce n’est pas du temps perdu, et qu’on est content de vivre parce qu’il y a un lendemain, est-ce là, peut-être, le bonheur ?