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Il devient de plus en plus nécessaire pour le commun des mortels de dire “quelques mots” en public. Or le trac fait trembler de nombreux orateurs. Le secret des bons discours et de la victoire sur l’angoisse face au public  : une préparation minutieuse.

Un nombre croissant de personnes doivent parler en public. Aux discours habituels, tenus dans le cadre de clubs et de diverses organisations sociales, s’ajoutent d’autres occasions qui obligent à affronter un auditoire.

Citons par exemple la coutume touchante, qui connaît un regain de faveur, des éloges funèbres et des textes lus ou des paroles prononcées par les participants à un mariage moderne. Jadis, seuls les cadres supérieurs étaient tenus, de par leurs fonctions, de donner un discours ou une présentation. Aujourd’hui, presque tout le monde est amené à prendre la parole devant un cercle de qualité ou un autre groupe du même ordre.

Les cadres qui autrefois pouvaient s’occuper de leurs affaires en toute quiétude doivent désormais parler à des groupes d’analystes financiers, à des spécialistes de la réglementation ou à des leaders communautaires pour leur expliquer les politiques de l’entreprise et promouvoir les intérêts de leur secteur. L’art oratoire est inclus dans leur description de tâches, qu’ils le veuillent ou non.

Or beaucoup ne le veulent pas. Le manque de sincérité le plus flagrant dans un discours est souvent la petite phrase qui exprime « le plaisir d’être parmi vous », alors que n’importe quel autre coin de la terre semble à ce moment précis bien préférable ! Pourtant il est indéniable qu’un discours peut être une source de vif plaisir pour l’orateur comme pour l’auditoire, lorsque préparé avec soin.

Premier impératif : vaincre la peur de se produire en public. Cette appréhension est aussi vieille que l’Ancien Testament lui-même. Jérémie n’objectait-il pas qu’il était trop jeune pour prêcher et Moïse qu’il n’avait pas la langue suffisamment déliée pour prendre la tête des Israélites ?

Les psychologues modernes expliquent le trac par la peur d’être humilié par des critiques ou l’échec. Pour se protéger contre cette blessure psychologique, l’être humain se prépare instinctivement à « fuir » ou à « se battre ».

Face à une menace, notre organisme se prépare à la fuite, nos muscles se tendent au point de trembler, notre visage pâlit alors que notre peau se vide de sang pour réduire les saignements en cas de blessure, le coeur bat fort, accélérant la circulation sanguine afin d’accroître la résistance de l’organisme.

Dans le même temps, nos glandes déversent de l’adrénaline dans le sang, nous rendant plus vigilants et énergiques. Nous avons la bouche sèche pour ne pas être étouffés par un excès de salive. Comme chacun sait, les orateurs se raclent souvent la gorge.

Toutes ces manifestations sont typiques du stress. Comme l’a déclaré Hans Selye et ses disciples, le stress est une puissante force positive si on sait l’exploiter.

Lorsque l’on parle en public, le stress, en tendant l’esprit, confère un surcroît de dynamisme à la prestation de l’orateur. Nombre d’acteurs et d’actrices chevronnés affirment que, sans le trac, ils ne pourraient maintenir le niveau d’intensité voulu.

La première chose que devrait savoir l’apprenti orateur est que personne, ou presque, n’est à l’abri du trac. Les timides pensent être particulièrement handicapés, même s’ils cachent bien leur embarras. En fait, nombre de personnes sont tout aussi timides et le dissimulent tout aussi bien.

Même les orateurs les plus célèbres avaient les jambes flageolantes la première fois qu’ils parlaient en public. Un Gallois éloquent, David Lloyd George fut l’un des dialecticiens parlementaires les plus persuasifs du 20e siècle, un orateur dont le charisme lui valut d’accéder au poste de premier ministre. Or, raconte-t-il, «  la première fois que j’ai pris la parole en public, j’étais dans tous mes états. La langue collée contre le palais, mes paroles me restaient dans la gorge. »

L’expérience aidant, Lloyd George apprit à surmonter son angoisse. D’autres ne parviennent qu’à la maîtriser. Si vous êtes parmi eux, rassurez-vous. Votre auditoire est bien moins conscient que vous de votre émoi.

Le tremblement de votre voix qui résonne tel le tonnerre dans votre tête est à peine perceptible, comme le confirmeront des amis présents dans l’auditoire.

Soyez vous-même, mais en mieux

Même si votre nervosité est manifeste, votre auditoire ne vous en tiendra pas rigueur. « Les auditeurs », affirme Arnold Zenker dans son ouvrage publié en 1983 intitulé Mastering the Public Spotlight « veulent voir en vous un gagnant. Pensez à la dernière présentation à laquelle vous avez assisté. Vouliez-vous voir trébucher l’orateur ? Bien sûr que non. »

Une fois que vous avez accepté qu’un certain degré de nervosité est normal, vous pouvez appliquer les méthodes visant à la contrôler, notamment les exercices de respiration. L’oxygène calme et une respiration volontairement lente ralentit les battements du coeur.

Les mouvements physiques recommandés avant de se produire en public ressemblent aux exercices d’échauffement de l’athlète : mouvements des doigts et des doigts de pied, rotation du cou, mouvement latéral de la mâchoire.

Les athlètes se préparent également mentalement avant d’entrer en lice. Lorsqu’ils attaquent avec impétuosité, ils mettent inconsciemment en pratique la théorie du psychologue William James selon laquelle les actes évoquent des sentiments. James estime qu’en prenant délibérément une attitude courageuse, « la bravoure remplacera la peur. »

C’est également l’avis de Dale Carnegie exprimé dans son livre Comment parler en public et influencer les gens dans les affaires. Le titre est en soi tout un programme. Un grand nombre d’hommes et de femmes se sont débarrassés des tourments de la timidité en suivant des cours d’art oratoire. Ceux qui ont l’habitude de s’adresser à des groupes ont un air assuré qui, en leur donnant de l’ascendant, facilite les rencontres avec les étrangers, les rend influents au milieu d’un groupe et font d’eux de meilleurs leaders.

Carnegie conseille aux orateurs de se montrer pleins d’assurance, même s’ils tremblent en leur for intérieur : « Avancez bravement, arrêtez-vous et donnez l’impression d’être ravis de vous adresser à un public. Redressez-vous, regardez les spectateurs droit dans les yeux et parlez avec confiance, comme si chacun d’eux vous devait de l’argent. Imaginez qu’ils se sont rassemblés pour vous supplier de leur accorder un délai. »

Si vous êtes nerveux en dépit de votre maintien, ne le montrez pas. Pour vous détendre, remuez mine de rien les doigts derrière votre dos ou serrez une pièce de monnaie dans votre paume.

Face à un public, les apparences sont plus importantes que partout ailleurs, à commencer par l’apparence physique. « Si Cicéron avait parlé une couverture sur les épaules », a déclaré Joseph Addison, «  on se serait moqué de sa tenue au lieu d’admirer son éloquence. »

Vous devez soigner votre tenue pour un discours tout comme vous le feriez pour un mariage ou tout autre événement social. Votre tenue doit être appropriée. Les vêtements d’un orateur ne doivent pas être voyants ou trop élégants, ce qui détournerait l’attention de ses propos.

Ceux qui affectionnent les attitudes théâtrales doivent se tempérer pour ne pas distraire leur auditoire. Mais les gestes étant l’expression de la personnalité, vous seriez, ou paraîtriez, mal à l’aise si vous les supprimiez totalement.

Un discours doit constamment défricher de nouvelles idées

Pourtant, ne vous laissez pas emporter par votre naturel. Vous devez être conscient de vos gestes et les utiliser à bon escient. Lors de rassemblements religieux ou politiques, les orateurs qui semblent souvent très passionnés contrôlent parfaitement leur moindre geste.

À moins d’être un comédien ou un démagogue prêchant la révolte, soyez digne. Le respect inspiré par votre maintien incitera à respecter vos paroles.

Soyez vous-même, mais en mieux. Si vous avez tendance à manger vos mots, articulez clairement. Si normalement vous parlez vite, prenez votre temps.

C’est le moment où jamais de vous tenir droit, la poitrine bombée et le ventre rentré. Pressez la nuque contre votre col. Une telle pose non seulement vous donnera de la prestance mais, en augmentant votre capacité pulmonaire, vous aidera à contrôler votre respiration.

Un vieux pasteur m’a dit un jour que, dans son métier, l’oxygène était la meilleure chose après la grâce de Dieu. L’orateur avisé, devant son public prêt à l’écouter, commence par respirer profondément, évitant ainsi l’un des pièges de l’art oratoire : parler sans avoir suffisamment d’air dans les poumons. Se trouver à bout de souffle en pleine envolée est terriblement embarrassant.

Le ton de la voix dépend de la respiration; il résulte de l’expulsion d’air dans le larynx. Le contrôle de ce flot d’air (d’où la nécessité d’en stocker dans vos poumons) permet de projeter la voix, quel qu’en soit le registre.

S’il est difficile de modifier le timbre de sa voix, on peut apprendre à la moduler. Comme pour le chant, le contrôle de la respiration détermine les variations de volume et l’intonation. Rien n’endort plus un auditoire qu’une voix monocorde.

Un philosophe grec, environ 600 ans avant notre ère, remarqua que le sens du rythme était le secret de toute chose. En ce qui concerne les discours, cette observation tient toujours. Pauser à des moments bien choisis, ralentir, accélérer, varier son débit maintiennent l’intérêt et évitent d’endormir son auditoire. Avec un peu de flair oratoire, même les longs discours restent passionnants.

Imaginez que vous vous adressez à votre famille

En règle générale cependant, la qualité d’un discours est inversement proportionnel à sa longueur. L’orateur, pareil au laboureur consciencieux, doit constamment renouveler ses approches pour riveter l’attention des auditeurs. Le moment arrive où, immanquablement, leur attention s’égare. Les rédacteurs de discours professionnels affirment qu’on ne peut la maintenir plus de 20 minutes.

« La profondeur recherchée par les orateurs s’exprime trop souvent par la longueur » écrit Montesquieu. Un discours long et superficiel est souvent le signe d’un manque de préparation. Abraham Lincoln expliqua un jour qu’il lui fallait deux semaines pour rédiger un discours de 20 minutes, une semaine pour une allocution de 40 minutes et qu’il pouvait, s’il improvisait, parler facilement pendant une heure.

L’orateur doit se plier à trois règles, selon Alexander Gregg, évêque américain : Premièrement, entrer dans le vif du sujet, deuxièmement intérioriser le sujet et, enfin, intéresser l’auditore à ce sujet. » À noter que seul le troisième conseil porte sur l’exécution. Un bon discours ressemble à un iceberg; la partie visible n’est qu’une faible portion de la masse énorme des recherches, de la rédaction et des répétitions, c’est-à-dire de la préparation.

« En rédigeant, pensez davantage à la matière qu’au style », recommande un éminent avocat américain, William Wirt. Selon les écrivains, plus la matière disponible est abondante, plus il est facile de mener sa tâche à bien. Dans le domaine des recherches, l’excès est préférable au manque. Une documentation excessive, tout compte fait, leur facilite la tâche. Si leur discours traite d’idées plus que de statistiques, plus ils auront lu et réfléchi, mieux ils sauront les exposer.

L’idéal serait de mémoriser chaque mots. Mais qui en a le temps ?

Le seul inconvénient d’un discours riche en faits et en idées est peut-être qu’il sera trop dense. Pour l’alléger, utilisez un langage familier; imaginez que vous vous adressez à votre famille. Si le sujet s’y prête, ponctuez-le de pointes d’humour. Mais, attention, laissez le monologue comique aux professionnels. Rien n’est pire qu’une plaisanterie qui tombe à plat. Provoquez le soutire, non le gros rire.

En écrivant un discours, comme d’ailleurs tout autre texte, soyez clair. Utilisez des mots qui font partie du vocabulaire de votre auditoire. Soyez simple, évitez le jargon professionnel sauf si les personnes présentes peuvent comprendre chaque mot prononcé.

Les discours sont différents des autres textes. Vu leur nature éphémère, les répétitions ne sont pas à abhorrer.

Citons un vieil et sage adage relatif aux discours : « Dites ce que vous allez dire, puis dites-le; redites ensuite ce que vous venez de dire. » Il ne s’agit pas exactement de répéter la même chose mais d’ajouter, chaque fois que vous reprenez le même thème, de nouveaux éléments, de nouvelles idées, de nouvelles perspectives.

« Un discours est pareil à une histoire d’amour. N’importe qui peut la commencer mais la finir exige beaucoup de finesse », écrit avec humour Lord Moncroft. Il est difficile de juger quels sont les pires orateurs, ceux qui terminent sans crier gare ou ceux qui ne savent s’arrêter.

L’assurance acquise enrichit toutes les facettes de la vie

La fin d’un discours exige un soin particulier, car les dernières phrases restent gravées dans la mémoire des auditeurs. Une bonne péroraison résume les points essentiels en un savant crescendo qui laissera un message résonnant dans les oreilles des spectateurs.

Aucune formule ne dicte la conclusion d’un discours, mais travaillez -la jusqu’à ce que votre message soit percutant. Mémorisez le dernier paragraphe et regardez votre auditoire droit dans les yeux à ce moment crucial.

L’idéal serait d’apprendre tout le discours par coeur et de répéter avec l’aide d’un magnétophone ou d’un magnétoscope. Des manuels pratiques conseillent à l’orateur, s’il n’a pas entièrement mémorisé son discours, d’improviser en s’appuyant sur des notes destinées à s’assurer que rien n’est oublié et que l’allocution progresse logiquement point par point.

Ces manuels déplorent souvent la pratique de lire les discours, ce qui nuit à la spontanéité et au naturel. Ils dépeignent l’orateur la tête penchée sur ses feuilles de papier, bafouillant comme un écolier.

Le fait est que le commun des mortels n’a ni le temps, ni la formation, ni la capacité de mémoriser de longs morceaux de prose. Il n’a pas non plus l’esprit suffisamment vif pour improviser sans pousser des « heu » et des « hum », sans user de lieux communs, sans se répéter ou s’écarter du sujet. Il sera plus efficace en rédigeant et en lisant son discours.

En pratique, les discours très détaillés, ou qui expliquent avec précision une politique soigneusement élaborée, doivent être couchés sur papier par souci d’exactitude. Le fait de lire un discours ne nuit pas nécessairement à son impact. Winston Churchill, orateur puissant s’il en est, écrivait intégralement ses discours sur des bouts de papier. Il ajoutait même des directives telles que « bégayer », « se corriger », « chercher ses mots ».

Churchill utilisait ce qu’on appelle « la méthode de la pelle mécanique ». Une pelle mécanique ramasse une grande quantité de terre à la fois pour la déverser dans un camion. Ainsi, une personne qui lit un discours peut mémoriser certaines phrases de son texte pour ensuite les prononcer en regardant son auditoire avec naturel. Avec de la pratique, elle pourra éventuellement réciter des paragraphes entiers sans baisser les yeux.

Bien que destiné à être lu, un discours n’en exige pas moins une préparation minutieuse. Il doit être organisé, s’appuyer sur des faits et être rédigé avec autant de rigueur qu’une dissertation scolaire.

Et il doit être répété, à haute voix, pour s’assurer qu’il sonne bien. La parole n’est pas le mot écrit et un texte, avant d’être lu, doit être travaillé pour produire l’effet désiré.

L’échec d’un discours n’est pas généralement dû au trac, à un manque de technique ou à l’apparence de l’orateur, mais au fait qu’il a été rédigé à la dernière minute et donné sans être répété.

L’orateur éloquent est celui qui a consacré de longues heures à la préparation de son discours. Prendre la parole en public ne devrait susciter aucune nervosité chez celui qui connaît son sujet et sait ce qu’il veut dire.

La confiance en soi est la moitié de la victoire et ne s’acquiert qu’à force d’efforts et de volonté. Dur labeur, certes, mais qui en vaut la peine. Vous vous rendrez vite compte que l’assurance acquise dans la pratique de l’art oratoire enrichit toutes les facettes de votre vie.