Skip to main content
Download the PDF Version

La vente a souvent été décrite comme un art et c’était peut-être le cas autrefois, quand elle demandait plus de talent que de connaissances. Mais notre époque, qui est celle des spécialistes en tout genre, exige une approche hautement professionnelle…

Vendre, c’est persuader et, dans ce sens, c’est une activité que tout le monde pratique. C’est vanter quelque chose de manière que les gens aient envie de l’accepter ou d’y consentir. C’est ce que nous faisons chaque fois que nous exprimons une opinion ou que nous nous efforçons de faire bonne impression. De ce point de vue, on comprend l’Américain qui parle carrément de « vendre » sa personnalité ou ses idées.

Cette activité est fondamentale dans notre société. Un homme et une femme s’unissent pour fonder un foyer parce qu’ils ont su se plaire l’un l’autre. Les gens travaillent parce qu’ils ont réussi à convaincre un employeur qu’ils pouvaient lui être utiles. Les politiciens sont élus parce qu’ils ont persuadé l’électorat de la justesse de leurs vues. Et pour prôner l’honnêteté et la décence à leurs ouailles, les pasteurs ont recours aux techniques des vendeurs.

La vente est également le moteur de l’économie. Tout ce qu’on produit, depuis les énormes nachines à papier jusqu’aux trombones, est fait pour être vendu. Un produit qui ne se vend pas est un produit gaspillé. Et le gaspillage fait baisser la productivité, entraîne du chômage et appauvrit le pays.

La vente joue un rôle décisif à chaque stade du processus économique. Prenons le trombone mentionné plus haut. C’est d’abord le minerai de fer qui a été vendu à une aciérie, puis l’acier qui a été vendu à un fabricant de trombones ; le fabricant a vendu le produit fini à un marchand de fournitures de bureau qui, lui, l’a vendu à l’utilisateur. On pourrait s’en servir maintenant pour attacher un dépliant publicitaire à une lettre dans laquelle on essaierait de vendre autre chose.

Et il faut bien d’autres transactions du même genre pour amener cet article minuscule à destination. Le minerai de fer peut être transporté par un bateau dont les services ont été vendus à l’aciérie. Le fabricant achète des boîtes pour emballer son produit et des camions pour le livrer. Depuis le mineur qui extrait le minerai du sol jusqu’à la sténodactylo qui attache le dépliant à sa lettre, tous les gens qui participent à cette chaîne d’événements doivent leurs emplois à cette activité commerciale.

C’est le vendeur qui relie entre eux les maillons de cette chaîne. Dans le cas de notre trombone, si toutes ces liaisons n’avaient pas été faites, on aurait pu tout aussi bien laisser le minerai dans sa gangue. Donc, aussi longtemps que rien n’est vendu, l’économie reste au point mort. Sauf en cas de fraude pure et simple, chaque vente joue un rôle dans l’ordre économique.

Vendre, c’est persuader les gens d’acheter des biens ou des services essentiels ou non. Le vendeur est donc bien placé pour aider l’acheteur à satisfaire ses besoins ou ses désirs. On pourrait penser évidemment que si quelqu’un a vraiment besoin de quelque chose, il n’a pas à être persuadé de l’acheter. Mais dans une économie comme la nôtre, la commercialisation des biens et services qui répondent aux nécessités de l’existence suppose plusieurs activités.

Lorsque les gens vont acheter de la nourriture, par exemple, ils trouvent sur les rayonnages une grande variété de produits. Les choix qu’ils font alors sont influencés par la publicité, l’emballage, le prix et les étalages.

Tout en achetant ce dont ils ont besoin en fait d’aliments, ils achètent aussi ce qu’ils veulent puisqu’ils peuvent choisir entre divers produits. Ce sont les techniques marchandes – importantes activités accessoires de la vente – qui ont transformé un besoin indéterminé en un désir bien précis.

Pourquoi payer pour la marque X plutôt que pour la marque Y ?

Et c’est au vendeur de susciter cette préférence pour un produit donné. La tâche n’est pas facile puisque l’article qu’il veut écouler est presque toujours en concurrence avec d’autres articles comparables sous le rapport de la présentation, de la qualité et du prix.

La réputation du fournisseur et de la marque de commerce influe fortement sur la décision de l’acheteur. Mais cette réputation est une fraction seulement de la valeur globale que représentent les diverses qualités du produit ou du service offert. Toutes choses égales d’ailleurs, le vendeur qui peut trouver le plus d’arguments en faveur de son produit est celui qui obtient le plus grand nombre de commandes.

C’est le cas tout particulièrement de l’activité qui précède l’arrivée d’un produit au niveau du détail. Acheteurs professionnels, marchands et cadres industriels veulent connaître tous les avantages et les caractéristiques d’un article avant de payer pour la marque X plutôt que pour la marque Y.

C’est dire que pour réussir à vendre un produit ou un service quelconque, il faut s’appuyer sur une information complète et exacte. C’est là une condition tellement élémentaire qu’on ne peut comprendre que tant de vendeurs semblent l’ignorer.

Dans un livre publié récemment aux États-Unis, une société de recherche commerciale rendait compte d’un sondage effectué auprès des acheteurs des grandes entreprises industrielles. Selon la majorité des répondants, moins de 20 pour cent des vendeurs qui se présentent connaissent sur le bout du doigt les produits qu’ils essaient de placer.

Cette constatation trahit l’incompétence qui règne dans le domaine de la vente. Comment expliquer un tel manque de professionnalisme à une époque où la concurrence est aussi vive ?

Peut-être en partie par le fait qu’en dépit de son rôle central dans notre économie, la vente n’a jamais eu le prestige qu’elle mérite. Dans une société qui ne prend pas la vente au sérieux, ceux dont c’est le métier ne sont guère portés à y mettre le meilleur d’eux-mêmes.

La vente n’a jamais eu le prestige qu’elle mérite

Même les compagnies qui emploient des vendeurs attachent souvent peu d’importance à leurs services. Il n’est pas rare qu’on dise à une nouvelle recrue : « Nous allons vous donner un poste au service des ventes pendant quelques années jusqu’à ce que vous soyez prêt à passer dans un autre service. » Le message est clair pour tout le monde : la compagnie ne considère pas la vente comme une carrière de première classe qui pourrait être permanente.

Par ailleurs, le peu de considération qu’inspirent généralement les vendeurs est bien connu, et les plaisanteries dont ils font l’objet sont presque toujours teintées de parti pris. Au cinéma comme dans les livres, le vendeur est peint sous les traits d’un baratineur à l’élégance tapageuse, plus rusé que scrupuleux.

Pour caricatural qu’il soit, ce portrait contient une part de vérité. Le métier a effectivement été illustré dans le passé par des gens mal habillés et mal embouchés, roublards comme personne. Souvent leur éducation laissait à désirer, mais c’était sans conséquence puisque les acheteurs auxquels ils avaient affaire étaient pour la plupart du même calibre qu’eux.

La vente à l’esbroufe est de moins en moins efficace

Les temps ont changé. Anciennement, un vendeur n’avait aucune difficulté à connaître ses produits à fond, ceux-ci étant raisonnablement simples. S’il vendait des machines-outils, par exemple, les tours et les perforatrices mécaniques illustrés dans son catalogue n’avaient probablement pas changé pour la peine en 30 ans.

Aujourd’hui, par contre, les machines-outils sont commandées par calculateur. L’acheteur est vraisemblablement un ingénieur mécanicien ou un informaticien ou les deux. À l’allure où progresse la technologie, une machine peut changer radicalement d’une année à l’autre. Les producteurs introduisent tous les ans des modèles dotés de nouvelles caractéristiques.

La complexité des produits, le rythme prodigieux du développement, la compétence technique des acheteurs sont autant de facteurs qui font que les anciennes méthodes de vente sont périmées. La jovialité bruyante et les paroles creuses ont fait leur temps. L’amateurisme est en train de s’effacer devant un nouveau type de professionnels qui sont, plus que des vendeurs, des spécialistes dans leurs branches respectives.

Ces nouveaux professionnels de la vente ont trois points communs : ils font passer l’intérêt des clients avant le leur, ils connaissent leurs produits à fond et leurs techniques de vente sont irréprochables. Ce qu’ils recherchent, ce n’est pas tant une grosse commande occasionnelle comme la possibilité d’établir des relations d’affaires durables avec leurs clients. Ils ont compris que la seule transaction rentable est celle qui satisfait à la fois l’acheteur et le vendeur.

En d’autres termes, ils n’essaient pas de manipuler les acheteurs éventuels dans le seul but de grossir leurs chiffres d’affaires. Les « manipulateurs » sont des gens qui exploitent les autres plutôt que de chercher à les aider, qui essaient de leur faire acheter des choses dont ils n’ont pas besoin, qui font tirer des ficelles par leurs relations sociales ou leurs relations d’affaires, qui ont recours à des tactiques douteuses – contre-vérités ou pulsions dégradantes – pour convaincre.

Comme les praticiens des autres domaines, les vendeurs doivent observer rigoureusement la déontologie de leur métier et se tenir au courant des derniers développements survenus dans leurs spécialités. Contrairement à l’idée reçue, on aurait plus de chances le soir de les trouver chez eux en train de lire une revue professionnelle qu’attablés dans un restaurant avec un client.

Le professionnalisme suppose des efforts constants pour s’améliorer. Les gens qui dirigent des cours de perfectionnement sont tous d’accord pour dire que c’est généralement la capacité de communication qui fait le plus défaut. Les vendeurs qui aspirent au titre de professionnels devraient prendre des mesures concrètes pour apprendre à parler, à écouter et à rédiger lettres et rapports avec compétence.

La psychologie est une autre matière que les vendeurs feraient bien d’étudier. Toute décision est influencée par des facteurs psychologiques qui dépendent de la personnalité. Avec quelques notions de psychologie, on arrive à distinguer assez aisément si l’on a affaire à une personne impulsive ou réfléchie, à un émotif ou à un esprit analytique ; on peut alors adapter sa présentation à l’interlocuteur.

Frank W. Woolworth, fondateur de la chaîne de magasins à prix unique qui porte encore son nom, a déjà dit qu’il ne vendait pas, mais qu’il faisait seulement en sorte que les gens puissent acheter facilement. C’est exactement ce que font les vendeurs qui connaissent les ressorts de la motivation. Les humains étant mûs par le besoin d’exprimer leur personnalité, de tenir leur place dans la société et de conserver leur propre estime, celui qui le comprend peut faire des ventes et répondre en même temps aux besoins des clients.

Nous ne prétendons pas qu’un vendeur affairé doive être en plus un psychologue accompli, mais il est certain que pour exceller dans la vente, il faut posséder au moins les rudiments de la psychologie, quitte à lire quelques ouvrages sur le sujet ou à s’inscrire à un programme d’éducation permanente pour suivre des cours.

Le rejet, vexation courante dans la vie d’un vendeur

S’il est important pour les vendeurs de connaître la personnalité de leurs clients éventuels, il est encore plus important pour eux de se bien connaître. Ceux qui réussissent le mieux sont tout aussi conscients de leurs avantages, de leurs points faibles et de leurs particularités que de ceux de leurs produits, des produits concurrents et de leurs clients.

Une auto-analyse sans complaisance permet de déceler et de maîtriser les traits de caractère qui nous desservent. Par exemple, le raisonneur qui ne peut s’empêcher de répliquer à tout ce que disent les clients pourrait normalement s’attendre à manquer bien des ventes.

La connaissance de soi est plus utile dans la vente que dans toute autre occupation, à cause de l’usure psychique qui est inhérente à ce métier. Les vendeurs doivent apprendre à supporter sans dommages les vexations auxquelles ils sont constamment exposés. Ceux qui ne se surveillent pas peuvent glisser imperceptiblement dans un profond découragement après une série de rejets qu’ils interpréteront comme autant d’échecs personnels. Plus ils se découragent, moins ils travaillent ; moins ils travaillent, moins ils vendent, et moins ils vendent, plus ils sont découragés.

Devant les signes avant-coureurs du découragement, la personne lucide fera appel à la persévérance qui est depuis toujours la vertu cardinale des vendeurs. On dit que les gens persévérants commencent à réussir au moment où les autres abandonnent, et la chose se vérifie tant et plus dans les carrières les plus brillantes.

Faire carrière dans la vente, c’est accepter de travailler plus fort que la plupart des gens

Le fait de travailler seul est une raison de plus pour être vigilant. L’indolence et la propension à remettre les affaires à plus tard sont des faiblesses très répandues, tout simplement parce qu’à court terme il est plus facile de ne rien faire que d’affronter la réalité.

Tout travail autonome exige une forte discipline personnelle. Et la discipline personnelle suppose la connaissance de soi, car il faut voir clairement ses faiblesses pour les surmonter.

Le secret du succès réside dans la volonté de travailler. C’est quotidiennement que le vendeur doit faire preuve de discipline car, pour réussir, il doit se dépenser plus que la plupart des gens. Dans bien des cas, non seulement ses heures de travail sont-elles très longues, mais elles empiètent sur ses loisirs. Il doit, plus que d’autres, être prêt à des sacrifices pour faire avancer sa carrière.

Dans la vente comme dans toute autre profession, il faut donc de la détermination, le désir de s’améliorer et une intégrité à toute épreuve. C’est un domaine qui offre d’enviables gratifications morales et financières, mais où seuls peuvent réussir ceux qui sont prêts à lui consacrer leur vie et à en faire une profession réelle, avec toute l’application que cela suppose.