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Y a-t-il de la vie après les années de travail ? Oui, environ 2000 heures de plus par an. Ces heures seront vides ou remplies de satisfaction selon notre attitude envers nos années de retraite. L’« âge d’or » de la vie est une onde fugitive. Il faut savoir recueillir les précieuses paillettes de ce flot aurifère…

Pendant de longues années, les humains ont fait de leur mieux pour cheminer joyeux sur la voie de la retraite en se redisant sans cesse qu’il y avait au bout quelque chose de flou mais de merveilleux appelé l’« âge d’or ». Pendant des années aussi, ils ont ressenti une appréhension certaine de ce qui les attendait réellement à la fin du voyage. Ils craignaient de connaître l’ennui et la solitude durant les dernières années de leurs vie et peut-être même une existence malheureuse. Et trop souvent, cette crainte a contribué à sa propre réalisation.

Aujourd’hui, la conception de la retraite a changé, surtout parce qu’on la voit autrement. Les gens commencent à l’envisager avec confiance, voire avec enthousiasme. Ils semblent discerner devant eux des années qui pourraient vraiment être d’or. De plus en plus, ils obtiennent ce qu’ils entrevoient.

Les spécialistes de la question parlent d’une « révolution de la retraite ». Pour une part au moins, cette révolution est attribuable à la découverte du fait que les lacunes de nos techniques de recherche avaient faussé l’image classique de la vieillesse. Un brouillard de notions erronées s’est formé pour la simple raison que les chercheurs avaient effectué trop souvent leurs études dans les maisons de retraite. Naturellement, ces établissements sont d’un grand attrait pour les recherches car ils offrent une réserve presque illimitée de sujets ayant tout le temps de répondre aux questions.

Le piège est que les pensionnaires de ces institutions ne sont guère représentatifs des retraités en général. Ils ne forment que 10 p. 100 environ de la population à la retraite en Amérique du Nord. À cause de leur situation, ces pensionnés sont moins susceptibles que la majorité des personnes âgées d’être en forme et actifs. Les vieillards en bonne santé physique et mentale ont tendance à éviter le traditionnel hospice et à préférer la vie indépendante.

Ainsi s’est constituée une forte accumulation de recherches dont l’erreur était de trop souligner les servitudes de l’âge et d’en exagérer les incertitudes aux yeux des personnes approchant de la retraite. De vastes efforts ont maintenant été entrepris pour corriger cette méprise.

Ce qui a contribué aussi à modifier l’image du retraité, c’est qu’aujourd’hui la plupart des gens vivent plus vieux et sont en meilleure forme physique qu’autrefois. Grâce aux progrès de la médecine, ils ont des chances de gravir les derniers échelons de leur vie en meilleure santé que ne l’étaient leurs pères et leurs mères à cet âge.

Mais l’essence véritable de la « révolution de la retraite » est d’ordre psychologique. Un optimisme nouveau se répand au sujet de ce que l’avenir réserve aux personnes âgées. Il est maintenant permis de s’attendre à une retraite intéressante et fructueuse parce que l’on s’y prépare de plus en plus. Et l’on s’y prépare de plus en plus tôt dans la vie.

Si l’on creuse un peu la surface des idées noires qui subsistent sur la retraite, on découvre presque toujours la crainte sous-jacente de l’inconnu. En allant plus loin encore, on constate qu’habituellement l’avenir est inconnu faute de préparation. Et les gens ne le préparent pas parce qu’ils sont portés à exclure la retraite de leur pensée jusqu’à la dernière minute. Pourquoi ? Parce que, disent les spécialistes, on l’associe à la mort.

Ce lien avec la mort est assez juste chez les personnes qui connaissent une retraite malheureuse du fait qu’elles ont négligé de préparer leur 3e âge. Qui sait combien d’hommes et de femmes meurent prématurément parce qu’ils n’ont aucune envie ni raison particulière de vivre ? Le but de la préparation à la retraite n’est pas de vivre plus longtemps, mais de faire en sorte que cette dernière étape de la vie soit aussi épanouissante que possible. Reste que cet épanouissement peut s’accompagner de longévité en perpétuant la valeur de la vie.

Idéalement, la préparation à la retraite devrait avoir autant d’importance dans la vie que la préparation à la carrière ou aux études. Un grand nombre des habitants actuels des pays occidentaux passeront autant de temps sur cette terre après avoir cessé leur activité professionnelle qu’ils en ont passé avant de l’entreprendre. Une bonne manière d’envisager la retraite est de la considérer comme une phase de la vie soumise comme toute autre à notre action. Songeons à la question si souvent entendue dans notre enfance : « Qu’est-ce que tu vas faire quand tu seras grand ? » Alors, qu’est-ce que vous allez faire quand vous prendrez votre retraite ! »

Il faut de la réflexion et des essais pour le découvrir, et il convient de commencer à y penser dès la quarantaine. Un bon programme de retraite va bien au-delà des besoins financiers évidents de chacun. Il doit tenir compte des besoins psychologiques, sociaux et spirituels qui surgissent avec l’âge.

Considérons la différence que peut représenter la préparation pour occuper les loisirs du 3e âge par un second métier, les sports, les relations d’amitié. La perspective de manquer d’amis est un excellent exemple des faits désagréables de la vie à la retraite que certains choisissent de se dissimuler. Dans la société où nous vivons, les amitiés tendent à graviter autour de la profession. Que se passe-t-il lorsque quelqu’un ne travaille plus ? Sylvia McDonald, directrice du « Centre de retraite » au Collège Marianopolis de Montréal, signale la triste histoire d’un homme qui, après avoir pris sa retraite, retournait à son ancienne usine tous les jours à l’heure du déjeuner pour être avec ses amis.

Il est notoire que la solitude est l’un des plus grands problèmes de la vieillesse. Un moyen d’y parer est de se faire des amis en dehors de son secteur de travail. L’amitié se fonde d’ordinaire sur la communauté d’intérêts ; se préparer à la retraite c’est aussi découvrir de nouveaux intérêts afin de nouer de nouvelles amitiés.

Une flambée de joie, puis le vide et une pléthore de temps

Ce qu’il faut surtout retenir c’est que la retraite va ouvrir une brèche immense dans l’emploi de votre temps : plus de 2000 heures libres par an pour le travailleur moyen. Peut-être « libre » n’est-il pas le mot propre ; pour certains, ce pourra être un terrible fardeau.

Il en va particulièrement ainsi pour ceux qui commettent l’erreur de centrer leurs plans de retraite sur une seule flambée de réjouissance, une croisière par exemple. Ils mènent joyeuse vie durant quatre ou cinq semaines, puis reviennent chez eux où les attendent une existence vide et une pléthore de temps.

Le temps d’oisiveté est parfois empoisonnant pour un ménage. Pour les époux le fait d’être désormais toujours ensemble peut être difficile à supporter. Les femmes s’évertuent à être patientes ; mais qui est assez saint pour endurer avec sérénité les précieuses remarques d’un mari n’ayant rien d’autre à faire que rester rivé à la maison et se tourmenter parce qu’une table n’a pas été époussetée ou qu’un lit n’est pas fait.

La prévision par un couple de nouvelles activités secondaires facilite quelquefois la transition ; mais ces activités en soi ne sont pas la solution de tous les problèmes. Sylvia MacDonald, souriante religieuse titulaire d’un doctorat en langues modernes, qui aura bientôt 68 ans, souligne « que rien ne sert de se borner à occuper son temps. »

Ce qu’il faut réellement, dit-elle, c’est pouvoir mener une vie créatrice, et c’est là une aptitude qu’il importe de commencer à acquérir bien des années avant la retraite. Cela consiste à apprendre à être attentif aux choses et aux personnes que l’on coudoie du matin au soir et à savoir les apprécier.

En vous rendant à pied à l’arrêt d’autobus ou au parc de stationnement, observez les arbres qui bordent la rue, les vieilles fenêtres du bâtiment d’en face ou la façon dont le vent agite les feuilles sur la chaussée avant un orage. Il est fort probable que vous prendrez ainsi un goût durable à la promenade à pied, ce qui est un excellent passe-temps à tout âge, mais surtout pendant le troisième. La marche stimule à la fois l’esprit et le corps, et l’on peut la pratiquer à tout moment, seul ou avec d’autres. Et durant le temps qu’on veut, depuis le saut jusqu’au tabac pour acheter un journal jusqu’à la longue randonnée d’une ou deux heures.

Miser sur la vie que l’on vivra dans 40 ans

Il conviendrait de réexaminer les anciennes distractions d’un point de vue nouveau, par exemple la lecture. Tentez d’aborder un domaine entièrement nouveau. Si vous avez toujours incliné pour le roman, essayez de passer aux biographies et ne vous arrêtez pas là. Plongez-vous dans un sujet qui bourdonne au fond de votre esprit depuis des années ou dans quelque chose de tout neuf pour vous, comme l’histoire de l’Italie ou la culture des oranges. Si vous êtes trop occupé pour entreprendre de nouveaux sujets, prenez un calepin et notez les questions qui vous traversent l’esprit, mais qui méritent un examen plus attentif.

Il y a ensuite toutes les nouveautés auxquelles vous pourriez songer à vous intéresser : la liste en est illimitée, depuis l’astronomie jusqu’à la photographie et la gastronomie. L’important c’est qu’il y a lieu de s’y initier un peu, ne serait-ce que de très loin, longtemps avant l’heure de la retraite. Si vous avez le sentiment que vous aurez enfin le temps de vous livrer à quelque chose qui vous passionne, votre retraite vous apparaîtra comme une perspective agréable. C’est un peu le truc qu’emploient certains vacanciers pour obvier au cafard des lendemains de vacances : avant de partir de la maison, ils se procurent des billets de théâtre ou de baseball pour après leur retour.

Il est particulièrement important de se préparer à l’avance – très à l’avance – à l’exercice des sports. Il y a des joueurs de squash qui restent en forme et qui tiennent bon jusqu’à soixante-dix ans passés. Mais ce sont des exceptions, et, si vous en avez la possibilité, choisissez de préférence une détente un peu moins exténuante, comme le tennis ou le golf. Le jeune « fort » de 30 ans qui renonce à sa partie ordinaire de rugby sans plaquage du samedi après-midi en faveur du golf mise sur la vie qu’il mènera 40 ans plus tard. Il accomplit aussi autre chose de capital en contribuant à faire de son cheminement vers la retraite un processus graduel. Une retraite qui consiste en une série de changements brusques peut être très bouleversante. Elle peut même entraîner la mort.

Mais le souci le plus fondamental de tous dans la préparation de votre retraite doit être celui de votre santé. Que vaudront vos parties de golf si vous avez à peine l’énergie de vous tirer du lit le matin ? Le moyen d’avoir une bonne santé pendant la retraite se résume aux bonnes habitudes d’exercice et d’alimentation prises durant la jeunesse et surtout l’âge mûr. Les médecins estiment que le régime alimentaire va normalement tout seul, que l’on soit jeune ou vieux, si l’on fait régulièrement de l’exercice et des visites à son médecin. Tout genre d’exercice, du plus violent au plus léger, est bénéfique à qui avance en âge.

L’exercice mental est tout aussi indispensable. L’esprit est exposé à se relâcher chez celui qui n’a plus à s’appliquer au travail. Ce phénomène se trouve facilité par le mythe que les facultés mentales de l’être humain connaissent un brusque déclin à partir d’un certain âge. En réalité, un groupe de psychologues ont découvert que l’esprit n’atteint pas son maximum de capacité avant l’âge de 60 ans et ne décline par la suite que très lentement.

Les personnes âgées possèdent une indéniable supériorité mentale. Ils ont le savoir acquis ; le sens de la perspective ; la sagesse. Et aujourd’hui leurs qualités et leurs aptitudes sont reconnues.

Votre temps, et non votre argent, peut être votre apport le plus précieux

De toute évidence, la retraite devrait comprendre de nombreuses et fécondes années d’emploi de nos talents, de notre intelligence, de nos connaissances et de nos compétences. Les statistiques de l’espérance de vie indiquent que l’homme de 65 ans d’aujourd’hui peut compter vivre jusqu’à 79 ; et la femme moyenne de 65 ans jusqu’à 82.

Ce temps est trop long pour le passer à flâner. Au terme de longues années de travail, l’idée de s’asseoir dans une berceuse peut paraître de loin une agréable manière de vivre. Mais attendez d’y arriver ; la sonnerie agaçante du réveille-matin viendra peut-être même à vous manquer. Vous regretterez presque sûrement l’intérêt de votre ancien emploi, si routinier qu’il puisse maintenant vous sembler.

Les possibilités de participation offertes aux personnes âgés sont innombrables, non pas en dépit mais à cause de leur âge. Mais cela aussi demande de la préparation si nous voulons trouver un champ d’activité qui nous permettra de transmettre une partie de la somme de connaissances, de talents et de sens commun acquise avec les années. Peut-être aurez-vous l’occasion d’enseigner dans une oeuvre de votre quartier concernant les activités de jeunesse. Il vous sera peut-être donné de communiquer le fruit de vos années d’expérience dans l’un de vos « violons d’Ingres ». Il existe beaucoup d’entreprises où votre apport le plus précieux sera, de loin, non pas votre argent mais votre temps.

À ceux qui ont consacré leur vie aux affaires, le Canada fournit une excellente possibilité d’aider les autres en apportant leur collaboration au Service canadien de gestion outre-mer. Ce service dirigé par des hommes d’affaires canadiens éminents offre le concours de cadres retraités aux gouvernements et aux entreprises des pays en voie de développement.

Trouver des possibilités valables d’exercer leurs aptitudes après leur retraite est peut-être précisément ce qu’il faut aux cadres, car la retraite est généralement beaucoup plus traumatisante pour l’administrateur que pour l’ouvrier ou l’employé de bureau. Il y a quelque chose d’artificiel dans la vie d’un cadre. Son importance disparaît avec son départ de l’entreprise. Un jour il fait la pluie et le beau temps dans son service, et le lendemain il n’est plus qu’un citoyen comme les autres.

Heureusement, un nombre croissant de compagnies et d’associations d’employés reconnaissent aujourd’hui que leur responsabilité envers le personnel s’applique aussi à l’après-retraite. Elles offrent avant la mise à la retraite des cours de préparation portant sur les aspects psychologiques, sociaux et financiers de cette nouvelle vie. C’est presque l’inverse de l’époque – il y a à peine dix ans – où il était rarement question de la retraite dans certaines entreprises. Souvent, l’employeur et l’employé n’abordaient pour la première fois le sujet que le jour où le service du personnel envoyait un formulaire de pension à signer et notait, en passant, que le chèque du vendredi suivant serait le dernier.

Faire comme si on devait vivre beaucoup plus longtemps que ne le disent les tables de survie

Les ressources financières constituent certes un élément critique de la préparation à la retraite. C’est aussi une question très difficile dès qu’on entre dans les détails, tant parce que les moyens de chacun sont une affaire individuelle que parce qu’en l’espace de quelques décennies, l’économie peut changer énormément. Par exemple, une personne qui se propose de vendre sa maison au moment de la retraite et d’en employer le produit pour payer le prix d’un appartement doit tenir compte de l’éventualité où elle vivrait plusieurs années de plus qu’elle ne pense, ce qui est fort bien sauf que le loyer pourra tripler. L’une des règles fondamentales de la préparation à la retraite est de prévoir une longévité beaucoup plus grande que ne l’indiquent les tables de survie.

Mais il y a un aspect favorable de la question financière qui mérite d’être considéré : vos dépenses journalières connaîtront vraisemblablement une diminution sensible. Vous dépenserez moins pour les déjeuners, l’essence, les transports en commun et probablement aussi pour les vêtements et les divertissements. Il vous sera peut-être possible d’épargner de l’argent parce que, pour la première fois, vous aurez le temps de prendre quelques heures pour réparer vous-même le grille-pain ou le porche de la maison.

Il est presque certain que vous goûterez la satisfaction de vos réussites et que vous vous demanderez pourquoi vous ne vous êtes jamais attaqué auparavant à des tâches aussi simples. Vous vous étonnerez même d’avoir attendu si longtemps pour le faire.