Skip to main content
Download the PDF Version

Grande ou petite, une entreprise doit s’attirer un certain appui de la part du public. Aussi toute entreprise a-t-elle des relations publiques, même si elle ne dispose à cette fin d’aucun programme bien défini. Voici quelques brèves considérations sur les relations publiques, sur leurs méthodes et leurs principes. Premier principe : Dire la vérité…

Peu d’expressions du vocabulaire moderne sont plus difficiles à définir que celle de relations publiques. De fait, les dictionnaires ont été longtemps sans en donner la moindre définition. Comme le nom et la chose sont d’origine américaine, c’est dans la deuxième édition du Webster’s New International Dictionary (1949) que l’on découvre la première tentative d’attribuer une signification courante à cette activité bien connue. La définition initiale se lisait ainsi : « Actions menées par une industrie, un syndicat, une société, une profession, un gouvernement ou autre organisme pour établir et maintenir des relations saines et fécondes avec certains publics spéciaux comme les clients, les employés et les actionnaires, de même qu’avec le grand public, en vue de s’adapter à son milieu et de se faire connaître par la société. »

Cet énoncé se retrouve plus ou moins intact dans les dictionnaires d’aujourd’hui. Même s’il représente un effort louable pour dire quelque chose qu’il fallait dire, il n’est pas entièrement satisfaisant. D’abord, l’accent qu’il met sur les industries, les sociétés, etc. laisse la fausse impression que la pratique des relations publiques est réservée aux grandes entreprises. Cette définition donne aussi à entendre que les relations publiques sont nécessairement axées sur l’action. Elle méconnaît la valeur de la réputation passive d’un organisme, fondée, comme celle d’un individu, sur sa façon de se comporter envers les humains.

Le dictionnaire Webster ajoute que l’expression relations publiques désigne également « la qualité des activités ainsi exercées ou leur degré de succès dans la création au sein du public d’une meilleure compréhension de l’adaptation de l’entreprise au milieu social et économique : on parle alors de bonnes ou de mauvaises relations publiques ». Ici encore se décèle derrière ces mots soigneusement choisis une bataille perdue. On tente de cacher à dessein un certain jeu : celui de justifier en les expliquant les actions d’une entreprise indépendamment des motifs qui les inspirent. « … L’adaptation d’une entreprise au milieu économique et social » peut être réalisée pour des raisons purement égoïstes et aller à l’encontre des normes reconnues du comportement réfléchi.

Le sens des relations publiques s’étend certes bien au-delà de cette digression sémantique, car il échappe toujours même aux vieux routiers de la profession. Cela explique en partie pourquoi ces vétérans décrivent presque invariablement leur secteur d’activité en termes négatifs. Ils vous diront bien avec assurance ce qu’il n’est pas ; mais lorsqu’il s’agit de dire ce qu’il est, ils sont beaucoup moins sûrs. Une des raisons de leur attitude hésitante est que les idées fausses abondent sur cette question.

La première chose que vous diront la plupart des spécialistes en relations publiques – et avec une certaine véhémence – c’est que leur métier ne consiste pas à duper ou à tromper le public. Dans beaucoup d’esprits, les relations publiques évoquent une image de supercherie qui froisse énormément les praticiens honnêtes, et la grande majorité le sont. Il existe indéniablement dans ce domaine, comme dans bien d’autres, des agents peu scrupuleux. Mais la plupart des membres de la profession estiment que leur rôle est de contribuer à établir des relations plus ouvertes et plus loyales entre leur employeur et le public, et non pas vice versa.

Les relations publiques ne sont pas un art exercé uniquement par les spécialistes. Un peu comme la peinture en bâtiment, presque tout le monde peut en faire, mais les professionnels le font mieux et à plus grande échelle. Ils apportent à leur travail une somme de connaissances et de discernement enrichie par l’expérience et la maîtrise des techniques.

Nous touchons là une autre conception erronée, signalée au début, savoir que les relations publiques sont une espèce de luxe réservé aux entreprises qui ont les moyens d’avoir un personnel de spécialistes à plein temps. Le fait est que toute entreprise – qu’il s’agisse d’un salon de coiffure à un seul fauteuil, d’une association de malfaiteurs ou d’un gouvernement national – doit pour subsister pouvoir compter sur un certain appui du public. En d’autres termes, au sens passif, toute entreprise a des relations publiques. Un programme actif de relations publiques est un effort visant à rendre ces relations aussi bonnes que possible.

Le rôle des relations publiques dans les menues activités d’une entreprise n’est pas toujours facile à déceler. Par exemple, si une épicerie de quartier fait faillite, cela est peut-être dû à ses rapports avec le public. Peut-être les clients ont-ils cessé de faire des commandes par téléphone parce que la ligne était trop souvent occupée par les conversations personnelles d’un commis. Peut-être le livreur a-t-il conduit son camion de façon imprudente, ce qui a chassé les clients.

Il importe que les relations publiques soient un sujet de préoccupation à tous les niveaux de l’entreprise. Cette phrase, les meilleurs représentants en relations publiques de plus d’une compagnie ne l’ont peut-être à peu près jamais entendue. Un article de revue, publié il y a quelques années, citait l’exemple suivant : Un homme attendait son déjeuner dans un petit restaurant. Arrive une serveuse, qui lui dit : « C’est la pagaille à la cuisine. Un des cuisiniers est tombé malade ce matin… Puis-je vous offrir un journal ? »

Sans le savoir, cette serveuse a réagi à la situation comme un grand directeur des relations publiques. Elle s’est mise à la place d’un membre du public. Son empathie lui a fait pressentir un problème qu’elle tente d’atténuer dans la mesure de ses moyens. Elle n’a pas cherché à dissimuler ni à altérer la vérité. La franchise de son explication a dissipé le malentendu qu’engendre le manque d’information, qui provoque à son tour des doléances inutiles. Elle a compris d’instinct que le bon vouloir est le fruit de la prévenance et que la négligence lui est funeste. Et elle a appliqué un des grands principes de la responsabilité institutionnelle : en cas d’inconvénients causés au public, ce n’est pas au public, mais à l’entreprise de résoudre le problème.

Il n’y a pas de meilleure forme de communication interne qu’une franche conversation entre un employé et le patron

Ceci nous amène à une autre fausse idée des relations publiques, celle que leurs activités ne servent qu’à présenter une image de marque enjolivée. Quiconque pense que ce n’est qu’une question de maquillage ferait bien de se rappeler que les crampes d’estomac peuvent se lire sur le visage. Dans toute entreprise au service du public, de la société géante à l’association bénévole de quartier, la conduite des rapports avec le public dépend essentiellement des personnes qui servent au comptoir, font les ventes, sollicitent les commandes, etc. Si elles voient l’entreprise sous un jour favorable, la chose se reflétera dans le public.

Conscientes de ce fait, les grandes entreprises consacrent chaque année des millions de dollars à des programmes de relations publiques internes. Leurs dépenses sont considérables en raison de l’impersonnalité inhérente à leur dimension et de la multitude des employés à atteindre. Dans une petite entreprise ou une association bénévole, les relations publiques internes n’ont pas besoin d’être aussi développées ni aussi coûteuses. Les petits groupes ont l’avantage de mieux se prêter à la communication directe entre supérieurs et subordonnés, et il n’y a pas de meilleure forme de communication interne qu’une franche conversation entre un employé et le patron.

Les chefs des petites entreprises devraient se faire une règle de parler de la marche de l’affaire avec leur personnel. On peut compléter les communications verbales par des bulletins ou des lettres d’information destinés à tenir les employés au courant. Par parenthèse, la présentation extérieure de cette information n’est pas très importante. C’est son contenu qui compte.

Les spécialistes en relations publiques doivent être très soucieux de savoir si les actions de leur entreprise répondent à l’attente de la collectivité. Cela oblige souvent à supporter des frais de recherche très élevés dans le but de connaître l’opinion et le sentiment du public.

Un contrôle de la connaissance de l’entreprise par le public peut causer des surprises

Dans le cas des entreprises de faible envergure, des associations ou institutions bénévoles, le processus de l’auto-appréciation n’a pas besoin d’être compliqué. Ces organisations peuvent se faire une idée assez juste par des entretiens privés avec leurs différents publics : ceux qui les servent, ceux qu’elles servent et ceux qu’elles aspirent à servir.

Comme toute activité efficace en matière de relations publiques, ce sondage d’opinion doit commencer par l’intérieur. Comment ceux qui travaillent pour l’entreprise la voient-ils ? Qu’en attendent-ils, et comme membres de l’entreprise et comme membres du public ? Que jugent-ils qu’elle fait bien ? Qu’estiment-ils qu’elle fait mal ? Il s’agira ensuite de savoir comment son public immédiat, les gens qu’elle sert, envisage l’entreprise.

L’étude de l’opinion extérieure appréciera aussi bien ce que le public connaît de l’entreprise que ses idées et ses sentiments à son égard. Un contrôle de la connaissance réelle de l’entreprise par le public causera peut-être des surprises. Ainsi, une institution dirigée par des bénévoles constatera parfois que les bienfaiteurs éventuels n’ont qu’une vague idée de la façon dont les dons sont utilisés et que partant sa cause en souffre.

Il convient aussi de vérifier la connaissance qu’ont de l’entreprise les personnes qui n’ont pas de rapports directs avec elle. Peut-être n’en savent-ils absolument rien, ce qui indique l’opportunité d’une campagne générale de publicité. Si elles sont au courant de l’affaire, il importe de rechercher de quelle manière elles la voient : la manière de voir du public s’avère souvent fondée sur une information erronée ou incomplète. L’idée que se forme le grand public de l’entreprise peut avoir un effet important sur ses contacts avec ses relations plus immédiates. Ainsi, une société philanthropique locale découvrira dans certains cas qu’on la considère en général comme un clan plutôt inutile et préoccupé de son propre divertissement, et que par conséquent le recrutement est difficile.

Les résultats de l’étude de l’opinion – qui, en passant, devrait se poursuivre continuellement de façon informelle – permettront de connaître les éléments composants d’un programme actif de relations publiques. Il est à noter cependant que les résultats révéleront quelquefois qu’il n’y a que peu de chose ou rien de plus à faire. Certaines entreprises, dotées de fortes relations internes, qui lui assurent un personnel satisfait mais discipliné, constateront qu’elles ont déjà d’excellentes relations publiques externes. Point n’est besoin de rechercher d’autres formes de publicité favorable si l’entreprise l’obtient sous la forme la plus souhaitable, c’est-à-dire de vive voix de la part de gens heureux dans leur travail.

Le blanchiment par les relations publiques ne vaut guère mieux que le blanchiment à la chaux

Si, d’autre part, le sondage d’opinion indique qu’une action publicitaire s’impose, il est utile de se rappeler certains principes directeurs des relations publiques. Revenons ici à notre tentative de distinguer ce que sont les relations publiques en excluant ce qu’elles ne sont pas. Tout d’abord, il ne faut pas les confondre avec la publicité, sauf dans le cas particulier de la publicité institutionnelle, qui a pour but de faire connaître le point de vue d’une firme ou de montrer son utilité pour la société. Les bonnes relations publiques peuvent contribuer puissamment à la vente des produits ou à la réunion de capitaux, mais uniquement en créant un climat de bienveillance propre à faciliter l’action principale de l’entreprise.

On a communément l’impression que les relations publiques en cachent plus qu’elles n’en révèlent. Il n’en est pas ainsi si elles se font honnêtement. Les bons agents de relations publiques n’ignorent pas que le blanchiment par les relations publiques des actions déshonorantes ou des échecs d’une entreprise ne couvre ni mieux ni plus longtemps que le blanchiment à la chaux. De fait, il leur arrive souvent d’avoir à dissuader leurs employeurs de recourir à la dissimulation. Ils savent par expérience que la vérité a sa façon de se manifester aux moments les plus embarrassants.

Sachant ce que les relations publiques ne sont pas, nous sommes maintenant mieux à même de dire ce qu’elles sont. Quelqu’un disait un jour (de façon typiquement négative) qu’elles sont ce que l’on fait, et non ce que l’on dit. Pour créer une publicité favorable, il faut que les mots s’appuient sur des actes. Les faiblesses mises à jour par le sondage d’opinion doivent être corrigées avant d’entreprendre un programme actif de relations publiques. Les relations publiques ne sauraient normalement être utiles à une entreprise qui s’acquitte mal de ses fonctions. Elles entrent en jeu lorsqu’on veut attirer l’attention sur le fait qu’elle s’en acquitte bien.

Il y a certes des moments où le public voit des défauts qui n’existent pas ou auxquels il est impossible de remédier aussi rapidement et aussi facilement qu’il semblerait en apparence. Il arrive aussi parfois que les mesures ou les actes de la compagnie soient mal compris. Dans ce cas, les relations publiques peuvent jouer auprès du grand public un rôle de défense comparable à celui de l’avocat de l’accusé. Comme dans l’exemple de la serveuse cité plus haut, il est avantageux d’expliquer sa situation au public.

Peu importe qu’une conférence d’information ait lieu dans le sous-sol d’une église ou dans un luxueux hôtel

Les techniques courantes de la publicité sont assez simples : elles comprennent les communiqués, les conférences d’information, les causeries, les interviews, les bulletins, etc. Les personnes qui s’occupent de publicité discernent rapidement quel support convient le mieux pour un message donné. L’important c’est le message : il doit être énoncé aussi clairement que possible et en termes simples et ordinaires.

S’il en est ainsi, le « conditionnement » est secondaire. Par exemple, les mass media remanient d’habitude les communiqués pour les adapter à leurs besoins. Si un communiqué émane d’une petite entreprise, il est sans importance qu’il paraisse ou non avoir été rédigé par des professionnels. Ce qui compte c’est qu’il transmette l’information voulue dans un langage compréhensible. Et il importe peu aux reporters et aux nouvellistes qu’une conférence d’information ait lieu dans le sous-sol d’une église ou dans un luxueux hôtel.

À petite échelle, les techniques des relations publiques ont moins d’importance que les principes. Le principe de base a déjà été évoqué ci-dessus, mais il est bon de le répéter avec force : Dites la vérité ! Ne cherchez pas à la manipuler ni à l’exagérer ; dites-la tout simplement. Et dites-la aussi complètement et aussi en détail que vous le pouvez.

Un autre principe des relations publiques a été exprimé autrefois, inconsciemment, par un des auteurs les plus sagaces, Somerset Maugham : « … moi, n’ayant rien à dire, je n’ai rien dit. » Si fondamentale qu’elle paraisse, la règle qu’une histoire doit valoir la peine d’être racontée est un principe auquel on déroge souvent. Les petites entreprises surtout ont tendance à inonder les media locaux de textes sans importance. Ils se mettent ainsi dans la même situation que le jeune garçon qui criait au loup : on ne les croit pas lorsqu’elles désirent de la publicité sur des questions vraiment importantes pour elles.

Un dernier principe est que les relations publiques sont l’affaire de tout le monde, du bas jusqu’en haut, dans une entreprise. Étant donné qu’elles sont véritablement « ce que l’on fait et non ce que l’on dit », la personne à qui incombe la plus lourde responsabilité dans ce domaine est forcément celle qui est au sommet. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir quelqu’un, à un niveau inférieur de la hiérarchie, qui soit spécialement chargé des relations publiques. Au contraire, là aussi trop de cuisiniers gâtent parfois la sauce. Mais le grand patron se doit de tenir compte du point de vue des relations publiques dans toutes ses décisions majeures.

Nous nous sommes opposés, au début, à une définition du dictionnaire qui méconnaissait le fondement moral des activités relatives aux relations publiques. Il ne faut jamais espérer que les relations publiques puissent faire paraître une entreprise plus vertueuse qu’elle ne l’est en réalité. Il s’agit d’abord de bien faire, puis de le faire savoir. Un programme de relations publiques qui respecte cet ordre de priorité ne saurait guère échouer.