Dale Carnegie dit au début d’un de ses livres qu’il n’a pas l’intention d’aborder un nouveau sujet, mais de nous rappeler ce que nous savons déjà et de nous encourager à le mettre en pratique.
Le présent Bulletin ne se pose pas en conseiller sur les questions d’hygiène mentale et physique, mais il essaie simplement d’indiquer la solution d’un problème qui préoccupe toutes les personnes adultes au Canada, et particulièrement les hommes d’affaires.
Nous avons la sensation d’être bousculés. Et cela empire sans cesse depuis trente ans. Nous ne pouvons pas en déterminer la cause avec certitude, nous ne pouvons pas décrire exactement le but vers lequel on nous pousse. Nous continuons à nous hâter sans savoir où nous allons ni comprendre pourquoi, et sans un instant de repos. Cela nous rappelle un peu les vers de Lamartine :
« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges, Jeter l’ancre un seul jour ? »
La vie au vingtième siècle présente de nombreux problèmes. La difficulté est apparemment que nous sommes en train de passer d’une époque que nous supposions permanente à une époque où la seule chose certaine est le changement. Nous ne sommes pas assez développés pour nous sentir à l’aise.
Nous sommes victimes d’une tension croissante. Nous éprouvons de la difficulté à nous détendre. Nous ne comprenons pas les choses aussi vite que nous voudrions. Nous sommes impressionnables, en proie au doute et toujours pressés. Nos nerfs sont toujours à vif. Nous n’avons pas le temps de prendre le repos dont nous avons besoin.
Chose curieuse, les gens parlent davantage de ce qu’ils vont faire que de ce qu’ils ont accompli. C’est toujours « je vais faire ceci ou cela », ou « la semaine prochaine » ou bien « ce qu’il me reste à faire… ». Arrivés à destination, nous nous préparons à repartir.
David Seabury, dans son excellent traité How to Worry Successfully, résume la question ainsi : « L’activité fébrile est depuis longtemps le fléau de l’Amérique, quoiqu’on en fasse souvent une vertu. » Il cite ce vers de Longfellow : « Mais eux, pendant que leurs compagnons dormaient, s’acharnaient à l’ouvrage. » Et Seabury ajoute : « Bêtise ! Ils creusaient leur propre tombeau. »
Il est malheureux, mais vrai, que les hommes que nous estimons le plus dignes d’éloges sont ceux qui se surmènent. Ils sont consciencieux, travailleurs et infatigables ; ils ont le sens inné des devoirs sociaux ; ils assument plus que leur part des responsabilités collectives.
Les instituteurs qui maintiennent la discipline dans une école turbulente ; les médecins assiégés par une antichambre de malades ; les sténographes obligées de taper tant de mots par minute pour terminer leur travail à temps ; les téléphonistes dont les mains doivent tenir tête aux conversations ; les commerçants qui courent de leur bureau à un déjeuner d’affaires et reviennent à la hâte ; les agriculteurs privés d’aide par les attraits de la ville : ce sont là des exemples de la vie à haute tension. Et sans compter le côté purement social. Même le bavardage exige un effort nerveux.
Les gens disent souvent en toute bonne foi qu’ils ne souffrent pas de tension nerveuse. C’est un état chronique dont ils ne s’aperçoivent pas. Mais les signes en sont apparents : gestes inutiles, tapotage sur la table avec le stylo ou le crayon, froncements de sourcils, yeux distraits, nervosité.
Les soucis sont dangereux
C’est à cause des soucis, disons-nous généralement.
L’esprit s’adapte merveilleusement à toutes sortes d’ouvrages et de troubles, mais il ne résiste pas aux soucis. Si on pouvait interroger les pierres tombales, neuf sur dix nous diraient : « La vie de celui qui gît ici a été raccourcie de plusieurs années par la crainte de malheurs, dont la plupart ne sont jamais arrivés. »
Il n’y a rien de plus illogique que les soucis. Souvent ce ne sont pas les choses que nous faisons, mais celles que nous ne faisons pas, qui nous tracassent. Nous nous voyons accablés d’un tas de choses à faire, à l’usine, à la maison, au bureau, dans le jardin ou dans notre milieu social. Nous nous faisons des soucis au sujet de ce qui nous est arrivé, ce qui ne sert à rien, et au sujet de ce qui pourrait nous arriver, ce qui n’y change rien. La plupart de tous les soucis sont la cause et non pas le résultat de nos problèmes.
Il y a des soucis qui sont inévitables. Il arrive parfois d’avoir des problèmes trop durs à résoudre ou d’éprouver des troubles si profonds que notre esprit refuse temporairement de fonctionner. Notre inquiétude ne guérit pas un parent malade et ne nous avance à rien, mais tant que nous vivrons dans ce monde tourmenté, aussi longtemps que nous serons doués de sensibilité et d’imagination et que nous ne serons pas plus maîtres de notre milieu, nous continuerons à être en proie à certains soucis.
Ce n’est pas l’anxiété naturelle qui constitue le danger, mais la crainte prolongée et excessive qui nous fait agir sans même réfléchir. En face d’un problème, nous avons deux choix : étudier posément le pour et le contre, ou nous abandonner aux soucis et au désespoir.
Que savons-nous ?
En ce qui concerne l’esprit humain, nous avons seulement une vague idée de la façon dont il fonctionne. Nous savons qu’il est funeste d’aborder nos difficultés en nous guidant uniquement sur le passé, mais nous ne pouvons pas encore percer assez l’avenir pour être sûrs de notre voie.
Les mythes d’aujourd’hui passaient autrefois pour des vérités, et les vérités d’aujourd’hui ne sont que des opinions à l’usage des générations futures. Nos mythes nous sont chers, et quelques-uns d’entre eux s’immiscent dans la vie et la bouleversent.
Il y a peu de névroses chez les sauvages. Peut-être est-ce parce qu’ils sont ignorants des possibilités de la vie et modérés dans leurs désirs. Notre monde occidental, débarrassé des vieilles entraves, abonde en stimulants. Notre idée est d’obtenir ce que nous désirons. Cela va jusqu’à pousser les gens à désirer ce qu’ils n’ont pas gagné, et à se fâcher quand ils ne peuvent pas l’avoir.
La soif de se distinguer conduit à toutes sortes de fantaisies névrotiques : les uns veulent des pneus blancs à leur auto ; les autres font graver un blason sur leur papier à lettres ; d’autres veulent toujours être au premier rang, et comme le dit Ewen Cameron dans son livre Life is for Living : « Les employés de bureau exigent des serviettes en toile dans les cabinets de toilette au lieu des serviettes en papier qui sont plus hygiéniques mais généralement données aux ouvriers. »
Celui qui sait garder la mesure se rend compte qu’il ne peut pas faire, être et avoir tout ce qu’il veut. Les possibilités sont limitées par le temps, les capacités et les occasions. En réduisant le nombre de ses désirs et de ses craintes, on a l’esprit plus libre pour mener son ouvrage à bonne fin.
Ce qu’il faut apprendre à notre époque est que l’efficacité ne consiste plus simplement à tirer le meilleur parti des choses matérielles. Nous y avons déjà réussi dans une certaine mesure. L’efficacité d’aujourd’hui consiste à savoir tirer parti de notre esprit.
Un bon chef sait que le bon travail, physique ou intellectuel, si pénible et assidu qu’il soit, ne produit jamais par lui-même un seul cas d’épuisement nerveux. Il sait que la fatigue intellectuelle est le résultat de la monotonie ou d’un travail machinal après une grande concentration d’esprit. Il sait qu’il existe un rapport si étroit entre le corps et l’esprit que l’un agit facilement sur l’autre ; que des douleurs musculaires peuvent être causées par des troubles intellectuels. Et comme dit Satan dans le Paradis Perdu de Milton : « L’esprit peut faire un Paradis de l’Enfer et un Enfer du Paradis ».
La santé exige le repos
Un grand nombre d’hommes paient trop cher ce qu’ils obtiennent de la vie. Ce ne sont pas des réalistes. Ceux qui se plaignent des exigences de la vie moderne, mais qui négligent les précautions ordinaires pour veiller sur leur santé ; ceux qui déplorent la perte de leur jeunesse sans trouver des compensations dans l’âge mûr ; tous ces gens-là ne font pas preuve d’une grande intelligence.
Si bien que vous vous portiez, vous ne pouvez pas être parfaitement sûr d’être en bonne santé sans consulter un médecin – et suivre ses conseils. Mais un mot à ce sujet. Si vous allez périodiquement chez le docteur pour vous faire examiner, ne le faites pas à contrecoeur pour satisfaire votre conscience. Un examen hâtif, incomplet ou superficiel est pire que pas d’examen du tout. Il vous donne un sentiment de fausse sécurité, et vous n’arrivez qu’à vous tricher vous-même.
Le médecin vous dira probablement que vous avez besoin de repos, et quoi que vous en pensiez, il y a cent chances contre une qu’il ait raison. Nous attendons généralement pour nous reposer d’être arrivés au bout de nos forces. Nous puisons dans nos réserves d’énergie nerveuse. Nous nous soutenons au moyen de stimulants comme le café et l’alcool, en invoquant pour excuse les exigences de notre travail. Le seul moyen de nous refaire est de nous reposer.
Aux yeux de beaucoup de gens, le temps consacré au repos paraît être une perte au lieu d’un placement. Les adultes, comme les enfants, trouvent un tas de prétextes pour ne pas aller se coucher, sans égard aux conséquences. Celui qui est déterminé à gouverner son esprit pour le bien de sa santé physique et intellectuelle sait comment s’y prendre dans un cas de ce genre. Et, chose curieuse, il constate, neuf fois sur dix, qu’il fait plus de travail par jour en moyenne et qu’il le fait mieux.
Ce n’est pas seulement le temps que nous passons au lit qu’il faut compter comme repos. Les petits moments de détente pendant la journée nous aident à accomplir notre ouvrage avec moins de fatigue que si nous essayons d’y arriver sans arrêt. Nous pouvons nous détendre en marchant dans la rue, en étirant nos membres et en tournant notre esprit vers ce qui nous entoure. Un de nos amis profite du feu rouge pour reposer un instant ses jambes dans sa voiture. Tout cela est une façon intelligente et efficace de traiter notre corps et notre esprit ; la manière la plus inefficace de combattre la fatigue est de prendre de l’alcool et de la drogue.
La détente restaure l’énergie
Le repos, c’est-à-dire le sommeil et les moments de détente pendant la journée, est le remède le plus généralement prescrit pour une foule de maux. Sir William Osler, le célèbre médecin canadien, écrivait en 1910 : « Les hommes d’affaires ou les professionnels qui souffrent d’une angine de poitrine peuvent trouver le soulagement, sinon la guérison, en ralentissant simplement la machine. »
Nous n’avons pas l’intention de nous étendre sur la question du régime. Les listes diététiques sont nombreuses ; chaque homme a ses goûts en ce qui concerne ce qu’il mange et, du reste, sa femme a ses propres idées à ce sujet. Il est toutefois sage de demander au médecin ce qui nous convient, combien de repas nous pouvons faire par jour et combien nous devons manger à chaque repas, pour être capables de faire de notre mieux notre genre de travail.
Le seul point sur lequel nous tenons à insister est qu’il est bon de prendre assez de temps pour déjeuner à l’aise, sans parler d’affaires, que nous fassions un gros ou un léger repas à midi. Un grand nombre d’hommes d’affaires dans les quartiers financiers de Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver discutent leurs affaires pendant le lunch et sont à bout de forces à la fin de la journée.
Il est possible de se reposer pendant la journée aussi bien qu’à l’heure du déjeuner. Entre deux entrevues, après le départ d’un visiteur et avant l’arrivée d’un autre, pourquoi ne pas fermer les yeux et détendre ses muscles ? En dictant une lettre, pourquoi ne pas mettre les pieds sur une chaise ? Si vous prenez une tasse de café le matin ou une tasse de thé l’après-midi, ne l’avalez pas à la hâte en lisant des chiffres ou une lettre d’invectives de la part d’un de vos clients ; allez à la fenêtre et reposez vos membres, vos yeux et votre esprit. La capacité de se détendre est un des meilleurs symptômes de la santé.
Mais ce n’est pas tout. La détente est bonne pour l’esprit et le corps ; c’est aussi un signe que l’on comprend la vie. L’homme qui peut travailler et se reposer montre qu’il a conscience des deux mondes ; le monde tel qu’il est, et le monde auquel il aspire. Il reconnaît ce qui est important et ce qui est futile, et il en donne la preuve dans sa manière d’agir.
Les distractions et les vacances sont naturellement importantes. John Wanamaker a dit à ce sujet : « Ceux qui n’ont pas le temps de se divertir sont obligés tôt ou tard de trouver le temps d’être malades. » Tous les hommes d’affaires connaissent le sentiment de fatigue qu’on éprouve après un travail long et pressé.
Nous avons besoin de plus de vacances. Le Dr Edgar Allen, de la clinique Mayo, disait à un groupe d’hommes d’affaires : « Si on pouvait estimer le rendement d’un chef par les services qu’il rend à une industrie, on trouverait probablement que, dans certaines limites, il est d’autant plus utile qu’il prend plus de vacances. » Une autre autorité affirme : « Pour un cadre, deux ou trois semaines en été ne sont pas des vacances : c’est tout juste un répit. »
Barricadez votre foyer
Le meilleur endroit pour vous reposer est chez vous. Il faut pour cela que votre foyer soit inviolable et que vous y soyez à l’abri des intrus. Rien que l’idée de passer une soirée au sein de votre famille, sans souci des affaires, vous donne plus de force pendant la journée.
Chaque homme, mais surtout celui qui ressent les exigences des affaires, reconnaîtra l’importance de se ménager une retraite et d’en défendre à tout prix l’entrée aux étrangers. Cela pourra paraître étrange à quelques amis turbulents, mais on y verra bientôt un signe de sagesse et de distinction. Vous constaterez en outre que c’est une chose que vous avez toujours désirée.
Le taux de décès est trop élevé parmi les chefs d’entreprise. La plupart d’entre eux s’imaginent qu’ils sont obligés de travailler plus fort que leurs subordonnés et de faire mieux que leurs concurrents. Leur journée de travail est un mélange de chaos et de luttes. Nous sommes depuis trop longtemps résignés à l’idée que cela est inévitable et que c’est un purgatoire nécessaire pour les dirigeants.
Déléguez la besogne
Pour conserver l’équilibre dans ce tourbillon des affaires, le chef doit éviter toute besogne inutile et conserver l’esprit libre pour les décisions importantes. Il est nécessaire de laisser une partie du travail aux subordonnés ; de réduire au minimum la lecture des rapports ; de ne pas laisser traîner les conférences en longueur ; de confier le travail courant à de simples employés. Tout cela n’est pas impossible. C’est ce que vous devez faire si vous désirez conserver votre équilibre intellectuel et maintenir le niveau de votre rendement.
Environ 75 p. 100 du travail d’un directeur pourrait être accompli par des subordonnés. Les secrétaires peuvent écrire les lettres ordinaires ; après quelques mots d’amitié ou de politesse, les appels téléphoniques peuvent être passés aux chefs de service au courant de la question ; vous pouvez réduire au minimum vos lettres et vos conversations ; les rapports qu’il vous faut lire devraient être aussi brefs que possible.
Prenons quelques exemples dans la conduite de la guerre par Churchill. Il exigeait que les renseignements soient comprimés en très peu de mots. Il avait l’habitude de dire : « Ce serait très bien si cela pouvait tenir en une ou deux feuilles. »
Cela ne s’appliquait pas seulement aux détails. Il demanda un jour les derniers renseignements sur l’organisation d’une division blindée et ajouta : « Tout cela devra tenir sur une seule feuille de papier, avec tous les éléments importants et tous les chiffres. » À une autre occasion, il fit consigner sur une seule feuille les mesures prises pour convoyer les navires dans la Manche, « maintenant que les Allemands occupent les côtes de la France ». Une autre fois il voulut savoir au sujet des chars de combat : combien en avait l’armée, combien de chaque sorte on en fabriquait par mois, combien de prêts, combien en perspective, tout cela sur une page.
La plupart des hommes d’affaires sont accoutumés à lire de long rapports, au lieu d’insister, comme Churchill, pour qu’un subordonné fasse le travail d’analyse et de préparation.
La conclusion se dégage d’elle-même. Si, avec tout l’effort de guerre sur les épaules, Churchill pouvait obtenir en une page un rapport satisfaisant sur les approvisionnements alimentaires de l’Angleterre, sur les pertes causées par les sous-marins, la crise due au refus de l’Irlande de prêter ses ports à la flotte anglaise, les mesures de défense après Dunkerque et une foule d’autres questions tout aussi graves, pourquoi les chefs d’entreprise ne pourraient-ils pas en demander autant de leurs subordonnés ? Et quels sont les subordonnées qui n’y trouveraient pas profit ?
En plus d’épargner son temps et son énergie dans ses affaires, le chef doit se défendre contre les empiétements du dehors. Sa position l’expose à un grand nombre d’invitations à faire partie de comités professionnels, industriels ou sociaux. Cela est dangereux, non pas parce que ces occupations ne sont pas utiles, mais parce que, comme tout le monde, il n’a que 24 heures par jour et un certain nombre d’années à vivre.
Réflexion et méditation
Racine fait dire à Petit Jean :
« Qui veut voyager loin, ménage sa monture » ; c’est un conseil qui pourrait être suivi avantageusement par tous les hommes d’affaires. L’industrie et le commerce se porteraient mieux si l’attelage allait d’un pas égal au lieu de se fatiguer par des temps de galop.
Mais il ne suffit pas de ralentir le rythme du train des affaires pour mieux vivre. Nous sommes pris dans l’engrenage de la vie et nous avons oublié en partie comment en jouir. Nous avons désappris d’observer la beauté des choses simples. Une promenade sous le ciel étoilé vaut autant qu’une bonne affaire et vous remonte mieux que tous les remèdes de charlatans. Le soleil, les oiseaux et les fleurs appartiennent à l’homme d’affaires aussi bien qu’au poète.
La méditation est ce qui fait le plus défaut à notre époque. Dans la méditation, la vie nous apparaît en relief avec ses rapports, ses objectifs et ses récompenses. Le recueillement nous aide à reposer nos nerfs et à voir clair dans nos affaires. Un chasseur enseveli sous un éboulement en fit usage ainsi pendant les cinq minutes qui lui restaient à respirer : il employa trois minutes à trouver le moyen de s’en tirer et deux minutes à le mettre à exécution.
Ralentissons le pas
Pour sortir de notre train de vie effréné, il est nécessaire de faire un examen consciencieux de nous-mêmes, de nos affaires et de notre avenir. On dit que beaucoup de gens refusèrent de se servir du télescope de Galilée de peur de constater qu’il avait raison. Rien n’est plus facile que de nous persuader que la vie que nous menons est normale et donc dans l’ordre. D’un autre côté, rien ne vaudrait mieux que de nous demander avant de faire la chose la plus ordinaire : « Y a-t-il un autre moyen de faire cela ? »
L’important est de reconnaître que nous avons un problème à résoudre, de décider ensuite d’essayer de le résoudre et puis d’en trouver la solution. Un chef de rayon d’un grand magasin, fatigué d’aller d’un rayon à un autre en ruminant un projet d’amélioration, alla s’asseoir dans un coin, écrivit sur une feuille de papier les avantages et les inconvénients de son idée et mit le papier dans sa poche pour ne plus y penser jusqu’au lendemain. En se réveillant, il lui suffit d’un simple coup d’oeil sur le pour et le contre pour prendre une décision.
Un autre va même plus loin. Il écrit cinq analyses d’un projet du point de vue de cinq personnes différentes. Il prend son temps et ne se hâte pas d’arriver à une décision. Il envisage le problème sous tous ses aspects et perçoit les résultats des diverses solutions sous cinq angles différents.
Les gens qui se pressent toute la journée, et toute la soirée, ne profitent réellement pas de la vie. Notre vie ne consiste pas à nous soumettre aveuglément à des circonstances que nous ne pouvons pas expliquer, comme par exemple cette passion de nous dépêcher qui nous dévore. La vie devrait être un harmonieux mélange de nécessités et de désirs, de ce que nous avons à faire et de ce que nous aimons faire.
Nous vivons à une époque anormale. Nous avons besoin de faire preuve de fermeté, de comprendre que nous sommes susceptibles de succomber à des influences nuisibles et de faire notre possible pour éviter les surmenages physiques et intellectuels. C’est à nous d’essayer, à notre manière, de rendre le monde meilleur sans nous laisser décourager parce qu’il ne change pas assez vite. Nous devons apprendre à surmonter les inconvénients qui peuvent être surmontés et à nous adapter aux maux qui demeurent jusqu’ici incurables.
Soyons réalistes. Admettons franchement qu’il y a une limite à nos forces physiques et intellectuelles et restons en deçà de cette limite.