Des nombreux usages que l’on peut faire de la parole, il en est un qui surpasse tous les autres en intérêt, en utilité et en puissance. C’est son emploi pour influencer la conduite d’autrui, vendre des marchandises ou inspirer des idées.
Les affaires et la vie sociale sont remplies de rapports qui se fondent sur la persuasion. Le plaisir de s’assurer un nouveau client, la joie de se faire un ami, la satisfaction de plaider avec succès un projet d’amélioration pour la collectivité : voilà autant d’émotions à nulle autre pareilles.
Tout le monde ne peut pas être vendeur de métier, mais quiconque cherche à amener les autres à partager sa manière de voir fait nécessairement de la réclame.
Les principes de la persuasion s’appliquent dans une foule de circonstances : le discours, le débat, le dialogue, la conversation, la vente, etc. Comment induire ses semblables à changer d’avis, à accomplir une tâche, à appuyer un projet, sans connaître les lois de la pensée et les mobiles des actions humaines.
Le débat, l’une des formes de la persuasion, est un moyen d’établir la vérité. Il est fait de concessions mutuelles. Si vous voulez dire librement votre façon de penser, il faut laisser vos adversaires en faire autant, même si leurs paroles heurtent votre vanité et blessent votre sens de la bienséance ou se trouvent en flagrante contradiction avec vos vues et vos principes.
Un débat est une discussion catégorique du pour et du contre d’une question ou d’une affirmation. Dans la plupart des assemblées publiques, on se guide sur les règles de procédure parlementaire pour assurer le déroulement équitable des délibérations. Il doit exister une discipline pour empêcher la discussion de s’écarter de la question. C’est aussi une nécessité dans les débats privés, mais au lieu de recourir à un Règlement officiel pour permettre à chacun de prendre la parole, les participants s’en tiennent à un code d’honneur, auquel il est mal vu de déroger.
Il y a des débats solitaires, des dialogues intérieurs. Soliloques dans lesquels nous ordonnons nos pensées et faisons le bilan des arguments qui militent pour et contre une ligne de conduite. Ainsi, le Jules César de Shakespeare n’est qu’une longue série d’événements palpitants : l’assassinat de César, le discours de Marc Antoine et la querelle entre Brutus et Cassius. Mais il ne faut pas oublier, comme le souligne un auteur, que tous sont présagés par le moment d’accalmie où Brutus, seul dans son jardin, s’abîme dans de sombres réflexions sur le déclin des libertés de Rome. « Il faut que ce soit par sa mort », dit Brutus, et voilà jaillie l’étincelle qui va déclencher les explosions que l’on sait.
Le dialogue est un partage
Le dialogue est la participation d’interlocuteurs à la recherche de valeurs communes et l’échange d’idées entre eux pour la solution de problèmes d’intérêt collectif. C’est une conversation entre deux ou plusieurs personnes en vue d’aboutir à un accord à l’amiable. En agitant une idée en tous sens, le dialogue permet d’éliminer la balle et de faire apparaître le grain.
Ce qu’il faut faire pour apprendre à dialoguer, c’est pratiquer l’art des questions et des réponses, des propositions et des contre-propositions, et découvrir ainsi des terrains d’entente qui serviront de point de départ. D’après les personnes éclairées, c’est là un bien meilleur moyen de résoudre les problèmes que la dispute ou l’affrontement.
Le dialogue offre toute latitude au bon sens comme au bon caractère. Les idées que l’on exprime doivent être intrinsèquement raisonnables, susceptibles de modification et accueillantes à l’amélioration. Le sourire avec lequel nous présentons notre point de vue doit révéler notre personnalité. Il a pour source notre connaissance du sujet, notre foi dans l’honnêteté de ce que nous proposons et le plaisir que nous procure le privilège de nous exprimer.
De même que chaque métier comporte de petits inconvénients que l’on considère comme allant de soi, ainsi tout dialogue connaît forcément des moments difficiles. Comme tout le monde ne s’est pas cogné la tête contre les mêmes obstacles, il faut s’attendre qu’il y ait dans un groupe des versions diverses des faits, des croyances variées et des opinions multiples. Certains se montreront ennuyeux et beaucoup même irritants. S’il est alors une vertu essentielle entre toutes, c’est bien le tact allié à la patience.
La persuasion, plaidoyer du sage
Il y a deux formes de rapports entre les individus et entre les groupes : ceux qui sont fondés sur la force et ceux qui sont fondés sur la persuasion. La contrainte est quelque chose de brutal, la manifestation de l’une des scories encore inépurées de la civilisation. Si un groupe en force un autre à faire quelque chose au lieu de l’y amener par la persuasion, il commet un acte de despotisme et viole le principe de la bienséance ratifié par une société intellectuellement et spirituellement ratinée.
Substituer la persuasion à la force, c’est monter d’un cran dans l’échelle de l’intelligence et de la culture.
Ce sont ordinairement les faibles qui se refusent à la persuasion. Ils reculent devant le risque d’avoir à renoncer à leurs préjugés. Celui qui a de la force de caractère peut prêter l’oreille à la persuasion, peser ce qu’on lui dit et arriver à des conclusions avisées.
Avant de vous essayer à la persuasion, prenez le temps de régler quelques questions dans votre esprit : Où veux-je en venir ? Qu’est-ce qui intéresse les personnes à qui je vais parler ? Quels sont les faits que je désire leur communiquer ?
Lorsque le locuteur cherche à opérer un changement d’opinion ou de conduite, l’auditeur ne doit pas seulement comprendre et approuver ; il doit accepter. Il faut que celui qui parle réduise au minimum les malentendus et les difficultés en donnant des explications suffisantes. « Parce que je le dis » n’est pas une raison acceptable ou valable à invoquer dans le dialogue, la discussion ou la persuasion lorsqu’on propose une certaine ligne d’action.
Dans le commerce, le vendeur qui se fie au raisonnement s’appuie sur un faible roseau. Ce qui vaut des ventes, c’est la persuasion basée sur l’intérêt du client.
La persuasion tient en grande partie à la connaissance de ce qui fait agir les gens. Cette connaissance peut être exploitée soit par le langage, soit par des illustrations qui s’adressent aux sens. La persuasion évite les collisions frontales au sujet de points douteux. Elle ne traite de haut ni les personnes ni les groupes.
Le sens de l’humain est un précieux atout pour quiconque s’adonne à la persuasion. L’humain s’entend ici de ce qui nous apparaît comme étant d’intérêt dominant chez la personne à qui nous exposons une affaire. Songeons à ce qui peut l’intéresser. Quel que soit le but recherché, il faut toujours partir de l’état actuel des connaissances et des opinions de notre interlocuteur.
Une attitude affable et l’apparence d’être d’un abord facile contribuera énormément à établir un climat de bonne volonté et prédisposera vos auditeurs à vous écouter avec plaisir. Il n’y a aucune raison pour ne pas rendre la persuasion aussi agréable et aussi sereine que possible.
Conciliation et accommodement
Devant une personne ou un auditoire mal disposé, la première chose à faire est de concilier les esprits et de dissiper la prévention. Bien habile celui qui, dans ces conditions, réussit à créer une atmosphère de civilité au sein d’une assemblée marquée par la dissension.
Dans l’allocution qu’il prononçait à Oslo, en recevant le Prix Nobel de la paix, notre ancien premier ministre Lester B. Pearson disait : « Le moment est venu pour nous de faire quelque chose… de concentrer notre attention sur les possibilités d’entente. »
Si les divergences d’idées deviennent manifestes dans un comité ou un groupe quelconque, celui qui croit à la conciliation peut dire quelque chose de ce genre : « Il me semble qu’il y a trois (ou tout autre nombre selon le cas) grands points qui se dégagent de la discussion. Ne serait-il pas sage de notre part d’adopter tel ou tel élément de la solution que propose M. A et tel ou tel élément de ce que recommande M. B et de les incorporer l’un et l’autre dans la proposition de M. C ? Cela nous permettrait de formuler un projet de ligne de conduite qui pourrait servir de base à une discussion féconde. »
C’est là la méthode de l’« accommodement », diront certains qui n’aiment pas ce mot, mais elle se révèle parfois la seule approche intelligente dans la recherche d’une solution et le summum de la sagesse et du courage. Les termes accommodement, conciliation, médiation et compromis signifient l’acceptation partielle des deux propositions d’un dilemme qui déroute l’intelligence. Ces deux propositions ne s’excluent pas si l’on sait faire des concessions de part et d’autre. Dans le récit où Charles Lamb raconte l’invention du rôti de porc, les gens constatent qu’il n’est pas nécessaire de brûler leur chaumière pour faire rôtir le cochon : on peut avoir à la fois la chaumière et de succulentes côtelettes.
Les adversaires de l’accommodement s’y opposent pour diverses raisons. Le fanatique le rejette parce qu’il y voit un signe de basse faiblesse. Celui qui croit posséder la clé de la vérité et de la vertu ne peut faire de concessions en faveur de ce qu’il considère comme un vice ou une erreur. Le romanesque ne désapprouve pas l’accommodement parce qu’il est ignoble, mais parce qu’il est prosaïque et sans éclat : il veut entrer en scène à cheval, comme saint Georges vainqueur du Dragon.
Les qualités souhaitables
Il est des qualités qu’il importe de posséder avant de se risquer dans le débat, le dialogue ou la conciliation. Ce sont : le discernement, la préparation, les connaissances pratiques, la largeur de vue, la foi dans sa cause et l’honnêteté dans sa défense.
Il est bon d’user de discernement dans le choix de l’idéal ou de l’objectif que l’on décide d’appuyer ou patronner. Cela suppose un jugement : agir avec discernement, c’est non seulement percevoir les différences et les possibilités, mais opter effectivement pour ce qu’il y a de mieux.
Vient ensuite la préparation. La réflexion ne remplace ni l’inspiration ni l’esprit d’entreprise, mais elle en est le fondement nécessaire. Avant de communiquer, sachons étudier les faits ; avant de dialoguer, sachons de quoi il s’agit ; avant de persuader, sachons ce qui en résultera ; avant de coopérer, sachons s’il vaut la peine de conjuguer les efforts.
Il est essentiel de savoir de quoi on parle et pourquoi cela pourrait intéresser ceux avec qui l’on parle. Nous aurions tort de compter sur notre talent naturel pour dénouer les problèmes compliqués grâce à l’inspiration du moment.
Allez droit au coeur de la question et voyez sur quels points exactement il faut prendre une décision. Mettez de l’ordre dans votre esprit, tracez le cours de votre raisonnement, prévoyez les objections et soyez prêts à y répondre. Que vos préparatifs soient à la mesure de vos plus grands espoirs. En matière de persuasion comme en recherche scientifique, la fortune sourit aux esprits bien préparés.
Ne soyez pas parcimonieux dans l’exposé des faits. Les qualités qui vous paraissent évidentes, il faut que les auditeurs eux aussi les saisissent et les comprennent. Votre exposé doit être clair, approprié et convaincant. Il doit amener l’auditeur à se concevoir en quelque sorte comme un personnage central.
Les faits sont la base de tout débat, de toute discussion et de toute persuasion. On ne peut guère raisonner sans eux. Si vous êtes à court de renseignements, faites un appel téléphonique, rendez-vous à une bibliothèque ou écrivez une lettre. Les sources où vous pouvez puiser sont infinies. Mais assurez-vous que vos faits sont exacts et que vos statistiques veulent dire quelque chose. Un vieillard de quatre-vingt-dix ans n’affirmait-il pas à son médecin qu’il s’en tirerait parce que, disait-il, « les statistiques démontrent que peu d’hommes meurent à plus de quatre-vingt-dix ans ».
Ouverture aux idées nouvelles
Il faut de la largeur de vue, afin de tenir compte non seulement de chacun des éléments de la ligne de conduite que nous défendons, mais de tout ce qui pourrait influer sur son adoption. Recherchez toujours les conséquences, les effets généraux d’un changement.
Les conditions, les influences et les forces qui agissent sur les humains évoluent sans cesse. Un argument qui eût été indéniablement juste il y a une génération peut être dépassé par les nouvelles découvertes.
Être toujours prêt à écouter une idée nouvelle, c’est une attitude intelligente dans les affaires de la vie, même si cette idée nous déplaît au premier abord. Soyez accessibles à la voix de ceux qui ont des préjugés. Presque tous les préjugés ont été à l’origine une petite vérité. Séparez la vérité de sa coque de préjugés, afin d’extraire l’amande qui s’y trouve.
Vous aurez le courage et la force de faire toutes ces choses si vous croyez sincèrement dans la cause dont vous êtes le promoteur ou le champion. Le premier qu’il faut persuader c’est vous-même. Vous pourrez ensuite appuyer vos paroles sur votre ferme confiance dans ce que vous dites et parler avec enthousiasme.
Soyez honnête dans tous vos efforts de persuasion. Ne promettez pas plus que vous ne pouvez donner. Les fausses promesses faites dans le feu de la discussion ou pour triompher des hésitations d’un client sont rapidement démasquées lorsque l’intéressé se retrouve face à face avec la réalité.
Vos auditeurs ne vous demandent pas la perfection dans votre façon de dire les choses, mais ils préfèrent sûrement la vérité à la fiction. Il n’est que trop facile hélas d’éveiller le scepticisme. La personne à éviter entre toutes est le beau parleur qui ne dit pas la vérité.
Atteindre son auditoire
L’exposé des raisons et des faits à l’appui est indispensable, mais il n’est pas suffisant. Le choix des raisons et des faits, leur agencement, les mots employés pour les présenter, tout cela doit être adapté à la personnalité et aux préoccupations des auditeurs que vous espérez convaincre.
Les façons de penser diffèrent selon les modes de vie. Tel message qui soulèverait les applaudissements d’une assemblée de banlieusards pourrait laisser complètement indifférente une réunion de citadins. Les talents, les désirs, les goûts et la rapidité de réaction mentale sont des choses variables.
La question qui doit nous servir de guide est la suivante : qu’est-ce que notre idée apporte à tel groupe ou à tel individu en particulier en fait d’avantages, de prestige ou de mieux-être ?
Il ne suffit pas d’étaler vos idées comme les plats dans un libre-service et d’attendre derrière le comptoir que le client décide s’il y en a qui lui plaisent. Guettez les occasions de faire appel aux impulsions, aux instincts et aux émotions de ceux à qui vous vous adressez. Parmi les forces les plus puissantes, citons les motifs sentimentaux comme l’orgueil, l’innovation, l’émulation ou le prestige social ; les motifs rationnels, comme les gains d’argent ou de temps, l’économie, la sécurité et la protection.
Les personnes sensées écoutent attentivement les paroles qui ont trait à certains de leurs désirs. Il ne suffit pas que les hommes jouissent des nécessités matérielles que sont la nourriture, le logement et la chaleur. Ils ont aussi des activités et des besoins sociaux créés en partie par des habitudes instinctives solidaires du sens commun, en partie par la contrainte qu’exercent sur eux les autres membres de la société et en partie par la persuasion. Chez eux, les nouvelles aspirations succèdent aux anciennes. Et la plus profonde de ces aspirations, selon le grand psychologue William James, est le besoin d’être considéré.
Soyez démonstratif
Les arguments présentés d’un ton neutre n’ont pas assez de force pour amener les autres à renoncer à leurs vieilles habitudes et à adopter un nouveau mode de vie. Soyez démonstratif : donnez à celui qui vous écoute l’occasion de se faire une haute idée de lui-même en lui montrant bien clairement que vous pensez à lui dans ses termes, en fonction de ses intérêts et dans un sens qui lui apportera plus de satisfaction.
Si vous avez convaincu votre interlocuteur que vous vous intéressez vraiment à lui et à ce qu’il dit et que vous désirez obtenir un accord intelligent de sa part, vous avez fait un grand pas vers votre objectif.
Simplifier les choses ne veut pas dire parler ou écrire selon la règle que suivaient autrefois les auteurs de livres pour enfants : celle des mots d’une seule syllabe. L’emploi par-ci par-là de mots plus compliqués et d’idées ou de citations un peu au-dessus du niveau ordinaire de la langue courante est flatteur pour le lecteur ou l’auditeur. Il faut parfois tirer les gens en eau profonde si on veut leur apprendre à nager.
N’ensevelissez pas votre message sous une avalanche de fausse gentillesse, de sentimentalité factice, de principes farfelus et d’affabilité forcée. Ne faites pas mystère du résultat où vous voulez en venir. Dites quel est votre but et pourquoi vous le poursuivez : ajoutez des faits ; citez des exemples ; insistez sur ce qui est important et sollicitez l’action que vous souhaitez.
Nécessité de la communication
Il est impossible de persuader les autres sans communiquer avec eux de façon claire et précise. C’est là que réside le talent ou l’art de présenter les idées de manière à transformer les attitudes négatives ou neutres envers celles-ci en une adhésion positive.
Quelle est la meilleure manière de communiquer les idées ? Voici quelques moyens pratiques : 1° Employer un langage simple, correct et approprié ; 2° Tracer bien nettement l’image que l’on veut transmettre ; 3° Situer cette image dans le contexte et non dans un cadre imprécis, où il faut un effort de l’esprit pour la dégager.
Ces diverses conditions, votre style vous aidera à les réaliser, encore qu’il vaille mieux avoir quelque chose à dire et le dire sans vernis littéraire que de ne rien dire avec élégance. Votre enthousiasme changera l’apathie en intérêt. Les auditeurs sont sensibles aux paroles de ceux qui parlent avec conviction.
Soyez poli et plein de tact dans vos rapports avec ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. On a écrit et chanté des choses touchantes sur le sourire, mais il est facile d’en démontrer l’efficacité toute simple et pratique dans l’art de persuader. Même si vous n’avez pas envie d’être aimable ou de bonne humeur, le seul fait de le paraître vous aidera à surmonter les moments difficiles. Il n’y a pas de meilleur moyen d’être content de soi que de rester courtois devant les objections.
Relâchez-vous de temps en temps pour vous permettre et permettre à vos auditeurs de respirer. Usez d’ingéniosité pour apaiser la tension. Au moment où les Nations Unies traversaient une quinzaine critique, en 1960, où des chefs politiques de toutes les parties du monde haranguaient l’Assemblée et où délégués et employés avaient besoin de détente, quelqu’un eut une idée géniale. Il réunit tous ces gens aux quelque vingt langues différentes dans une salle pour leur présenter un spectacle. Et quelle langue le comique invité employa-t-il ? Non pas une langue parlée, mais un langage commun à toute l’humanité. Red Skelton divertit son public par la pantomime et réconcilia tout le monde dans le rire.
Ecouter intelligemment
La persuasion est un acte de l’intelligence. Avec chaque progrès de la science, de la technique et de la gestion, l’usage du raisonnement se fait de plus en plus nécessaire.
Certaines personnes se méfient de la notion même d’intelligence et de ceux qui ont la réputation d’être intelligents. L’important pour elles est d’être bon. C’est l’alternative par trop simpliste que beaucoup acceptent comme allant de soi : le choix entre la bonté et l’intelligence. Mais quiconque prête une oreille attentive à ce qui se passe dans le monde sait que la bonté et l’intelligence ne s’excluent pas l’une l’autre.
Bien de soi-disant adeptes de la persuasion ressemblent à Marc Antoine. Ils s’écrient « Prêtez-moi l’oreille ! » Mais de nos jours les citoyens rétorquent sur le même ton : « Écoutez-moi donc vous-même. J’ai une identité et j’ai une intelligence, et je veux dire mon mot. »
Ce n’est qu’en écoutant que l’on découvre les arguments et le point de vue de l’autre. Il y a une différence dans la façon de penser du producteur de blé de l’Ouest et l’ouvrier d’usine de l’Est. Et ce n’est pas uniquement une divergence d’opinion d’ordre économique. De milieux différents émanent des conceptions différentes des choses.
L’art du dialogue ne s’apprend ni dans les livres ni par l’étude de textes comme celui-ci, qui ne sont que des guides, mais il y a un principe à se rappeler, quel que soit le maître que l’on choisisse : c’est de se servir de son sens commun.
Le sens commun nous permet de juger à la fois de la signification et de la valeur d’une affirmation, d’une promesse, d’un projet ou d’un plan, selon des critères trop nombreux et trop subtils pour pouvoir être évoqués distinctement, mais dont l’action n’en est pas pour autant moins puissante sur l’esprit. En tirant parti de l’expérience acquise, nous constatons que notre perception et notre connaissance des choses va beaucoup plus loin que ce que nous pouvons étayer par des raisons ou exprimer dans des phrases bien tournées.
C’est par des mots sensés, appuyés sur les faits, inspirés par l’enthousiasme et conformes au sens commun que se règlent les problèmes et que s’apaisent les querelles. Le dialogue remplace alors l’intimidation et la violence et gagne la partie par des procédés qui sont le propre des esprits adultes et intelligents.
Qu’il s’agisse de vendre des marchandises ou des services ou encore de faire accepter une idée par le dialogue, il importe d’éveiller l’intérêt, d’établir un climat de confiance, de susciter des réactions favorables, de prévenir ou de réfuter les objections, et d’emporter le morceau. Voilà la voie à suivre chaque fois que l’on propose une action rationnelle.