L’instruction est une tâche sans fin. Tout ce qu’on fait ici-bas exige une préparation, et, comme chaque jour est un jour nouveau aux exigences nouvelles, il faut tous les matins aborder la vie avec des qualités renouvelées.
L’étude n’est pas une affaire de quelques années, dont la remise des diplômes marquerait le couronnement et le terme définitif. Ce serait là laisser mourir notre esprit. Une affiche illustrée recommandant la lecture des grands auteurs porte une pierre tombale revêtue de cette inscription : « Ci-gît l’intelligence de Monsieur Dupont, qui à 30 ans a cessé de penser. »
L’enseignement scolaire nous munit d’instruments de pensée et de méthodes d’action. Il amène l’élève à reconnaître certains principes de base. Proclamer alors : « Ça y est ; mes études sont finies », équivaut à dire en fait : « J’ai cessé de m’instruire. »
Tout homme doit passer sa vie entière avec lui-même. Il a donc intérêt, s’il veut être heureux, à devenir pour lui-même un compagnon de voyage informé, intelligent et intéressant.
Le présent Bulletin ne vise pas à modifier le système d’éducation, mais à rappeler le caractère permanent de l’instruction. Beaucoup ont des idées sur les changements à apporter à ce système, mais se montrent réticents lorsqu’il s’agit de faire des propositions : ils se rappellent alors que Socrate fut condamné à boire la ciguë pour avoir tenté de réformer le programme d’études universitaire de son temps.
Ce qu’on appelle aujourd’hui l’éducation permanente peut se réaliser dans le cadre des programmes d’enseignement organisés, ou encore grâce à notre initiative et à notre volonté. Elle a pour but de nous permettre de tirer le meilleur parti de nos points forts et de transformer nos insuffisances en avantages. Son rôle est de tenir notre esprit en éveil et de nous rendre capable de nous renouveler.
Cette éducation continuelle est indispensable pour devenir un homme, un chef de famille et un citoyen utile. Elle offre aux jeunes, aux parents et aux travailleurs la possibilité d’évoluer et de vivre valablement en tant que citoyens du monde.
Le problème actuel
L’un des problèmes centraux des générations chevauchantes de notre époque est de trouver le moyen de se tenir informé au milieu de l’étourdissant tourbillon des événements et des découvertes.
Les éducateurs se sont inspirés de Platon, mais depuis son temps l’instruction a subi l’influence de trois nouveaux facteurs : la vaste accumulation du savoir, la nécessité de gagner sa vie dans un monde concurrentiel et le développement des sciences appliquées.
L’éducation permanente nous permet de réévaluer nos habitudes de pensée, nos idées et nos idéaux en fonction des transformations de notre époque. Elle nous prépare à affronter le changement et le sort sans céder trop facilement à la panique. Elle nous assure où nous sommes, nous indique où nous allons et nous dit ce qu’il y a de mieux à faire dans les circonstances.
L’un des rôles de l’éducation permanente est de nous rendre attentif à la possibilité de l’imprévu et de disposer notre esprit à y faire face. Cela nous évitera l’embarras qu’éprouva le Dr Lardner, de Londres, en 1836. Ce médecin avait publié une brochure démontrant de façon concluante qu’il était impossible à un navire à vapeur de traverser l’océan. Ironie du sort, c’est à bord du premier navire à vapeur qui franchit l’Atlantique que cet ouvrage arriva en Amérique.
L’éducation permanente, qui nous adapte à la marche du progrès et nous prépare à bénéficier pleinement de la vie, est possible à tous et souhaitable pour tous. Pour en montrer la nécessité, qu’il nous suffise de citer le témoignage de deux hommes éminents dont la capacité et le jugement ne sauraient être mis en doute. Le président Abraham Lincoln hésitait à se rendre en Europe, où les grands hommes d’État désiraient ardemment reconnaître publiquement sa renommée. Au sénateur qui le priait d’accepter, il faisait cette réponse : « Comme vous le savez très bien, mes premières études ont été des plus restreintes, et, dans la société où je me trouverais alors, je serais continuellement exposé, dans la conversation, à entendre des bribes de grec ou de latin qui me sont totalement inconnues. » Et sir Winston Churchill disait dans un discours qu’il prononçait à Boston : « Je n’ai aucune instruction technique ni universitaire, et j’ai dû me contenter de recueillir quelques connaissances le long de la route. »
Avoir de l’instruction
Le recteur de l’Université Columbia, Nicholas Butler, souligne ces signes caractéristiques de l’instruction : correction et précision dans l’emploi de la langue maternelle ; raffinement et aménité des manières ; capacité et habitude de réfléchir ; capacité de se perfectionner ; capacité d’action ou efficacité.
À ces qualités, d’autres ajoutent : une série de valeurs et le courage de les défendre ; une meilleure compréhension de la société ; l’aptitude à regarder le monde et ses problèmes en face.
Il n’est pas suffisant d’accumuler des faits. Être instruit c’est avoir acquis un savoir qui a certaines propriétés, notamment celle de nous permettre de répondre à ces trois grandes questions : Est-ce bien ou mal ? Est-ce vrai ou faux ? Est-ce beau ou laid ?
La liberté est l’un des grands bienfaits qu’apporte l’instruction. Elle accroît notre capacité de goûter les bonnes choses de la vie. Stephen Leacock nous dit dans Humour and Humanity qu’il vit un jour cette inscription au-dessus du portail de la bibliothèque d’une grande université : « Le savoir repaît l’homme. » Il conclut que c’était une idée très indigeste. « Le savoir, dit Leacock, doit rendre l’homme léger comme l’air, capable de voltiger comme l’oiseau-mouche parmi les fleurs de la science. »
L’éducation permanente devrait être une progression des niveaux inférieurs aux niveaux supérieurs de l’entendement. Ce n’est pas à dire que l’instruction continuelle vous rendra aussi insouciant que semble l’être l’oiseau-mouche de Leacock. Elle vous apprendra au contraire à vous montrer sceptique sur les affirmations sans preuves à l’appui et à dédaigner les fausses promesses. Ce sera une espèce de volant régulateur, qui vous donnera de l’équilibre. Il vous permettra de garder votre sang-froid lorsque tout le monde autour de vous perd la tête.
La communication des idées
Cette éducation favorise aussi la compréhension et la communication des idées. Beaucoup de Canadiens ont des vues intéressantes qu’ils aimeraient transmettre aux autres, mais ils n’ont pas le don de les formuler. L’éducation permanente les aidera à transformer leur bagage d’idées isolées et décousues en un message cohérent et compréhensible.
L’art de la communication est à la portée de toute personne intelligente et travailleuse. Cette perspective à elle seule suffit à rendre l’éducation permanente appréciable.
Cette éducation ne consiste pas en un enseignement méthodique. On n’astreint pas les personnes d’âge adulte à un programme d’études réglementaire. Elles sont libres d’explorer ce qui les intéresse : les mots, pour exprimer leurs pensées ; les champs et les bois, pour se renseigner sur la nature et l’écologie ; les causes et les effets des choses qui se passent autour d’elles. Les êtres et les idées à découvrir sont innombrables, et il y a de quoi satisfaire tous les goûts.
Pratiquer l’éducation permanente c’est se servir de son intelligence pour élaborer une théorie de la vie à sa mesure, fondée sur la connaissance des possibilités et des limites de la vie elle-même. C’est discerner l’importance des grandes valeurs que nous chérissons : la justice, la liberté, la fidélité, la vérité, le devoir. Cette éducation avive l’imagination ; donne de la largeur de vues et ouvre des horizons ; oblige à faire des choix. C’est le culte de ce genre de formation qui fait les hommes vraiment cultivés.
La nécessité du savoir
Bien des maux de notre monde sont dus à l’ignorance, à la confusion et à l’incompréhension de la relation de cause à effet. Ce n’est pas simplement parce qu’il y a beaucoup d’illettrés qu’il en est ainsi, mais parce qu’il y a tant de lettrés qui cessent trop tôt de s’instruire dans la vie. Ils n’ont pas su persévérer.
Consciemment ou inconsciemment chacun sait qu’il doit avoir une vue d’ensemble de l’existence pour pouvoir coordonner ses valeurs, choisir ses objectifs, organiser son avenir et assurer la cohérence de sa vie. C’est pourquoi il importe de reculer sans cesse les frontières de son savoir, non pas pour essayer de démontrer ses opinions, mais pour en rechercher la vérité.
À chaque tournant du voyage de la vie, la nécessité du savoir s’impose à notre esprit. Quelque progrès que nous fassions dans notre vie privée ou de travail, il est toujours attribuable à l’accroissement de nos connaissances et à l’ardeur de notre désir d’accéder à la supériorité.
Celui qui se demande s’il en sait assez sur une question pour exprimer un avis ou pour agir montre par là qu’il a de l’instruction. Saint Thomas d’Aquin, surnommé le docteur angélique, écrit : « L’ange perçoit la vérité par simple appréhension alors que l’homme ne connaît une vérité simple qu’en procédant à partir de données multiples. »
La science est une base sûre pour conjecturer sur les faits et le seul fondement solide pour bâtir des châteaux en Espagne. Elle fait naître de précieuses dispositions d’esprit. Elle aide à éliminer l’angoisse lancinante que nous causent les événements. Elle nous donne de l’assurance devant les problèmes que nous n’avons pas été spécialement préparés à résoudre.
Pour être instruit, il faut tenir ses connaissances à jour. Prenons comme exemple la bibliothèque bien garnie d’un médecin. On y voit des centaines de volumes à la couverture bombée par les feuilles de notes qu’il y a insérées. Abonné à des revues médicales, le médecin en détache les articles techniques et les glisse dans ses traités. Il dispose ainsi des principes de base sur les maladies et leur traitement de même que des toutes dernières découvertes et techniques de sa spécialité. Il se tient au courant ; il s’instruit. Si haut qu’il s’élève dans sa profession, il ne perdra jamais l’équilibre, car chaque accroissement de ses fonctions s’accompagne d’un élargissement de sa base de connaissances.
On apprend beaucoup par l’observation. L’instruction ne consiste pas à pouvoir lire le mode d’emploi sur un flacon de médicaments, une boîte de soupe ou une perceuse électrique. C’est la capacité de recueillir des observations, de faire des analyses et de prendre des décisions. C’est l’art de trouver une réponse aux questions.
L’art de raisonner
De l’acquisition du savoir procède le raisonnement. La qualité qui distingue l’espèce humaine de la classe inférieure des animaux est celle de la pensée. L’activité de l’esprit est indispensable à qui veut être pleinement homme.
Comme l’écrit Alfred North Whitehead : « L’art de raisonner consiste à empoigner le sujet du bon bout, à saisir les quelques idées générales qui éclairent le tout et à rassembler tous les faits auxiliaires qui s’y rapportent. » Penser c’est comparer des choses les unes avec les autres, remarquer en quoi elles concordent ou diffèrent et les classer selon leurs affinités et leurs dissemblances.
Ce faisant, vous tirerez profit de l’habitude intellectuelle de la pensée objective et disciplinée. Il y a une austère beauté dans la précision de la pensée, de même qu’une grande satisfaction dans la recherche et la découverte des solutions. Sophocle fait dire à un de ses personnages : « Il n’y a pas de honte, même pour le sage, à apprendre et à écouter la voix de la raison. »
Pour faire le meilleur usage de notre instruction, nous avons besoin de principes directeurs comme ceux que nous a laissés le père de la pensée scientifique moderne, René Descartes. Le point de départ de sa philosophie est le célèbre « Je pense, donc je suis. » Sa méthode se fonde sur les règles suivantes : 1° L’évidence : ne recevoir jamais aucune chose comme vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; 2° L’analyse : diviser les difficultés en plusieurs parcelles et les résoudre une à une ; 3° La synthèse : réunir les choses pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connaissance des plus compliquées ; 4° Le contrôle : faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales… que je fusse assuré de ne rien omettre.
Le raisonnement éclairé engendre la sagesse. La science et sa mise en pratique en viennent à soulever en nous un vif dégoût de la prétention et de l’épate, de la médiocrité de la pensée ou du raisonnement. Le sage perçoit la justesse des choses et comprend l’enchaînement des événements. Comme l’écrit Perrault dans la dédicace de ses Contes, son esprit a l’avantage de « pouvoir s’élever en même temps aux plus grandes choses et s’abaisser aux plus petites. »
Pour l’âge mûr
Grâce à l’éducation permanente, la sagesse accumulée avec l’âge se raffermira par l’acquisition d’attitudes et de vues en rapport avec l’évolution des conditions sociales, économiques et politiques. Son grand avantage est de nous permettre de nous adapter continuellement aux changements de notre situation individuelle ainsi qu’aux exigences et à l’attente de la société.
S’instruire toute sa vie offre la possibilité de nous élever au-dessus de la moyenne. Le culte de la médiocrité est un des dangers qui menacent une démocratie, et l’un des moyens d’éviter cet écueil est de savoir reconnaître d’emblée l’excellence partout où elle se trouve et entretenir le désir d’y atteindre.
La stagnation de l’esprit est le sort le plus redoutable qui puisse nous échoir avec l’âge, alors qu’une intelligence qui continue à croître et à se développer durant de longues années est une perspective aussi noble qu’encourageante. L’éducation ininterrompue permet de rester actif à son niveau naturel le plus élevé et parfois de le dépasser.
L’âge n’est pas vraiment un obstacle pour apprendre ce que l’on veut ou ce qu’il faut apprendre, mais dans la seconde moitié de la vie, il n’est plus question de fréquenter de grand établissement d’enseignement ; chacun étudie individuellement et de son chef.
Au moment de la retraite, beaucoup d’hommes et de femmes reviennent à l’instruction, dans laquelle ils entrevoient l’assurance d’un meilleur mode de vie et la voie de l’épanouissement personnel. Quel contraste entre cet effort d’adaptation visant à tirer le plus grand parti possible de la vie et l’attitude de ceux qui se contentent à la retraite de s’installer dans l’oisiveté comme des esclaves affranchis grisés par leur liberté.
Comment faire
Étudier pour élargir ses horizons n’est pas une tâche à entreprendre dans une atmosphère de frénésie comme celle qui marquait les jours chargés où vous tentiez de liquider un arriéré de travail dans votre bureau ou votre atelier. Le loisir de poursuivre votre instruction consiste alors à régler les circonstances pour que l’étude soit possible.
Nous aurions avantage à suivre l’exemple de ce nouveau retraité, qui confiait à sa femme en prenant le petit déjeuner : « Hier soir, je me suis établi un emploi du temps. Si l’on n’a pas un plan méthodique quelconque, on n’accomplit jamais rien. » – « Je croyais que tu m’avais dit que nous avions toute l’éternité pour faire ce que nous voulons. » – « Ce ne sera pas suffisant si nous ne mettons pas un peu d’ordre dans nos vies. »
Il y aura des jours où votre premier objectif sera de surnager et d’autres où parmi les choses bien ordonnées que vous vous êtes proposé de faire il n’y en aura aucune que vous voudrez accomplir. Cela est naturel et ne doit pas être funeste à votre désir d’étudier. Comme Dorian Gray, dans le roman d’Oscar Wilde, peut-être êtes-vous « beaucoup trop intelligent pour ne pas faire des folies de temps en temps ». Vous reviendrez à votre but et à votre programme, revigoré sans doute par vos incartades.
Certains voudront poursuivre leur instruction seuls. Emerson écrit dans son journal : « Je ressens dans ma solitude une joie que la gaieté de la société populaire ne saurait communiquer. » Il est presque toujours possible de se trouver chez soi une petite chambre ou un coin tranquille où s’asseoir avec un livre ou avec ses pensées. Le moindre local devient un spacieux cabinet de travail pour celui dont l’esprit déambule parmi les idées des grands penseurs.
À ceux qui aiment faire les choses en groupe, les universités, les écoles et certaines associations offrent des cours pour adultes, où l’on peut étudier à peu près tout ce qui nous intéresse. Que ce soit seul ou avec d’autres, vous éprouverez infailliblement du plaisir à exercer votre esprit.
Avoir quelques livres
Le moyen le plus facile d’accroître son instruction – et même le seul pour bien des personnes – est de lire des livres. Il n’y a pas d’état d’esprit auquel il soit impossible de trouver un assouvissement ou un remède approprié si l’on se donne la peine de prendre un volume sur un rayon de sa bibliothèque.
Au lieu de lire sur des personnages faibles, désorganisés, confus, malheureux, brouillons et défaitistes, recherchez la compagnie des grands esprits. Que votre but soit d’assimiler le fruit de la pensée des autres et d’y ajouter vos idées personnelles. Il est tout à fait possible à un homme d’acquérir une connaissance assez générale des lois de la nature, des événements de l’histoire et des fondements de la science pour que tout progrès notable accompli dans un domaine quelconque soit pour lui intelligible et intéressant à la fois.
On peut avoir des livres qu’on n’a jamais lus et qu’on ne lira jamais, mais le seul fait de les posséder est déjà de la culture. On sait alors que tout ce qu’il faut faire quand on se sent seul est d’étendre le bras et de saisir la main d’un ami, ou, si l’on veut savoir quelque chose, de le demander à ses livres. Chacun devrait avoir une planchette de rangement portant la mention : « Livres à lire sur des îles désertes. » C’est le rayon auquel on aura recours lorsque la vie semble dénuée d’intérêt ou que les difficultés nous assaillent.
Les fruits de l’instruction
Parmi les fruits de l’éducation permanente figurent notamment le choix d’idéaux nouveaux, la formation du sens des valeurs, l’acquisition du sentiment de la beauté et l’initiation à l’aventure.
La vie idéale serait le plein épanouissement de nos facultés les plus nobles dans le domaine de l’éducation et des arts, ainsi que notre progression dans la voie de la connaissance religieuse, morale et intellectuelle. Il y a une satisfaction naturelle à rechercher le vrai et le grand, que cette recherche porte sur les idées ou sur les hommes et les femmes. À mesure que votre instruction avancera, vous vous formerez une philosophie qui exige en tout l’excellence.
Déterminez quelles sont les choses qui méritent qu’on s’en soucie. C’est un grand pas vers le bonheur que de savoir quelles sont les choses qu’il est en notre pouvoir de faire et de changer et quelles sont celles qui échappent à notre action et auxquelles nous devons en conséquence nous adapter.
Les années de retraite, temps propice à la réflexion, révèlent souvent que les années de travail ont été un obstacle à la perception de la beauté. Apprendre à apprécier la beauté, c’est une fonction essentielle de l’éducation permanente. Dans son ouvrage intitulé Les Marques distinctives de l’homme cultivé, Albert Wiggam écrit : « Je plains l’homme qui ne s’est jamais passé de dîner pour acheter un recueil de poèmes, un billet de concert, une statuette, un petit tableau, un joli tapis ou un joli fauteuil pour son foyer, ou encore un gentil petit chapeau pour sa femme. »
Enfin, et ce n’est pas son moindre mérite, l’instruction procure l’ivresse de la découverte. Celui qui discerne une analogie, un rapport entre les événements ou les idées, que personne encore n’a décelé, éprouve la joie de la révélation de l’inconnu.
André Gide, prix Nobel de littérature en 1947, écrit : « Le sage est celui qui s’étonne de tout. » Lorsque nous trouvons dans un livre quelque chose qui provoque la surprise ou l’admiration, ou qui ajoute à notre connaissance de l’univers, nous sommes libérés temporairement de l’étouffante étreinte du désabusement et de l’emprise mortelle du cynisme.
Être instruit c’est avoir appris quoi faire d’une idée qui entre dans son esprit. C’est savoir la décomposer pour voir ce qu’elle renferme, la transformer en quelque chose d’utile et d’agréable, la mettre en ouvre. Si vous pouvez cela, vous êtes en mesure de vivre les plus belles aventures de l’âme et de l’esprit.
Vivre une vie féconde
Ce n’est qu’en poursuivant toute la vie ses études qu’un homme ou une femme peut continuer à mener une existence féconde. Celui qui s’engage dans cette voie travaille à son propre épanouissement. Il présume le moins possible. La simple pensée d’accepter passivement les idées des autres lui répugne. Les idées qui lui viennent, il voudra les mettre à l’épreuve, les appliquer ou en faire des combinaisons nouvelles. Il préférera rejeter les opinions toutes faites des autres et prendre une feuille de papier pour y exposer ses vues personnelles.
Il est souvent question des « droits » à notre époque. Toute personne a le droit de devenir tout ce qu’elle peut être. Pour elle, l’instruction a de l’attrait et de la valeur, et on peut l’acquérir à tout âge. C’est un développement continu de l’esprit, une illumination incessante de la vie, un éternel perfectionnement.
Le philosophe latin Sénèque, qui fut précepteur de Néron, nous a laissé cette recommandation : « Tant que vous vivrez, continuez sans arrêt à apprendre à vivre. »