La règle d’or, sous-titre dont la Bible de Jérusalem coiffe le verset 12, chap. 7, de saint Matthieu, figure dans l’histoire parmi les grandes déclarations sur les droits de l’homme ; c’est aussi la marque distinctive de l’honnêteté dans les affaires. Elle réunit en une phrase toute la substance de l’enseignement de la loi et des prophètes sur le comportement des individus et des groupes entre eux.
La Règle d’or est également une invitation à commencer soi-même par rendre service aux autres. Une des raisons pour lesquelles le monde semble parfois si triste et si dénué d’intérêt est que nous sommes si bien emmitouflés dans nos affaires personnelles qu’il nous est impossible de pénétrer dans la vie des autres.
Point n’est besoin d’attendre les grandes occasions ni les appels au secours. Un service spontané et à propos, rendu de bonne grâce, peut paraître aussi inconsistant que le fil d’une toile d’araignée ; pourtant c’est une action qui profite à celui qui donne comme à celui qui reçoit.
Il n’y a pas de devise plus glorieuse, plus remplie de confiance dans sa compétence personnelle, plus exempte d’affectation de piété que le mot « Servir ».
Les docteurs de toutes les croyances et les moralistes de toutes les écoles de philosophie ont toujours insisté sur les devoirs de chacun envers les autres. Les codes moraux des professions libérales et des affaires mettent invariablement l’accent sur l’importance de bien servir les clients.
Carroll Carroll, créateur et rédacteur pendant dix ans du « Music Hall » de Bing Crosby, disait un jour : « Je ne crois pas être le gardien de mon frère. Mais je crois par contre avoir l’obligation de lui venir en aide. »
Tout le monde est lié par cette obligation, même si la part de responsabilité de chacun peut varier. Le devoir est proportionné à l’état et la capacité de chaque individu. L’obligation de l’un peut être plus grande que celle de l’autre, mais personne n’est libre de ne pas faire ce que sa place dans la vie exige de lui.
Les nouvelles techniques et les nouvelles idées sociales entraînent une modification du milieu et des responsabilités inconnues jusqu’ici, mais les devoirs fondamentaux demeurent les mêmes. « Après tout, comme le disait Richard Evans dans une émission radiophonique en provenance de Salt Lake City, nous avons, si l’on peut dire, une espèce de loyer ou au moins une dette de reconnaissance à payer pour l’espace que nous occupons sur terre, pour le bail ou la jouissance dont nous bénéficions ici-bas, pour la beauté, la conservation et le privilège de la vie. »
Nous avons aussi le devoir de manifester de quelque façon notre gratitude pour les intuitions et les inspirations qui donnent de l’éclat, du sens et de la valeur à nos vies. Michael Faraday, l’un des plus grands hommes de science de tous les temps, était en train de faire voir une expérience à sa femme, le jour de Noël 1821, lorsqu’il eut l’idée qui devait devenir le principe fondamental de tous les moteurs et les génératrices électriques. Pour s’acquitter de la dette dont il se croyait redevable, le célèbre inventeur résolut de donner chaque année, à l’époque de Noël, une série de cours destinés aux jeunes, et il tint parole. « Ces cours de Noël, disait récemment à la radio le vice-président de la General Motors, sont depuis une tradition chez les grands savants britanniques. »
Altruisme et égoïsme
Le mot « altruisme » a été créé par le philosophe français Auguste Comte pour désigner une disposition généreuse à s’intéresser ou à se dévouer au bien-être des autres. L’égoïsme d’autre part consiste à apprécier toute chose uniquement en fonction de son intérêt personnel. Dale Carnegie cerne avec précision la notion d’altruisme dans ces lignes : « J’ai eu le sentiment d’avoir fait quelque chose pour lui sans qu’il puisse jamais faire la moindre chose pour moi en retour. »
Il est généralement admis chez les esprits éclairés qu’une personne ne joue pas son rôle dans la vie si elle ne contribue pas selon ses moyens à soulager les besoins des autres, mais les préceptes de la morale ne nous commandent pas pour autant de négliger nos intérêts et notre bien-être personnels. C’est une vérité de La Palice qu’il faut vivre pour agir. L’homme doit apprendre à diriger sa propre vie avant de se préoccuper activement de celle des autres.
Appliquant aux affaires le principe de la nécessité essentielle de survivre, le vice-président de la Banque Royale disait à une réunion de la Chambre de commerce Canada-Royaume-Uni, à Londres, en mai dernier : « Les bénéfices sont une condition indispensable de survie et de croissance pour l’entreprise. Ils sont aussi, bien entendu, l’incitation et la récompense nécessaires des fournisseurs de capitaux. Les bénéfices sont encore le meilleur baromètre du bon fonctionnement d’une entreprise. » Puis, passant à la seconde condition, il ajoutait : « Si les sociétés commerciales n’ont pas l’air d’agir et si elles n’agissent pas de fait, de manière sérieuse aux yeux du public, leur survie à longue échéance pourrait se trouver compromise. »
Il y a des gens qui interprètent trop strictement l’idéal de la vertu d’altruisme. Seuls ceux qui sont assez égoïstes pour conduire avec compétence leurs propres affaires atteignent à la capacité d’être au service des autres. Comme le disait le haut dirigeant de la Banque : « Notre devoir social le plus important est d’accomplir notre travail particulier dans la société aussi bien que nous savons le faire. … Si nous entreprenons d’autres tâches dans la société, celles-ci ne doivent pas amoindrir notre aptitude à remplir nos fonctions de base. »
Il est donc nécessaire d’adopter un moyen terme entre l’égoïsme et l’altruisme. L’indifférence envers les autres, poussée tant soit peu loin, serait néfaste à la société ; mais personne ne devrait être appelé à altérer les grandes lignes de sa vie pour l’amour d’un autre individu.
La Règle d’or
L’esprit de la Règle d’or tient une large place dans tout genre de service, tant sur le plan personnel que sur le plan social ou des affaires. On y trouve l’âme même de la morale pratique, car la plupart des religions mondiales renferment un précepte analogue, et la Règle d’or est, somme toute, l’influence motivante dans la conduite de tous les hommes et les femmes qui font profession de jouer honnêtement le jeu de la vie.
La Règle d’or est en honneur dans des sociétés dont les processus d’évolution ont été fort dissemblables. Vilhjalmur Stefansson, né à Arnes au Manitoba, a apporté une importante contribution à l’exploration de l’Arctique, à l’archéologie et à l’ethnologie pour le compte du gouvernement canadien et de l’Université Harvard. Il rend, dans un de ses livres, cet impressionnant hommage à nos citoyens de l’Arctique : « En me fondant sur les années que j’ai passées avec les Esquimaux… j’estime que l’élément principal de leur bonheur est qu’ils vivent selon l’enseignement de la Règle d’or. »
Le jour où la société humaine aura atteint le degré de maturité nécessaire pour conformer sa vie à cette règle par excellence, elle aura déjà fait un pas vers l’avènement d’une civilisation de tout premier ordre.
L’idée n’en est pas nouvelle. Certains en attribuent l’origine au sage chinois Confucius. À ceux qui lui demandaient, 500 ans av. J.-C., de résumer en un mot le principe à suivre pour la conduite de la vie, il répondit : « Le mot « réciprocité » suffirait peut-être. Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas que les autres vous fassent. » Le précepte chrétien est plus positif. Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux. En formulant sa théorie de l’impératif catégorique, en 1781, le philosophe allemand Emmanuel Kant écrivait : « Agissez de telle sorte que l’axiome de votre acte puisse devenir le principe d’une loi universelle. »
Pour sa part, un professeur de l’Université de Chicago ne laisse place à aucun doute sur la valeur de la Règle : « Dans toute l’histoire de la pensée humaine, on n’a énoncé qu’une seule règle de conduite tant soit peu valable comme norme de comportement humain. Elle s’applique aux individus, aux familles, aux collectivités, aux villes, aux États et aux nations : « Ce que vous voudriez que les autres vous tissent, faites-le leur également. »
Toutefois, il importe d’appliquer la Règle avec intelligence et discernement. Il arrive que d’autres ne veuillent pas recevoir le même traitement que celui que nous désirons. Un homme avisé n’enfonce pas ce qui lui paraît bon dans le gosier des autres.
La Règle d’or ne doit pas être considérée simplement comme une profession de foi. Il n’est pas suffisant, en effet, de comprendre les besoins des autres comme on voudrait qu’ils comprennent les nôtres. C’est sur le mot « faire » que porte l’accent.
La Règle et les affaires
La meilleure forme de relations publiques pour une entreprise ou un établissement est celle qui consiste à rendre service aux gens. Pour gagner l’amitié, la pratique et le respect des clients, le service l’emporte toujours, et de beaucoup, sur les artifices publicitaires.
Une maxime que l’on citait couramment autrefois dans les affaires disait que la condition nécessaire pour réussir était un coeur dur et une bonne digestion, mais gare à celui qui tenterait aujourd’hui de conduire son entreprise d’après ce dicton.
Le vice-président de la Banque a résumé les nouveaux besoins en disant : « Nous approchons rapidement du point où, presque partout dans le monde, le climat social et politique fera de plus en plus une obligation aux entreprises de justifier leur existence à l’aide de motifs autres que la réussite purement économique sous forme de bénéfices pour les actionnaires. »
Aujourd’hui, les gens attendent plus que cela des affaires, et il entre dans leur attente beaucoup de facteurs sociaux.
Il reste vrai, au plan des affaires comme au plan personnel, que l’égoïsme – le grand levier de la conservation de la vie – doit s’accompagner de l’altruisme – action de rendre service. Les affaires ont besoin de normes de service auxquelles se conformer.
En voici un exemple. En mai 1680, le président et le comité de la Compagnie de la Baie d’Hudson écrivaient au chef de leur filiale canadienne : « Vous devez nous renvoyer en métropole, à chaque retour de nos navires, toutes les marchandises qui sont défectueuses ou inacceptables pour les indigènes et nous faire savoir en quoi elles laissent à désirer. Et nous indiquer aussi exactement que possible quelle est la forme, la qualité et l’état exigés des marchandises de toutes sortes dont on a besoin pour satisfaire le mieux possible les Indiens. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que vous soyez pourvus de produits parfaits dans chaque cas. »
Le marchand qui ne peut s’imaginer à la place de la personne de l’autre côté du comptoir et offrir au client le service qu’il voudrait lui-même recevoir a peu de chances de réussir dans les affaires.
Compétence et courtoisie
Dans les affaires, le service sous sa forme la plus simple suppose la compétence et la courtoisie. Les vendeurs et les vendeuses des magasins de détail doivent accorder une prompte attention aux clients ; se montrer prévenants ; s’assurer que les désirs de l’acheteur sont satisfaits. Ils doivent aussi pouvoir le renseigner, c’est-à-dire ajouter de la valeur aux marchandises en faisant connaître leur utilité et la bonne façon de s’en servir. Celui qui s’exprime avec clarté au téléphone et se donne la peine de répondre à un appel ou à une demande de renseignements accomplit un travail profitable.
Les personnes qui assurent des services doivent être particulièrement soigneuses. Le client qui achète un article voit ce qu’il obtient ; il se le fait montrer et le vérifie ; dans le cas d’un service, l’acheteur doit s’en remettre plutôt aux connaissances et à la réputation du vendeur.
L’un des services les plus importants dans le domaine des biens de consommation est l’action informative. L’entreprise qui donne des renseignements de nature à aider les clients à tirer le meilleur parti de leur achat fait ouvre louable. Tout appareil devrait être accompagné d’une notice d’utilisation et d’entretien. Un programme de service à la clientèle, loyal et bien compris de tous, est un précieux avantage pour une entreprise.
Les intérêts des actionnaires, de la direction et des employés ne seront sauvegardés que si l’entreprise s’acquitte de sa tâche essentielle de pourvoir aux besoins des clients de la façon la plus agréable et la plus pratique possible.
En fin de compte, cependant, l’intérêt personnel est inséparablement lié aux intérêts de la collectivité. La prospérité du commerçant dépend de la prospérité générale. L’entreprise commerciale est appelée à exercer une action sociale constructive. Les excuses que l’on invoque parfois – le prétexte des raisons particulières, de la situation spéciale, des motifs spéciaux de ne pas participer à la vie sociale – sont considérées comme des signes de faiblesse.
Celui qui se targue d’avoir la sagesse de s’occuper de ce qui le regarde et qui consacre entièrement ses efforts à des affaires privées ne tient aucun compte du fait que son entreprise ne peut exister que grâce au maintien d’un état social florissant. Sa relation fondamentale à l’intérêt commun crée aujourd’hui pour toute entreprise une obligation d’ordre public.
Le service personnel
Le service est une expression créatrice du moi. Si quelqu’un ne donne rien de lui-même aux autres, il se dessèche, s’étiole et meurt. Au contraire, celui qui donne quelque chose de lui-même jouit davantage de la vie. Sa sphère d’intérêt s’élargit, et il en éprouve un sentiment de participation.
Une importante question à nous poser souvent est celle-ci : de quelle utilité sommes-nous à nos amis dans leurs bons comme dans leurs mauvais jours ? Euripide fait dire à Oreste dans une de ses pièces : « Ils ont le nom d’amis, mais non le mérite, ceux qui ne sont pas des amis dans nos malheurs. »
Il y a des services qui ne s’achètent pas : l’amabilité, la prévenance, la courtoisie, les égards, la tolérance, les marques de reconnaissance et le bon naturel. Ce sont là des attentions personnelles que chacun manifeste selon les occasions qui se présentent ou qu’il fait naître.
La plupart des gens constatent que leur satisfaction individuelle s’accroît lorsqu’ils s’appliquent à répondre aux besoins et aux désirs des autres. Dans l’allocution radiodiffusée qu’il prononça à la suite de son couronnement, le roi George VI disait : La plus grande des distinctions est de servir les autres. C’est ce que l’on a appelé le principe de l’altruisme, principe d’où procèdent les plus nobles actions de l’homme. Il se révèle d’abord dans la famille, où les parents subordonnent leurs sentiments de considération pour eux-mêmes aux sentiments de considération pour les autres dans la tâche d’élever leurs enfants.
Le plaisir que nous procure la possession d’un bien ou l’exercice de nos activités grandit si on le partage avec quelqu’un d’autre. Communiquer sa joie à un ami c’est l’augmenter de moitié et raconter ses maux c’est les soulager d’autant. Le plaisir le plus délicat, a dit La Bruyère, c’est de faire celui des autres.
L’application de la Règle d’or exige beaucoup non seulement de la volonté, mais aussi de la raison, de l’imagination et du cour. L’imagination dans ce cas c’est la souplesse et la flexibilité qui permettent de se placer à différents points de vue et d’envisager la situation avec les yeux des autres.
La sympathie qui en résulte est la plus pure expression du sens social. Elle reproduit dans notre esprit les sentiments des autres. Cette sympathie engendre l’empathie, qui est la capacité de se mettre à la place d’autrui, de ressentir ce qu’il ressent. C’est la faculté d’être intensément sensible à un problème qui nous est extérieur.
Il est impossible de rendre service si l’on se ferme au monde. Les services les plus enrichissants sont le fruit d’un sentiment partagé. C’est ce qui nous pousse non seulement à apporter aux affligés une aide matérielle s’il y a lieu, mais aussi à y mettre une cordialité compatissante, personnelle et réconfortante.
Quel genre de service ?
Beaucoup de personnes ne peuvent se suffire à elles-mêmes. Elles sont incapables de s’acquitter des obligations que la société leur impose. Tout comme chez les animaux qui vivent à l’état de nature, on trouve dans les sociétés les plus civilisées des êtres humains faibles, lents ou dépourvus de moyens.
Les services à rendre à ces déshérités peuvent revêtir diverses formes, selon les talents de chacun. Tout le monde a quelque chose à offrir : un art, une spécialité, des idées, le don de mettre de l’ordre dans la confusion. On est utile à quelqu’un lorsqu’on l’aide à se procurer ce dont il a grand besoin. Longfellow a dit : « Donnez ce que vous avez. Pour quelqu’un cela vaut peut-être mieux que vous osez le croire. »
Les personnes de bonne volonté s’efforcent de maintenir notre société en accord avec des conditions de vie en mutation, et il en découle pour les citoyens une possibilité et une obligation importantes de contribuer bénévolement au soulagement de ceux qui se voient incapables de s’adapter.
Le progrès a permis à tous, même aux maîtresses de maison, de se libérer de certaines tâches longues et ardues du siècle dernier. Mais l’élévation du niveau de vie et la multiplication des loisirs créent pour chacun de nous de nouveaux devoirs envers la société.
Si vous avez le don de faire quelque chose pour les autres, songez que ce quelque chose est un service que nul autre ne peut rendre à votre place. Des occasions s’offrent partout. Les aveugles et les infirmes ont besoin d’amitié, les vieillards de compagnie, les jeunes de compréhension et d’orientation, les bien doués d’encouragement, et cela ne se fait pas avec un chéquier. Les services personnels ne peuvent être que directs et cordiaux. Il y entre plus d’amour pour le prochain que de charité.
Il ne faut juger une action ni par ses conséquences ni par ses intentions. On doit la considérer comme bonne si elle favorise le bien-être. Aussi convient-il de prévoir son objectif en fonction du besoin auquel il répondra plutôt qu’en fonction de la forme qu’on voudrait lui voir prendre.
Les exemples de services héroïques ne manquent pas. La vie d’Albert Schweitzer est un vibrant témoignage de la haute valeur qu’attribue la société au service désintéressé. L’écolier qui devint lord Byron avait un pied difforme, et cette infirmité fut pour lui une source de grande souffrance physique dans son enfance et d’angoisse continuelle durant toute sa vie. À l’école, il aurait voulu se battre avec un fier-à-bras qui maltraitait un autre garçonnet, Robert Peel. Incapable de le faire, le jeune Byron proposa d’encaisser la moitié des coups. Rappelons-nous le courage d’Horatio dans Hamlet. Effrayé par la réapparition du spectre, il lui dit : « S’il y a à faire quelque bonne action qui puisse contribuer à ton soulagement et à mon salut, parle-moi ! »
Donner et recevoir
Un service personnel est une bonne action accomplie pour elle-même. Il faut le rendre avec amabilité et non avec froideur et comme par devoir. Amabilité veut dire ici l’art de faire une chose agréable avec gracieuseté.
Les services les mieux accueillis sont le plus souvent spontanés, et non l’aboutissement d’un débat intérieur sur la vertu de serviabilité. C’est un signe de grande supériorité culturelle et intellectuelle que d’en arriver à rendre service par tendance naturelle.
L’art de donner suppose aussi celui de recevoir. Les services, il importe de les accepter avec bienveillance, avec une reconnaissance manifeste et un « merci » clairement exprimé. Comme l’a écrit un auteur : « Recevoir un service de bon coeur et dans l’esprit voulu, même si l’on n’a rien à offrir en échange, c’est déjà payer de retour. »
Être aimable ou bienveillant pour obtenir des faveurs des autres c’est rester à un très bas échelon dans la hiérarchie des services. Se hausser jusqu’au niveau de la Règle d’or, c’est fendre le brouillard de l’intérêt personnel et du narcissisme. Celui qui veut vraiment rendre service aux autres ne saurait y chercher une manière détournée d’agir à son avantage, ou encore de mériter ou d’ajouter une étoile à sa couronne.
« Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions », dit La Rochefoucauld dans ses Maximes, « si le monde voyait tous les motifs qui les produisent. » Une exemple de service intéressé nous est offert par les colonisateurs qui voulurent convaincre les indigènes de se vêtir pour vendre leur coton.
Nous devons apprécier les services rendus aux autres parce qu’ils sont bons en eux-mêmes, et non parce qu’ils sont un bon moyen de réussite, de satisfaction ou de protection personnelles. Voici ce qu’écrit dans son Journal Samuel Pepys au sujet de ses beaux-parents : « Lui, pauvre brave homme, reconnaissant des petites aumônes que je lui faisais. J’aurais voulu faire quelque chose pour eux, eussé-je été sûr de ne pas les ramener ici de nouveau. »
Qui veut marcher la tête haute doit fournir sa contribution à la vie. Qui veut accomplir sa destinée doit laisser le monde un peu meilleur et un peu plus riche qu’il aurait été s’il n’avait pas vécu et apporté ses services.
Socrate trace la voie à ceux qui hésitent à offrir leurs services : « Celui, dit-il, qui témoigne une bonté, même s’il craint d’essuyer un refus, ne court aucun autre risque que de montrer qu’il est bon et rempli d’affection fraternelle, et que l’autre est mesquin et indigne de toute bonté. »