L’homme moderne, qui double ses effectifs tous les cinquante ou soixante ans et dont la civilisation technique tend à envahir toutes les parties du globe, est une menace universelle pour la vie sauvage.
L’expansion des villes, la demande toujours croissante de barrages hydro-électriques, l’emploi de substances chimiques toxiques en agriculture et dans l’industrie, la déforestation et la multiplication des heures de loisir pendant lesquelles des millions de personnes recherchent les lieux sauvages pour jouir de la nature, tout cela exerce une lourde pression sur les animaux sauvages.
L’extinction de la vie sauvage est une chose que l’humanité ne saurait tolérer. Il y a deux grands principes en jeu dans la conservation :
1. L’homme doit comprendre qu’il fait preuve de corruption morale chaque fois qu’il extermine une espèce animale. Il lui faut obligatoirement reconnaître la solidarité et le profond mystère du monde vivant. Puisqu’il ne peut le créer, il a le devoir de le protéger.
2. L’hypothèse selon laquelle l’univers a été créé uniquement pour satisfaire les désirs de l’homme est sans valeur. L’homme est un élément de la création ; il fait partie de la nature ; son existence est liée à la survie des animaux inférieurs. Il s’illusionne gravement s’il croit pouvoir remplacer les lois de la nature par ses inventions techniques.
La destruction de la vie est irréparable. Les machines faites par les hommes n’exigent que quelques semaines ou quelques mois de recherche et de travail, et, si elles sont détruites, il est possible de les remplacer. Les animaux sauvages, au contraire, ont mis des millions d’années à se faire. Ils ont été façonnés par les forces qui ont formé la terre. Ce n’est qu’à la suite d’une longue série de tris, d’éliminations, de modifications et d’améliorations qu’ils ont atteint la perfection qui les rend aptes à vivre dans le monde actuel.
Le Canada est renommé dans le monde entier pour la richesse et la variété de sa faune sauvage. Il possède, estime-t-on, 100,000 variétés différentes d’animaux vivant à l’état naturel. Cette faune se répartit en 193 espèces de mammifères, 518 espèces d’oiseaux, 82 espèces d’amphibiens et de reptiles et 770 espèces de poissons.
Espèces disparues ou en voie de disparition
Lorsqu’il est question de destruction de la vie animale sauvage, nous sommes portés à gémir sur ce qui se passe dans les pays lointains.
Dans son livre intitulé Avant que nature meure, Jean Dorst, sous-directeur du Muséum d’histoire naturelle de Paris, suit l’assaut de l’homme contre la nature par continents, mettant ainsi sous nos yeux « le pillage inconscient d’un monde livré à la cupidité d’hommes éblouis par les trésors qui s’ouvraient à eux et qu’ils ont eu la folie de croire inépuisables ».
L’Amérique du Nord offre à cet égard l’un des exemples les plus tragiques. En plus des modifications apportées au milieu, auxquelles les animaux sauvages n’ont pu s’adapter, on note « un désir de détruire la vie sauvage, de l’éradiquer volontairement, qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’Europe ». Nous avons, au cours des cent dernières années, perdu plus d’espèces que l’Europe ne l’a fait en un millier d’années.
Pierre de Charlevoix, célèbre historien et explorateur d’origine française, écrivait dans son Journal en 1663 : « Lorsque nous avons découvert cette vaste contrée, le cerf et les bêtes de chasse y abondaient ; mais une poignée d’hommes ont, en une seule génération, trouvé moyen de les faire disparaître presque complètement, et certaines espèces ont été entièrement détruites. Ils ont tué les ancêtres du wapiti pour le plaisir de les abattre et pour montrer leur habileté au tir. »
Trois espèces d’oiseaux, le grand pingouin, le canard du Labrador et le pigeon migrateur sont aujourd’hui éteintes, et le courlis esquimau et la grue criarde ont été menacés d’extinction pendant quelques années. Le dindon sauvage, que l’on trouvait autrefois dans le sud de l’Ontario, a été exterminé.
L’exemple le plus triste est celui des pigeons migrateurs. Ces oiseaux, auxquels les Canadiens français donnaient le nom de tourte, étaient si abondants que les arbres où ils venaient se percher croulaient sous leur poids. Aujourd’hui, le pic à bec d’ivoire semble avoir rejoint le pigeon migrateur dans l’oubli.
Un grand nombre d’espèces sauvages du Canada livrent en ce moment leur dernier combat contre les empiètements d’un pays en mutation rapide. Ils sont en voie d’extinction en ce sens que leur nombre a atteint un niveau où l’intervention humaine est nécessaire pour assurer leur survivance.
Certains mammifères sont rares et en péril en raison à la fois de la destruction de leur habitat et des excès commis par les chasseurs. Le lièvre arctique est devenu rare à Terre-Neuve. Le renard véloce du Nord a presque disparu ; la chasse et le poison ont décimé le loup de l’île de Vancouver, et le furet aux pieds noirs est menacé d’extinction prochaine.
À qui la faute ?
Au cours d’une manifestation contre la destruction des animaux sauvages par la pollution, on pouvait lire sur la pancarte que portait une jeune fille : « Nous connaissons l’ennemi … C’est NOUS. »
L’homme primitif a, il est vrai, détruit le milieu, mais jamais avec la détermination, calculée dirait-on, qui a marqué la colonisation de l’Amérique du Nord et qui persiste encore aujourd’hui. Nous assistons au déchaînement d’une passion qui rappelle ce que dit Satan dans Le Paradis perdu, de Milton : « Ce n’est que dans la destruction que je trouve un soulagement à mes pensées cruelles. »
Pendant les millénaires qui ont précédé notre âge, la nature a établi un rythme de reproduction destiné à pourvoir aux remplacements nécessaires pour assurer la perpétuation des espèces : puis arriva le grand prédateur, l’homme. Comme le dit Jean Dorst : il est comme un ver dans un fruit, qui ronge son habitat, en secrétant des théories pour justifier son action.
Nous abattons les arbres au bulldozer, nous détournons les cours d’eau et nous construisons des digues ; nous drainons des rivières pour irriguer de vastes étendues de terrain tout en asséchant par ailleurs les terres basses et humides ; nous soustrayons des sols de qualité à la production et nous perturbons ainsi la variété du milieu naturel ; nous amoncelons les déchets à la surface du globe, nous déversons les eaux d’égouts et les produits chimiques dans les rivières et nous exhalons des gaz et de la suie dans l’atmosphère. Et tout cela empoisonne le monde vivant.
Nos ingénieuses inventions aggravent encore nos méfaits. Le vol des avions a des effets préjudiciables sur les orignaux dans le grand nord. Il augmente la fréquence des fractures osseuses et tend à épuiser et à disperser les hardes, ce qui les rend plus vulnérables aux attaques des loups.
Les feux de forêt, de brousse et d’herbe, allumés par l’homme pour défricher le sol ou par l’usage imprudent des allumettes sont les ennemis mortels de la vie sauvage. Ils restreignent les lieux de parturition, détruisent les plantes nutritives, troublent les aires de nidification, interrompent les activités de reproduction et polluent de leur cendre les lacs et les cours d’eau.
La destruction des mauvaises herbes et des insectes nuisibles à l’aide de produits chimiques présente une grave menace pour les animaux sauvages. La seule pensée d’un chasseur primitif tapi près d’un point d’eau avec son arc et ses flèches empoisonnées nous fait frémir d’horreur, mais nous acceptons sans sourciller l’avion qui, en répandant du poison sur les campagnes, détruit les mammifères, les oiseaux, les poissons et une multitude d’insectes utiles, même si son intervention ne vise que quelques parasites.
Tous les faucons, les aigles et les hiboux du Canada sont en péril, affirme J. S. Tener dans un rapport intitulé Vanishing Species in Canada. Étant carnassiers, ils absorbent et accumulent les résidus des pesticides qu’ingèrent leurs proies. La variété des faucons pèlerins de l’est du Canada est probablement éteinte à l’heure actuelle.
Parce qu’il s’est rendu compte du danger, le gouvernement fédéral a réduit de 90 % la quantité de DDT employé au Canada. Le Conseil de recherches du Canada poursuit une enquête sur la pollution causée par ce poison, afin d’élaborer les normes que fixeront les autorités chargées de la réglementation des polluants.
S’agit-il d’un phénomène passager ?
Est-il permis d’accepter la rage de destruction qui sévit aujourd’hui comme un simple épisode dans l’histoire de l’évolution de l’homme ?
Au cours des siècles, l’espèce humaine a adopté un nouveau genre de vie. Elle est passée de l’âge de la chasse, de l’agriculture et du travail manuel à l’ère des machines et des ordinateurs, tout comme la chenille qui devient chrysalide, puis papillon. On ne saurait tenir le papillon responsable de ce qu’il a fait en tant que chenille et le punir après coup ; à lui de voir à se bien comporter dans son nouvel état.
Par son culte de la machine, l’homme a réussi à atteindre un haut niveau de vie, mais l’excès risque ici de lui être fatal. On trouve dans les marais de l’Irlande des squelettes de l’élan de ce pays, dont les bois devinrent si grands avec le temps qu’il finit par être incapable de manger et qu’il disparut.
L’homo faber, c’est-à-dire l’homme créateur de choses, est si épris de ses découvertes techniques qu’il en a oublié sa constitution animale. Seul un juste équilibre avec la nature pourra assurer sa survie et le bonheur de l’esprit auquel il aspire.
L’une des difficultés qui se posent lorsqu’il s’agit d’encourager la conservation de la vie sauvage, c’est qu’il est impossible d’accoler le symbole du dollar au chant de l’oiseau, à la grâce du mouton des montagnes Rocheuses sur le flanc d’un rocher, à la beauté d’une truite arc-en-ciel flânant au pied d’une cascade. Dans une de ses publications, le Service canadien de la faune, affirme avec optimisme : « L’intérêt que suscite la vie sauvage du seul fait de sa beauté, de son charme et de sa nouveauté est en progression, et c’est là un facteur dont on ne peut faire abstraction dans l’appréciation de la valeur de la vie sauvage pour notre économie. »
Dans les premiers temps de la colonie, époque où les animaux sauvages constituaient la principale nourriture des colons, la chasse était pour le chasseur une école de connaissance de la forêt, d’intrépidité, d’adaptabilité et d’adresse au tir. Avec l’évolution économique et sociale de notre pays, la poursuite du gibier est devenue une distraction qui offre encore les mêmes avantages.
Il y a, au Canada, plus d’un million de chasseurs, qui consacrent, chaque année, cent millions de dollars à la pratique de leur sport. Certains d’entre eux ne comprennent ou ne prisent pas toujours les restrictions imposées par les biologistes qui ont étudié les besoins écologiques des animaux. Le sport de la chasse peut être une exploitation normale et légitime d’une ressource naturelle, mais il doit être réglementé.
La conservation commence au foyer
La plupart des Canadiens voudraient apporter leur contribution à la conservation de la vie sauvage, et tous en ont la possibilité. La conservation ne se limite pas aux grands espaces libres des vastes forêts que nous montrent les émissions de télévision sur le monde sauvage. Elle a son point de départ dans chaque jardin de banlieue, dans chaque pré de la ferme et dans chaque ruisseau. Il y a partout des petites et des grandes créatures sauvages.
Voici une liste des animaux sauvages qui vivent dans le voisinage des grandes villes comme Toronto et Montréal. Parmi les mammifères, citons le vison, le rat musqué, l’écureuil, la mouffette, le cerf de Virginie, le coyote, la marmotte, le lapin, le lièvre d’Europe, l’écureuil volant, la chauve-souris et la belette. Les oiseaux-gibier comprennent notamment le faisan à collier, l’outarde et plusieurs espèces de canards. Il y a aussi des oiseaux chanteurs qu’il serait trop long d’énumérer. Quant aux poissons, bornons-nous à mentionner le brochet, l’achigan, la carpe, le doré, etc.
Une foule de menues mesures de conservation peuvent utilement compléter le rôle des réserves nationales et provinciales. Tout ce qui est nécessaire, c’est de réunir les conditions – sol, eau, plantes – dont les animaux sauvages ont besoin pour vivre.
De nombreux agriculteurs laissent le long des clôtures et dans les coins de leurs champs des bandes en friche qui servent de refuge aux petits animaux.
Les haies jouent un rôle important dans la vie des petits mammifères et des oiseaux, surtout s’il s’y trouve des arbustes fruitiers. Les arbres et les arbrisseaux offrent les abris, les refuges et la tranquillité que recherchent les animaux sauvages.
Aider, ne serait-ce qu’un peu, à l’entretien de la vie sauvage, c’est faire descendre la conservation des nuages où elle est si souvent obscurcie et contribuer à rendre le monde plus agréable pour l’homme. La conservation ne consiste pas simplement à sauvegarder la vie pour les générations à venir ; elle concerne aussi le présent. À chaque instant du jour, nous subissons l’influence de ce qui nous entoure, et nos vies en sont enrichies si nous y sommes attentifs.
Le Service canadien de la faune
Le Service canadien de la faune et les organismes provinciaux sont les dépositaires de la vie sauvage au Canada. Exception faite des parcs nationaux, la faune sauvage, à l’exclusion des oiseaux migrateurs, a toujours été considérée comme étant du ressort des gouvernements provinciaux et des Territoires canadiens.
En plus de s’occuper des oiseaux migrateurs, le Service de la faune aide de ses conseils les autres organismes fédéraux ainsi que les gouvernements des Territoires du Yukon et du Nord-Ouest. Il assure aussi, sur demande, certains services de recherche aux provinces. En 1966, il a inauguré un programme de bourses d’un montant de $1,200 chacune, destinées à aider les diplômés à poursuivre des études dans divers secteurs de la biologie de la faune. Des conférences fédérales-provinciales sur la faune sauvage ont lieu tous les ans.
Si les mille et une organisations privées de conservation se groupaient en une union, qui apporterait son appui et sa participation aux activités du gouvernement dans ce domaine, ce serait un grand bienfait. Le Groupe d’étude sur les facteurs écologiques et de l’environnement, de la Fondation du Canada-médian, a proposé la création d’un organisme qui serait habilité à surveiller la mise en application des programmes de protection du milieu et chargé de poursuivre l’éducation du public.
Des sociétés provinciales et régionales participent à la conservation dans leur secteur. Ainsi, la Fédération de la faune du Québec s’est donné pour mission de collaborer avec les pouvoirs publics à l’élaboration d’un programme de conservation et d’aménagement de la vie sauvage. La Fédération des naturalistes de l’Ontario encourage les loisirs de plein air ainsi que la compréhension et la conservation de la nature.
Les divers pays du monde ont compris, il y a déjà plusieurs années, que leurs efforts de protection de la nature devaient prendre une envergure mondiale, et, aujourd’hui, le Canada fait partie de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources.
L’aménagement de la faune
Il n’est pas suffisant de laisser les animaux sauvages se débrouiller tout seuls. Les hommes empiètent sur les lieux qu’ils habitent, y apportant des modifications qui dépassent les possibilités d’adaptation du monde sauvage.
Le principal objectif des Canadiens que préoccupe l’avenir de la faune sauvage est qu’il y a lieu de l’aménager convenablement en tant que ressource naturelle renouvelable. Et cet aménagement doit se fonder sur de solides principes biologiques.
La science de la propagation des animaux est une science nouvelle, qui va parfois à l’encontre des préjugés courants, mais il est bien entendu qu’un territoire ne peut nourrir qu’un nombre déterminé d’animaux. L’idéal est d’y conserver le plus grand nombre d’individus compatible avec la capacité de son étendue.
La vie sauvage ne peut continuer à agrémenter notre façon de vivre si nous ne lui réservons pas l’espace vital nécessaire. Si la modification ou la destruction d’un habitat est plus mystérieuse que la chasse, elle n’en est pas moins meurtrière. Dans l’élaboration des plans visant à modifier l’usage d’un terrain ou à construire une route ou un pipe-line, il importe de penser à la vie sauvage des environs. Un léger changement apporté à la construction ou à l’emplacement peut assurer le bien-être futur de la faune sauvage sans entraîner de désavantage économique appréciable.
Les animaux sauvages ne nous demandent pas grand-chose : une poignée d’aliments essentiels, un approvisionnement d’eau assuré, un refuge ou un abri sûr.
Parcs et réserves
En 1887, une réserve d’oiseaux, la première sur notre continent, était créée au lac Lost Mountain en Saskatchewan. Aujourd’hui, le Service canadien de la faune administre 94 réserves d’oiseaux migrateurs à travers le Canada, sans compter ceux qui sont administrés par Ducks Unlimited, la Jack Miner Foundation et beaucoup d’autres organismes.
Aux yeux des naturalistes, il est extrêmement important de soumettre les réserves à une réglementation rigoureuse afin de ne pas perturber la vie des animaux qui s’y trouvent et d’éviter toute modification de leur habitat.
Le Canada possède des parcs provinciaux et des parcs nationaux. Les parcs provinciaux, d’une superficie totale de 76,051 milles carrés, se divisent en cinq catégories : les parcs primitifs ; les parcs des rivières sauvages ; les milieux naturels ou historiques ; les parcs récréatifs ; les réserves naturelles.
Des efforts sont accomplis pour protéger les parcs naturels contre l’« érosion » humaine. Ainsi, certaines provinces interdisent ou limitent la circulation des motoneiges dans les zones écologiquement ou géologiquement fragiles. Le passage de ces véhicules pourrait facilement briser la tête des jeunes plants. Des conducteurs inconsidérés pourraient endommager l’habitat du gibier d’eau, et la province d’Ontario signale, avec preuves à l’appui, des cas de chasse sadique où des animaux ont été poursuivis et écrasés sous les chenilles des motoneiges.
« Préserver pour toujours »
Les 24 parcs nationaux du Canada ont une superficie totale de 30,000 milles carrés.
Leur but est de préserver pour toujours les beautés naturelles les plus remarquables et les plus typiques du Canada. Ils sont dédiés à jamais à une seule fin : servir de temples de la nature consacrés au repos, à la détente et à l’agrément. On n’y permet l’exploitation des ressources dans aucun autre but.
Dans la plupart des parcs, l’habitat des animaux sauvages est accessible, sous la surveillance des gardiens, aux visiteurs qui désirent les observer, les photographier ou les étudier. On y encourage le culte de la nature en mettant à la disposition du public des sentiers de randonnée et des guides-naturalistes, des musées, des films et des projections fixes, des conférences et d’autres services éducatifs.
Ceux qui sont chargés d’assurer l’administration des parcs tant nationaux que provinciaux sont constamment sollicités d’en ouvrir certaines parties à la construction d’habitations permanentes ou de passage et d’entreprises commerciales.
La déclaration officielle de principes de 1964, qui interdit toute exploitation des parcs susceptibles de porter atteinte à leur caractère de temples de la nature, offre à l’administration l’instrument nécessaire pour empêcher ces lieux de dégénérer en vulgaires parcs d’attractions, comme il en est tant dans d’autres pays.
Le monde sauvage a des droits
Les enfants de la nature sont tous des créatures loyales aux intentions très simples. Il n’y a pas de fourberie dans la nature. Les humains, eux aussi, sont tenus de pratiquer les usages du monde extérieur.
Les tribus primitives qui chassaient le gibier pour satisfaire leurs besoins élémentaires avaient presque toujours des croyances empreintes d’un certain respect pour les animaux qu’elles poursuivaient. L’homme d’aujourd’hui qui fait intrusion dans un milieu propre aux animaux indigènes se doit tout au moins, lui aussi, de les respecter.
Beaucoup de codes de la route accordent la priorité au piéton en se fondant notamment sur le principe qu’il existait avant l’automobile. Les animaux sauvages ont une antériorité beaucoup plus ancienne encore ; pourtant, 103 cerfs ont été tués par des véhicules automobiles, en Ontario, en 1970.
Peut-être les animaux, comme les humains, devraient-ils avoir leur Déclaration des droits. Et le premier de ces droits est assurément le droit à la vie. Ces droits, il est du devoir de l’espèce supérieure qu’est la race humaine de veiller à ce qu’ils soient respectés. Notre supériorité nous impose des obligations spéciales. L’homme a reçu le pouvoir de « dominer sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toutes les bêtes sauvages et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre », et il lui a été dit de remplir la terre et de la conserver.
Aux raisons morales qui nous commandent de nous acquitter de notre administration avec humanité s’ajoutent des raisons de survie qui nous font un devoir de ne pas perturber sciemment et étourdiment l’équilibre écologique. La nature existe de son propre chef ; elle exige notre respect et notre attention ; elle est aussi indispensable à notre joie de vivre.
Si la méconnaissance de sa place dans la nature devait conduire l’homme à dévaloriser la vie animale et à trahir son caractère distinctif d’animal raisonnable, ce serait pour lui un retour en arrière sur la route qu’il a gravie avec tant de difficulté au cours des siècles.