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Parmi ceux qui termineront leurs études cette année, il n’en est pas un qui ne soit impatient de voler de ses propres ailes et de faire son chemin dans la vie.

Mais pour voler de ses propres ailes, il faut avoir autre chose dans l’esprit que le désir de voler. Il importe d’en savoir assez pour réussir à voler seul. C’est pour cela que les jeunes fréquentent l’école, l’université et l’église ; c’est pour cette raison aussi que leurs aînés, s’ils sont sages, continuent de s’instruire par la lecture et l’observation. Dans notre monde en mutation, les connaissances acquises ne sont jamais suffisantes.

Nul ne jouit d’une indépendance complète en ce sens que tout ce qui se passe en dehors de sa personne le laisse totalement indifférent. L’indépendance doit s’accompagner de la connaissance des événements, de l’obéissance intelligente à certaines lois de la vie et de la fidélité à certaines habitudes d’humanité.

Le conseil « Soyez vous-même », donné il y a mille ans, est devenu dans le langage moderne : « Réalisez-vous vous-même ». Certaines personnes cherchent à attirer l’attention en étalant à profusion leurs qualités, comme le marchand qui se croit obligé d’entasser tout ce qu’il a à vendre dans sa vitrine ou comme la maîtresse de maison qui essaie de faire entrer tout son jardin dans un vase à fleurs.

Quel est votre caractère propre, votre trait distinctif, votre point fort ? Voilà ce qu’il faut montrer et développer. Il se peut qu’un homme trouve l’arithmétique, la rédaction ou la menuiserie difficile. Cela n’est pas plus extraordinaire que le coureur de fond à qui il est impossible de courir un cent mètres en moins de dix secondes. Ce qui importe, c’est de trouver sa qualité maîtresse et d’en assurer le plein épanouissement.

Il convient cependant de suivre avec prudence le conseil de concentrer son attention sur ce que l’on sait bien faire. Si vous êtes habile à jouer de la guitare, vous risquez d’être casse-pieds en en jouant trop souvent ou trop longtemps. Il est sage de diversifier vos intérêts, afin d’acquérir de nouveaux talents et de vous occuper de choses qui élargissent votre vie, même si vous n’atteignez jamais à une habileté au-dessus de la moyenne.

L’occasion de briller se présentera infailliblement à l’homme qui accroît sa compétence, qui meuble son esprit de données utiles et qui a le désir et l’énergie de se lancer à la poursuite d’un objectif.

Volonté et ambition

Quel est le grand impératif de la vie, la force qui nous pousse à vouloir voler de nos propres ailes ? C’est une piètre ambition que celle de réussir à se tirer d’affaires tout seul dans l’unique but de se faire admirer.

Un traité de pathologie sociale range parmi les principaux désirs du commun des hommes : les expériences nouvelles, la sécurité, la sympathie et la considération. Comme tout cela paraît borné et égoïste à côté de l’ambition d’apporter une contribution féconde à l’aventure humaine. Nul ne connaît le plus grand bonheur qu’il lui soit possible d’atteindre s’il ne peut se dire : « Je suffis à mes besoins dans la caravane humaine. » C’est là une satisfaction que ne peut remplacer aucun rang social, aucun niveau de vie, si élevé soit-il.

Quiconque se tracasse au sujet de son peu de progrès dans la vie sociale ou des affaires ferait bien de prendre quelques minutes pour trouver la réponse à la question suivante : « Quels sont mes mobiles ? » La motivation est parfois la passion de réussir, de monter jusqu’au sommet d’une montagne et d’apporter sa pierre au cairn qui s’y trouve, ou encore l’ardent désir de rendre service, comme dans l’exercice d’une profession, ou enfin l’aspiration à ajouter quelque chose à la beauté de la vie par la pratique des arts.

Ce qui importe par-dessus tout, c’est de travailler de façon intelligente à atteindre son objectif par ses propres moyens. Un objectif fort simple pour tout le monde consiste à se réaliser dans toute sa plénitude, à s’élever du passable à la perfection, des rêves de la jeunesse aux réalisations de l’âge mûr. Les succès applaudis par le public ou rémunérés par l’entreprise laisseront dans votre bouche un goût amer si vous savez que vous auriez pu faire mieux. Thomas Fuller écrivait en 1640 : « Le bien n’est pas bien lorsqu’il est le fait de ceux dont on attend beaucoup mieux ».

Faire parade de son ambition – comme un Tarzan qui se bat la poitrine et crie son défi à toutes les bêtes de la forêt – n’aboutit pas à grand-chose. Il faut se mettre à la poursuite de son but, ayant en tête des idées constructives sur son lieu de destination et les moyens de s’y rendre.

Il n’est pas moins important de prévoir les conséquences de son ambition. Celle-ci peut devenir une déesse des plus malfaisantes, exigeant le sacrifice absolu de toutes nos facultés et de toute notre énergie. Une honorable moyenne peut être ce qui convient à certains hommes. Ils n’ont pas les qualités voulues pour briller au premier rang. Peut-être ne désirent-ils pas le pouvoir, le prestige ou la fortune. On serait malavisé de pousser ces personnes à essayer d’obtenir quelque chose qui ne ferait pas leur bonheur. Elles doivent cependant s’efforcer de réussir aussi bien dans leur rayon que le leur permettent leurs dons naturels.

Importance des normes

Pour choisir, opter, décider, l’homme a besoin de normes d’appréciation. Il ignorera peut-être comment faire certaines choses, mais il remédiera à cette lacune en étudiant et en essayant d’acquérir la compétence nécessaire dans son métier. Ce qui est beaucoup plus grave, c’est l’ignorance malsaine qui consiste à n’avoir aucune notion de la perfection. De là l’opinion funeste selon laquelle il importe peu que l’on fasse du travail médiocre.

Celui qui s’efforce d’exceller dans le champ d’action qu’il a choisi prendra plaisir à le faire avec ses qualités et son dynamisme naturels plutôt qu’en comptant sur les autres. En faisant appel à la fois au travail, à l’enthousiasme, au savoir et à la compétence, un homme peut atteindre au génie, ce qui est un fait bien personnel.

La solidité de votre aplomb et le succès qui accompagnera vos efforts dépendront de la force de votre volonté et de votre persévérance. On peut affirmer que la capacité de poursuivre un travail jusqu’à la fin est la condition sine qua non de la réussite. Après avoir entrepris, il faut aller jusqu’au bout. On dit que quatre-vingt-dix pour cent des ratés sont des lâcheurs.

Il faut du courage pour faire le premier pas et continuer sa route. Les timides évitent parfois le risque de l’échec du seul fait qu’ils ne l’encourent pas.

Si vous êtes ambitieux vous prendrez des risques calculés, mais vous vous consolerez à la pensée qu’un échec relatif dans la réalisation de grandes choses vaut mieux que la honte de n’avoir rien tenté.

L’admiration du courage ne doit pas nous entraîner dans le piège de la folle témérité. Les hommes courageux ne prennent pas tous de gros risques. Mettant le risque et le profit en balance, ils s’aperçoivent que la douceur et le sang-froid valent mieux que la fougue et l’agitation. Les grands portraitistes et les grands sculpteurs représentent le plus souvent leurs personnages dans une attitude de calme et de sérénité et non pas sous des traits de catcheurs ou d’Amazones.

La personnalité

Un homme doit croire en lui-même. Voler de ses propres ailes c’est avoir confiance dans son aptitude à accomplir une tâche dont l’issue est souhaitable mais incertaine.

On peut accroître sa confiance en soi-même en prenant de l’intérêt à quelque chose de valable et en y vouant ses efforts. C’est là le contraire de l’habitude insipide d’imiter les actes et les particularités des autres.

Les rodomontades et le bluff sont de piètres moyens de développer son assurance. Il arrive cependant que le bluff soit profitable. Cet artifice permit un jour à Napoléon de faire capituler les Autrichiens devant une armée quatre fois moins nombreuse que la leur. Mais si le bluffeur manque son coup, son embarras et sa honte seront grands.

La confiance en soi est un élément nécessaire de la personnalité, qui est le caractère propre de chacun. L’un des biens les plus précieux de l’homme, le caractère est le lien qui unit les habitudes et les actes de l’individu et qui fait leur force et leur valeur.

Celui qui a une personnalité antipathique a vite mauvaise réputation. Dans l’Italie ancienne on aurait dit de lui, « il a du foin sur les cornes », par allusion à la coutume d’attacher du foin aux cornes des taureaux dangereux afin d’avertir les gens de s’en éloigner.

Chacun peut améliorer sa personnalité en tenant compte des réactions des autres envers lui et en observant ce qui lui déplaît chez les autres. On apprendra ainsi que la superficialité et l’insipidité sont tout aussi répugnantes que la vantardise et la suffisance, et que l’égocentrisme ne contribue pas au charme de la personnalité.

Certaines personnes, comme certaines maisons, ne sont que devanture. Leur façade imposante masque un intérieur banal. Pour paraître grand, il ne suffit pas de se hausser sur la pointe des pieds. Il faut se sentir grand, avoir en soi les qualités et les valeurs que l’on veut afficher au-dehors.

Les attraits extérieurs, comme l’affabilité, la courtoisie, l’empressement à obliger, ont certes leur importance, mais la personnalité est l’ensemble des qualités internes qui font l’individualité d’une personne et la différencient de toutes les autres.

Naturellement, le caractère et la personnalité ne peuvent prendre pied que si le jardinier leur a préparé un lit de savoir. Mais, diront peut-être certains, l’étude est une telle corvée. Il se peut, en effet, qu’elle soit fastidieuse dans ses divers éléments, mais l’acquisition de la science est un peu comme l’emploi d’une machine à additionner. On presse une foule de touches sans rapports apparents et rien ne se passe… jusqu’à ce qu’on appuie sur la touche « total » et que l’on obtienne une réponse utile.

Le savoir s’acquiert de bien des façons. L’attrait et la qualité d’une photographie peuvent résulter du don naturel qu’a le photographe de discerner les possibilités du sujet, ou encore être le fruit de l’étude et de l’application. L’important pour celui qui est ambitieux, c’est de reculer les limites de son ignorance dans toutes les directions et par tous les moyens possibles.

On peut se fixer des connaissances dans l’esprit et les avoir toujours à portée de la main en gravant certains proverbes et certaines maximes dans sa mémoire. Ces principes généraux, qui nous servent de guides ou de règles, sont des outils commodes à avoir sous la main. Certains les écartent en tant que « pures lapalissades », mais les lapalissades ne sont pas forcément négligeables du simple fait qu’elles sont bien connues. Une maxime n’est pas une loi à observer servilement, mais un mémento ou une mise en garde qui surgit dans notre esprit au moment opportun.

Le savoir demande à être utilisé avec enthousiasme, c’est-à-dire avec « une ardeur passionnée », selon le dictionnaire. Une définition plus pratique, pour les besoins de tous les jours, nous enseigne que l’enthousiasme est l’intérêt allié à l’énergie.

Si un travail paraît morne et pénible, la seule résolution de le considérer comme intéressant suffit parfois à lui donner de l’attrait. On peut même faire plus encore en appliquant une nouvelle technique à la tâche ou à son exécution.

L’originalité, dans les petites comme dans les grandes choses, est une qualité à développer. C’est, en réalité, un bon moyen de se convaincre que l’on vole de ses propres ailes. Aux choses anciennes, donnez une forme nouvelle. Les auteurs dramatiques et les poètes n’ont pas la prétention d’inventer toujours des intrigues inédites, mais ils recherchent l’originalité dans le traitement et le développement du sujet.

Nos rapports avec les autres

Mais un problème se pose : comment se distinguer des autres et pourtant se faire accepter par eux ? Voler de ses propres ailes ce n’est pas s’abstenir de tout contact avec les autres. Une bonne partie de la couleur, du pathétique, de la saveur et de la variété de la vie ne se trouve que dans la société de nos semblables.

L’ambition de tout homme devrait être pour une part de vouloir rendre service à ses amis. C’est dépouiller la vie d’une partie de son agrément que de ne jamais s’intéresser à des choses qui n’ont pour soi aucune importance pratique. L’indifférence à l’égard des difficultés des autres est un signe de mesquinerie. Nous devons essayer de comprendre les pensées et les désirs des jeunes et des moins jeunes, de ceux qui vivent à un palier économique ou social différent du nôtre. Leur milieu est autre, et il ne faut pas s’attendre qu’ils voient toujours les choses du même oeil que nous.

Dans tous nos rapports avec les autres, nous constaterons que les bonnes manières aplanissent la voie à la compréhension et que l’amabilité, la douceur et la bonne volonté favorisent la bienséance et la paix dans la société.

L’amabilité et la bienséance veulent que l’on évite d’être mesquin et abject, d’abuser de sa situation, de recourir aux personnalités dans les discussions, de juger injustement les autres. Elles tiennent compte des droits et des sentiments des personnes envers lesquelles nous n’avons pas d’obligations. Ces qualités se révèlent dans la délicatesse qui nous incite à dire du bien de l’activité des autres.

Que voulez-vous ?

Le besoin le plus profond de tout être humain est celui de se réaliser en un tout harmonieux. Ce qu’il attend de lui est le facteur décisif de ce qu’il fera de lui-même. Cela exige que l’on regarde dans son esprit afin de mesurer la grandeur et la force et toute l’étendue de ses aptitudes. Il faut aussi apprendre à connaître ses faiblesses pour mieux s’appliquer à les corriger.

Après avoir étudié ses qualités et ses talents, il s’agit, dans une seconde démarche, de faire des plans. Se demander quelle est la hauteur de sa taille c’est en somme se demander à quelle distance on peut voir devant soi. Tout le monde n’est pas en mesure de se payer des enquêteurs et des ordinateurs. Chacun, en somme, doit explorer lui-même le terrain, observer ce qui s’y passe et faire son appréciation.

C’est à ce moment qu’il convient d’établir des lignes directrices pratiques, fondées sur la certitude que si la vie doit valoir la peine d’être vécue, il faut soi-même faire en sorte qu’il en soit ainsi. Il serait facile de nous en remettre à quelqu’un d’autre du soin de nous tracer un plan d’action ou de pensée, mais si nous nous laissions aller à le faire, nous n’aurions jamais la satisfaction de nous dire : « J’ai été moi-même ; j’ai volé de mes propres ailes. »

Une fois votre destination fixée et votre itinéraire choisi avec soin, mettez-vous en route. La vitesse n’est pas tout ; le plus important à ce stade est de vous assurer que vous êtes sur la bonne voie et que vos préparatifs de voyage sont faits. La devise scoute « Soyez toujours prêt » conserve toute son utilité dans l’élaboration des plans.

Être prêt ne signifie pas qu’il faille apprendre une série de règles immuables. Comme l’écrit un scout : « le scoutisme doit aider les jeunes à vivre dans un monde de changement, à vivre dans l’incertitude et pourtant à agir avec assurance. Il doit les aider à se préparer à modifier les enseignements d’hier à la lumière des connaissances d’aujourd’hui, afin qu’ils puissent s’engager avec confiance dans le monde de demain. »

Adopter une attitude positive

L’homme maître de lui-même sait qu’une attitude négative envers la vie freine le progrès. Il est absurde d’être non conformiste à seule fin de paraître différent des autres. « Les asiles d’aliénés de notre pays sont remplis de gens que l’on peut ainsi cataloguer », affirmait un jour le président du Brooklyn College dans une allocution de collation des grades.

Par contre, être indépendant, voler de ses propres ailes ne veut pas dire être indifférent ou neutre. Une attitude franchement constructive est essentielle. Un esprit négatif et chicanier ne saurait enfanter une idée lumineuse ou une oeuvre appréciable.

Vient un temps où l’on doit aventurer ses convictions dans l’action. C’est le moment d’agir de façon positive, de faire quelque chose, de s’engager. Il y a un proverbe sicilien qui dit : « Rien ne sert de passer sa vie à creuser si l’on ne plante pas d’oliviers. »

C’est aussi le moment de partir à la recherche de l’expérience. S’il y a tant de profondeur et de pittoresque dans L’Histoire de la France dans le Nouveau Monde de Francis Parkman, c’est qu’il ne s’est pas contenté de remuer les papiers des archives, mais qu’il a suivi les traces des explorateurs français, campé dans la forêt et vécu parmi les Indiens.

On n’a rien de valable sans peine, mais il faut aussi qu’un souffle vital anime nos efforts. Il est possible que, dans le secteur public comme dans le secteur privé, les mobiles d’action de certains hommes soient de faire de l’argent, d’atteindre la gloire ou d’exercer le pouvoir, mais il existe une quatrième aspiration, plus enrichissante que toutes celles-là : le désir de faire du bon travail, d’apporter sa contribution au progrès de son industrie ou de sa profession.

Quelques obstacles

Les jeunes peuvent éprouver un sentiment de frustration s’ils ont l’impression que leurs parents, leurs maîtres et leurs camarades cherchent à les associer à un idéal qu’ils ont choisi pour eux. Leur révolte devant cet état de choses pourra les pousser à exagérer les tribulations et à grossir les restrictions dont ils se disent victimes, puis à se joindre aux manifestations et à recourir à la bizarrerie en signe de protestation ou d’opposition. À l’esprit qui se laisse dominer par un sentiment de frustration il peut paraître légitime de brûler la maison parce que le mobilier de la salle de séjour ne lui plaît pas.

L’inquiétude intérieure a été le prologue de toutes les grandes actions et de toutes les initiatives fructueuses, mais l’inquiétude en soi ne mène à rien. Elle doit s’accompagner du désir de l’orienter, de lui donner une forme distincte, de la faire servir à des fins constructives. L’essentiel est de savoir s’il est possible de modifier la situation pour la rendre maniable, de changer sa position à soi de façon à tirer parti de la situation.

Tout homme a par moments l’impression de ne pas être à la hauteur. Il n’est pas de carrière remarquable qui n’ait connu ses heures d’insuccès. N’est-il pas beaucoup plus honorable de faire des erreurs que d’éviter d’en commettre en ne faisant jamais rien. Ce qu’il faut alors, c’est se servir de son intelligence pour se remettre dans la bonne voie. Clarence Chamberlin, premier pilote d’avion dans l’histoire à franchir l’Atlantique avec un passager à son bord, nous en fournit un exemple. Ayant dévié de sa route à un moment donné, il piqua sur un navire pour en voir le nom, repéra celui-ci dans la rubrique de navigation d’un journal qu’il trouva sous le siège de son appareil, calcula la position du navire et mit le cap sur l’Europe.

Les obstacles et les revers sont des choses qu’il convient d’accepter avec un haussement d’épaules et d’affronter de pied ferme. Essayer de les contourner en rampant, c’est abdiquer sa virilité.

Avoir de la maturité

L’homme qui vole de ses propres ailes est passé de la dépendance de l’adolescent aux obligations du citoyen adulte.

Un homme n’a pas atteint à la maturité tant qu’il essaie de résoudre en enfant les problèmes de l’âge mûr ou de se satisfaire des expériences de l’adolescence. La maturité suppose une évaluation intelligente des déceptions, des mésaventures, des échecs et des mécomptes, de même qu’une appréciation pondérée des réussites.

On ne peut se soustraire à la responsabilité de la maturité en citant la théorie de Marx, selon laquelle les actes de l’homme sont conditionnés par la classe à laquelle il appartient, ou la doctrine de Freud qui veut que tout ce que fait un homme soit soumis à des influences prénatales et de jeunesse auxquelles il ne pourrait rien.

La responsabilité est la rançon inévitable de l’indépendance. L’homme qui est libre d’agir comme il lui plaît est responsable de ce qu’il fait. Un esclave n’est pas responsable, mais dès qu’il devient un homme libre il assume non seulement la liberté, mais aussi des devoirs envers lui-même, sa famille, sa collectivité, son pays.

Il ne suffit pas de s’affranchir, il faut se développer. La croissance est une marque caractéristique de la vie, et croître c’est changer. Le sage ne considère son état actuel que comme l’ébauche d’un tableau à terminer.

Fierté et modestie

Heureux celui qui ne se laisse pas enivrer par les choses qu’il vient à posséder. L’homme qui parvient à la célébrité doit porter les honneurs avec douceur, magnanimité et sans arrogance.

Gardez-vous de laisser vos succès vous gonfler la tête, surtout si l’étroitesse de votre auréole risque de vous donner des migraines. Rappelez-vous la vanité de celui qui disait : « Les génies sont des gens insupportables. Il suffit de demander à ma famille combien je suis difficile à vivre. »

Voler de ses propres ailes, c’est chercher à être soi-même, à vivre une vie féconde. Au bout de l’an ou à la fin de votre vie, vous voudrez avoir l’impression d’être presque parvenu au but que vous visiez et que vous étiez en mesure d’atteindre.

Ainsi donc, la voie est libre. Ceux qui réussissent à la parcourir ne s’arrêtent pas aux attraits accessoires et s’abstiennent des activités qui ne contribuent pas à faciliter leur arrivée à destination. Ils ne font pas attention aux panneaux qui tendent à les aiguiller vers les impasses de la facilité et des plaisirs. Volant de leurs propres ailes, ils fixent eux-mêmes leurs objectifs, livrent leurs combats et remportent leurs victoires.