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Il n’y a pas de raison pour qu’une lettre d’affaires se lise comme une composition d’écolier, où l’élève inscrit un titre sous lequel il tente ensuite d’aligner des phrases qui soutiendront l’examen critique de l’instituteur.

Les affaires et l’industrie font largement appel à l’art de la communication des idées. D’où l’impérieuse nécessité d’écrire des lettres capables d’intéresser les lecteurs, de captiver leur attention, d’emporter leur approbation et obtenir l’effet désiré.

L’intelligence qu’apporte à cette tâche celui qui écrit des lettres n’exige pas des connaissances profondes, mais le talent de relier et de coordonner des faits, puis de les présenter sous une forme intéressante.

Une lettre doit réaliser avec de l’encre ce que le peintre accomplit avec ses couleurs : repérer l’important, l’intéressant, l’attrayant et offrir ainsi au lecteur une image intelligible d’une tranche de vie. Cet art ne s’enseigne pas, mais il s’apprend.

Le mécanicien qui se donne la peine de rechercher pourquoi et comment un moteur fonctionne de telle ou telle façon est un meilleur mécanicien que celui qui sait seulement qu’il faut tirer un certain levier pour le mettre en marche et appuyer sur un bouton pour l’arrêter. De même le rédacteur qui comprend comment agit son cerveau et comment réagit le cerveau des autres est beaucoup mieux en mesure de faire des progrès dans son travail que s’il ne sait qu’assembler des mots grammaticalement. Il cesse alors d’être un piano mécanique qui joue toujours les mêmes rengaines.

Les sujets qu’aborde le rédacteur de lettres d’affaires n’offrent pas tous intrinsèquement les mêmes attraits. Ce qui fait la satisfaction du bon rédacteur, c’est de donner de la vie et de l’intérêt à une question banale. Il y a autant de joie à enjoliver un sujet insignifiant qu’à traiter avec bonheur une question lourde de sens.

Le rédacteur intègre ne fait pas de camelote, car il sait que le destinataire devra lire sa lettre, qu’elle soit bien ou mal faite. Ce serait là non seulement une mauvaise tactique, mais aussi une impolitesse dont l’auteur ne tirerait aucun plaisir.

Songeons à toutes les possibilités de rédaction créatrice que l’on trouve dans la pratique du commerce et de l’industrie. Comme on l’a dit si justement, l’homme n’a pas faim que de pain. Il y a dans chaque être humain une faim de l’esprit et du coeur en même temps qu’un vif désir d’information. Il incombe à celui qui écrit une lettre de satisfaire dans une certaine mesure ces aspirations chez son lecteur.

Quelques lignes directrices

Pour y réussir, il est nécessaire de répondre aux questions suivantes : à quel genre de personne est-ce que j’écris ? Quelles sont mes dispositions à son égard ? Que désire-t-elle savoir ? Quelle image de mon entreprise ai-je l’intention de donner ? Pour quelle sorte de personne veux-je passer ? Quelle est la réaction que je désire de la part de ce lecteur par rapport à ce que j’écris sur la feuille de papier que j’ai devant moi au sujet de cette question en particulier ?

Qu’il s’agisse d’accuser réception d’un compte rendu courant ou de prôner une idée révolutionnaire, il est bon de se rappeler que c’est à quelqu’un et non seulement à une situation que l’on a affaire. Il importe de se faire l’interprète de la question en jeu vis-à-vis d’un lecteur qui voit le monde en fonction non seulement des faits, mais aussi de sa personnalité et de ses sentiments personnels.

Il n’y a aucune raison objective pour que la correspondance d’affaires soit d’un prosaïsme si désespérant. Sans doute le fond, le style, le vocabulaire imposent-ils certaines restrictions, mais il est possible d’être humain tout en étant concis, précis et clair.

Le talent d’écrire des lettres est une question de souci : souci de l’exactitude de ce que nous écrivons, souci de rendre service, souci de l’estime dont jouit notre entreprise, souci de notre réputation personnelle, souci de la satisfaction que procure le travail bien accompli.

Une lettre d’affaires exige plus qu’une bonne sténographe. Celle-ci peut corriger les mauvaises constructions et mettre des virgules où il en faut, mais elle ne saurait fournir des faits, ajouter du coloris, remplacer les passages confus ni dire ce qu’il y a lieu de dire de façon à mieux éveiller l’intérêt du lecteur.

Une nécessité

Ce qui est absolument nécessaire, c’est que l’auteur s’intéresse personnellement à ce qu’il fait.

La première chose qui importe avant de dicter, c’est de lire la lettre reçue avec soin et attention. Sinon, vous aurez autant de chance de comprendre les désirs de votre correspondant que de récrire la théorie de l’évolution de Darwin en faisant une croisière aux îles Galapagos.

Par cette lecture attentive tentez de prévoir ce dont votre lecteur désire entendre parler. Considérez les choses en bloc, mais en tenant compte des détails, tout comme, à un concert symphonique, vous écoutez l’orchestre dans son ensemble en fixant en même temps votre attention sur un instrument dont vous suivez la mélodie et même les silences à travers les autres instruments.

Réfléchissez à ce qui intéresse le lecteur, à son niveau de compréhension, à son intelligence du sujet, aux préjugés qu’il aurait, aux points obscurs sur lesquels il lui serait difficile d’accepter ce que vous voulez dire et au style qui lui conviendra. N’oubliez pas que lui non plus n’est pas enfermé dans un compartiment étanche, mais que ses pensées, soumises à l’action des influences extérieures, des conditions familiales, de sa santé physique et mentale, sont en perpétuelle évolution.

Il n’y a pas de plus grand service que puisse rendre l’auteur d’une lettre que d’aider un homme à envisager la vie avec plus de confiance et plus de joie. Son but devrait être de laisser l’impression au lecteur qu’il a acquis quelque chose : renseignement, gaieté de coeur ou plaisir. Un acteur qui jouait le rôle de Rip Van Winckle depuis 35 ans et auquel on demanda un jour comment il avait pu se contenter si longtemps des mêmes vers et du même personnage eut cette réponse : « Le véritable devoir d’un acteur n’est pas de se plaire à lui-même ; c’est de faire le plaisir de son auditoire. J’ai cessé de penser à moi et je me suis mis à penser à ceux qui se trouvaient devant moi. »

Pour répondre aux lettres embarrassantes tout comme pour jouer devant un public exigeant, nerveux ou apathique, il existe des techniques qui peuvent nous être utiles.

On peut, par exemple, modifier la forme du contenu ou lui donner une nouvelle tournure, ou encore changer l’accent de place ; on peut atténuer la portée de ses paroles en les allégeant, en les divisant en phrases faciles à saisir ou en éliminant certains problèmes grâce à des explications ou des éclaircissements appropriés ; on peut encore introduire des éléments nouveaux ou intervertir les rôles afin de présenter ses idées du point de vue du lecteur ; on peut enfin fondre ses idées avec celles du lecteur et lui offrir ainsi des aperçus différents.

Même si vous avez à annoncer à votre lecteur une décision qui lui paraîtra dure, il est possible de le faire aimablement. Rappelons-nous le principe du tourniquet : il faut le desserrer toutes les demi-heures pour permettre au sang de circuler. Si vous exercez une pression ininterrompue sur votre lecteur, vous aurez sans doute le plaisir de lui régler son compte, mais c’est là une satisfaction bien éphémère. Au contraire, le règlement constructif d’une situation épineuse est toujours un résultat agréable à contempler.

Il ne suffit pas d’écrire avec une froide compétence pour s’exprimer avec franchise, simplicité, concision et clarté. Si vous voulez vivre avec les autres et les influencer, vous devrez quelquefois paraître un peu moins supérieur et omniscient que vous ne l’êtes. Une lettre qui assène un coup de marteau sur la tête du lecteur pour y enfoncer une pointe d’information n’est pas aussi efficace que celle qui rattache avec déférence le nouveau renseignement à ce que connaît déjà bien le lecteur, afin de lui donner l’impression de redécouvrir une chose oubliée dans son esprit.

Ayez des faits sous la main

Le manque d’intérêt d’une lettre peut être imputable à un manque d’information. L’entrée en matière doit éveiller la curiosité du lecteur et le corps de la lettre la satisfaire.

Nul ne saurait écrire des choses intéressantes sur un sujet, fût-il palpitant d’intérêt, s’il n’a pas d’abord recueilli des renseignements. Aucune technique ne peut remplacer la connaissance des faits ; aucune belle parole ne saurait masquer cette lacune ; celui qui écrit une lettre sans connaître son sujet ne doit pas s’attendre à ce qu’on croit en lui.

Voilà pourquoi il est bon que le rédacteur de lettres ait de nombreuses relations dans les services de son entreprise comme à l’extérieur, c’est-à-dire qu’il connaisse des personnes qu’il pourra consulter sur les questions qui les intéressent ou sur lesquelles elles sont particulièrement bien renseignées. Ces personnes-clefs, il faut les repérer d’avance, car il serait vain de se mettre à leur recherche lorsqu’on a une lettre à écrire.

On ne fait rien avec rien. L’imagination – faculté d’où jaillit l’écrit créateur – doit avoir une matière sur laquelle oeuvrer. Plus le rédacteur a emmagasiné de connaissances de base plus il lui sera facile de tirer de son intelligence des associations d’idées valables.

Le génie d’un Einstein, le style d’un Dostoïevski, la grandeur politique d’un Churchill tiennent à ce qu’ils ont su associer une pensée neuve à des connaissances anciennes et enfanter aussi des idées inédites. Sommeillant dans l’esprit du rédacteur, les notions qu’il a assimilées par la lecture, l’étude et la perception n’attendent qu’un signe de sa part pour venir prendre place dans son texte.

Les rédacteurs dont la plume réussit avec le plus d’assurance à communiquer avec grâce sont des gens qui ont vu et senti beaucoup plus que le commun des mortels. Ils ont peut-être été élevés dans les mêmes villes, fréquenté les mêmes écoles et fait les mêmes voyages que les autres, mais ils ont vu, observé et assimilé plus de choses par mille carré.

Il n’y a absolument aucune raison pour que le rédacteur de lettres s’emprisonne dans les limites étroites de son bureau. Il faut plaindre celui qui a à écrire sur ce qui se fait dans son usine ou son service sans jamais avoir regardé dans les yeux les personnes qui accomplissent le travail.

C’est une obligation pour ceux qui écrivent de s’intéresser aux personnes et aux choses, d’avoir la curiosité des événements et d’être en résonance avec les possibilités et les faits importants. « L’homme qui ne sait pas s’émerveiller, dit Carlyle, n’est rien d’autre que des lunettes derrière lesquelles il n’y a pas d’yeux. »

L’aspect littéraire

Tout écrit, même la lettre la plus ordinaire, présente un aspect littéraire d’importance pour son auteur. Même s’il sait son lecteur incapable de distinguer entre le travail grossier et le travail soigné, le rédacteur doit écrire sa lettre aussi bien que possible par respect pour lui-même.

Le talent littéraire consiste à exposer une question d’une manière aussi précise et vivante que possible. Le rédacteur de lettres n’écrit pas pour la postérité. Il écrit pour accomplir quelque chose dans l’immédiat ; mais, pour ce faire, il doit être engageant et persuasif, et ce sont là les qualités des grands écrivains de tous les temps. Ils ont su donner du pittoresque aux choses les plus banales par la vigueur de leur style et non pas en exhumant de vieilles expressions usées jusqu’à la corde et en les employant lorsque l’occasion s’en offrait, après les avoir débarrassées de leur poussière.

Certains se demandent ce qu’est le style. C’est tout simplement la structure de la langue et le choix des mots propres à communiquer une pensée. En plus d’avoir de l’élégance, notre prose doit convenir à la circonstance et au but recherché. N’a-t-on pas dit que le summum de l’art pour celui qui écrit est de laisser croire au lecteur que c’est exactement comme cela qu’il se serait exprimé, sans lui rappeler qu’il ne l’a pas fait.

Une lettre ennuyeuse en soi comme la pluie peut s’animer entre les mains d’un bon rédacteur et devenir extrêmement intéressante. La vivacité conférera de l’éclat aux images, le dynamisme lui donnera de la vie et l’agrément en facilitera la lecture. En l’absence de ces qualités, vos lettres resteront toujours d’une froide précision.

La rédaction n’est pas un travail où il est possible de prendre l’équerre, la règle et le compas et de tracer un plan bleu applicable en toute circonstance. La compétence consiste dans ce cas à mettre son talent à adapter une thèse aux possibilités réceptrices du lecteur, afin de le prémunir au maximum contre la confusion, de l’empêcher de prendre l’accessoire pour l’essentiel et de lui permettre de comprendre aisément non seulement les faits, mais aussi votre appréciation de leur importance respective.

Éclat, clarté, simplicité

La platitude est une faute impardonnable dans les lettres. Elle est inexcusable parce qu’elle est sans nécessité. Il faut en rechercher la cause dans la paresse, la faiblesse, le refus de recueillir des renseignements ou le manque de documentation.

En matière d’éclat, c’est le bon goût qui sera le guide du rédacteur. Celui-ci choisira des mots et des phrases qui ont le son de la musique lorsque c’est à propos, ou celui d’un moteur lorsqu’il s’agit de donner l’impression de la vitesse et de l’exactitude, ou celui d’un marteau de forgeron lorsqu’il veut évoquer la puissance et la force.

Agencez les mots pour qu’ils plaisent à l’oeil et à l’oreille ; faites alterner les phrases courtes et les phrases longues ; changez de rythme de temps en temps, mais que ce ne soit pas aux dépens de l’harmonie.

Ne gambadez pas trop. Il importe, en écrivant une lettre, de tenir compte des trois unités du théâtre classique : unités de lieu, de temps et d’action. Rappelez-vous l’ancienne règle selon laquelle il faut élucider chaque point avant de passer à un autre. Bâtissez votre lettre comme un maçon construit un mur. Liez une idée à celle qui la précède et à celle qui la suit. Que vos questions successives servent d’explication, de complément ou de conclusion à ce que vous venez de dire. Vos lettres auront alors plus de fini, de continuité et de cohésion.

Quant à la clarté, votre expérience vous dira qu’il faut éviter les mots vagues ou inexacts. Que de fois ne sommes-nous pas exaspérés en lisant une lettre ! Si seulement nous pouvions comprendre ce qui se cache sous cette prose inextricable, sans doute cela serait-il intéressant ? Les gens inintelligibles, pensons-nous, ne sont pas très intelligents.

Écrire avec clarté et simplicité, ce n’est pas écrire sans soin et sans ordre. Une lettre écrite de façon à être comprise par le moins brillant des commis ne doit pas choquer le sens esthétique du lecteur cultivé.

Un conseil que donnent souvent, comme règle d’or, les guides de correspondance, c’est d’être bref. Mais la brièveté n’est pas nécessairement synonyme de lisibilité, car celle-ci dépend de l’intelligibilité. Le meilleur moyen d’atteindre à la brièveté sans nuire à l’efficacité et au charme, c’est de supprimer les opinions et les faits étrangers, superflus et déroutants.

Certains rédacteurs n’aiment pas écrire des lettres parce qu’ils pensent que l’importance de leur entreprise les oblige à employer des grands mots et qu’ils se sentent mal à l’aise devant la pourpre royale d’un tel vocabulaire.

Il n’y a aucun rapport entre le rang d’une firme et la grandiloquence des mots utilisés dans nos lettres. Le bon rédacteur de lettre d’affaires se sert des mots pour transmettre les idées, pour exposer ses pensées. Il n’emploie pas de mots massue quand il suffit de petits mots de rien du tout ; s’il lui faut recourir à un mot rare, il fait en sorte de le simplifier et de l’éclairer par le contexte.

Il est malheureux, même si c’est parfois nécessaire, que les spécialistes de toutes les sphères d’activité humaines, dans les sciences comme dans lés affaires, doivent recourir à un langage particulier pour communiquer leurs, idées, mais il importe que celui-ci soit réservé aux initiés. La lettre à un client n’est pas indiquée pour l’obscur jargon du métier.

La pire forme d’analphabétisme est l’impropriété de langage ou la confusion des niveaux de langue. Il est aussi peu de mise d’employer dans une lettre d’affaires le style léger des romans populaires que le vocabulaire riche et haut en couleur de la publicité.

Avoir de l’organisation

Après avoir réuni les faits nécessaires, il faut appliquer sa pensée à découvrir la façon la plus efficace de les exprimer.

Tout bon texte ne va pas sans sélection et organisation. Vous avez la substance de ce que vous avez à dire au lecteur : comment allez-vous adapter cette substance à son système de réception ? Au surplus, comment allez-vous écrire sur le ton de la conversation, afin d’avoir l’air de dire dans votre lettre : « Je voudrais bien être ma lettre pour avoir le plaisir de venir causer avec vous » ?

Voilà pourquoi le rédacteur devrait avoir une certaine idée des mobiles et des réactions éventuelles des êtres humains dans les diverses circonstances. Une certaine connaissance de la psychologie pratique est à la base de la bonne communication des idées.

La plupart des personnes auxquelles s’adressent les lettres d’affaires ont une certaine importance dans leurs bureaux. Beaucoup d’entre elles se croient encore plus importantes que nous voulons bien l’admettre. Pourtant le premier devoir du rédacteur est d’obtenir de ces personnes, quelles que soient leurs petites manies, la meilleure réaction possible, qu’il s’agisse d’accrocher une commande ou de remédier à une erreur. Il ne peut s’acquitter de ce devoir sans avoir appris à connaître la nature humaine.

Un texte est bon s’il est vivant, s’il n’est pas entièrement fait de froides certitudes, mais si l’on y trouve partout en filigrane les espoirs et les aspirations, les doutes, les affections et les haines de l’homme : tout ce qui le réjouit, l’attriste ou l’irrite.

Les auteurs de romans se prennent au jeu, et une partie de leur être vit les événements relatés. Le rédacteur de lettres doit viser à exposer les faits vécus et les questions d’affaires avec autant de réalisme que les situations imaginaires. « C’est plus facile à dire qu’à faire », diront certains, alors que d’autres déclareront péremptoirement que c’est impossible. Mais les efforts de l’homme viennent à bout de bien des impossibilités, et peu des possibilités les plus élémentaires sont réalisées de façon satisfaisante par ceux qui ne veulent pas se donner la peine nécessaire.

Voyez comme les grands moyens d’information s’évertuent à intéresser les lecteurs et les téléspectateurs. Combien plus les rédacteurs de lettres ne devraient-ils pas exploiter les sentiments humains pour favoriser l’essor des affaires de leur entreprise !

Trois qualités

Il y a trois qualités que doit rechercher le rédacteur de lettres d’affaires : la sincérité, une attitude positive et l’art de traiter les questions avec imagination.

Le cocon de l’isolement personnel qui empêche tout contact étroit entre le rédacteur de lettres et ses correspondants ne saurait convenir à l’homme désireux d’exceller ou même de réussir dans la rédaction des lettres.

Une lettre doit être affirmative, non négative. Certaines personnes pensent qu’il est de bon ton d’être négatif ; chez d’autres, c’est tout simplement une habitude. Pourtant, personne ne saurait être aussi intéressant s’il se borne à signaler ce qui est mal que s’il traite des moyens positifs à prendre pour remédier à la situation.

L’imagination en matière de rédaction des lettres consiste à présenter l’ordinaire et le banal de façon à le rendre original et intéressant. Si modeste que soit son sujet, il ne faut pas renoncer à éveiller l’intérêt du lecteur. Songeons à ce que Shakespeare a tiré des ouï-dire d’une petite île de corail : il en a fait une magnifique comédie-féerie qui s’appelle La Tempête.

Efficacité et rendement

Ce qui fait l’agrément d’écrire des lettres, c’est surtout le moyen qu’elles nous offrent de communiquer des idées de façon créatrice, soit pour pousser les gens à agir, soit pour accroître leur bonheur. Le bon rédacteur de lettres a de nombreux points de contact avec la vie, et, pour exprimer ses idées sur la vie et les affaires, il écrit avec vivacité, originalité et imagination.

Il sait que la fausse couleur et l’intérêt factice ne sont pas nécessaires pour écrire de bonnes lettres, mais que le rédacteur doit être sensible à la couleur de la vie et attentif à la nécessité de dire ce qu’il veut exprimer d’une façon intéressante.

Il sera souvent aux prises avec une tâche des plus difficiles : celle d’écrire quand il lui semble qu’il n’a rien à dire. Pour cette tâche, qui exige beaucoup d’ingéniosité, il aura emmagasiné dans son esprit des idées de réserve.

Ce n’est pas un signe de faiblesse ou d’échec que d’aboutir à un manuscrit qui a besoin de réparations majeures. C’est là monnaie courante dans tous les écrits et chez les meilleurs auteurs. Peu d’artistes, de sculpteurs ou d’écrivains sont entièrement satisfaits de leur oeuvre.

Nos premiers efforts pour introduire une note humaine dans nos lettres donneront peut-être l’impression que nous nous sommes servis d’une plume grinçante, mais cela vaut mieux que de vivoter dans l’existence en suivant toujours les mêmes sentiers battus.