Un homme doit avoir au moins un certain degré d’intelligence pour pouvoir se rendre compte qu’il y a des choses qu’il ignore. C’est à partir de cette prise de conscience qu’il décidera ce qu’il va apprendre et comment il fera pour acquérir les connaissances dont il a besoin.
Savoir ce qu’il faut connaître et savoir où le trouver sont des choses essentielles pour se guider dans la vie moderne. Les questions qui se posent inéluctablement à notre esprit sont : où sommes-nous ? où allons-nous ? quel est le mieux à faire dans les circonstances ? Et les problèmes quotidiens qui s’imposent d’autre part à notre étude sont les suivants : comment gagner notre vie, comment nous entendre avec les gens et comment apporter notre contribution à la société.
Notre milieu ambiant correspond dans une large mesure au programme d’études que nous choisissons. Nous serons plus ou moins haut dans l’échelle du bonheur selon ce que nous déposerons dans notre intelligence pour nous aider à mieux comprendre la vie. Il n’est pas facile de dire dès maintenant ce qui sortira un jour de la période de confusion que connaît aujourd’hui l’humanité, mais nous n’en sommes pas moins parmi les personnages du tableau qui commence à prendre forme. Nous pouvons contribuer à rendre les nouvelles conditions de vie plus aisées à supporter en nous efforçant d’en discerner et d’en suivre l’évolution.
En dehors de la sphère d’activité que l’on a choisie et où il faut chaque jour être au courant des moindres détails, il existe de nombreuses possibilités d’élargir ses horizons. Ce n’est qu’en s’appliquant à en savoir davantage sur une foule de choses que l’on prend conscience de toute l’étendue de ses talents et des ressources dont on dispose. Et c’est alors seulement qu’un homme peut prétendre qu’il pense, qu’il délibère et qu’il accomplit sa tâche avec le plus de satisfaction.
Le sentiment d’infériorité que nous éprouvons tous de temps en temps n’a rien d’anormal et ne doit pas nous troubler. C’est de sentiments de ce genre que naissent les améliorations dans la vie des individus et les espoirs de l’humanité. C’est à la découverte d’un manque de connaissance et à la recherche de la lumière que sont dues les victoires de la science et les conquêtes de l’homme.
« Le savoir le plus précieux, dit le professeur Edgar Dale, de l’Université de l’Etat de l’Ohio, c’est celui qui permet à une personne de faire tout ce qu’elle peut, de s’épanouir et de prendre conscience de son identité. » Si vous ne savez trop ce que vous voudriez apprendre pour vous réaliser pleinement, c’est peut-être parce que vous avez laissé aux événements, aux circonstances ou aux autres le soin d’établir le plan de votre vie. Peut-être le temps est-il venu de prendre un crayon et du papier et de commencer à tracer vous-même votre itinéraire.
Que savez-vous ?
Il y a un proverbe arabe qui dit : « Celui qui ignore et qui ignore qu’il ignore, est un insensé, fuyez-le. » Et Confucius donne ce conseil : « Sachez ce que vous savez et sachez que vous ne savez pas ce que vous ne savez pas, voilà ce qui caractérise celui qui sait. » Quant à savoir quelles sont les choses que les hommes ne connaissent pas, la Voix au sein de la tempête, dans le Livre de Job, mentionne cent domaines où nous sommes ignorants et où nous pouvons nous instruire.
Le savoir donne de l’envergure à la vie et nous libère des pensées mesquines et des univers bornés. Cela ne veut pas dire que nous devons connaître le tout de toute chose : la géographie de l’Orénoque, les subtilités de l’algèbre, les noms des muscles du corps humain, les quatre éléments essentiels du missile spatial ou le titre du dernier roman à succès.
Le degré de connaissance qu’il vous faut dans un domaine dépend de vos goûts et de votre point de vue. Les gens associent souvent des idées différentes à une même chose, la lune par exemple. Pour les anciens, la lune était une déesse ; pour les enfants, c’est un fromage ; chez l’amoureux délaissé, elle suscite des pensées d’amour déçu ; pour le navigateur, c’est un astre qui influe sur les marées des océans ; pour l’astronaute, c’est un lieu où faire une promenade. Aux yeux des spécialistes, celui qui ne connaît pas ce qu’ils connaissent est un ignorant, mais celui-ci est peut-être plus sage qu’eux s’il connaît l’existence de tous ces points de vue.
Le fait d’acquérir des connaissances ne suffit pas à lui seul pour rendre un homme cultivé. Il n’est pas bon de se laisser griser par le désir général d’accumuler une masse de renseignements. C’est en quelque sorte imiter les femmes qui ont la passion de la toilette, mais qui ne savent pas s’habiller. Apprendre n’est profitable que si cela nous permet de nous acquitter convenablement de nos devoirs en tant que père ou mère de famille, en tant que travailleur et en tant que citoyen de notre pays et du monde.
Notre guide suprême est notre sens des valeurs. Il n’y a aucun avantage à s’instruire si l’on n’a pas d’échelle de valeurs. C’est d’après cette échelle et notre conception de ce qu’est une vie de devoir que s’orientera notre poursuite du savoir. Le savoir le plus satisfaisant est celui qui est recherché de façon consciente, activé par l’intérêt, dirigé par l’intelligence et excité par le plaisir d’apprendre.
Avoir des intérêts variés
Dans cette optique, il est évident que l’on s’efforcera pour commencer d’élargir ses horizons vers l’infini plutôt que de les ramener au point de fuite de ses affaires personnelles. Celui qui ne demande pas davantage que de s’envelopper dans un cocon et de demeurer à l’état larvaire de son développement, ferait mieux de suivre le conseil que donne James Reeves dans un de ses derniers poèmes : « Quand plus rien ne vous émeut que votre propre sort, mieux vaut vous coucher et attendre la mort. »
Il est possible à qui le veut d’avoir de si nombreux intérêts dans la vie que les contrariétés de l’existence quotidienne finissent par lui paraître banales. Une certaine connaissance des principaux domaines de culture que sont la littérature, les beaux-arts, l’histoire, la musique, la religion et la philosophie, contribuera à créer en nous cette faculté de libération.
Nos centres d’intérêts peuvent être aussi divers que les étoiles du firmament. Demandez à un homme ce qu’il aime vraiment, et il vous donnera une réponse différente tous les deux ou trois ans tout en disant toujours la vérité. Nos intérêts changent. Ils exigent de nouvelles données et de nouvelles sources d’alimentation. Nous avons besoin d’assoler nos esprits comme le cultivateur assole ses terres pour obtenir un meilleur rendement.
Nos connaissances et nos vues sont fonction d’autres connaissances et d’autres vues. L’habitude de diviser le savoir en catégories nettement séparées a son utilité et son intérêt, mais c’est une façon erronée d’envisager la vie. La vie est remplie de chevauchements. Chaque discipline est limitrophe d’une autre : musique et mathématique, art et philosophie, histoire et politique, science et religion. L’hybridation des idées, dans tous ces domaines, engendre la sagesse.
En diversifiant nos intérêts, nous agrandissons le paysage qui nous est familier. Notre regard acquiert de l’ampleur. Nous nous mouvons avec moins de maladresse parmi les réalités de la vie et nous nous ménageons des options plus nombreuses. Nous apprenons à faire des comparaisons, ce qui est la base même de la finesse de jugement.
Le succès de nos efforts pour trouver le savoir exige, bien entendu, que nous ne recherchions pas uniquement ce que nous voulons voir, mais ce qui existe. Même si nous ne sommes pas portés à étudier la contre-partie d’un point en contestation, nous devons savoir ce qu’elle est afin de renforcer notre opinion.
Usez de discernement
Vos connaissances doivent être les meilleures qu’il vous est possible d’acquérir. Pour apprendre ce qu’est une chose, examinez l’objet lui-même au lieu de vous adresser aux autres pour savoir ce qu’ils en pensent. Lorsque vous cherchez quelque chose que vous voulez connaître avec précision, ne vous fiez pas à vos notes ni aux observations des autres, mais allez aussi près que possible de la source.
Il est plus passionnant et plus satisfaisant d’obtenir des renseignements de première que de seconde main. C’est à la fois une garantie d’exactitude et une source d’assurance, car nous connaissons alors les faits par notre propre intellection et non par celle de quelqu’un d’autre.
Où que vous puisiez vos informations, demandez-vous toujours si l’auteur sait de quoi il parle. Assurez-vous qu’il a appris les faits en cause par l’une des méthodes qui permettent d’acquérir la véritable science par opposition à la croyance et à l’opinion.
Abordez les sources d’information partiales avec précaution et contrôlez-en les renseignements en les comparant, soit à celles qui sont impartiales, soit à celles qui sont orientées dans une direction contraire. La question qu’il faut se poser est la suivante : cet auteur ou cette publication jette-t-il vraiment un jour nouveau sur cette question en particulier, ou se borne-t-il à émettre des opinions ?
Faire preuve de discernement dans notre recherche du savoir, c’est réfléchir à la portée des choses au lieu de faire étalage d’une imposante collection de faits arides. Il convient de lire de façon sélective, de ne pas perdre son temps à des choses sans importance durable. Les brûlantes questions qui passionnent aujourd’hui le public seront probablement les futilités oubliées de demain.
Chassez la tentation de vous attarder aux minuties. Ainsi, en étudiant l’histoire naturelle du chêne, il n’est pas nécessaire de totaliser combien il y a de chênes dans les provinces Maritimes, dans le Canada central ou dans l’île de Vancouver. Il n’est pas nécessaire non plus de lire un livre ou un rapport en entier pour trouver un renseignement. Sachez ce qui vous intéresse et recherchez-le avec ténacité.
Les moyens de recherche sont d’accès facile. Des ouvrages sur tous les sujets nous sont offerts par les bibliothèques publiques, scolaires, paroissiales ou spécialisées. La bibliothèque personnelle, qui devrait exister dans chaque famille, permet souvent, même si elle est très modeste, de résoudre bien des problèmes. Il y a des manuels sur presque toutes les questions imaginables. On peut se les procurer, selon le cas, en s’adressant aux librairies, aux associations professionnelles ou ouvrières, aux services administratifs des municipalités, des provinces ou du gouvernement fédéral, aux organismes internationaux ou à l’Imprimeur de la Reine.
Très souvent, une lecture vous poussera à chercher un supplément d’éclaircissements dans votre esprit déjà bien meublé. C’est là une impulsion à laquelle il ne faut pas résister, car elle est la source d’où jaillissent les idées nouvelles. Arrêtez-vous alors et laissez votre esprit planer au-dessus et au-delà de ce que vous avez lu.
Le plaisir d’apprendre et le perfectionnement qui en résulte sont à notre portée pour peu que nous voulions consacrer une partie de nos loisirs à la lecture. Le fait de tirer pleinement parti des heures de la soirée aura un effet vivifiant sur toute notre semaine, donnera plus de piquant à notre existence et nous fera prendre plus d’intérêt à la vie. Il est étonnant de voir jusqu’à quel point un homme peut parvenir à posséder un sujet avec une petite demi-heure d’étude par jour. S’il arrive à faire partager ce désir de savoir à toute sa famille, il se sera assuré l’avantage de vivre dans un milieu intellectuel où il se sentira toujours à l’aise.
S’approprier les faits
Le véritable esprit de la recherche du savoir consiste à se demander « Quels sont les faits ? » Toute conclusion sur l’efficacité d’un outil ou l’à-propos d’un renseignement se fonde sur sa conformité avec ce qui est tel dans la réalité.
Les faits ne sont pas seulement la brique et le mortier avec lesquels on construit des jugements ; ils servent de tremplin à la pensée créatrice. Alfred North Whitehead à qui l’on demandait ce qui est le plus important, les faits ou les idées, eut cette réponse : « Les idées des faits. »
Il ne devrait pas être nécessaire de recourir à un adjectif, comme « vrai » ou « réel », pour souligner que les faits sont des énoncés exacts des choses. Une date historique qui comporte un écart de dix ans, le total d’une colonne auquel il manque dix cents, un nom propre mal orthographié ne sont pas des erreurs sans importances pour une personne soigneuse ; ce sont des faits de nulle valeur dans l’échelle de la vérité.
On se renseigne sur les faits en posant des questions. Le savoir n’est pas le résultat d’une acceptation passive. On a dit que le point d’interrogation avait la forme d’un crochet parce qu’il sert à saisir les renseignements. L’homme qui n’éprouve plus de plaisir à chercher des réponses ou qui préfère la rassurante quiétude du dogme, commence déjà à devenir intransigeant. Son esprit est en voie de se fermer.
Ne prenez rien pour avéré lorsqu’il s’agit de questions importantes. Churchill évoque ce principe dans son autocritique au sujet de la prise de Singapour. On ne lui avait pas parlé de l’impuissance de l’île à se défendre. « J’aurais dû le demander, écrit-il. La raison pour laquelle je ne l’avais pas fait… est que la possibilité que Singapour n’eût pas de défenses vers l’intérieur n’avait pas plus effleuré mon esprit que celle du lancement d’un cuirassé sans carène. »
Les enfants multiplient leurs « pourquoi ? » avec une exaspérante persistance. Mais en posant sans cesse cette question, ils nous donnent une leçon de choses. Nous ne comprenons pas un phénomène à moins d’en scruter les causes. Une question peut sembler claire quand on la regarde en passant, mais en en cherchant le pourquoi, nous constatons que, sous sa simplicité apparente, se cachent de nombreux aspects qui méritent d’être analysés.
L’analyse est l’ennemi de l’imprécision. Elle nous aide à séparer et à évaluer des idées juxtaposées par hasard et à les réassembler en un tout chargé de sens. Elle nous permet de nous reculer pour contempler dans leur intégralité la structure et le rôle de notre vie personnelle sur la vaste toile de fond des événements qui se produisent actuellement dans le monde.
Voir les choses dans leur ensemble
Après avoir décomposé les renseignements pour en examiner les éléments, il faut considérer les parties du tout dans leurs rapports. Nous découvrons ainsi des faits nouveaux et nous les incorporons à ce que nous avons déjà emmagasiné dans notre esprit, ce qui contribue à relever et à enrichir notre savoir. C’est là une immense possibilité de perfectionnement personnel.
Il est utile de se faire un recueil des renseignements nouveaux, et même de les résumer sous forme de maximes qu’il est pratique d’avoir sous la main. Ils pourront ainsi nous servir de guides commodes pour nous tirer d’embarras, ou encore de pensées exaltantes qui nous inciteront à une activité profitable.
Point n’est besoin d’un matériel important pour stocker des faits et des idées. Lorsqu’on fit visiter à Mme Einstein le télescope géant de l’Observatoire du mont Wilson, quelqu’un lui dit qu’il avait servi à découvrir la forme de l’univers. « Oh, répondit-elle, mon mari fait cela sur le dos d’une vieille enveloppe. »
Vous pouvez commencer votre répertoire avec un fichier à recettes. Dans le coin supérieur de chaque fiche de 3 pouces sur 5, vous inscrirez un mot clef, « musique » ou « philosophie » ou « lune » par exemple. Lorsque vous lirez un passage qui appartient à un domaine qui vous intéresse, marquez l’endroit dans votre livre et mettez-en assez long sur votre fiche pour vous permettre de retrouver la source. Au bout de quelques semaines, vous aurez les références nécessaires pour contrôler les renseignements nouveaux ainsi que la substance des allocutions ou des « quelques mots » que l’on vous invite à prononcer dans les réunions paroissiales, scolaires, sociales ou religieuses.
Faites périodiquement des sondages pour savoir si les connaissances que vous accumulez sur les situations et les événements importants ont la profondeur et l’envergure désirables. C’est à nous qu’il appartient de reculer sans cesse les limites de notre science, de crainte de prendre l’habitude de vivre de notions vieux jeu et de nous laisser induire en erreur par une fausse conception des tendances nouvelles.
Si votre première réaction devant l’acquisition éventuelle de connaissances souhaitables est de conclure qu’il vous est impossible de les acquérir ou de les comprendre, examinez bien le sens que vous attribuez au mot « impossible ». Neuf fois sur dix, vous constaterez qu’il s’agit en somme que d’une chose qui vous paraît difficile. Le premier pas accompli, vous découvrirez que l’attrait de la recherche du savoir rend l’opération aussi agréable que facile.
Il est bon certes de savoir où s’arrêter. Ce qui mérite vraiment d’être fait ne mérite pas pour autant d’être mieux fait que les circonstances ne l’exigent. Il serait ridicule de vouloir tout comprendre, par exemple le cauchemar d’une autre personne.
Le dicton « craignez l’homme d’un seul livre » n’est juste que si celui qui ne possède qu’un peu de science ignore ou refuse d’admettre que son savoir est limité. Pascal ne nous dit-il pas dans ses Pensées : « Puisqu’on ne peut être universel et savoir tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut savoir un peu de tout. Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose. »
Qu’est-ce que l’instruction ?
Notre entrée fracassante dans l’âge de l’espace a provoqué chez nous la non moins fracassante prise de conscience de l’importance de nous renseigner sur les événements en cours. Il est évident que ce que les adultes de notre temps ont appris à l’école et glané depuis dans les manchettes des journaux ne les aide pas beaucoup à se sentir à l’aise dans le monde d’aujourd’hui.
Il y a certaines choses dont nous pouvons nous féliciter. La mère fatiguée de trois enfants à qui l’on disait que le savoir qu’il y a dans le monde double tous les dix ans, s’écria : « Grâce à Dieu, les tables de multiplication ne changent pas ! C’est la seule chose qu’une mère sait être restée la même que quand elle allait à l’école et dont elle peut parler sans se faire corriger. »
Nous instruire dans un nouveau genre de vie, en accord avec l’esprit de la science et bouleversé par son influence, tout en conservant les principes de l’humanisme et de ses idéaux, voilà le devoir social le plus urgent de notre époque.
Cette obligation s’impose pour trois raisons. Tout homme a droit à l’instruction la plus complète possible afin de pouvoir jouir de la vie. Tous ses concitoyens sont en droit de s’attendre qu’il se fasse instruire, afin de pouvoir vivre agréablement avec lui. Et tous les enfants encore à naître ont le droit qu’on leur garantisse des parents intelligents et cultivés.
On croit généralement que les gens s’ancrent dans leurs habitudes dans l’âge mûr et deviennent alors presque inaccessibles aux idées nouvelles. Mais s’ils cessent d’apprendre, c’est de leur plein gré qu’ils le font, et non à cause d’une loi de la vie. À cinquante ans, un homme dispose d’une expérience plus riche, d’une somme de connaissances plus grande et d’un sens plus sûr de ce qui est bon et avantageux que lorsqu’il en avait vingt. Il peut travailler continuellement à son propre épanouissement, et son amour du savoir puise une vigueur nouvelle dans la joie qu’il y trouve.
L’un des signes auxquels on reconnaît qu’un homme a atteint l’âge adulte et n’est plus un enfant, c’est qu’il ne considère plus l’étude comme une corvée. Quel que soit son âge, il continue comme un étudiant à découvrir des portes qui ouvrent sur de nouvelles perspectives. Benjamin Franklin ne passa même pas deux ans à l’école, mais il ne cessa jamais de s’instruire par la suite ; Samuel Pepys commença à apprendre les tables de multiplication à 28 ans ; John Knox avait 50 ans lorsqu’il se mit à l’hébreu ; Goethe entreprit l’étude de la littérature orientale à 66 ans ; le caricaturiste anglais George Cruikshank avait 60 ans lorsqu’il s’inscrivit au cours de dessin de l’Académie royale des beaux-arts.
Il est bon de savoir persévérer lorsqu’on se remet à l’étude après un certain temps. Ne vous découragez pas si aucun éclair subit ne vient illuminer ce que vous étudiez. Darwin accepta la révélation tardivement, graduellement et prudemment ; il ne commença vraiment à avoir de la pénétration qu’après des années d’effort.
Un monde agréable
En apprenant quelque chose que nous n’avons jamais su auparavant, nous pénétrons dans un monde agréable. La recherche des renseignements et l’acquisition de nouvelles connaissances est en soi source de plaisir, indépendamment du profit que l’on en retire ; c’est, selon Hans Selye, comme l’enchantement d’une rose, d’une chanson ou d’un beau paysage.
Le savoir est un antidote contre l’inquiétude qui est souvent l’effet de l’ignorance. Nous savons tous que nous sommes influencés par la menace d’une guerre nucléaire, mais il existe beaucoup d’autres causes d’angoisse : par exemple, le fait de ne pas savoir quel rôle jouer dans la vie, quels principes d’action croire et défendre, comment conserver notre équilibre au milieu de modes de comportement contradictoires. Il est possible d’atténuer toutes ces angoisses en apprenant à les connaître et à en déceler les causes.
Celui qui apprend à trouver du plaisir dans les grands tableaux, les grands poèmes, les grandes religions et les grandes oeuvres littéraires vit à un niveau élevé et a de vastes perspectives de bonheur. Il porte en lui-même ce qui est nécessaire pour se complaire dans la vie.
Dans un des romans policiers d’Agatha Christie, une adolescente demande à Hercule Poirot s’il existe un endroit tel que le splendide nouveau monde salué par Miranda dans La Tempête de Shakespeare. « Il y a toujours un splendide nouveau monde, lui répond-il, mais seulement pour des gens très particuliers. Les heureux. Ceux qui ont en eux ce qu’il faut pour construire ce monde merveilleux. »