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Si l’homme est la seule créature qui puisse s’attirer des affaires par la parole, il est aussi la seule qui sache se tirer d’affaire par la conversation. L’avènement de tout progrès politique, économique ou social n’est en somme que le résultat d’un long et intelligent effort de confrontation des idées et des faits.

Quiconque refuse systématiquement de soumettre ses opinions à l’épreuve du dialogue sera absolument incapable de faire face aux exigences de la vie de notre époque. Chacun, quel que soit le point de vue qu’il soutienne en matière d’art, de religion, de gouvernement, d’activités commerciales ou d’éducation, doit reconnaître que l’accroissement technique de la puissance de l’homme a provoqué une transformation radicale de notre milieu et nécessite des laçons nouvelles de penser, de sentir, d’apprécier et de décider ce qu’il faut faire. La société idéale à l’âge de la communication totale est la civilisation du dialogue.

Il serait désastreux pour les valeurs propres à notre mode de vie que nous cédions devant les forces techniques qui menacent nos facultés personnelles de réception et de communication des idées. Nous pourrions devenir absorbés par la surveillance de nos appareils économiseurs de temps au point de ne plus trouver le loisir d’ordonner et d’exprimer nos pensées et nos idéaux les plus intimes ; nous sommes exposés à laisser paresseusement les grands moyens d’information endormir nos esprits par le chant de leurs annonces ou leurs opinions toutes faites ; nous risquons de nous imposer silence les uns aux autres dans des salles de télévision faiblement éclairées au lieu de parler, de discuter et de nous extérioriser dans la recherche en commun d’idées et de faits intéressants et vivifiants.

La discussion présuppose que chacun a connu des expériences susceptibles d’apporter quelque chose de profitable à l’ensemble des interlocuteurs. Elle reconnaît que l’on ne possède pas la vérité tout entière, mais qu’on la cherche, qu’on y aspire et qu’on la découvre.

Le dialogue est le langage de l’esprit aventurier, qui confronte de nouvelles réalités, cherche à élargir ses horizons, désire accroître son savoir, tient à approfondir sa compréhension. Le monologue, au contraire, est le langage de l’homme de mentalité primitive qui se prend pour le nombril du monde. Le dialogue est fécond parce qu’il développe les connaissances ; le monologue est stérile parce qu’il manifeste la crainte qu’une croyance ou une opinion ne puisse résister à la pierre de touche des questions et des réponses.

La conversation

Il est très important pour la plupart des gens de parler et de se faire entendre, d’exposer leurs problèmes, de se décharger l’esprit. Une bonne conversation est l’un des plus grands plaisirs qui existent.

La conversation a quatre buts principaux : transmettre des renseignements, obtenir des renseignements, persuader et manifester de l’intérêt envers les autres.

La conversation est la forme la plus simple du dialogue. C’est par la conversation, sous cette forme, que se sont édifiées, au siècle de Socrate, les bases de la civilisation dont nous bénéficions aujourd’hui. C’est à partir de la conversation que s’est écrit le Nouveau Testament. C’est aussi la conversation des érudits et des docteurs d’un monde sans livres qui a permis de faire refleurir le savoir à la fin de l’âge des ténèbres.

La bonne conversation stimule l’esprit. Même si elle n’aboutit à aucune conclusion pratique, la conversation est un exercice profitable, car elle remue les idées et suscite des vues nouvelles. Mais pour en tirer le meilleur parti, il faut la concevoir comme une activité intellectuelle, et non pas comme un simple échange verbal de pensées banales.

La conversation consiste à la fois à transmettre et à recevoir des idées. Comme le disait si bien quelqu’un : « J’aime tant à parler que je suis prêt à récompenser mes auditeurs en écoutant à mon tour. » C’est de cet échange de propos que jailliront, au sein d’un groupe, des masses d’expériences, d’anecdotes, d’aperçus nouveaux, de citations, d’incidents historiques, en un mot toute la gamme des observations diverses que peut éveiller dans les esprits un sujet de conversation commun.

Il est possible d’amener les gens à exprimer avec entrain des vues variées sans recourir à un règlement d’assemblée. Point n’est besoin de formalités compliquées ; c’est une question de simple politesse. Ainsi, le brillant causeur n’est pas celui qui tient ses auditeurs sous le charme, mais celui qui fait participer tout le monde à la conversation.

La conversation intelligente n’est le propre que d’une société intelligente. Elle répugne absolument aux esprits étroits qui sont incapables de dépasser le niveau du terre-à-terre et des banalités. Est-il quelque chose de plus assommant que deux personnes qui débitent des mots sur des choses qui ne les intéressent ni l’une ni l’autre ? La conversation négligée roulant sur des lieux communs est aussi improfitable que vaine et déprimante. Il y aurait de quoi mourir de honte à en écouter la reproduction sur bande magnétique.

Le dialogue

Le dialogue est une conversation dans un but déterminé. C’est la seule arme de la raison. C’est une activité raffinée, démocratique et profitable, et ceux qui refusent le dialogue adoptent une attitude par trop intransigeante. Il n’y avait pas de dialogue chez les sorciers primitifs qui exploitaient les passions des tribus. Le dialogue n’existait pas non plus pour Staline, qui se gardait de discuter ses opinions visant à l’extermination ou à la compromission de ses adversaires.

Les institutions démocratiques et la liberté politique ne peuvent survivre sans la discussion, la critique et les débats. Sommes-nous trop occupés à jouir de la vie pour entamer un dialogue destiné à permettre la continuation de la vie ? Ou trop ignorants ? Ou trop insouciants ? Ou trop parasites ? Tout cela a contribué à la décadence de l’Empire romain.

Un dialogue n’est ni un vulgaire marchandage, ni une forme inférieure de négociation. Ce n’est pas non plus un affrontement entre deux concurrents, mais une conversation où chacun des interlocuteurs expose des faits et où chacun d’eux étudie les faits énoncés par l’autre. C’est un échange d’idées intelligentes qui fait naître un nouvel ensemble de connaissances. Il nous fait passer du domaine du baguenaudage bien intentionné à celui de l’action fondée sur le savoir et la compréhension.

Le monopole de la conversation est étranger au dialogue. La balle doit être lancée et relancée. Il faut donner et recevoir. Les participants espèrent trouver une solution en examinant la situation sous divers angles.

Cet exercice révèle la véritable personnalité de ceux qui s’y livrent. Il dissipe la mystification et dégonfle l’omniscience ; il démasque la mauvaise foi et l’égoïsme. Le dialogue atténue les préjugés et engendre la confiance, marque distinctive des rapports sociaux entre égaux.

Se placer au point de vue des autres

Savoir écouter avec impartialité des points de vue différents, c’est un excellent moyen de former de bons jugements sur les questions en discussion, et il faut pour cela s’efforcer sincèrement d’envisager les choses du point de vue de son interlocuteur.

Beaucoup de sujets d’irritation dans la société proviennent du fait que certaines personnes n’accordent pas d’attention à des problèmes que d’autres jugent importants. Il se peut que deux cultures possèdent des institutions qui paraissent très semblables à l’observateur extérieur et qu’il y ait, dans les langues qui leur sont propres, des mots qui se ressemblent tellement qu’on est porté à leur donner le même sens, mais les réalités sont différentes.

Lorsque nous séjournons à l’étranger, nous savons nous adapter aux différences les plus évidentes, comme celles du vêtement, de la langue et de l’architecture. C’est dans les petites différences que les choses se compliquent : le goût du café en Angleterre, l’heure de la sieste en Italie, le bruit des rues étroites de Paris, l’appel à la prière des 24,000 minarets à Bénarès. Pourtant, tout cela fait essentiellement partie de la vie quotidienne des habitants de ces pays ou de ces villes.

Ce n’est pas à dire que nous devions approuver tout ce que nous voyons et entendons. Il est parfaitement possible de se former une opinion bien à soi et d’y tenir tout en reconnaissant que ce n’est somme toute qu’un point de vue.

Dans le dialogue authentique, nous respectons les opinions de notre interlocuteur et nous essayons de presser le bouton qu’il faut pour qu’il s’ouvre et qu’il nous fasse connaître le fond de sa pensée. Il est facile et enfantin de ne voir que ce qu’il y a de faux et erroné dans les affirmations d’un homme : il faut beaucoup plus d’effort et d’intelligence pour déceler et admettre la justesse de certaines de ses idées.

Pour que le dialogue soit efficace, il suffit d’observer quelques règles fort simples. Ce que l’on considère très souvent comme dialogue n’est que le tapage que font des propagandistes en présence. La loi qui préside aux débats de ce genre est celle des matchs de boxe et des combats de lutte.

Le dialogue véritable exige une base commune : un sujet sur lequel les participants sont renseignés et auquel chacun peut apporter le concours d’une pensée originale. Cela suppose beaucoup de bonne volonté. Tout dialogue commence par un acte de foi, c’est-à-dire par l’hypothèse que les interlocuteurs parleront en toute honnêteté dans le but de parvenir à s’entendre et qu’ils feront preuve de magnanimité l’un envers l’autre.

Une bonne façon d’engager le dialogue consiste à poser des questions et à écouter les réponses. Lorsque Napoléon s’aperçut que ses conseillers se contentaient de faire écho à tout ce qu’il disait, il s’empressa de les rappeler à l’ordre : « Vous n’êtes pas ici, leur dit-il, pour me donner raison, mais pour exprimer vos vues personnelles. »

C’est en comparant des points de vue divers que notre raison s’achemine vers la vérité. L’étude des options qui s’offrent à nous augmente nos chances de découvrir la meilleure solution des problèmes.

Préparez-vous

L’homme qui croit au dialogue ne se présente pas à la table de conférence les mains pleines d’affaires à expédier en vitesse, mais la tête remplie d’idées constructives. Ayant déjà étudié la question, il n’a pas besoin de perdre du temps à ergoter sur des vétilles ni à improviser la marche à suivre. Il apporte une contribution pleine d’à-propos à la discussion.

En préparant un dialogue, il est bon de faire une esquisse du sujet traité. Même si plusieurs points de détail doivent être modifiés au cours du dialogue proprement dit, il importe d’avoir une idée claire de vos arguments et de l’endroit où ils doivent intervenir dans le débat. Il s’agit ensuite de réunir les matériaux et les faits nécessaires pour bien plaider votre cause. Disposez vos idées selon un plan bien ordonné.

Si le dialogue doit porter sur une question importante, il y a avantage à ce que tous les participants préparent et fassent circuler une espèce de « livre blanc » ou d’exposé préliminaire. Ainsi, chacun arrivera à la table avec une idée d’ensemble du problème et prêt à débattre la façon même de concilier éventuellement les idées et les propositions différentes.

Les « faits » sont non seulement inutiles, mais dangereux, s’ils ne sont pas exacts. L’inexactitude n’est pas forcément synonyme de fausseté, mais elle indique parfois un manque de souci de la précision.

Les faits diffèrent de l’opinion. Songez à la confusion qui règne dans tant de conversations parce que les gens envisagent un même ensemble de faits à des points de vue différents. Ils prennent leurs convictions pour des preuves et ils insistent sur la vérité d’une affirmation parce qu’ils croient qu’il en est ainsi. À vrai dire, ce ne sont pas les choses, mais les opinions que les hommes s’en font qui causent du tourment à l’humanité.

Les définitions précises favorisent la compréhension mutuelle. Veillez à ce que chacun connaisse exactement le sens de vos paroles. Il est souvent utile de définir avec clarté les arguments contradictoires, afin de ne plus avoir à se préoccuper de l’accessoire au moment critique. Pour atteindre ce but loyalement, il faut comprendre non seulement les détails techniques, mais la nature même de ce que l’on propose. Si la question ne vous semble pas claire, dites franchement : « Alors, si mon opinion dans ce cas n’est pas acceptable, avez-vous autre chose à proposer ? » Cette tactique vous laissera libre de modifier votre position si l’on vous offre des arguments convaincants.

Assurez-vous que le véritable problème est bien mis en évidence. Il n’y a pas de solutions aux problèmes inconnus. « L’exposition d’un problème, a dit Einstein, est souvent plus essentielle que sa solution. »

Il importe d’analyser les généralités trop absolues si l’on veut qu’elles aient une certaine utilité. Les petits problèmes sont plus faciles à résoudre que les grands, mais il ne faut jamais perdre de vue l’idée d’ensemble de la question. Ce sont presque toujours des fragments d’une situation globale que l’on étudie ou que l’on discute : la guerre du Vietnam, la faim en Afrique, la pauvreté en Amérique, les missiles dans l’atmosphère. La première préoccupation de l’humanité n’est ni la survie de telle ou telle nation ni la lutte contre la faim, chez certains peuples ; le grand problème en jeu est celui de la survie de l’espèce humaine.

Ne vous écartez pas de la question

En discutant les petits problèmes dans leur cadre général, il importe de s’en tenir à la question. Les véritables éléments de base d’une bonne composition picturale sont l’unité et la simplicité. Aucun tableau ni aucun exposé ne peut avoir de force ou d’utilité si son auteur cherche à exprimer plusieurs choses à la fois.

Lorsque nous abordons un sujet que nous croyons connaître, nous sommes, pour la plupart, exposés à en dire trop. Le centre de la réponse à une question doit être le sujet même de la question, et la circonférence ne doit pas être plus grande qu’il ne faut pour répondre adéquatement à la question. Les minuties hors de propos ralentissent la conversation et en provoquent parfois l’arrêt complet. Tout le monde connaît bien le sentiment de déception que font naître en nous les personnes qui se perdent en digressions sans jamais omettre un seul fait inutile.

Le dialogue est une recherche de la vérité. « L’ange, écrit saint Thomas d’Aquin, perçoit la vérité par simple appréhension, tandis que l’homme acquiert la connaissance d’une vérité simple par une opération portant sur des données multiples. » La recherche suppose la docilité d’esprit nécessaire pour s’élever jusqu’à ce qui reste encore incompris et même jusqu’à ce qui nous répugne de prime abord. Quand une idée vient en compléter une autre, il est étonnant de voir combien souvent une vérité commune se dégage du dialogue entre personnes qui différaient d’opinions à l’origine.

Il se peut que certaines solutions paraissent dures, mais on ne risque rien de vraiment valable à chercher à connaître la vérité à leur sujet. Ponce Pilate a mérité la réprobation de l’histoire, non pas pour avoir posé la grande question « Qu’est-ce que la Vérité ? », mais pour ne pas avoir attendu la réponse.

L’honnêteté dans le dialogue consiste à faire de son mieux pour connaître et dire la vérité, à avouer le cas échéant son incertitude, à ne pas affecter de savoir ce que l’on ignore et à être franc et loyal.

Le silence est d’or

Il est parfois bon de marquer des pauses dans la conversation. C’est Mozart qui a dit : « Mes silences sont plus importants que mes notes. »

Il existe naturellement deux sortes de silence : celui de l’ignorance apathique et celui de l’attention intelligente. Se demander ce que l’on peut taire est une règle d’or en diplomatie, et cette règle joue un grand rôle dans le tact quotidien qui permet aux gens de mieux s’entendre les uns avec les autres.

Même si l’on risque de passer pour excentrique, il est quelquefois sage de garder le silence au cours d’un dialogue. Un brillant orateur de comités avait coutume d’apporter aux séances une petite carte qu’il posait, devant lui, sur la table de conférence. Il y avait inscrit ces deux mots : « Tais-toi ». James Simpson, le commis qui devint président de Marshall Field and Company, fumait des cigares afin d’être sûr de se taire pendant les conférences. Peut-être imitait-il en cela les oies migratrices qui devaient survoler le Taurus, montagne remplie d’aigles. Pour s’empêcher de cacarder, ces oies tenaient des pierres dans leurs becs, ce qui leur permettait de passer au-dessus des aigles sans se faire entendre.

Il ne faut pas confondre le silence avec l’art d’écouter. Dans un dialogue, chaque participant a le devoir d’écouter. C’est en écoutant attentivement et en posant des questions pertinentes que l’on obtient les renseignements nécessaires au cheminement méthodique de l’esprit.

Se borner à écouter poliment ne suffit pas : il faut s’intéresser à ce qui se dit, s’appliquer à découvrir ce que l’interlocuteur a dans l’idée. Cela a aussi l’avantage de l’assurer de votre entière loyauté et de le prédisposer à adopter la même attitude.

En écoutant avec attention, on se renseigne parfois sur des options qui ne sont pas immédiatement apparentes. Il importe d’écouter les faits tout en s’efforçant de découvrir ce qu’ils signifient en définitive. Si vous pensez trop à ce que vous allez dire ensuite, vous perdez le fil, et la conversation finit par ne plus avoir aucune suite.

Les mots vifs et irréfléchis ne sont guère de mise dans le dialogue. La seule interdiction absolue dans les règles du dialogue est celle qui défend de perdre son sang-froid, même devant les observations les plus acerbes et les plus irritantes.

Le dialogue doit-être empreint d’urbanité. Engagez la conversation sur un ton amical, exposez vos vues calmement et sans passion. Si vous faites valoir vos idées avec véhémence, on vous soupçonnera de tenter à dessein de huer les idées des autres, car il est dans la nature du savoir et de la conviction de s’exprimer avec calme et mesure.

Ayez du respect pour la science des autres, dites ce qui est nécessaire et courtois, parlez de façon concise, appuyez sur certains faits en augmentant le sérieux de votre ton et non le volume de votre voix.

Vous aurez parfois à converser avec des gens qui vous prendront à rebrousse-poil. Concentrez alors votre attention sur le sujet, dont les faits sont impersonnels. Même s’il vous est impossible d’y acquiescer, soyez sympathique aux idées et aux désirs de votre interlocuteur, de façon que votre désaccord ne soit pas désagréable.

Le dialogue est plutôt un moyen de rechercher la lumière qu’un moyen de produire de la chaleur. Il sied mieux aux hommes à l’esprit mûr que les bruyantes querelles verbales que se livrent les gamins. Le participant idéal, dans une conversation ou un dialogue, n’est pas celui qui l’aborde avec une théorie toute faite qu’il refuse d’abandonner. Ce n’est pas l’homme qui dit « oui, oui » ou « non, non », mais celui qui répond d’une façon intelligente « oui, mais … » ou « non, et pourtant … »

La valeur du dialogue

Pour certaines personnes, il existe tant d’antagonismes et d’incertitudes dans le monde qu’il semble impossible de résoudre les divergences d’opinions. Pour d’autres, la vie est si compliquée qu’elle est dénuée de sens.

Aucune de ces vues n’est juste. En parlant intelligemment les uns avec les autres, nous pouvons faire disparaître les antagonismes. En échangeant des idées, nous pouvons donner un sens à une vie trop compliquée pour être comprise sans aide par l’individu. Par le dialogue, nous connaissons un élargissement d’esprit qui nous permet de saisir les idées nouvelles et de concilier l’ancien et le nouveau. Dans le dialogue, nous mettons à contribution les qualités mêmes qui distinguent l’être humain des animaux inférieurs : l’intelligence et la communication des idées.

Beaucoup de Canadiens en sont venus à croire que le dialogue peut constituer un meilleur cadre que le champ de bataille pour édifier la nation, réformer la société et renouveler la collectivité. L’essence du dialogue, c’est de comprendre qu’il n’existe pas de réponse unique et définitive à un problème complexe d’histoire ou de sociologie, mais seulement des réponses passagères, fondées sur la connaissance des événements en cours.

Les avis sont partagés même lorsqu’il s’agit de déterminer en quoi consiste une solution. Certains se contentent d’un règlement provisoire et sont heureux de voir se poursuivre un dialogue continuel où chaque nouveau règlement est un pas vers une solution définitive. D’autres, qui ont le sens de la permanence, voudraient que les choses soient réglées une fois pour toutes ; ils jouent à tout ou rien.

Il semble plus rationnel d’adopter la première ligne de conduite, de rechercher une doctrine adaptée aux circonstances de notre temps. Nous ne devons pas oublier que les époques ne sont pas plus infaillibles que les individus. Chaque siècle a soutenu des opinions que les siècles postérieurs ont jugées non seulement fausses mais absurdes. La voie qui mène au progrès semble consister à discuter les choses les uns avec les autres, à échanger et à étendre nos idées, afin d’assurer notre croissance future. Et c’est là dialoguer !