Le Canada est la terre ancestrale des Indiens et des Esquimaux. Avant l’arrivée des Européens, ces deux races n’avaient eu aucun contact avec les grands centres de civilisation des autres continents. Elles ne comptaient que sur le sol où elles vivaient pour subvenir à tous leurs besoins. Tous les objets qu’elles utilisaient étaient le fruit de leur travail ou de leur ingéniosité.
Il s’agit là d’êtres humains bien réels, non de personnages fictifs créés par l’imagination des romanciers et des cinéastes. Les costumes et les panaches multicolores sous lesquels nous nous les représentons encore trop souvent, pour notre divertissement, ne doivent pas nous faire oublier que ceux qui ne les portent aujourd’hui qu’assez rarement, sont, comme nous, des hommes et des femmes en quête de ce que l’on recherche dans tous les pays du monde : le logement, la santé et le bonheur.
L’adaptation de leur civilisation de l’âge de pierre aux problèmes et aux progrès du vingtième siècle s’est accomplie avec une telle lenteur qu’une importante association affectée au bien-être des populations indigènes a pu la qualifier de « déshonneur national ».
À la suite d’une régression imputable aux maladies apportées d’Europe, la population indienne, qui est d’environ 205,000 âmes, s’accroît maintenant à un rythme presque deux fois plus rapide que celui de la population en général. On compte environ 12,000 Esquimaux dans les Territoires du Nord-Ouest et le nord du Québec. Si le taux d’augmentation actuel se maintient, la population esquimaude aura doublé dans vingt ans.
La majeure partie de ces aborigènes ne se rangent en réalité ni dans un monde ni dans l’autre. Ils demeurent profondément marqués par leur ancienne culture tout en cherchant à tirer avantage de la nouvelle manière de vivre importée du dehors. Ce sont des gens qui aiment la liberté et qui supportent mal la sujétion. Leurs problèmes économiques sont aussi sérieux que ceux que doivent affronter les nouvelles nations de l’Afrique.
Les besoins réels de notre population autochtone ont été mis en lumière par l’Association des Indiens et des Esquimaux du Canada. Cette association a pour but officiel de veiller à ce que les Indiens et les Esquimaux, de même que les personnes issues des unions entre Indiens et Européens, disposent de possibilités de progrès et d’épanouissement égales à celles qui sont offertes aux autres Canadiens. Elle estime que la population indigène doit être en mesure d’entrer dans la vie économique, sociale et politique du Canada avec dignité et sans perdre son identité.
Le mode de vie aborigène
Il ne faut pas déprécier les connaissances et les techniques qu’utilisaient les premiers habitants du Canada. Ce sont les instruments de pierre qui étaient à la base de leur économie primitive, et, comme on peut le lire dans les Indiens du Canada de Diamond Jenness (Musée national, Imprimeur de la Reine, Ottawa, 1960) : « Certaines de leurs pointes de flèche, de leurs lames de couteau et de leurs représentations d’animaux peuvent rivaliser avec les meilleurs travaux des Égyptiens de la préhistoire. »
Les anciens Iroquois se servaient d’une monnaie d’échange de wampum, objet de parure fabriqué avec des coquillages par les tribus côtières de la Nouvelle-Angleterre. Comme les haches de pierre ne mordaient guère dans le tronc des arbres, le défrichage de la terre se faisait par le feu. On retournait la surface du sol avec des bâtons munis de lames de coquillage, et la récolte, cueillie à la main, était transportée dans des paniers. La mesure précise du temps, qui règle et domine en grande partie la vie urbaine d’aujourd’hui, était également ignorée de ces peuplades, dont l’unique horloge était le soleil et l’unique calendrier les saisons.
Telles étaient les conditions de vie matérielles des indigènes du Canada lors de l’arrivée des premiers colons d’outre-mer. Mais on n’en trouvait pas moins chez eux de nombreuses qualités du coeur et de l’esprit. La tribu se fondait sur des groupes de familles étroitement unies par les liens du sang ; leur religion reposait sur la croyance en des esprits protecteurs, qui les aidaient dans les difficultés de la vie ; ni le rang ni la fortune ne justifiaient l’arrogance ; les chefs s’habillaient comme tout le monde, sauf dans les cérémonies, et ils se nourrissaient des mêmes aliments que leurs sujets.
Les Indiens du Canada
Si la vie dans une collectivité indienne semble morne et triste, ce n’est pas parce que les Indiens sont ternes ou sans intérêt. C’est parce que les nouveaux venus ont aboli le genre de vie qui faisait le contentement des Indiens, sans se donner la peine de le remplacer.
Les Indiens n’étaient pas des païens. Comme l’écrit un missionnaire qui a passé un demi-siècle au service des Indiens du sud de l’Alberta : « Dans les temps anciens, l’Indien rapportait tout à sa religion et à ses pratiques religieuses. Sa religion imprégnait tous les actes de sa vie : semailles, récoltes, festoiements, jeux, chasse et guerre, bref tous ses centres d’intérêts étaient intimement liés à la religion. »
Et le chef du Conseil national des Indiens, William Wattunee affirme d’autre part : « Nous croyions à ce que l’on appelle Gitchi-Manitou, c’est-à-dire le Grand-Esprit. Dieu était présent dans le soleil, dans la lune, dans la terre notre mère, dans la pluie qui fait croître l’herbe. On m’a appris que notre paradis est un vaste terrain de chasse, où le gibier abonde et où vont les bons et les méchants. »
Ces gens, habitués à vivre dans un milieu inhospitalier et essentiellement rural, à mener une existence plus ou moins bohème dans des communautés familiales étroitement unies et serviables, devaient éprouver beaucoup de peine à s’adapter au mode de vie froid, impersonnel, réglé et essentiellement égoïste de la civilisation industrielle. La base économique de leurs habitudes de vie naturelles s’est désintégrée. Les réserves n’offrent plus assez de gibier, et leurs habitants, limités dans leurs déplacements, ne peuvent pas se transporter dans des territoires plus productifs comme on le faisait il y a des siècles.
La crise de l’adaptation ne s’est pas manifestée au seizième ni au dix-septième siècle. Elle n’est devenue évidente qu’à la fin du dix-neuvième siècle et elle s’est révélée intolérable au vingtième siècle.
À qui incombe la responsabilité ?
Il est généralement admis, selon les principes de moralité de notre société, que les forts ont le devoir d’aider les faibles. Or, dans l’âge actuel de la science et de l’industrialisation, c’est nous descendants des immigrants venus des pays lointains qui sommes les plus forts et qui sommes pour une large part responsables des problèmes qui se posent aux indigènes. C’est nous qui avons troublé leur manière de vivre et l’avons rendue impossible ; c’est nous qui avons transformé leurs terrains de chasse en provinces, en comtés et en fermes bien délimités, et qui avons relégué les premiers occupants dans les réserves.
« Les Indiens de l’Amérique du Nord, nous dit le célèbre historien Arnold Toynbee, ne connurent à peu près aucun répit depuis l’arrivée des premiers colons anglais jusqu’à l’écrasement de la dernière tentative de résistance armée de la part des indigènes pendant la guerre des Sioux de 1890, soit deux cent quatre-vingts ans plus tard. »
Une fois les combats terminés, nous avons établi un nouvel ordre social qui renversait le système de lois, de gouvernement, de coutumes et de religion sur lequel reposait auparavant la société indienne.
Longtemps auparavant, sous le règne de Charles II, les instructions données aux gouverneurs des colonies décrétaient qu’il serait fait bon accueil aux Indiens désireux de se mettre sous la protection de la Grande-Bretagne. En 1755, un bureau spécialement affecté aux affaires indiennes était établi. Depuis lors, il a toujours existé un organisme administratif chargé de protéger et de promouvoir les intérêts des Indiens. La direction en incombera au Gouvernement impérial jusqu’en 1860, date où elle fut confiée à la Province du Canada. En 1867, une disposition spéciale de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique attribuait les affaires indiennes au nouveau Gouvernement du Canada.
Les obligations du gouvernement dans ce domaine, toujours reconnues depuis 1670, devaient être officiellement confirmées au vingtième siècle par la Loi sur les Indiens. Selon cette loi, la mission essentielle du gouvernement est d’administrer les affaires des Indiens de manière à leur permettre de devenir progressivement des citoyens indépendants et capables de subvenir eux-mêmes à leurs besoins.
Ce devoir de soin et protection ne saurait consister uniquement en mesures paternalistes. On lit ce qui suit dans le rapport de la Conférence d’étude de 1962 du duc d’Édimbourg : « Il y a danger, comme on le constate déjà dans certaines régions, que l’isolement social que représentent les réserves et la surveillance des agents des Indiens finisse par paralyser l’ingéniosité, l’initiative et la personnalité des Indiens, et contribue malgré toutes les bonnes intentions à perpétuer la situation même qu’il visait à améliorer. »
Quelques recommandations
On trouve le passage suivant dans un mémoire présenté en 1964 par la division ontarienne de l’Association des Indiens et des Esquimaux : « La majeure partie des cent mille Indiens de cette province vivent dans la misère noire. Un fort pourcentage d’entre eux sont sans travail et n’ont ni l’instruction ni la formation sociale nécessaires pour trouver et garder un emploi. Peu d’efforts réels ont été tentés en vue d’aider les Indiens à créer de nouvelles industries pour remplacer l’industrie de moins en moins florissante de la chasse et du piégeage. Il s’est révélé plus facile d’accorder des secours que de fonder des industries. » Six pour cent seulement des dépenses consacrées aux Indiens par le gouvernement fédéral ont trait au développement.
Les Indiens, de leur côté, s’efforcent d’améliorer leur sort. Dix de leurs bandes ont envoyé des délégués au Western Indian Leadership Institute, à Petrolia (Ontario), en 1965, afin d’y acquérir les connaissances et les techniques nécessaires pour administrer les affaires des bandes. Frank Calder, le premier Indien à siéger dans un parlement canadien, préconise soit de supprimer le régime des réserves, soit de fournir l’occasion aux Indiens de diriger eux-mêmes leurs affaires locales.
L’Association des Indiens et des Esquimaux a aussi formulé certains voeux. Elle a notamment demandé la création, au sein de la Direction des affaires indiennes du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, d’un bureau de développement économique qui disposerait de crédits d’un montant de 25 millions de dollars, ainsi que l’institution d’un Conseil consultatif économique composé en grande partie de représentants des Indiens. Cette double initiative entraînerait l’établissement d’un nouveau poste dans le ministère en question : celui de sous-ministre des Affaires indiennes. L’Association a recommandé en outre que l’on fournisse du personnel technique, professionnel et de gestion pour faire fonctionner les nouvelles entreprises commerciales approuvées pendant les premières phases de leur exploitation et que des programmes de formation soient mis au point pour préparer les Indiens à prendre la relève ; que l’on encourage les sociétés à implanter, avec l’accord des conseils de bande, de nouveaux établissements industriels sur le territoire ou à proximité des réserves afin d’assurer du travail aux Indiens ; que la Caisse de développement économique accorde l’aide voulue pour former des travailleurs en cours d’emploi dans ces établissements et que ceux-ci soient agrandis pour donner du travail aux Indiens habitant hors des réserves.
Les grands oubliés : les Esquimaux
Les Esquimaux sont un peuple intrépide, ingénieux et même jovial en dépit de l’extrême adversité où ils ont toujours vécu. Ils s’appellent eux-mêmes Inuit, les « Hommes par excellence ». Jamais dans l’histoire une autre race n’a accompli autant de choses avec des moyens aussi limités.
Les hommes qui habitaient l’Arctique avant l’invasion des étrangers et de leurs inventions de toutes sortes devaient tout faire de leurs mains. Il leur fallait connaître parfaitement leur milieu, ses animaux, ses plantes et ses produits naturels, ses dangers et ses ressources.
Mais ce n’était pas des sauvages. Le recteur de l’Université d’État de New York, William Carlson, qui, pendant sa jeunesse, a passé un hiver dans une famille esquimaude de cinq personnes, affirme qu’il a été frappé par leur honnêteté, leur sincérité et leur sang-froid en présence du danger. « J’ai noté chez eux, ajoute-t-il, une certaine dignité dans le maintien, les manières et la pensée. J’ai appris que l’homme civilisé pourrait avec avantage être l’émule de ces prétendus sauvages. » Et le grand explorateur, d’origine canadienne, Vilhjalmur Stefansson, nous dit d’autre part : « Les années que j’ai vécues parmi les Esquimaux m’ont persuadé que l’élément principal de leur bonheur est qu’ils observent le grand précepte de la charité. »
Le pays des Esquimaux est aujourd’hui sous-développé et aux prises avec des problèmes analogues à ceux qui se posent dans les pays sous-développés de l’étranger, mais avec cette différence notable qu’il fait partie intégrante d’un pays riche et prospère. Ni la terre, ni le climat, ni la culture n’offrent d’obstacles insurmontables, qui pourraient nous excuser de ne pas aider les Esquimaux à s’intégrer dans le monde nouveau que nous bâtissons.
Les efforts actuels
Que fait-on pour adapter nos 12,000 Esquimaux à la vie du vingtième siècle ? Selon l’Annuaire du Canada, le gouvernement canadien aide les Esquimaux à franchir la période de transition en leur assurant des services d’enseignement, de sécurité sociale et d’apprentissage technique, c’est-à-dire les mêmes avantages qu’aux autres citoyens du Canada.
Beaucoup d’Esquimaux de l’ancienne génération ne pourront jamais s’habituer au régime du travail salarié, mais les jeunes prennent facilement goût aux arts mécaniques. Ils occupent des emplois d’aides dans les ministères de l’État et travaillent comme employés dans les établissements de défense et les sociétés privées. Il y a aussi des Esquimaudes qui sont interprètes, serveuses, aides-infirmières, commis et hôtesses de l’air. Mais les trois quarts de la population esquimaude vivent dans les régions inhospitalières qui s’étendent à l’extérieur des grands centres d’activité économique et politique.
Un travail de planification s’impose non seulement pour développer les riches ressources matérielles du Nord, mais aussi pour assurer le maximum de bien-être et de progrès aux populations indigènes en quelque lieu qu’elles se trouvent.
Le Manchester Guardian a applaudi à la création par le gouvernement fédéral d’une caisse de prêts destinée à aider les Esquimaux à fonder des coopératives de pêche, de construction de bateaux, d’exploitation forestière et d’artisanat. En octobre dernier, le ministre du Nord canadien annonçait la mise en oeuvre d’un programme comportant la construction de 1,600 maisons, qui s’étendra à la totalité de l’Arctique d’ici quelques années. Les Esquimaux pourront louer ces maisons ou encore s’en rendre acquéreurs grâce à des primes d’achat. On a également commencé à créer, dans certaines parties du nord, de petites industries locales, fondées sur les talents de la population et les matériaux disponibles ; cette initiative permet d’associer les Esquimaux eux-mêmes à l’oeuvre de leur promotion.
L’enseignement est d’une importance capitale. Les Esquimaux passent de la culture de l’âge de pierre à celle de l’âge du machinisme en l’espace d’une génération. On continue à construire des écoles à leur intention dans les principales agglomérations qui s’échelonnent entre Fort Smith à la frontière de l’Alberta et Grise Fiord à 800 milles du pôle nord sur l’île Ellesmere, tandis que des bibliothèques ambulantes font pénétrer le livre de lecture dans certains des endroits les plus reculés. À Fort Simpson et Yellowknife, des pensionnats reçoivent les jeunes Esquimaux qui veulent poursuivre leurs études. Certaines localités offrent des cours en menuiserie, en construction, en électronique, en mécanique automobile et Diesel, etc. Des élèves spécialement choisis sont envoyés dans le Sud afin d’y apprendre des spécialités qu’ils pourront plus tard exercer dans leur propre milieu.
Alors que les autres peuplades indigènes des Amériques ont été poussées par les circonstances à abandonner les arts rituels propres à leurs tribus et à produire pour l’industrie du tourisme, l’Esquimau a été préservé de ce changement grâce à son éloignement géographique, et aujourd’hui ses sculptures en pierre locale et en ivoire sont appréciées dans le monde entier.
L’étude des marchés, au Canada et aux États-Unis, révèle qu’il existe des débouchés appréciables pour les travaux d’art et d’artisanat esquimaux, et, même si la sculpture et la gravure sont incapables à elles seules de résoudre les difficultés économiques de l’Arctique, il n’en demeure pas moins qu’elles ont apporté une réponse aux problèmes de plusieurs de ses habitants. Plus encore, elles ont permis aux autres Canadiens de se rendre compte de l’existence et des possibilités de leurs compatriotes des terres polaires.
Parmi les principaux objets fabriqués par les Esquimaux, il y a lieu de mentionner les gravures sur peau de phoque, les pantoufles en rat musqué et en lièvre de l’Arctique (une paire a remporté le deuxième prix à une exposition internationale de la chaussure tenue à New York), ainsi que des oeuvres graphiques qui font partie des collections permanentes de la Galerie nationale du Canada et du Musée d’art moderne de New York.
Les coopératives
Voici ce que disait Stefansson à son retour de l’Arctique : « Peut-être pourrions-nous vivre aussi heureux dans une métropole que dans un village de pêcheurs si seulement nous pouvions remplacer la loi de la concurrence par celle de la coopération. » Les Esquimaux mettent en pratique, dans leurs coopératives, leurs traditionnelles coutumes du travail en commun et du partage du fruit de leurs pêches et de leurs chasses.
Plus de 500 Esquimaux – soit environ une famille sur cinq – sont membres des coopératives. En 1963, on comptait chez eux dix-neuf coopératives en activité, dont le chiffre d’affaires atteignait tout près d’un million de dollars. Sur ce montant, plus de $250,000 provenaient de la vente des sculptures, des gravures et des travaux d’artisanat. Le reste était attribuable aux pêcheries d’omble et de saumon, à l’exploitation des magasins de détail, des camps de touristes et des produits forestiers, à la construction de bateaux et à la vente des fourrures.
La coopérative esquimaude la mieux connue des Territoires du Nord-Ouest est celle de West Baffin à Cap Dorset. Après avoir connu des débuts modestes en 1959 et obtenu une certaine aide du ministère du Nord canadien dans les premiers temps, les habitants de cette localité entreprenante réussissaient au bout de deux ans à peine à produire des gravures, des sculptures et des objets d’artisanat d’une valeur excédant $200,000. Dans l’Est, les coopératives, créées avec l’aide de la Caisse des prêts aux Esquimaux, appartiennent maintenant aux habitants de la localité. Les congrès des coopératives de l’Arctique réunissent des Esquimaux venant jusque d’Aklavik à l’ouest et de Grise Fiord au nord.
Perspectives d’avenir
Il n’est pas anormal, étant donné leurs antécédents, que les Esquimaux soient persuadés qu’ils renoncent à quelque chose de précieux en adoptant les nouvelles façons de faire.
Mais lorsqu’on leur offre les possibilités, les conseils et l’aide pratique nécessaires et que l’on fait preuve envers eux de compréhension et de tolérance, tous nos aborigènes montrent qu’ils ont le désir, la volonté et la capacité de se soumettre aux changements qu’on leur propose.
La grande question qui se posera demain est celle-ci : nous, nouveaux venus, nous sommes emparés de la terre des premiers habitants du pays. Que cela ait été un bien ou un mal ; que la chose ait été inévitable ou non dans la marche de l’histoire, ce n’est pas là le point. Nous avons pris leur terre, bouleversé leur manière de vivre, détruit leurs moyens d’existence et sapé leur culture. C’est donc pour nous un devoir de nous acquitter de nos obligations envers eux.
Ce qu’il faut avant tout, ce ne sont ni des supplications, ni des encouragements, ni des exhortations, mais de la compréhension. À maintes reprises dans le cours de l’histoire du monde, nous dit Jenness dans son livre, de grands progrès sociaux et économiques ont été accomplis par la réunion de deux peuples qui avaient suivi jusque-là des routes séparées. Le centenaire de la confédération ne nous offre-t-il pas une excellente occasion d’accroître, d’intensifier et d’accélérer nos efforts pour hausser le niveau de vie des autochtones du Canada jusqu’à celui que connaissent les Canadiens en général ?
Le principe qui doit nous guider dans nos relations avec les Esquimaux et les Indiens se trouve formulé de façon aussi élégante qu’admirable dans un poème d’Irene Baird à l’adresse des Esquimaux et qui s’intitule : « Keep Your Own Things ». Ce poème a paru dans le numéro de mars-avril 1964 de North, revue publiée par le ministère du Nord canadien et des Ressources nationales.