L’année du centenaire sera pour les Canadiens une excellente occasion de se regarder eux-mêmes et de regarder leur pays bien en face, de s’examiner sous divers angles et d’essayer de se voir tels que les autres les voient.
L’image obtenue devra avoir les qualités des portraits célèbres, c’est-à-dire qu’il lui faudra non seulement être ressemblante, et non pas idéaliste ni caricaturée, mais encore être l’expression de notre âme et de notre personnalité, et non simplement des traits de notre visage et de notre manière de nous vêtir. Si la Joconde est un chef-d’oeuvre, c’est surtout par la richesse des sentiments intérieurs qu’elle évoque.
Notre représentation de nous-mêmes devra en outre avoir une certaine profondeur et respecter les règles de la perspective. C’est Léonard de Vinci qui nous dit que la perspective est la bride et le gouvernail du peintre. C’est également notre seul moyen de juger quelles sont les choses qu’il convient de mettre au premier plan dans la vie et quelles sont celles qu’il importe de reléguer au second.
Pour avoir une meilleure vue d’ensemble du Canada, peut-être y a-t-il lieu de nous arracher à l’agitation trépidante de notre entourage et de nous poster, en imagination, quelque part dans l’espace.
Nous verrons alors à l’oeuvre les vingt millions de Canadiens qui ont succédé aux 3,635,000 habitants que comptait notre pays il y a un siècle. Nous apercevrons d’immenses entrepôts à grains et des gratte-ciel, des chemins de fer et des terrains d’aviation, des centaines de mille usines et des millions de foyers, qui sont autant de signes de progrès matériel. Nous pourrons voir resplendir le soleil sur les toits et les clochers de milliers de cathédrales, d’églises et de synagogues, preuves tangibles de notre attachement pour les valeurs morales.
Quiconque jouit de son bon sens ne saurait prétendre que chaque siècle est supérieur en tout point à celui qui le précède. Mais si l’on envisage la marche des événements de façon générale et de très haut, il faut reconnaître qu’il y a une certaine progression.
Le Canada n’a peut-être pas accompli tout ce qu’il aurait pu accomplir, mais si nous mesurons ses progrès, nous n’avons pas lieu d’être pessimistes. Notre passé n’a rien d’ignoble, bien au contraire.
En esquissant le fond du tableau, sans entrer dans les détails, nous constaterons que les événements qui paraissaient désastreux à l’époque n’étaient que de simples incidents dans l’évolution d’une nation, alors que les efforts quotidiens des agriculteurs, des bûcherons, des explorateurs, des trappeurs et des gouvernants contribuaient à édifier une oeuvre durable.
Le Canada a réalisé, non pas complètement, mais dans une large mesure, une manière de vivre, dont certains des mérites constituent une innovation dans l’histoire humaine. Il s’efforce de supprimer la pauvreté ; il a réduit la fréquence de la maladie à une proportion qui eût semblé ridiculement impossible il y a cent ans ; il a généralisé les possibilités d’instruction dans tout le pays ; il a su maintenir à un haut degré l’harmonie entre l’ordre et la liberté.
Il ne s’agit pas là d’une récapitulation inutile. Le fait de considérer notre passé et de scruter notre avenir nous permet de mieux comprendre ce que nous sommes aujourd’hui et ce que nous devons faire pour que demain soit digne de nous.
Respecter le passé tant pour ce qu’ont fait nos aïeux que pour ce qu’il nous a permis d’accomplir, cela ne signifie pas l’adopter servilement. Nous pouvons l’admirer et en tirer profit, sans pour autant essayer d’introduire de force dans son moule les circonstances de l’époque actuelle.
Les colonisateurs
Quoique le premier voyage de Jacques Cartier sur nos bords remonte à 1534, l’événement dont le Canada fêtera le centième anniversaire en 1967 n’a eu lieu que 333 ans plus tard.
Ces trois siècles ont été marqués par les difficultés de la colonisation dans un milieu pour lequel la vie des villages de France et d’Angleterre constituait une piètre préparation.
En plus de la solitude et des rigueurs du climat, il fallait compter avec les clans hostiles, les voisins belliqueux, les obstacles naturels et l’incertitude de la vie sous des souverains peu au fait et encore moins soucieux de ce qui se passait dans leurs colonies, dont ils se trouvaient séparés par un vaste océan, que traversaient avec lenteur les navires à voiles.
Nous pouvons nous tourner vers nos ancêtres avec un regard de profonde admiration pour leurs labeurs et leurs tribulations, pour toutes leurs entreprises inachevées et pour tous leurs désirs inaccomplis, tout en rendant hommage au courage invincible dont ils firent preuve en établissant les fondations d’une route qu’il ne nous reste qu’à parachever. Peut-être y trouverons-nous, au milieu de nos efforts pour améliorer l’héritage qu’ils nous ont laissé, une profitable leçon d’humilité.
Ceux qui vinrent après les pionniers, pour édifier la Confédération, étaient également des hommes courageux. Il ne s’agissait pas pour eux d’organiser un voyage en fusée dans un État futur quelconque ; il fallait construire l’État sur-le-champ. Ces gens n’étaient pas des théoriciens discourant comme Platon sur la République. Ils ne possédaient pas le don de clairvoyance pour prévoir qu’en moins de cent ans la population aurait presque sextuplé ; que le pétrole, le gaz naturel, et l’or, le cuivre, le minerai de fer, le nickel et une douzaine d’autres minéraux auraient fait leur apparition dans l’économie du pays ; que le transport par terre, par eaux, par air et par pipe-line révolutionnerait notre manière de vivre. Leur mérite fut de construire, selon leurs connaissances, en faisant preuve à la fois d’idéalisme et d’esprit pratique, la base sur laquelle deux races et deux cultures pourraient solidement s’implanter et former une seule nation.
Perchés au sommet d’un immeuble commercial d’une quarantaine d’étages de plus encore que tout ce que nos pères ont pu imaginer, nous aurons peut-être l’impression d’avoir monté bien haut et d’être à la pointe de l’actualité. Mais l’actualité n’est que le moment du temps où le hasard a voulu que nous nous trouvions.
Si nous avons atteint ces hauteurs, c’est grâce en partie à notre héritage. Aux fondateurs de notre pays, nous devons l’ardeur au travail, la faculté de nous débrouiller tout en améliorant notre sort, de vaquer à nos affaires du moment en nous préparant pour l’avenir. De nos ancêtres plus éloignés encore nous avons hérité des normes morales de la foi judéo-chrétienne ; de l’esprit humaniste des Grecs et de la Renaissance, qui met l’accent sur la dignité de l’homme ; de la confiance dans la méthode scientifique des hypothèses contrôlées en tant que voie la plus sûre pour atteindre la vérité ; de l’adhésion au droit romain, français et anglo-saxon, qui assure l’évolution pacifique de la société ; de la foi démocratique dans la liberté, l’égalité et la fraternité, issues de la doctrine des philosophes du XVIIIe siècle et de la Révolution française.
Perspectives d’avenir
Aucun pays n’a encore réussi à demeurer stationnaire. À chaque instant, le passé est remis à jour et projeté dans l’avenir. Les monuments des hommes d’État, des héros et des conquérants offrent le spectacle le plus attristant du monde s’il n’y a personne pour les entretenir et les restaurer.
Aimer son pays, c’est entre autres choses savoir ce qu’il a été, ce qu’il est et ce qu’il peut devenir, puis tendre vers l’idéal qui s’impose.
Le passé du Canada nous permet d’envisager l’avenir avec optimisme. Aucun pays au monde n’est mieux en mesure de s’assurer un destin brillant et fécond. Le grand danger, c’est d’en venir à croire que la prospérité actuelle justifie le relâchement.
L’avenir du Canada dépend en grande partie de l’intensité de nos efforts dans le présent, mais il repose aussi sur des aspirations et des espoirs qui s’enracinent au plus profond de notre âme. Nous aurons donc intérêt à rechercher le silence de temps en temps, à nous soustraire à l’affairement généralisé de notre milieu et à nous mettre à l’écoute de nos pensées profondes sur le passé et l’avenir.
Certes nous ne pouvons pas, comme Jean Cabot, prendre la mer avec des lettres patentes du Roi pour aller découvrir de nouveaux territoires. Mais nous pouvons être des explorateurs en esprit, chargés au nom de la démocratie de rendre notre pays meilleur en recherchant de nouvelles laçons de vivre et de faire les choses.
Le sens de l’exploration, qu’il s’agisse de la surface de la terre ou des principes d’une vie noble et grande, suppose l’acquisition de la faculté d’affronter les ennuis avec courage, les déceptions avec sérénité et les succès avec humilité.
Le patriotisme démocratique
Tous ceux qui voient un peu plus loin que la prochaine paie savent qu’un pays ne vit pas que des statistiques du produit national brut. Sans doute faut-il que les chiffres de l’emploi et de la production soient élevés, mais cela n’est pas suffisant. Il importe qu’il existe un esprit capable de rallier tout la communauté en inspirant aux citoyens le sentiment de partager quelque chose d’unique au monde. Les habitants du Canada peuvent posséder des traditions, des cultures, des religions, des antécédents et des revenus différents, mais ils doivent avoir l’impression d’être des éléments essentiels de la société canadienne.
Il ne s’agit pas d’être patriote à la façon de ceux qui croient que leur parcs, leur province ou leur comté est supérieur à tous les autres parce qu’ils y sont nés ou qu’ils y vivent. Le vrai patriotisme n’est pas le débordement émotif de vanité qui se manifeste dans le chauvinisme, mais une vertu qui s’exprime dans la participation à la vie de la collectivité, l’attachement inébranlable aux principes éprouvés de son pays. C’est à la fois un état d’esprit et une communauté de vie.
Le patriotisme démocratique auquel nous visons est avant tout une disposition intérieure chez l’individu, et non pas un expédient de la machine gouvernementale pour assurer la cohésion de la population. Le citoyen est celui qui jouit du droit dévolu à tout homme de bénéficier, selon ses aptitudes morales et intellectuelles, des avantages matériels et spirituels que la nature et la science ont mis à la disposition de l’humanité, et qui reconnaît le même droit à tous les autres hommes. Il croit à l’égalité sans exclure pour autant la supériorité.
Le civisme exige beaucoup d’intelligence perceptive. Il ne saurait exister chez les gens qui ne veulent écouter que ce qu’ils entendent depuis toujours et qui s’accrochent à des croyances et à des mythes qu’ils ont toujours considérés comme allant de soi.
Devenir un citoyen éclairé, c’est l’idéal essentiel qui permet de discerner un sens et de mettre de l’ordre dans la masse discordante et confuse de détails qui compose la vie nationale. Il faut pour cela continuer à apprendre. La démocratie ne saurait être sauvegardée par une populace illettrée : elle exige que nous luttions sans cesse pour passer de l’ignorance à la sagesse.
Si la démocratie est précieuse – et elle est infiniment supérieure à toutes les autres formes de vie nationale – il faut nous employer ensemble à la réaliser, sinon nous perdrons notre liberté.
À l’aurore de notre second siècle d’existence en tant que nation, nous en sommes encore à apprendre à être Canadiens. Nous n’avons pas de temps à perdre sur les cendres des dissensions passées.
Vivre ensemble
Considérer les problèmes du Canada de très haut, ce n’est pas les regarder avec indifférence, mais plutôt s’élever au-dessus des opinions et des préjugés pour envisager les faits tels qu’ils sont, puis se joindre aux autres pour rectifier ce qui est défectueux et perfectionner ce qui est bon. Cette manière de voir permet de rapprocher les gens de toutes les faces, de toutes les langues et de toutes les religions, et de les amener à réaliser leurs espoirs et leurs aspirations dans le vaste cadre de la patrie canadienne. Ceux qui ont construit la tour de Babel ont au moins le mérite d’avoir su unir leurs efforts pour atteindre le ciel.
À quoi se résume l’histoire du Canada ? Deux grands pays, la France et la Grande-Bretagne fondent des colonies en Amérique du Nord. Par le sort des armes, le tout passe sous la domination de la Couronne britannique. Les mêmes circonstances ont ailleurs une issue douloureuse, une culture en absorbant une autre de force. Les Canadiens décident de procéder d’une façon différente. Ils tentent une expérience jamais imaginée auparavant. Le règlement n’est pas imposé par les guerriers en ordre de bataille comme à Runnymede, ni par la terreur et la guillotine comme en France. C’est un exploit inusité, accompli au prix de grandes difficultés.
Le pays établi il y a cent ans est un territoire continental composé de provinces distinctes. Le Canada a réussi à faire subsister sa société biethnique grâce à l’intelligence, au travail ardu et à la détermination des deux groupes en cause.
Toute notre histoire démontre que la scission du Canada en petits États serait comme l’extinction des chandelles dans un château, qui disparaissent une par une jusqu’à ce que tout le château soit plongé dans l’obscurité. Les anthropologistes ont découvert, dans les parties les plus reculées du globe, que les êtres humains peuvent vivre ensemble et travailler en commun dans des conditions extrêmement variées.
Platon établit clairement dans un de ses dialogues que la prospérité règne lorsque des hommes religieux, amis de l’ordre et industrieux élaborent une civilisation, mais qu’elle s’effondre sous l’avalanche des querelles.
Mettant les États-Unis en garde contre le morcellement, Alexander Hamilton affirmait : « Je me suis efforcé de vous montrer l’importance de l’union pour votre sécurité politique et votre bonheur. Je vous ai dévoilé l’engrenage des dangers auxquels vous vous exposeriez en permettant que les noeuds sacrés qui lient ensemble le peuple des États-Unis soient rompus par l’ambition ou par l’avarice, par la jalousie ou la fausse représentation des faits. »
Et c’est Napoléon Bonaparte qui nous dit : « Le simple titre de citoyen français a beaucoup plus de valeur que n’importe laquelle des mille et une dénominations qu’a engendrées l’esprit de dissension et qui précipite la nation dans l’abîme. »
L’utopie suppose un but
Nous ne pouvons pas nous passer de la notion d’utopie, même si nous nous défendons d’être des idéalistes. S’il n’existait pas de Canada idéal, il faudrait en inventer un.
Le monde que nous construisons, même dans nos moments les plus brillants, est encore loin du monde que nous désirons : monde de bonne volonté, de respect mutuel, de confiance réciproque, de générosité et de collaboration. Ce que nous voudrions, en fait, ce serait de revenir aux valeurs de l’âge d’or et leur donner une portée plus vaste et plus universelle.
Une nation n’est pas comme le dit ironiquement H. G. Wells, un groupe d’hommes rassemblés sous l’autorité d’un ministère des Affaires étrangères, mais une communauté humaine ayant un but dans la vie et réunie en vue d’une fin. Le Canada compte maintenant au-delà de vingt millions d’habitants, mais l’état de la nation ne se mesure pas en chiffres. Celle-ci est beaucoup plus forte que l’ensemble de ses parties. Sa vigueur réside dans les liens de confiance qui existent entre ceux qui la composent, la qualité de leur solidarité et leur unité de but.
Un observateur du Manchester Guardian écrivait il y a quelques années : « Le Canada semble être un pays en proie au doute le plus noir. » Il y a danger que certains d’entre nous se sentent « perdus », et le moment est peut-être venu de trouver pour eux un rôle constructif et dynamique dans notre vie nationale. Il s’agirait de concentrer les idées et les efforts sur l’édification d’un Canada où il fait bon vivre et de joindre la sagesse pratique dans l’art de gouverner à l’utilité morale d’un code durable des valeurs.
Lorsqu’une manière de vivre change très rapidement, comme le fait la nôtre à l’heure actuelle, et qu’elle offre des options de plus en plus nombreuses aux individus, les principes fondamentaux et essentiels peuvent être menacés de disparition. Et il peut arriver qu’il n’y ait plus alors assez de points sur lesquels s’entendent tous les membres de notre société pour assurer un contenu et une forme valables à notre culture. Voilà pourquoi il est urgent d’envisager les choses dans leur ensemble, de nous tracer une ligne de conduite et de collaborer avec enthousiasme à la sauvegarde et à l’enrichissement du fonds déjà imposant de choses que nous avons en commun : notre culture.
Ce qu’est la culture
La culture ne consiste pas dans la pratique ou l’admiration des beaux-arts. Elle se manifeste par la supériorité de la pensée, l’amour de la beauté, le désir de nous élever et d’élever les autres à un niveau supérieur ; elle suppose la largeur d’esprit, l’objectivité de vues, l’appréciation intelligente des valeurs et le développement des aptitudes de chacun.
Évoluer dans ce sens, c’est grandir, c’est acquérir de la maturité. Rien n’est plus pitoyable que l’enfant prodige qui ne comprend pas pourquoi les exploits qui lui ont valu des acclamations à quinze ans ne soulèvent plus que des applaudissements polis à trente ans.
Au Canada, nous sommes passés de l’âge de pierre à l’âge de l’agriculture, puis à celui de l’industrialisation, et enfin à l’ère de l’énergie atomique. Même si personne n’a la prétention d’accomplir sa tâche quotidienne avec des outils de l’âge de pierre, il reste que nous avons peut-être relâché un peu notre poigne sur les trésors d’urbanité acquis avec les ans et que nous avons marqué le pas intellectuellement.
Les impondérables ont toujours leur importance. Ce sont les choses qui ne se mesurent pas à l’aune de l’utilité et qui ne se pèsent pas sur la balance des richesses. En élaborant des plans pour notre second siècle d’existence en tant que nation, allons-nous juger de notre degré de civilisation par le nombre d’automobiles que nous comptons par centaine de mille habitants ?
On peut voir, gravée sur le fronton d’un bâtiment qui abrite des archives, cette phrase de la Tempête de Shakespeare : « Le passé n’est qu’un prologue ». Dans la pièce, Antonio complète sa pensée en disant que l’avenir est entre nos mains.
Le moment est venu d’assimiler notre expérience, de faire preuve de sagesse et de collaboration, de dresser des plans. Sans plans d’action, nous serons bousculés et déroutés par les événements.
Lorsque nous aurons des plans et que les traditions et les efforts de toutes les nationalités qui composent notre population se trouveront réunis dans la poursuite d’un idéal commun, le Canada deviendra une nation de marque et les Canadiens connaîtront une vie plus riche.
Il faut agir
Au moment où le Canada aborde son second siècle de confédération, il ne peut se permettre de croupir dans l’inaction. Il a besoin, dans les églises, les universités, les collèges et les écoles, les paroisses et les gouvernements, de chefs capables d’envisager les choses de loin et de parler le langage qu’il faut pour éveiller les esprits et inciter la population à travailler à l’avancement individuel et à celui de la nation. Ce n’est pas tant une idéologie nouvelle qu’un esprit de fervente détermination qui nous sera nécessaire pour amener les Canadiens à rechercher avec persévérance une vie noble et digne.
Nos résolutions du Centenaire devront être vivaces et avoir toute la force impulsive de l’urgence. L’heure n’est ni à radoter ni à rêver, mais à nous instruire et à agir ; à nous fixer un but avec enthousiasme.
Comme cela est loin de l’opinion de ceux qui prétendent que la vie facile est un bien souhaitable. Les gens de cette espèce ne recherchent que ce qui leur est donné. S’ils ont du pain en abondance, trois fois par jour, ils accepteront très bien de ne vivre que de pain, avec quelques jeux à l’occasion pour se divertir. C’est d’eux que le grand inquisiteur de la parabole de Dostoïevsky dit : « À la fin, ils déposeront leur liberté à nos pieds en nous disant : « faites de nous vos esclaves, mais donnez-nous à manger ». »
Ce danger existe-t-il au Canada ? Les Grecs et les Romains n’ont pas échappé à cette déchéance. Après une brillante période de domination au sein d’un monde barbare, ils sombrèrent, pour leur ruine, dans la mollesse et le désoeuvrement.
À ce stade mémorable de son évolution, le Canada a réuni, dans un milieu favorable à la création d’une grande association, les représentants industrieux et pleins d’ardeur de plusieurs races. C’est un moment où tous les Canadiens doivent s’unir pour vivre ensemble une grande époque de l’histoire.
On trouve dans un poème de sir Charles Roberts, dédié aux Canadiens, ce vers vigoureux à l’adresse du Canada : « O toi qui hésite, que ton passé soutienne ton avenir. »
En suivant cette voie, nous verrons mieux la nécessité d’écarter nos doléances imaginaires, d’abattre les épouvantails, de repousser les faux appâts et de combattre les éléments de discorde.
Avec de la perspicacité et la ferme et généreuse résolution de faire tout ce qui est possible, la nation canadienne peut réaliser une grande oeuvre pendant son second siècle d’existence, une oeuvre que nous pourrons contempler avec fierté lors du bicentenaire du Canada.