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Un centenaire étant par définition un anniversaire que l’on ne peut être invité à célébrer qu’une fois tous les cent ans, il n’est pas trop tôt, un an avant un tel événement, pour commencer à nous renseigner sur ce que l’on attend de nous en tant que participants.

L’année de notre centenaire ne saurait être une simple occasion de repolir nos vieux monuments, de créer de nouveaux services et d’intensifier nos activités culturelles. Elle doit nous amener à réfléchir à tout ce qu’il y a d’important dans la vie sociale, politique et intellectuelle de notre pays et dans les conditions où elle se poursuit à l’heure actuelle.

Nous tiendrons à savoir quel chemin ont dû parcourir nos ancêtres pour que le Canada puisse avoir le privilège de célébrer ses cent années d’existence en tant que nation. Il ne s’agit pas de faire des remarques malveillantes ou inutiles sur ceux qui ont commis des erreurs ou perpétrer des abus en cours de route, mais de rechercher par quelle voie notre pays est passé pour édifier sur ses « quelques arpents de neige » le florissant territoire qu’il possède aujourd’hui.

Notre passé est loin d’être terne. Les événements dont il est tissé sont souvent palpitants d’intérêt et présentent une variété capable de satisfaire le plus exigeant des conteurs. On y trouve des contrastes frappants, aussi bien dans les mobiles d’action des explorateurs que dans les méthodes de colonisation. L’étude de ce passé nous concerne en tant que fils de nos pères ; mais ce que nous allons faire au moment de notre centenaire nous concerne en tant que pères de nos fils, c’est-à-dire des générations futures.

Nos ancêtres

La hauteur de nos immeubles commerciaux et la multitude de nos belles habitations de banlieue ne doivent pas nous faire oublier les anciennes maisons de pièces ou de bois rond dans lesquelles nos aïeux ont commencé à bâtir notre société et notre économie.

Il est vrai que l’on ne peut s’engager dans l’avenir en regardant dans un miroir rétroviseur, mais comme l’a dit l’écrivain révolutionnaire Edmund Burke : « Ceux qui ne se reportent jamais au temps de leurs ancêtres ne pensent guère à la postérité. »

Qui sont nos ancêtres ? Ce ne sont pas seulement les personnes qui figurent dans notre arbre généalogique, mais tous ceux qui ont travaillé avant nous à l’édification de notre pays, qu’il s’agisse des premiers colons venus avec Champlain ou des immigrants du siècle actuel ; qu’ils aient été de langue française, anglaise, italienne, allemande, ukrainienne ou autre ; de religion judaïque, catholique ou protestante ; de race noire, brune, jaune ou blanche ; libre-échangistes ou protectionnistes ; grands seigneurs régnant sur de vastes domaines ou petits fermiers arrachant péniblement leur existence à des lopins de terre rocailleux ; habiles artisans abattant des arbres pour en faire des chaises, des chaires d’église et des chariots agricoles ou propriétaires des moulins à eau qui comptent chez nous parmi les plus lointains précurseurs de l’industrialisation. Tous ces gens sont nos ancêtres.

De leur temps, le fait d’avoir les mains calleuses ne classait pas un homme, et il n’y avait aucune honte à dormir sur un lit de paille et à se mettre un oreiller de foin sous la tête.

Les hommes et les femmes dont nous évoquerons la mémoire lors de notre centenaire ont chèrement payé de leur personne et de leur peine pour nous faire ce que nous sommes. Au milieu des drapeaux, des marches militaires et des beaux discours, nous devrons aussi nous souvenir des charrettes aux essieux grinçants et des hue et des dia de leurs cochers, des tombes qui jalonnèrent la route vers l’ouest, des bateaux sur lesquels les explorateurs et les marchands de fourrures franchirent des milliers de milles à travers des terres inconnues ; de tous les colons audacieux, entreprenants, énergiques et clairvoyants qui écrivirent avec leur sang ou leurs sueurs les premières pages de notre histoire.

Ce n’est pas à dire qu’il faille verser dans une nostalgie qui irait jusqu’au romanesque. Certains pays européens se sont mis, il y a un demi-siècle, à refaire leur histoire en la transformant en contes de fées et en poèmes épiques, ce qui nous a valu les maux du nationalisme romantique. Mais nous qui connaissons un avenir que les plus perspicaces de nos devanciers n’ont jamais imaginé, il est de notre devoir de rendre justice aux idées avancées, à la tolérance et aux talents politiques des hommes de l’âge des meubles « empaillés » et des becs de gaz.

Les causes de la Confédération

Les faits qui se sont déroulés, dans notre pays ou sur le plan international, avant la Confédération peuvent avoir une influence très importante sur notre pensée en nous aidant à comprendre pourquoi le Canada a entrepris la tâche sans précédent d’unir deux peuples en une seule nation.

Le Canada d’avant 1867 serait pour nous un monde bien étrange. Il ne possédait aucune des caractéristiques que nous considérons aujourd’hui comme tout à fait normales, telles que les grosses usines, les grandes villes, les routes nationales, les automobiles, les avions, la télévision, l’électricité. Il n’existait alors que quelques milles de voie ferrée le long du Saint-Laurent.

La population était de 3 millions ½ environ, dont 80% étaient concentrés dans les provinces du Bas et du Haut-Canada, qui sont aujourd’hui le Québec et l’Ontario. Les quatre cinquièmes de la population vivaient dans les régions rurales ; Montréal ne comptait que quelque 100,000 âmes, et constituait de beaucoup la plus grande des villes canadiennes.

La culture du sol et l’exploitation des produits bruts de la forêt et de la mer faisaient subsister un petit nombre d’entreprises industrielles, d’artisanat et de prestation de services réparties dans les régions habitées. Ces industries se trouvaient à l’abri de la concurrence étrangère tant à cause de l’isolement, du bas prix des matières premières locales et du manque de moyens de transport qu’en raison de la protection fortuite d’un tarif conçu essentiellement en fonction du revenu.

C’était aussi l’époque où chaque famille devait forcément se suffire à elle-même par suite de l’état embryonnaire de l’économie. Le revenu matériel se limitait en grande partie aux besoins fondamentaux : alimentation, vêtement, logement. Le travailleur pouvait toujours se replier sur la ferme, où il devenait indépendant. Cet état de choses conférait naturellement à notre économie une grande capacité d’adaptation aux fluctuations et tendait à créer une certaine étroitesse de vues au sein de la population.

Pourtant, la poussée démographique et le désir d’une vie plus large commençaient graduellement à se faire sentir.

L’expansion vers l’Ouest avait été décevante pour les deux Canadas. Pour ce qui est des autres parties du pays, le rapport de la Commission royale d’enquête sur les relations entre le Dominion et les provinces, publié en 1940, résume ainsi la situation : « Les provinces Maritimes, liées à une industrie moribonde, [navires en bois] éprouvaient des difficultés encore plus grandes. Le petit établissement de la vallée de la rivière Rouge commençait à se défendre, mais il se rapprochait graduellement des États-Unis. La course à l’or sur la côte du Pacifique avait donné lieu à des progrès d’importance, mais sa fin avait laissé une faible population en face d’une énorme dette. »

Entre 1848 et 1854, les affaires canadiennes tombèrent à un niveau si bas que l’on en vint à s’interroger sur la survivance du Canada. L’adoption du libre-échange par la Grande-Bretagne et l’abolition par le fait même de la préférence accordée au Canada sur les marchés britanniques donnaient alors encore plus de poids à la thèse des partisans de l’union avec les États-Unis. Sur le plan intérieur, le Canada était aux prises avec plusieurs questions irritantes, qui paraissaient insolubles dans le cadre des institutions politiques du moment.

En 1864, le pays était mûr pour la fédération. La guerre de Sécession américaine, qui avait débuté en 1861, avait suscité des difficultés avec les États du Nord. Les flibustiers américains harcelaient la frontière canadienne.

La crainte de l’invasion n’était pas une invention de l’imagination. Le New York Herald ne laissait planer aucun doute à ce sujet en prédisant, au mois de janvier 1861, que les États « cotonniers » du Sud « trouveraient au Mexique et dans les pays tropicaux qui bordent le Golfe l’espace qu’ils jugeaient nécessaire pour parer à l’augmentation rapide de leur population esclave » et que « les États confédérés du Nord chercheraient à faire contrepoids à ces acquisitions en absorbant le Canada ». Huit mois plus tard, le Herald brandissait la menace d’une armée de quatre cent mille hommes bien disciplinés « qui ne demanderaient pas mieux que de détruire jusqu’aux derniers vestiges de la domination anglaise en Amérique et d’annexer le Canada aux États-Unis ».

Même en 1866, un an à peine avant la Confédération, le Chicago Tribune écrivait que le moment venu, « notre République happera comme un faucon une caille les colonies de Grande-Bretagne en Amérique ».

Bien que les fulminations des journaux en question ne puissent être considérées comme représentant l’opinion de la masse des citoyens éclairés des États-Unis, il faut reconnaître qu’elles constituaient une cause d’irritation continuelle pour les Canadiens de l’époque, de même qu’une source de méfiance et d’appréhension.

La Confédération était le refus de l’annexion politique et économique par les États-Unis. Laissée à elle seule, même au sein d’un immense empire, chaque province était trop faible pour pouvoir réussir à assurer sa stabilité économique ou résister aux pressions armées du puissant voisin du Sud.

Que restait-il à faire si ce n’est de tenter de réaliser une entente quelconque qui permettrait non pas à un groupe de provinces isolées et à population clairsemée, mais à une collectivité unifiée de faire face au danger ? Par quel autre moyen le Canada pouvait-il continuer à vivre tout en conservant son identité en Amérique ?

L’avènement de la Confédération

Le Canada fut fondé avec les plus ardents espoirs par des hommes convaincus d’avoir ainsi accompli une grande chose. Comme l’a dit un historien : « En 1867, nos Pères créèrent quelque chose qui n’existait pas encore : une nouvelle nationalité. »

Ceux qui prirent part aux conférences qui précédèrent la Confédération furent contraints de travailler ensemble d’une façon dont peu d’entre eux avaient eu l’occasion de le faire jusque-là. Ils durent reconnaître la nécessité des compromis, de la tolérance et de l’art si simple et si utile de savoir différer d’opinion à l’amiable.

Depuis l’Acte d’union, en 1841, le Haut et le Bas-Canada avaient toujours connu une association politique plutôt difficile, se querellant sans cesse sur l’inégalité de l’incidence des impôts et une foule d’autres questions. Les provinces Maritimes voulaient l’union, mais seulement entre elles. Des représentants de la Province du Canada furent envoyés à la conférence des provinces Maritimes à Charlottetown, en 1864, afin d’inviter les délégués à étudier l’éventualité d’une plus vaste union. En octobre, la conférence se réunissait de nouveau à Québec, sous la présidence du Premier ministre canadien-français du Bas et du Haut-Canada. Les 72 résolutions adoptées à cette occasion renfermaient les principaux principes sur lesquels devait finalement reposer la Confédération.

C’est en 1866, avant même que tout soit prêt pour présenter la chose au gouvernement britannique, que le projet de confédération devait recevoir un accueil enthousiaste. Une conférence, siégeant à Londres, élabora 69 résolutions, fondées sur celles de la conférence de Québec ; le Parlement britannique approuva les conditions d’union, et la loi officielle de l’union, connue sous le nom d’Acte de l’Amérique du Nord britannique, fut adoptée en 1867.

Une des particularités remarquables du nouveau Canada était de joindre les avantages du gouvernement central à ceux de l’autonomie locale. Une machine gouvernementale, dont le siège serait à Ottawa, était mise sur pied, mais en même temps chaque province conservait son identité et la direction de ses affaires propres. La province de Québec, par exemple, pouvait ainsi sauvegarder ses institutions, sa langue, sa religion, ses coutumes, son droit civil et ses écoles, tout en bénéficiant de l’appui des autres provinces dans les domaines d’intérêt général tels que la défense militaire et navale, la construction des chemins de fer, les services postaux, etc. La Confédération apportait l’unité au Canada, mais l’unité dans la diversité.

La nouvelle nation

La nouvelle nation fut applaudie dans l’ensemble du Bas et du Haut-Canada, accueillie avec tiédeur au Nouveau-Brunswick et acceptée avec répugnance en Nouvelle-Écosse. L’Ile du Prince-Édouard préféra ne pas en faire partie, mais elle s’y joignit six ans plus tard, tandis que Terre-Neuve ne le fit qu’en 1949. En 1869, le Canada se rendait acquéreur des vastes territoires de la Compagnie de la baie d’Hudson, dans lesquels furent taillées les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ; en 1871, la Colombie-Britannique entrait à son tour dans la Confédération. L’inauguration du premier chemin de fer transcontinental, en 1885, assurait la cohésion du Canada en reliant l’Est à l’Ouest.

Aux États-Unis, les opinions étaient assez divergentes. Le New York Times prédisait que la nouvelle confédération deviendrait un « État indépendant, très peuplé, riche et puissant » et l’un des « alliés les plus sûrs et les plus utiles des États-Unis. » Toujours vivement désireux de s’emparer du Canada, le New York Tribune écrivait : « Lorsque l’expérience du « dominion » aura échoué, comme elle doit le faire, la méthode de l’absorption pacifique permettra au Canada de prendre la place qui lui revient au sein de la grande République de l’Amérique du Nord. »

À Ottawa, le premier juillet fut salué par une salve de 101 coups de canon, pendant que les cloches de toutes les églises carillonnaient ; une messe solennelle fut célébrée à la cathédrale de Trois-Rivières ; à Saint-Jean, on tira 21 coups de canon « en l’honneur du plus grand « mariage » des temps modernes ». Il y eut bien quelques récalcitrants qui suspendirent des crêpes à leur maison et mirent leurs drapeaux en berne, mais la majorité des Canadiens défilèrent, ce jour-là, derrière des bannières portant les inscriptions « Bienvenue à la nouvelle puissance » et « Success to the Confederacy ».

Malgré l’accueil chaleureux qu’on lui fit alors, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique n’est pas encore vénéré, comme la Constitution des États-Unis par exemple. Mais le fait que cette oeuvre vivante et dynamique, encore en voie de développement, n’est l’objet d’aucun culte, ne diminue en rien son utilité.

Qu’un accord élaboré il y a cent ans ne réponde pas nécessairement à tous les besoins de l’âge spatial, cela n’est pas surprenant, et ce serait un excès de sévérité de notre part que de reprocher aux Pères de la Confédération de n’avoir pas prévu tout ce que nous devions faire et tout ce qui allait se produire par la suite dans notre pays.

Si nous accusons l’Acte de l’Amérique du Nord britannique d’avoir créé un état de choses qu’il semble y avoir lieu de modifier depuis quelques années, nous devons aussi lui reconnaître le mérite de nous avoir assuré cent ans de progrès en tant que nation composée de deux cultures, ayant chacune un esprit et une manière de vivre bien à elle.

Les attraits du Canada

Pour les millions d’hommes et de femmes qui ont quitté d’autres contrées pour venir au Canada depuis 1867, notre pays a été vraiment une terre nouvelle ; nouvelle par sa liberté, par ses possibilités et par ses promesses.

Les exilés qui ont franchi l’Atlantique pour chercher refuge contre leurs malheurs sociaux, politiques ou économiques ont trouvé ici non seulement un asile mais une patrie.

Au fond, la plupart des Canadiens croient aux mêmes valeurs. Le Canada est un pays où l’on peut élever beaucoup de temples au même Dieu. Il s’efforce de ressembler au pays idéal de Rebecca West : un lieu hospitalier où l’on reconnaît généreusement tous les talents, où l’on pardonne tous les travers pardonnables, où toute méchanceté s’évanouit peu à peu, où l’on honore ceux chez qui la bonté supplée au manque de talent.

La vie canadienne, qui réunit non seulement les représentants des deux cultures fondamentales, mais aussi des personnes de plusieurs autres cultures, est l’art du possible. Elle exige beaucoup de souplesse. Notre milieu change d’année en année sous l’effet des progrès de la science, de l’augmentation de la population, de la croissance de nos ambitions. Pour faire face au changement, nous avons besoin d’instruction, non seulement pour nos enfants, mais aussi pour les adultes. Si les adultes voulaient se rapprocher un peu plus de l’avant-garde de la génération montante, on ne verrait presque pas de ces marches de protestation de la part des jeunes, qui sont épouvantés par l’incertitude de leur avenir.

La liberté qui fait notre orgueil ne se perd pas dans les ruines ou la fumée des désastres, comme ceux de Dunkerque ou de Pearl Harbour ; les événements de ce genre déclenchent un effort de résistance extrême. Elle se perd peu à peu par des larcins imperceptibles, par une petite concession de convenance par-ci par-là, par le grignotement de l’insouciance. Puis, un jour, nous nous apercevons avec stupeur que la liberté a disparu dans l’enrégimentation non seulement de nos faits et gestes quotidiens mais aussi de nos aspirations éternelles.

L’avenir

Les philosophes de l’antiquité enseignaient – et l’histoire moderne le confirme – que la survie d’une nation tient à son unité et à sa puissance, ainsi qu’à l’aptitude de ses citoyens à collaborer pour atteindre des fins communes. Cette collaboration exige que nous renoncions, dans une certaine mesure, à des choses et à des actions qui pourraient servir notre intérêt personnel. Sinon, le grand mouvement de progression sera compromis par de mesquins désirs et obscurci par les ambitions de classe.

Nous devons, en réalité, agir comme si nous valions un peu mieux que nous-mêmes. Faisant face à l’incertitude des années postérieures à 1967 avec le même courage que nos ancêtres surent envisager l’avenir en 1867, nous pourrions choisir pour idéal de créer un canadianisme authentique et fort.

La Confédération a marqué le ralliement de trois ou quatre groupes faciaux et politiques, dont certains avaient été jusque-là des ennemis implacables. Ils en arrivèrent à la conclusion qu’il leur fallait vivre ensemble et qu’ils avaient besoin d’un cadre dans lequel ils trouveraient leur place. Sachant que nous faisons tous partie d’un même tout, ils comprirent qu’aucun particulier, aucune municipalité, aucun comté, aucune province ne peut contribuer utilement au bien-être du Canada dans son ensemble en travaillant de force, comme individu, à la solution de problèmes de clocher.

Ce fut là la grandeur du passé ; que sera l’avenir ?

Il semble y avoir plus de soleil que de nuages dans l’avenir du Canada, mais un effort intelligent s’impose dès maintenant si nous voulons qu’il en soit réellement ainsi. Pensons au mot génial de Lyautey sur la forêt de cèdres : « Je veux mettre une forêt là-haut, » disait-il. On lui objectait qu’elle mettrait très longtemps à pousser. « Raison de plus, il faut commencer tout de suite. Il n’y a pas une minute à perdre. »

Une oeuvre à poursuivre

Nous ne pouvons certes pas nous attendre à écrire en 1967 une page sur laquelle il n’y aura aucune retouche. L’homme n’a jamais cessé de changer ses façons de procéder depuis le début de l’histoire du monde. Il s’agit maintenant de dépasser nos anciennes erreurs, non d’en perpétuer la mémoire ; de bien édifier le présent et de préparer un avenir meilleur. Nous nous rassemblerons à l’occasion du centenaire non pas seulement pour exalter nos ancêtres, mais aussi pour reprendre leur oeuvre et la continuer avec courage et vaillance, apportant ainsi notre contribution personnelle à la vie et au progrès de notre pays. Ce serait une erreur, au moment du centième anniversaire de la nation, de ne voir dans l’évocation de notre passé qu’un pompeux cortège d’événements, qui méritent nos applaudissements et notre reconnaissance. Le passé ne doit pas être seulement un souvenir et un témoignage, mais encore une leçon et un enseignement.

Le centenaire ne marquera pas la fin d’un chapitre et le commencement d’un autre : l’histoire ne s’arrête jamais. Les anciens principes demeureront, et, si nous savons accepter ce qu’il y a de meilleur dans notre régime démocratique et nous instruire sur les affaires publiques et l’art de la collaboration, notre évolution pourra se poursuivre au sein d’une forme de gouvernement qui assurera au peuple canadien une vie heureuse et féconde.

L’année qui vient est une année nouvelle et encore immaculée. Comme la naissance de chaque jour nouveau, c’est un délai accordé par le Maître du temps à ses sujets qui ont pu gaspiller l’héritage de leur jeunesse.

Si nous l’abordons avec confiance, résolus à supporter les revirements du sort avec intrépidité et à ajouter notre apport, si modeste soit-il, au riche patrimoine que nous avons reçu, les générations futures diront peut-être en se souvenant de nous : « Ces gens ont rêvé de grandes choses en des jours sombres et troublés, et, malgré la tyrannie qui sévissait dans plusieurs pays du globe, ils ont fait surgir une splendide nation sur la surface de la terre. »