La lecture des bons auteurs ne doit pas être considérée comme un luxe réservé à quelques privilégiés. C’est une nécessité pour quiconque désire mettre une note de qualité dans sa vie ou son travail. Les vrais trésors ne sont pas ceux que nous déposons dans nos tirelires, mais ceux que nous amassons dans notre esprit.
Les livres nous instruisent, sans colère, sans menaces, sans discipline rigoureuse. Ils ne se permettent jamais de se moquer de notre ignorance ni de critiquer nos erreurs. Tout ce qu’ils nous demandent, c’est de consacrer une part de notre temps à la fréquentation du beau et du grand, afin de pouvoir nous approprier certains de leurs attributs.
On ne lit pas un livre pour lui-même, mais pour soi.
Certains lisent parce que, au milieu d’une vie trépidante, remplie de problèmes et de tâches urgentes, ils ressentent le besoin de trouver un peu de repos tout en sachant bien que la tranquillité d’esprit n’est pas synonyme de torpeur ni de désoeuvrement.
D’autres lisent parce qu’ils n’ont jamais eu la possibilité de faire des études universitaires et que les livres leur fournissent l’occasion de se rattraper.
D’autres encore lisent parce que leur travail est routinier et que les livres leur donnent l’impression de vivre plus en profondeur.
Il y a aussi ceux qui lisent parce qu’ils voient des problèmes sociaux, économiques ou philosophiques à résoudre et qu’ils estiment que les meilleures idées des siècles passés peuvent encore être utiles à notre époque.
Un grand nombre, enfin, cherchent dans la lecture un dérivatif à la superficialité de la vie moderne, à l’ennui et au dégoût que leur inspirent les lieux communs de la conversation, le jargon de métier et les potins.
Mais quelle que soit la raison pour laquelle on lit, il est certain que la lecture développe les connaissances, active l’imagination, tout en étant une importante source de plaisir et de détente. Elle cultive notre esprit en exerçant nos facultés intellectuelles.
La lecture contribue aussi à dissiper les préjugés, qui enferment notre esprit dans des limites étroites. Ce qui surprend toujours en lisant les auteurs grecs, hébreux et chrétiens, les auteurs latins, français, italiens et anglais, le philosophes, les poètes, les hommes d’État et les historiens, c’est de voir jusqu’à quel point la nature humaine demeure, encore aujourd’hui, ce qu’elle a toujours été depuis qu’on écrit pour la raconter.
Certains agissent comme si c’était nuire à leur dignité d’hommes que de chercher à avoir de la lecture. Mais on ne peut pas plus jouir d’une bonne santé intellectuelle sans lire des livres solides que l’on ne saurait être fort et vigoureux dans son corps sans prendre de la nourriture substantielle.
La lecture attentive des bons auteurs vous permettra de penser d’une façon originale tout en fortifiant votre esprit contre la séduction des formules. Grâce aux livres, vous délaisserez le problème éphémère des mots croisés et vous vous attaquerez au problème capital de la recherche des causes et des fins des êtres et des événements. Recourir à l’aide d’une intelligence supérieure, c’est pour ainsi dire doubler la puissance de la sienne propre en assimilant ce que dit l’auteur à ses idées personnelles.
Il est parfaitement possible à l’homme qui ne réserve à la lecture que les heures de loisir d’une vie consacrée aux devoirs de sa profession d’acquérir une connaissance générale des lois de la nature et des événements de l’histoire suffisante pour comprendre et suivre avec intérêt les grands progrès de la science, de la politique et des affaires.
Le choix des livres
Pour décider quels livres il faut lire et quels livres doit renfermer votre bibliothèque personnelle, il importe de procéder à un vaste inventaire des meilleures productions du passé. Il existe un livre qui convient à votre tempérament quel qu’il soit. Il y a des livres doux et apaisants, et des livres passionnants et vivifiants. Tout ce que l’humanité a fait et pensé, tout ce qu’elle a acquis et perdu, dort pour ainsi dire d’un sommeil magique dans les pages des livres. Il s’agit d’en avoir un bon choix à portée de la main.
La lecture affinera votre goût, et vous serez alors mieux en mesure d’apprécier les joies et les plaisirs de la vie, de varier et d’enrichir vos connaissances et vos sentiments, de rejeter d’instinct les livres de cinquième ordre, au style faux et clinquant. Vous ne permettrez pas à la camelote de se dissimuler sous la jaquette des livres de votre bibliothèque.
Il se trouvera certes des livres pratiques sur vos rayons. Il y a des livres qu’il faut lire pour faire des progrès dans son métier. L’homme qui ne compte que sur son expérience sera toujours borné dans l’espace et dans le temps. Les personnes qui ne lisent pas sont rarement remarquables par l’exactitude de leur savoir et l’ampleur de leur pensée.
Lorsqu’il s’agira de choisir les ouvrages généraux qui prendront place dans votre bibliothèque, vous vous demanderez peut-être s’il vaut mieux acheter des livres récents ou des livres anciens. Les bons livres du jour, comme les bons livres de tous les temps, renferment les propos utiles ou agréables de quelqu’un avec qui nous ne pourrions pas converser sans leur intermédiaire. Qu’ils soient de brillants comptes rendus de voyages, des études empreintes d’esprit et de bonhomie sur les événements, des narrations vivantes et pathétiques ou des exposés précis des faits, nous avons tout à gagner à les fréquenter.
Mais le problème des anciens et des modernes pourrait peut-être se résoudre ainsi : un livre que vous n’avez pas encore lu est à toutes fins pratiques nouveau pour vous, qu’il ait été écrit hier ou il y a trois siècles. Soumettez votre choix au triple critère de l’opportunité, du bon goût et du vrai, et lisez sans inquiétude les anciens ou les modernes.
Lisez les grands auteurs
Quoi que vous lisiez, lisez les « grands ». Un grand auteur est celui dont les livres, brillant à travers le temps et l’espace, éclairent nos vies et illuminent en nous des profondeurs dont nous n’avions pas conscience. N’est-ce pas l’un des plus nobles plaisirs de la vie que de découvrir en nous des pensées et des sentiments dont nous ne nous savions pas capables ?
Tous les ouvrages des grands auteurs offrent une nourriture de choix aux lecteurs de tout âge et ont des choses importantes à nous dire au moment précis où nous les lisons.
Il n’y a pas à proprement parler de hiérarchie parmi les livres, mais on ne peut pas se tromper en parcourant les chefs-d’oeuvre. Les écrits de cette catégorie n’ont pas pour but de susciter notre admiration, mais d’éveiller notre esprit et nos idées.
« Un classique, dit Mark Twain, est quelque chose que tout le monde voudrait avoir lu, mais que personne ne veut lire. » Le qualificatif « classique » appliqué aux livres et à la musique désigne simplement ce qui s’est le mieux conservé. Le verdict unanime des siècles en a consacré à jamais la valeur.
Pourquoi recommande-t-on si souvent de lire les classiques ? Parce que, comme le dit un écrivain, nous ne sommes pas en mesure de choisir parmi les oeuvres modernes. Séparer le bon grain de l’ivraie est une opération qui exige énormément de temps. Les ouvrages modernes doivent subir l’épreuve du bon goût des générations successives, tandis que dans le cas du lecteur, c’est plutôt son goût à lui qui doit subir l’épreuve des classiques.
Lire les classiques, ce n’est pas vénérer des reliques du passé. Personne ne tient à regarder la vie à travers les yeux des Grecs ou des Romains, mais ce que leurs yeux ont vu de la vie nous aide à comprendre ce qui se passe aujourd’hui.
Comment établir une liste ?
Vous voici en face de la question décisive : quelle sorte de livres vais-je lire ? Comment faire votre sélection parmi la multitude innombrable des écrits d’hier et d’aujourd’hui ? Rien qu’en langue française, il en sort environ treize mille par an, plus de mille par mois.
Personne à lui seul n’a qualité pour décréter quels sont les cent ou les mille meilleurs livres, mais il n’est pas sans intérêt ni sans utilité de consulter les listes des chefs-d’oeuvre qu’ont dressées certaines personnalités du monde des sciences, des affaires, de l’enseignement et de la politique.
Ce qui ressort de tous ces répertoires, c’est que nos lectures, qu’elles soient nombreuses ou restreintes, doivent être assez générales. Si la nécessité de gagner notre vie ne nous laisse que peu de temps pour lire, c’est une raison de plus pour que nos lectures nous révèlent l’immense étendue de la pensée humaine et la merveilleuse variété de la nature humaine.
Ne vous attachez pas exclusivement à un auteur ou un sujet, si en vogue soit-il. Vous risquez de devenir raseur en lisant trop dans un seul et même domaine. Si vous vous en tenez uniquement à la période mésozoïque, vous vous exposez à assommer vos amis avec les dinosaures ; si vous vous cantonnez dans Claudel ou Saint-Exupéry, vous finirez par excéder votre entourage avec les maximes ou les sentences de leurs personnages.
Un choix rationnel ne saurait exclure complètement aucun genre de pensée, aucun aspect dominant de la nature de l’homme. Le St. John’s College d’Annapolis, dans le Maryland, a élaboré son programme d’études en se basant sur les oeuvres d’une centaine de grands auteurs. Cela forme un amalgame assez hétéroclite. On y trouve des saints (Augustin d’Hippone et Thomas d’Aquin) ; un voleur (François Villon) ; le premier des correspondants de guerre (Hérodote) ; un médecin (Galien) ;.un homme d’État (Cicéron) ; un révolutionnaire (Marx) ; un grand voyageur (Homère) ; un auteur dramatique (Euripide) ; des scientifiques (Aristote, Newton, Einstein) ; des philosophes (Socrate, Platon, Kant) ; un artiste (Léonard de Vinci) ; des romanciers (Tolstoï, Flaubert, Fielding, Thackeray).
Heureusement, personne ne peut choisir nos livres pour nous. Il faut le faire soi-même, en tenant compte de ses aspirations et de ses besoins personnels.
Toute liste générale des livres qu’il faut avoir lus ne peut être qu’arbitraire, mais il existe plusieurs guides, dont les choix peuvent nous offrir un excellent point de départ. La Bibliothèque positiviste de 150 volumes, retenue par Auguste Conte, et les Cent meilleurs livres de sir John Lubbock ont, à leur époque, connu un grand succès en France et en Angleterre.
Plus près de nous, Aimé Souché, dans un volume de 313 pages, répond à la question Quels livres faut-il avoir lus (Paris, Fernand Nathan, 1950) ; pour sa part, Henri Mazel, dans Ce qu’il faut lire dans sa vie, divise la vie du lecteur en six périodes en indiquant ce qu’il convient de lire dans chacune d’elles (Paris, Mercure de France, 1919). On lira aussi avec profit, L’art de former une bibliothèque d’Émile Henriot (Paris, Delagrave, 1932) et Le choix d’une bibliothèque de Joël de Lyris, Avignon, Aubanel, s.d.).
Vous pouvez vous inspirer de ces ouvrages pour établir la liste des livres que vous tenez à avoir. Il s’agira ensuite de vous rendre périodiquement, avec votre liste, dans les librairies de neuf et d’occasion. Lorsque vous trouverez un livre qui est sur votre liste, à un prix qui vous convient, achetez-le. Vous aurez ainsi une bibliothèque vraiment « triée à la main » et adaptée à votre personnalité.
Ne voulant pas être lié par un catalogue tout fait, un amateur de livres décida, dit-on, de faire sa liste lui-même en recourant au système de classification décimale des livres inventée par l’Américain Melvil Dewey. Les numéros que l’on voit sur le dos des livres dans les bibliothèques sont généralement les indices de Dewey.
La classification de Dewey comprend dix catégories, dont chacune se divise ou se subdivise en plusieurs autres. Ces catégories sont les suivantes : 000 Ouvrages généraux ; 100 Philosophie ; 200 Religion ; 300 Sciences sociales ; 400 Philologie ; 500 Sciences pures ; 600 Sciences appliquées ; 700 Arts et loisirs ; 800 Littérature ; 900 Histoire.
Pour embrasser tous les domaines du savoir
Dans nos efforts pour élaborer un programme général de lecture embrassant tous les domaines du savoir, il importe tout d’abord de veiller à nous procurer des livres dans chaque catégorie. Il restera ensuite à parcourir ces catégories, l’une après l’autre, en lisant à tour de rôle, des livres dans chacune d’entre elles.
En lisant, par exemple, l’essai d’Henry Thoreau sur la Désobéissance civile, dont l’auteur a lui-même été influencé par les penseurs hindous, vous ferez sûrement un rapprochement avec la théorie de la résistance passive du mahatma Gandhi. Lorsque parut l’Histoire de la philosophie de Durant en 1926, elle fut immédiatement accueillie avec une faveur qui ne s’est pas démentie avec les années. Ce livre ne nous enseigne pas la philosophie, mais il trace les limites du domaine de la philosophie et nous révèle plusieurs ouvrages passionnants où il est question des espoirs et des doutes qui hantent depuis toujours l’esprit de l’homme.
Vous lirez avec plaisir et profit les Pensées de Marc-Aurèle, où transparaissent sa calme gravité, son noble oubli de soi et sa bonté envers les autres. Si les Entretiens d’Epictète figurent sur votre liste, vous serez tenté d’appliquer ses pensées à la vie moderne. Il est étonnant et intéressant de voir combien ses idées sont encore d’actualité après dix-neuf siècles.
En abordant la catégorie de la religion, vous voudrez lire la Bible dans un texte jeune, vivant et simple comme la traduction de l’École biblique de Jérusalem. C’est une vaste forêt, inépuisable en variété et en profondeur. Toutes les grandes religions ont leurs livres sacrés, et tous méritent que l’on s’y plonge pour savoir de quelle façon les peuples de tous les temps ont satisfait leur besoin d’expression spirituelle.
Dans le domaine des sciences, on trouvera un excellent ouvrage d’initiation dans Grandes découvertes du XXe siècle, ouvrage publié par la librairie Larousse sous la direction de Louis Leprince-Ringuet, membre de l’Académie des sciences, avec la collaboration de plusieurs savants français. Ce volume fait pénétrer le lecteur dans les secrets des laboratoires et des bureaux d’études, tout en aidant à comprendre la nature et la portée des découvertes et des grands progrès techniques.
En sciences sociales, en plus des grandes chartes du christianisme social que sont certaines encycliques, il y a lieu de signaler l’importance des livres qui sont à l’origine des grandes révolutions économiques et sociales comme le Capital de Karl Marx, l’Europe et la Révolution française d’Albert Sorel, l’Histoire de la révolution de Carlyle.
En littérature, il faut lire les grandes oeuvres dramatiques : Agamemnon, Oedipe roi, Le Cid, Horace, Andromaque, Athalie, Hamlet, Antigone, dont la beauté et l’élévation sont au-dessus de tout éloge.
Si vous abordez le chapitre de l’histoire par la lecture de l’Histoire de l’humanité depuis ses origines, de H. G. Wells, vous aurez non seulement une vue d’ensemble des faits et gestes du genre humain à partir du début jusqu’à ces dernières années, mais aussi l’occasion de découvrir de nombreux et fascinants à-côtés, que d’autres livres vous permettront d’explorer plus à fond.
En traçant le programme de vos lectures en histoire, n’oubliez pas votre pays. L’Histoire du Canada par les textes, dans laquelle sont reproduits les grands documents qui sont à la base de notre histoire, est un volume qui doit figurer en bonne place dans votre bibliothèque. Viendront ensuite les oeuvres de nos grands historiens : Garneau, Chapais, Groulx, Lanctot, Frégault.
Comment lire
Il va de soi que la lecture ne doit pas être une espèce de désoeuvrement raffiné. Celui qui veut vraiment tirer parti de ses lectures ne peut se payer le luxe de folâtrer dans les pâturages fleuris de la littérature frivole et banale. Il est permis de lire un livre dans l’unique but de détourner son esprit de pensées obsédantes, mais il n’est pas nécessaire que ce soit un livre sans consistance. Comme nous le dit Voltaire, « il ne coûte aucune peine de lire ce qui est bon et de ne lire que cela. »
Mais il nous sera impossible de mettre de la méthode dans notre recherche des meilleurs ouvrages avant que nous ayons assez de volonté pour rejeter les mauvaises herbes qui menacent d’étouffer le petit carré de nos lectures vraiment profitables.
Vous aurez tôt fait de constater qu’il ne sert pas à grand-chose d’aborder un livre avec un esprit dépouillé ou une attitude passive, comme on irait à un cocktail. Il y a dans ses pages des réflexions dignes de votre attention, des idées qui vous aideront à résoudre vos problèmes, des paroles vivifiantes, capables d’illuminer votre vie. Vous avez sûrement déjà vu un enfant tourner les pages d’un catalogue de Noël : ses yeux brillent en pensant aux belles choses qu’il va voir. C’est dans de tels sentiments qu’il conviendrait de lire nos livres.
Lisez avec confiance et sans préventions. Il n’y a aucun inconvénient à parcourir passivement des romans d’évasion, mais il n’en va pas du tout ainsi pour les livres destinés à cultiver notre esprit, à stimuler nos ambitions et à apaiser nos inquiétudes.
Certains lecteurs hésitent à s’attaquer aux livres dits sérieux de peur de ne pas les comprendre, mais il est toujours bon et tonifiant de choisir des lectures qui avoisinent les limites supérieures de notre entendement. La capacité de votre intelligence est sans doute plus grande que vous ne le croyez, pour peu que vous fassiez un petit effort et que vous n’ayez pas peur des difficultés.
Lorsque vous aurez des livres bien à vous, vous pourrez faciliter vos lectures, mieux fixer ce que vous voulez retenir et le retrouver ensuite plus rapidement si vous lisez la plume à la main. Ce serait une piètre raison de dire que cela va abîmer vos livres, car vous ne les achetez pas pour les revendre comme le libraire, mais pour vous cultiver comme un homme d’étude. Il suffit bien souvent de souligner d’une façon intelligente certains passages d’un livre, pour en résumer le sujet ou les idées maîtresses.
Votre bibliothèque familiale
Il n’y a guère de passe-temps plus agréable que celui de collectionner des bons livres.
Le fait d’avoir des livres ne donne pas le savoir, mais il rend le savoir plus facilement accessible. On peut, même dans une petite bibliothèque familiale, voir défiler le cortège sans fin des idées, des passions et des actions humaines. Vous éprouverez même un vif plaisir à construire vous-même les rayonnages, avant de commencer à vous procurer des livres, parce que c’est sur ces rayonnages que vous rangerez les volumes qui feront désormais partie de votre vie intellectuelle et de celle de votre famille.
Celui qui possède un bon choix de livres n’a pas à décider d’avance quels sont les amis qu’il invitera à passer la soirée avec lui. Quand le repas du soir est terminé et que vient l’heure de se retremper en compagnie des grands écrivains, il fait ses invitations selon son inclination du moment. Et s’il s’est trompé, si l’ami prié n’est pas, tout compte fait, celui avec qui il veut causer, il est libre de le faire taire sans le froisser. Les livres sont des amis qui ne parlent que lorsqu’on veut bien les écouter et qui gardent le silence lorsqu’on veut réfléchir.
Les rayonnages remplis de livres n’ont pas toujours un bel effet décoratif dans la salle de séjour. Mais les livres ont ceci de commode qu’on peut les ranger n’importe où. Certains grands liseurs en ont non seulement dans leur bibliothèque, mais aussi dans leur chambre à coucher, dans leur salon et jusque dans leur salle de bains.
Une bibliothèque n’est pas nécessairement une pièce sévère ou spécialement aménagée. Ce peut être un bon petit coin dans le sous-sol, aux murs presque entièrement garnis de volumes. C’est un lieu où l’on va consulter tout ce qui s’est dit ou fait de beau, de noble et de grand chez les générations qui nous ont précédés. Et il doit être agréable de s’y retirer avec l’idée que des écrivains de tous les siècles, pleins de sagesse et de charme, y attendent que nous engagions la conversation avec eux.
La constitution d’une bibliothèque personnelle de cette nature n’est pas une entreprise coûteuse. Des millions de personnes ont acquis des livres, depuis une trentaine d’années, grâce aux clubs de lecture et aux éditions bon marché. Certaines de ces éditions ou collections nous offrent les textes des meilleurs écrivains français et étrangers, contemporains ou classiques.
Si modeste que soit votre budget-lecture, Racine, Balzac, Hugo, Mauriac, Shakespeare, Toynbee, de Gaulle, Maurois, Daudet, Homère, La Fontaine sont à votre portée. On les trouve sous de vieilles reliures fanées dans les librairies d’occasion ou encore brochés dans les librairies de neuf et dans les kiosques des gares à moins d’un dollar pièce. Sous leurs jaquettes flamboyantes comme sous leurs couvertures défraîchies par le temps, ils représentent le patrimoine de beauté et de sagesse constitué par l’humanité au cours des siècles.
Les jeunes surtout ont besoin d’une bibliothèque. Les foyers sans livres, les parents qui ne lisent que les journaux et quelques rares revues exercent une influence négative sur le développement intellectuel de leurs enfants. Ne perdez pas votre temps à vous demander quels livres donner à vos enfants ; commencez dès maintenant à leur offrir ce qu’il y a de mieux parmi les ouvrages adaptés à leur âge.
Ne lisez pas et ne gardez pas de livres médiocres ou abjects ; vous n’aurez même pas le temps de lire tous ceux qui élèvent l’âme et inspirent de nobles sentiments. Si la littérature existe n’est-ce pas en fin de compte pour que les hommes qui ont connu une vie riche, belle et bien remplie puissent susciter après eux des milliers d’admirateurs et d’imitateurs ?