Parce que l’eau est au centre des besoins matériels de l’humanité, tous les pays du monde ont décidé d’unir leurs efforts pour étudier, au cours des dix prochaines années, ce que l’on est convenu d’appeler le problème de l’eau. Cette vaste entreprise vient d’être inaugurée par l’Unesco sous le nom de « Décennie hydrologique internationale ».
Il y a certes plus d’eau que l’homme ne peut en utiliser à la surface du globe. Malheureusement, la majeure partie de cette eau est salée et par conséquent impropre à l’alimentation et à l’irrigation. La faible quantité d’eau douce qui reste disponible varie selon les régions et les époques. Celle qui se trouve vraiment à notre portée est le plus souvent si polluée qu’il faut la soumettre à un long traitement, même si on ne veut s’en servir qu’à des fins industrielles.
Si on laissait faire la nature, l’eau de nos rivières et de nos lacs se chargerait d’assurer elle-même le perpétuel renouvellement et l’assainissement sans fin de ses réserves. Mais l’homme est intervenu et il a perturbé l’équilibre de la nature. Par son insistance sur la liberté illimitée de peupler la terre et par sa recherche incessante de produits industriels et autres toujours plus variés, le « roi de la création » paraît maintenant menacer la stabilité de sa propre existence.
La Décennie hydrologique n’est pas essentiellement une période où il s’agit de construire de gigantesques services d’eau, mais bien plutôt un délai que nous nous accordons pour nous renseigner sur les faits fondamentaux de la situation et pouvoir ensuite édifier quelque chose de solide et de durable.
Au terme de dix années d’observation, de recensement, d’expérimentation et de classification de la part des spécialistes de plus de cinquante pays, on espère que le gouvernement et les services d’aménagement des eaux de chaque pays sera en mesure de penser avec clarté, de juger avec sagesse et d’adopter des moyens efficaces pour assurer la conservation des masses d’eau qui sont indispensables à la vie humaine.
C’est là un domaine incomparable de recherches et de découvertes. Des hommes de science, confirmés dans cette opinion par leurs études, en sont venus à la conclusion qu’il fallait immédiatement faire quelque chose pour que la terre demeure habitable. Jusqu’à présent, nos problèmes d’eau ont reçu des solutions provisoires, au niveau municipal, provincial et même national, mais l’eau ne respecte pas les frontières faites de main d’homme. Un effort d’envergure mondiale, accompagné de travaux d’observation et de mesure sur toute la surface du globe, s’impose maintenant au monde.
Jamais encore une cause n’a réclamé avec plus d’urgence la collaboration internationale que cette étude mondiale du problème de l’eau. La présence et la répartition de l’eau dans un pays, quel qu’il soit, sont liées à la circulation de l’eau sur l’ensemble de notre planète. Il nous faut connaître les lois universelles qui régissent le cycle des eaux non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps.
Ces lois se fondent sur les effets des rayons du soleil, l’évolution de la chaleur à l’intérieur de la terre, les précipitations sur le mont Everest et le mont Logan, les courants tourbillonnaires de la stratosphère au-dessus de l’Antarctique, le débit des cours d’eau, les masses de glace qui se détachent des glaciers, l’emplacement et l’étendue des gisements de sel souterrains, le lent cheminement de l’eau à travers les roches poreuses, la direction et le nombre des grands courants marins, les inondations qui succèdent à la mousson sur les bords de l’océan Indien, les vents de sable desséchants du Sahara et les multiples activités de l’homme.
Ce qui importe avant tout, c’est de ne pas perdre de temps. La détérioration de nos réserves d’eau se poursuit à une allure déconcertante. Le pressant devoir de protéger la vie humaine en sauvant la plus vitale de ses ressources ne peut plus être remis à plus tard.
L’hydrologie
On entend par « cycle hydrologique » le mouvement circulaire de l’eau entre l’atmosphère et le sol par voie de précipitation d’une part et entre le sol et l’atmosphère par voie d’évaporation d’autre part. L’hydrologie est la science de l’eau, de sa formation, de son écoulement et de sa distribution ; de ses propriétés chimiques et physiques ; de l’influence qu’elle exerce ou qu’elle subit par rapport au milieu ambiant et aux diverses formes d’activité humaines.
Beaucoup d’aspects des relations qui existent entre l’eau et les autres choses demeurent obscurs, mais on sait que l’action la plus néfaste de l’homme civilisé sur son milieu a été le bouleversement du cycle hydrologique. « Il est possible, dit un hydrologue, que cela réduise la quantité des précipitations. Ce qui est certain, en tout cas, c’est que cela réduit, dans une mesure critique, la quantité d’eau mise à la disposition de l’homme. » Si ce cycle allait s’arrêter pour une raison d’ordre cosmique, la totalité de l’eau finirait par s’immobiliser dans les océans et la vie ne pourrait subsister que dans les mers.
C’est parce que ces vérités aussi élémentaires que capitales échappent à l’attention du public en général qu’il nous a été impossible de prévoir en temps voulu les funestes effets de l’activité de l’homme sur l’ordre naturel des choses. Nous ne comprenons pas encore les forces que nous avons réussi à maîtriser. Sans le secours de la science, nous nous acheminons vers des problèmes encore plus graves et plus nombreux, et même vers notre extinction éventuelle.
La tâche la plus urgente est de recueillir des observations et des renseignements de base, grâce auxquels les chercheurs seront en mesure d’établir des principes et d’élaborer des théories qui permettront de formuler des prévisions sur l’évolution du problème de l’eau. Des solutions pratiques contribueront ensuite à nous ouvrir de nouvelles possibilités et à assurer l’exploitation rationnelle de nos ressources en eau.
Le travail préliminaire qui s’impose n’est pas facile. Nous avons trop peu de spécialistes en hydrologie. Il existe un grand besoin de nouvelles recrues dans cette branche de la science qui offre un vaste et magnifique champ d’intérêt et d’action aux hommes de science d’aujourd’hui et de demain.
La décennie hydrologique
La Décennie hydrologique internationale est née des délibérations de la conférence de l’Union géodésique et géophysique internationale à Helsinki en 1960 ; un an plus tard, le projet recevait l’approbation de l’Unesco, de l’Organisation mondiale de la météorologie, de l’Association internationale d’hydrologie scientifique et d’autres organisations internationales. La réunion préparatoire, qui s’est tenue à Paris en 1963, groupait des représentants de 48 pays, et la conférence de spécialistes, convoquée en 1964, comptait 57 délégués. Il s’agit véritablement d’une grande initiative internationale dans le domaine de la collaboration scientifique.
Les programmes de recherches différeront d’un pays à l’autre. En Amérique du Nord et en Europe, l’accent sera mis sur certains travaux compliqués comme l’effet du transport des sédiments sur la durée des barrages et le mouvement d’infiltration des eaux de pluie dans les réservoirs souterrains. Dans les pays moins développés, les efforts porteront sur la mesure systématique et continue du débit des cours d’eau et du niveau des nappes souterraines, de façon à aligner la consommation sur les ressources disponibles.
Tout cela ne saurait se faire du jour au lendemain ; c’est pourquoi on s’est réservé dix années pour mener la tâche à bonne fin. Les précipitations et le ruissellement de l’eau varient d’année en année dans chaque pays, et une décennie, c’est déjà trop peu pour effectuer toutes les mesures nécessaires. Les renseignements recueillis suffiront cependant pour que cette période marque l’un des grands tournants de l’histoire.
Tout comme l’Année géophysique internationale a révélé l’existence de forces spatiales et de phénomènes qui seront des plus utiles à la science, la décennie de recherches sur les ressources en eau du globe et l’ensemble des besoins apportera des connaissances nouvelles et encore insoupçonnées, d’une importance vitale pour la continuation de la vie humaine.
La contribution du Canada
Le Canada participera aux travaux à la fois par intérêt et par devoir de solidarité internationale. Il y a dans notre pays des régions qui souffrent de sécheresses périodiques, tandis que d’autres sont exposées aux inondations. Notre économie industrielle est en grande partie tributaire de l’énergie hydro-électrique à bon marché, ce qui nécessite un approvisionnement d’eau sûr et stable. Dans l’Alberta et la Saskatchewan, 1,500,000 acres de terrain sont actuellement soumises à l’irrigation.
Des spécialistes prévoient que l’on dépensera au Canada, pendant les dix prochaines années, plus de 3,000 millions de dollars dans le domaine de l’aménagement hydro-électrique, de la lutte contre les inondations, de la conservation de l’eau et des travaux d’irrigation. Les recherches internationales effectuées au cours de la Décennie hydrologique ne pourront que favoriser l’étude et la bonne exécution de toutes ces entreprises.
Notre collaboration consistera notamment à établir un inventaire national de nos ressources et de nos besoins en eau, à créer des stations pour réunir les données, à assurer la classification des renseignements météorologiques et à accroître nos services d’observation. Des recherches spéciales seront entreprises sur la formation et la fonte de la glace dans les lacs et les cours d’eau, l’effet de la glace sur le débit des fleuves, l’application des informations recueillies par les satellites météorologiques au calcul des couches de neige et de glace dans les régions éloignées, les techniques de localisation des nappes d’eau souterraine dans les prairies et les méthodes d’étude de l’écoulement de l’eau, des précipitations et de l’évaporation.
Le soin de coordonner les travaux a été confié au Comité canadien de la Décennie hydrologique internationale créé par le Conseil national de recherches. Ce comité se compose de représentants de divers organismes fédéraux et provinciaux ainsi que des universités. Pour élaborer le programme de travail du Canada, il a fait appel à l’aide du sous-comité de l’hydrologie du Conseil de recherches, de même qu’à celle du sous-comité de glaciologie étant donné que les glaciers forment une partie importante de nos réserves d’eau.
Pour remplir les devoirs que lui impose la Décennie hydrologique et pour assurer la bonne administration de ses ressources, le Canada doit disposer d’un réseau de stations d’observation considérablement accru. D’après un rapport présenté au Conseil national de recherches, il n’existe aucune région tant soit peu étendue, au Canada, qui soit dotée de services suffisants d’observation hydrométéorologique. En matière de pluviographes, par exemple, le Canada accuse un retard notable par rapport à d’autres pays ayant à peu près le même niveau de développement économique. La Nouvelle-Zélande compte 14.2 pluviographes par 1,000 milles carrés de territoire habité, alors que le Canada n’en a qu’un, et 6.1 appareils pour 10,000 habitants contre 1.1 pour notre pays. Avec le Royaume-Uni, l’U.R.S.S, et les États-Unis, la comparaison est beaucoup plus défavorable encore.
Une autre entreprise importante consistera à choisir 75 bassins hydrographiques de dimension moyenne et représentant toutes les variétés de climat, de sols, de qualité d’eau et de végétation que l’on trouve au Canada. Des instruments spéciaux seront ensuite utilisés pour mesurer les précipitations, l’écoulement de l’eau, les nappes souterraines et l’évaporation dans ces bassins.
Environ six petits bassins hydrographiques serviront à déterminer les effets des changements apportés par l’homme dans l’équilibre hydrologique des bassins naturels. On fera des études sur l’assèchement des marécages, les conséquences de la coupe des arbres, l’irrigation et l’érosion. Certains bassins seront choisis comme « milieux naturels ». Rien n’y sera dérangé, sauf l’installation des instruments nécessaires pour obtenir une base permanente de comparaison avec les bassins soumis aux dépradations de l’homme.
Il est manifeste, d’après cette liste partielle des travaux, que le Canada aura beaucoup à faire pendant la Décennie hydrographique internationale. L’une de ses premières tâches essentielles sera d’encourager la formation d’ingénieurs et de spécialistes en hydrologie et dans les sciences connexes. Une série de cycles d’études a été organisée en vue de préparer une partie du personnel qui sera nécessaire.
L’urgence des recherches
On ne saurait trop répéter que l’eau douce est une matière d’une importance critique et que la conservation et l’usage rationnel de l’eau auront une influence décisive sur le bien-être futur de l’humanité.
Personne n’ignore l’état de pollution croissante de nos lacs et de nos cours d’eau, et les hydrologues ont conscience du danger qui menace l’ensemble de notre économie hydraulique. Ce que l’on a tendance à oublier, c’est que la consommation en eau propre à l’alimentation, aux besoins industriels et à l’irrigation se rapproche du point critique du non-retour.
Il est clair que le problème ne concerne pas uniquement les terres arides. En réalité, plus le niveau de vie sera élevé, plus on demandera d’eau pour subvenir aux besoins des foyers, des industries et de l’agriculture, et pour nous débarrasser de nos déchets. D’après les prévisions du Département de l’Intérieur des États-Unis, la consommation d’eau s’établira à la moyenne journalière de 359,000 millions de gallons en 1965, ce qui représente une augmentation de 100,000 millions par jour pendant la dernière décennie et de près de 320,000 millions depuis le début du siècle. En 1980, la consommation sera de l’ordre de 600,000 millions de gallons.
Le Sud-ouest de l’Ontario, situé entre deux des plus grands lacs du monde, a déjà subi les atteintes d’une sécheresse qui réduit sa récolte de blé d’hiver et nuit à l’industrie laitière et à la production du boeuf de boucherie. À Dallas, au Texas, les habitants de la ville ont fait la queue pour acheter de l’eau à cinquante cents le gallon ; à New Jersey, un robinet qui fuit peut valoir trente jours de prison à son propriétaire ; dans d’autres parties du pays, on a fermé des écoles, limité des industries, suspendu des constructions et interdit les lavages d’autos à cause de la rareté de l’eau.
L’effort international inauguré par l’Unesco n’est donc pas un simple exercice spéculatif. La nécessité absolue d’atteindre à un plus haut degré d’aménagement rationnel des ressources en eau, fondée sur des connaissances détaillées et authentiques, est un fait reconnu. Nous avons besoin de renseignements sûrs, afin de pouvoir élaborer sur une base solide les mesures voulues pour tirer le maximum d’utilité de l’eau destinée à l’agriculture, au foyer, à la production d’énergie électrique, à la navigation et à l’industrie, tout en nous appliquant à réduire au minimum les conséquences funestes des inondations, de la pollution, de la salinisation et de la dégradation des cours d’eau.
Le dessalement de l’eau de mer
L’eau de mer contient environ une once et demie de sel par pinte, et personne encore n’a découvert une méthode de dessalement vraiment économique. Les recherches se poursuivent dans plusieurs voies assez prometteuses, mais la solution pratique ne s’annonce pas pour bientôt.
Seules des situations économiques ou géographiques d’un caractère spécial ont pu justifier jusqu’ici la création de grandes usines de dessalement. Il en existe une à Koweït, sur la côte du golfe Persique. D’immenses installations de distillation, alimentées au gaz naturel ou au pétrole y ont été construites ; elles produisent aujourd’hui plus de dix millions de gallons d’eau douce par jour.
Certains chercheurs sont d’avis qu’il y a une autre solution qui peut avantageusement remplacer le dessalement. Les habitants du désert ont habitué certains animaux, comme le chameau et le caracul, à boire de l’eau à forte teneur en sel, et leurs troupeaux engraissent et se reproduisent normalement. On affirme d’autre part qu’il serait possible d’irriguer les terres agricoles avec de l’eau aussi salée que l’eau de mer.
L’idéal serait naturellement d’organiser l’emploi de nos ressources en eau douce de telle sorte que nous ne soyons pas forcés de faire appel à l’eau dispendieuse des océans, et d’assurer la protection de nos nappes d’eau souterraines contre la contamination par l’eau salée.
Les réservoirs souterrains
Le Service des levés géologiques des États-Unis a dressé une liste de trente problèmes relatifs aux eaux souterraines, où des recherches s’imposent sans retard. Un spécialiste va même jusqu’à dire qu’il n’y a eu en réalité aucun progrès fondamental dans la connaissance de l’hydrologie souterraine et des principes de l’hydraulique au cours des vingt-cinq dernières années.
La plupart des roches, de même que les couches de sable, de gravier, de glaise et de boue qui forment le sol, comportent des parties poreuses. Leur degré de porosité est cependant très variable : presque nul dans le cas des roches très dures qui ont fait éruption de l’intérieur embrasé de la terre, elle atteint jusqu’à 35% dans certains terrains très meubles. Si les pores sont reliés les uns aux autres, l’eau peut s’infiltrer dans l’écorce terrestre, et l’on dit alors que la roche est perméable.
Telle est l’origine de la réserve d’eau que nous sommes portés, à tort, à considérer comme un don gratuit et inépuisable. Elle est 3,000 fois plus importante que la masse d’eau qui peut se trouver à un moment quelconque dans l’ensemble des cours d’eau de notre planète, vingt fois plus grande que la quantité d’eau que renferment toutes les mers intérieures et d’eau douce du globe. On peut en estimer le volume à un million de milles cubes. Certaines eaux ainsi emmagasinées dans le sous-sol datent de plusieurs milliers d’années.
Mais il ne suffit pas de connaître l’existence des nappes souterraines pour savoir dans quelle mesure nous pouvons compter sur cette réserve. Nous ignorons ce qui se passe exactement dans les entrailles de la terre. Quelle forme (liquide ou gazeuse) l’eau revêt-elle dans les profondeurs ? Quelles forces agissent sur elle ? Combien de temps va durer cette humidité qui fait vivre les plantes ? Quel rôle joue la forêt dans l’acheminement de l’eau vers les réservoirs souterrains ? Voilà autant de problèmes qui demeurent mystérieux et auxquels on peut espérer que la Décennie hydrologique internationale apportera une solution plus ou moins définitive.
L’eau souterraine n’est pas une ressource naturelle perpétuellement renouvelable. Si l’on veut la faire durer pour le plus grand bien de l’espèce humaine, il importe d’en reconstituer les stocks. Comme on l’a dit, l’homme est le seul élément de désordre dans un monde par ailleurs bien ordonné. C’est à lui qu’il incombe, par conséquent, de remédier à ses pillages. À l’heure actuelle, ses prélèvements sur la réserve souterraine excèdent à coup sûr les possibilités de réapprovisionnement.
L’homme et la nature
Il est temps que l’homme commence à se montrer plus respectueux envers le milieu dans lequel il vit. Plus la technique évolue, plus nous nous adonnons, semble-t-il, à des activités nuisibles pour la nature.
Quelles sont ces activités ? Nous changeons les conditions climatiques et hydrologiques en construisant des ouvrages de génie hydrauliques ; en bâtissant des villes, en défrichant des terres, en asséchant des marais, nous modifions la quantité et la qualité de l’eau de nos bassins fluviaux, de nos gisements souterrains et du sol ; enfin, nous dénaturons trop souvent l’eau en l’utilisant à des fins industrielles, agricoles et domestiques.
Nous en avons un exemple typique dans la pollution des eaux courantes par les déchets des grandes villes et le ruissellement empoisonné des insecticides. On connaît la valeur de l’eau propre dans l’alimentation humaine, et pourtant les municipalités continuent de voter contre le traitement approprié des eaux d’égout et les autorités supérieures du gouvernement hésitent à imposer l’interdiction à ceux qui déversent des matières nuisibles dans les rivières et les fleuves. La Décennie hydrologique internationale aura accompli une oeuvre éminemment utile même si elle ne parvient qu’à faire comprendre leur responsabilité à ceux qui peuvent quelque chose pour remédier à cette désastreuse situation.
La pollution n’est pas un problème nouveau, mais c’est un problème qui fait boule de neige en raison des besoins de plus en plus artificiels de la société. Le tourbillon des progrès techniques et de l’expansion urbaine devait accroître le volume et la multitude de plus en plus nombreuse des déchets industriels et ménagers qui contaminent nos eaux : détergents, insecticides, composés chimiques et résidus radioactifs des fabrications atomiques. Les nappes d’huile que répandent les cargos sur les mers intérieures aggravent encore la menace, car elles ont pour effet de retarder le processus naturel d’autoépuration du milieu en diminuant le pouvoir de réoxygénation de l’eau, c’est-à-dire la capacité que possède l’eau d’absorber l’oxygène de l’air.
Nous n’avons plus le choix
Qu’adviendra-t-il si nous négligeons de recueillir des renseignements et de les utiliser à bon escient ? La réponse à cette question est inscrite dans les ruines des civilisations anciennes, qui étaient à leur époque aussi évoluées que la nôtre à l’heure actuelle.
La solution du problème de l’eau consistait autrefois à émigrer vers des régions dont les ressources étaient encore intactes. Aujourd’hui la chose n’est plus possible et la civilisation risque de mourir de soif. S’il ne s’agit pas, comme le dit Raymond Furon, dans Le Problème de l’eau dans le monde, de prévoir le genre de mort promis à nos successeurs immédiats, il faut bien reconnaître que l’eau commence à manquer et qu’en l’an 2,000 il ne nous restera peut-être plus que la mer à boire.