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Dans leur long cheminement vers la forme idéale de gouvernement autonome, les hommes devaient inventer plusieurs sortes d’assemblées et de parlements.

L’année 1965 marquera le sept centième anniversaire de la naissance du parlement anglais, ancêtre du régime parlementaire pratiqué au Canada. Cet événement capital survenait cinquante ans à peine après un autre fait décisif dans la conquête de la liberté : la signature de la Grande Charte.

Aujourd’hui, le monument distinctif du monde occidental n’est pas une colonne comme celles qui ornaient le Forum romain, ni un temple comparable à ceux de l’ancienne Grèce, ni une usine entièrement automatique, ni même un immense gratte-ciel. C’est une petite cabine faite de draps tendus sur un séchoir dans un sous-sol quelconque ou de tableaux noirs disposés autour d’un pupitre d’écolier ou encore de vieux panneaux publicitaires formant écran devant le comptoir d’un magasin inoccupé, et qu’on appelle l’isoloir, c’est-à-dire le petit coin isolé où les hommes et les femmes libres expriment leur volonté politique.

Le parlement élu de cette façon n’est pas né du jour au lendemain. Il plonge profondément ses racines dans des traditions et des coutumes fort anciennes, et il a survécu à beaucoup d’orages et d’assauts. La « grande assemblée » des rois saxons avec leurs conseillers trouve son pendant à notre époque dans le discours du trône du Parlement canadien, de même que dans l’adresse en réponse à ce discours et dans les débats qui s’ensuivent.

On dit souvent du parlement britannique qu’il est « la mère des parlements ». C’est juste en ce sens qu’il a servi de modèle aux parlements de la plupart des pays du monde. Partout où ils se sont établis, les colons britanniques ont apporté la conviction qu’ils se devaient d’avoir un parlement à eux. Les pionniers qui débarquèrent en Amérique avaient, pour ainsi dire, le parlementarisme dans leurs effets, car la première Charte de la Virginie, signée par le roi Jacques 1er, assurait aux émigrants « les mêmes libertés, privilèges et immunités que s’ils habitaient et étaient nés dans le royaume qui est le nôtre », et l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 conférait « tous les pouvoirs, attributions et fonctions » au gouvernement du Canada.

Pour bien comprendre les origines de tout cela, il importe de remonter aux premiers siècles de l’Angleterre, à ses conflits avec la Couronne, ses luttes pour la liberté de parole et toutes les « immunités et privilèges » que le Président de la Chambre des communes du Canada revendique encore officiellement du représentant de la Reine et qu’il octroie encore expressément à l’ouverture de chaque session du Parlement.

La démocratie est une entreprise noble et difficile. Nous y sommes parvenus nous-mêmes par une longue et laborieuse évolution. Elle ne nous a pas été imposée : nous y avons en quelque sorte grandi et nous l’avons édifiée autour de nous au cours des vingt générations qui se sont succédé depuis sept siècles.

Pourquoi et comment la chose s’est-elle produite ? Il semble que l’Angleterre ait accédé beaucoup plus tôt que ses voisins au stade de l’existence nationale par opposition à celui de l’existence féodale ou communale. À partir de 1265, les Anglais étendent graduellement les pouvoirs du peuple. Au seizième siècle, les grandes lignes du parlement commencent vaguement à se dessiner, et il est fait mention de la Chambre des communes comme d’une institution importante dans les dépêches des ambassadeurs. Dès le dix-septième siècle, il est nettement établi que la souveraineté doit résider dans la personne du roi en parlement et non pas dans la personne du roi seul ou du roi en conseil.

Le gouvernement

Le gouvernement a pris naissance dans la vie familiale des temps anciens. Partout où des êtres humains vivent ensemble, il y a quelqu’un qui commande, quelqu’un qui donne des directives. Lorsque les familles se sont réunies en tribus, un des membres de la société en est devenu le chef. Ce n’est que petit à petit que les hommes ont appris qu’on pouvait mieux résoudre les difficultés en raisonnant à plusieurs qu’en s’en remettant au jugement d’un seul.

Les idées se développèrent avec les espoirs. On commença à se demander, comme les électeurs doivent encore le faire aujourd’hui : Que voulons-nous de la vie ? Dans quelle mesure le gouvernement peut-il contribuer à rendre notre vie heureuse ? Quelle sorte de gouvernement sera le meilleur ? Quelles qualités devons-nous exiger de ceux qui composent le gouvernement ?

Tous les gouvernements, anciens et actuels, ont une chose en commun : le pouvoir. Leur pouvoir est de trois sortes : le pouvoir législatif ou pouvoir d’élaborer des lois ; le pouvoir exécutif ou pouvoir de faire appliquer les lois ; le pouvoir judiciaire ou pouvoir de juger ceux qui sont accusés de violer la loi.

La meilleure forme de gouvernement est celle où ces divers pouvoirs tendent à assurer à chaque citoyen la possibilité de mener une vie agréable, sûre et paisible, et de jouir en sécurité de ses biens et de sa liberté.

Par-delà les siècles, nous entendons encore la voix du divin Platon nous murmurer que, somme toute, le gouvernement idéal est le gouvernement par des hommes de bien. Et Churchill nous donne la version moderne de cette doctrine en disant : « Nous étions ainsi parvenus à ces vastes et heureux hauts lieux où tout est réglé pour le plus grand bien du plus grand nombre par le bon jugement de la majorité après consultation de tous. »

La liberté démocratique

Le mot « démocratie » est un terme riche des plus beaux espoirs de l’homme. Il se fonde sur la conception de la liberté politique selon laquelle la liberté individuelle n’est limitée que par l’idée d’égalité, principe qui s’est lentement élaboré dans l’esprit des hommes au cours des âges.

La démocratie est pour nous la forme de gouvernement des gens libres et droits qui se font gloire de se gouverner et qui se gouvernent effectivement eux-mêmes. Les lois éclairées et les justes restrictions qu’adopte leur gouvernement librement élu ne sont pas des entraves à leur liberté. Après avoir mentionné la liberté de la personne et des biens, la liberté de la presse, le droit de ne pouvoir être jugé que suivant les termes précis de la loi et la liberté de religion, Voltaire faisant l’éloge de la constitution anglaise, dans son Dictionnaire philosophique, ajoute : « J’ose dire que si on assemblait le genre humain pour faire des lois, c’est ainsi qu’on les ferait pour sa sûreté ».

Ces lois, qui ont coûté tant de peines et d’efforts, n’ont vu le jour et n’existent encore aujourd’hui que grâce au gouvernement parlementaire et démocratique.

Il est vrai que la notion même de démocratie est née à Athènes il y a 2,400 ans, mais le mot et la chose se limitaient alors à certaines classes de la société. Au cours des 750 dernières années, nous avons mis au point un régime de gouvernement dans lequel tout citoyen adulte a droit à une voix dans le choix de ceux qui seront chargés de gouverner de façon à assurer la bonne administration de l’État et le bien-être de la population.

Il nous faut croire à la démocratie, sinon quelle option nous resterait-il ? Nous ne pouvons vivre heureux ensemble dans le monde actuel que si nous sommes empressés à protéger notre propre liberté et soucieux de la liberté de tous les autres. Aldous Huxley nous donne un avertissement salutaire dans Retour au meilleur des mondes : « Les jeunes gens qui ont si piètre opinion de la démocratie combattront peut-être pour défendre la liberté. Le cri de « Donnez-moi la télévision et des saucisses chaudes, mais ne m’assommez pas avec les responsabilités de l’indépendance » fera peut-être place, dans des circonstances différentes, à celui de « La liberté ou la mort. » L’éducation démocratique doit viser à produire des hommes et des femmes qui seront capables de sauvegarder l’autonomie de l’État parce qu’ils auront appris à se gouverner eux-mêmes et à se maîtriser.

La Grande Charte

Un demi-siècle avant l’avènement du premier parlement, dont on célébrera le sept centième anniversaire en 1965, avait lieu la signature de la Magna Carta. Par un jour d’orage de 1215, sur un îlot marécageux des environs de Runnymede, un groupe de barons révoltés arrachaient au roi Jean la promesse de respecter à l’avenir la loi du pays.

« Ici commence l’histoire de la nation anglaise », nous dit lord Macaulay. Ce qui précède n’est que le récit des méfaits perpétrés et subis par diverses tribus. Désormais, la nation possède un texte constitutionnel qui, malgré toutes les vicissitudes, conservera toujours son identité, une constitution dont s’inspireront toutes les constitutions démocratiques du monde par la suite.

La Charte, qui représente l’un des documents les plus importants dans la longue histoire du gouvernement des peuples, avait pour but de restreindre le pouvoir du roi et de garantir certaines libertés. Elle marque la transition entre l’époque des droits traditionnels, inscrits dans la mémoire de la nation, et l’époque des lois écrites et des parlements.

Il existe au British Museum un exemplaire de la Charte, abîmé par le temps et par le feu, mais le sceau royal est toujours suspendu au parchemin jauni et desséché. Ce sceau a maintenant reçu la sanction solennelle de la communauté des pays démocratiques de tout l’univers. Sur le cairn commémoratif de Runnymede on peut lire cette inscription : « En ce lieu, le 15 juin 1215, le roi Jean cédant aux instances des délégués de la population tout entière du royaume, apposa sa signature à la Grande Charte, premier des documents constitutionnels édictés pour confirmer des traditions anciennes et vénérées, redresser les abus, faciliter l’administration de la justice, établir de nouvelles dispositions pour la sauvegarde de la paix et assurer à perpétuité à chaque citoyen la libre jouissance de sa vie et de ses biens. »

Le Parlement

Le mot « parlement » apparaît dans la langue anglaise dès le XIIIe siècle. Il a d’abord le sens de débat, puis de conférence officielle et enfin de grands conseils comme en tenaient les Plantagenet. En français, parlement désigne une assemblée de gens qui discutent ou délibèrent ; mais, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, c’est aussi le nom que l’on donne aux sessions de la cour du roi. L’acception d’assemblée politique est reprise à l’anglais vers 1825, et aujourd’hui le mot a la même signification dans les deux langues.

Mais l’origine même des parlements est beaucoup plus ancienne. Il y avait chez les Anglo-Saxons ce qu’on appelait le folkmoot, assemblée du peuple, et le shire moot, assemblée de comté ou des citoyens du comté. Au-dessus de ces assemblées siégeait le witenagemot, assemblée des sages de qui le roi prenait conseil en matière de loi et de gouvernement. À l’arrivée de Guillaume le Conquérant en Angleterre, en 1066, le principe selon lequel le roi ne doit gouverner qu’avec l’avis de ses conseillers est déjà bien établi.

Pourtant, il manque encore quelque chose pour assurer la permanence et la solidité du régime. Alors que la Grande Charte de 1215 visait surtout à définir certains points de droit, les Provisions d’Oxford, en 1258, et celles de Westminster, en 1259, cherchaient à résoudre la question primordiale de savoir avec l’avis de qui et par l’entremise de quels représentants le gouvernement devait être exercé.

Six ans plus tard, Simon de Montfort convoquait au fameux Parlement du 28 janvier 1265 cinq comtes et dix-huit barons, de nombreux membres du clergé, deux chevaliers de chaque comté et deux citoyens de chacune des vingt et une villes désignées. Bien qu’on ne puisse pour autant clairement revendiquer pour Montfort le titre de « fondateur de la Chambre des communes », qui lui est parfois attribué, cette initiative n’en constituait pas moins une étape importante dans l’histoire de son avènement. Jamais encore la bourgeoisie ou les gens du peuple n’avaient bénéficié de la représentation directe. Grâce à cette révolution silencieuse, la totalité des propriétaires fonciers se voyaient admis à participer au gouvernement du royaume.

Les luttes qui suivront et les conquêtes postérieures ne modifieront guère la structure réelle de nos institutions politiques. Elles ne représentent que les diverses phases de la rude discipline à laquelle il a fallu nous soumettre pour apprendre comment utiliser au mieux et développer les ressources latentes de notre vie nationale et comment régler l’équilibre de ses forces sociales et politiques suivant l’évolution des temps et des circonstances.

Le fonctionnement du parlementarisme

Sous notre régime parlementaire, le pouvoir législatif est contrôlé par le parlement, composé du Sénat et de la Chambre des communes, le pouvoir exécutif par le cabinet et le pouvoir judiciaire par les tribunaux.

L’histoire du parlementarisme, nous dit un spécialiste, s’identifie en grande partie avec celle des étapes successives par lesquelles la Chambre des communes acquiert graduellement droit de regard sur les pouvoirs de la royauté. Et pourtant, le souverain continue à faire partie du parlement. La reine a le droit d’être tenue au courant de ce que fait le cabinet et de se faire communiquer tous les renseignements, même les plus secrets, dont il dispose ; elle a aussi le droit de donner des avis et des avertissements au cabinet, même si celui-ci n’est pas obligé d’en tenir compte.

Le volume croissant des lois qui émanent de la Chambre des communes fait ressortir toute la valeur et l’utilité du Sénat, où les débats sont toujours plus pondérés.

Ce qui serait grave, disait feu le sénateur Moraud, dans sa réponse à ceux qui en préconisaient l’abolition, « ce ne serait pas la disparition du Sénat lui-même, mais l’anéantissement de la protection que par sa nature même cet organisme assure aux minorités et au régime social établi. »

Le Cabinet, qui se compose des ministres choisis au sein du parti ayant la majorité à la Chambre des Communes, est l’une des caractéristiques les plus importantes du régime parlementaire. Le XVIIe siècle avait démontré qu’il était impossible de gouverner sans la collaboration de la Chambre des communes ; l’expérience acquise au XVIIIe siècle avait prouvé que cette collaboration ne pouvait subsister que si le roi choisissait ses ministres dans les rangs du parti dominant de la Chambre. C’est pendant la première moitié du XXe siècle que devait s’accroître dans une très large mesure le pouvoir du Cabinet et se produire un certain décalage du centre de gravité des forces politiques.

L’Opposition officielle fait partie intégrante du régime parlementaire. Le seul moyen pour un être humain de connaître le tout d’une question est encore d’écouter ce qu’en disent des personnes de toutes les opinions. Au sein de l’unité de ceux qui croient au régime parlementaire, il peut et doit exister une diversité de pensées sur beaucoup de points.

L’Opposition constitue un critique sévère de la politique du gouvernement tout en éveillant l’intérêt du public pour les questions discutées.

Cependant, le rôle de l’opposition n’est pas exclusivement négatif. Elle doit avoir des solutions de rechange valables à offrir aux projets du gouvernement. Il lui faut conserver un sens très vif du jour sous lequel apparaît la politique à ceux qui ne sont pas sur la colline du Parlement.

Les partis politiques représentent un autre organe essentiel du gouvernement parlementaire. L’Encyclopédie Britannica nous dit avec une désinvolture assez étonnante : « Le Parlement est un moteur qui a besoin, semble-t-il, d’être alimenté par l’esprit de parti pour fonctionner. »

Un parti politique est un groupe de personnes réunies par des idées ou une action communes, qui cherchent à diriger les membres et la politique du gouvernement. La présence de deux ou plusieurs partis en lice écarte le danger de la concentration permanente du pouvoir entre les mains d’une seule équipe de dirigeants. Le règne de la majorité n’est tolérable que parce qu’il s’agit toujours d’une majorité temporaire et remplaçable.

Les partis politiques attireraient certes un plus grand nombre d’adhérents s’ils s’efforçaient d’accorder une attention constante et intelligente aux questions en litige plutôt qu’aux personnalités. Ils pourraient en réalité accroître leur prestige en adoptant, sans toujours les associer à la politique de parti, des principes comme ceux de la tolérance, du bon sens et de la logique du raisonnement. Quel contraste n’y aurait-il pas alors avec le portrait des politiciens que brossait la princesse Victoria dans une lettre au roi des Belges : « Je déplore profondément cette violence et cette lutte acharnée, des deux côtés. On s’irrite si inutilement de part et d’autre en se traitant d’idiots, de buses, de menteurs, etc., pour rien du tout. » Et voici ce que lui répond le roi : « Il s’en faut de beaucoup que les gens agissent en général selon les exigences de leurs intérêts ; ils écoutent plus souvent la voix de leurs passions ».

Le parlement actuel

Le problème qui se pose aujourd’hui est d’adapter les méthodes parlementaires aux attributions changeantes des gouvernements. Le parlement, pas plus que les affaires, ne peut demeurer inchangé décennie après décennie. La structure et les habitudes de la société se sont transformées, le domaine de la responsabilité gouvernementale s’est considérablement accru et les conditions, tant en ce qui concerne notre vie nationale que nos rapports avec les autres pays, ont été profondément modifiées par la révolution scientifique.

Quels que soient les changements adoptés, et leur effet sera sans doute aussi salutaire que ceux du passé, il y a certaines choses essentielles que nous devons conserver. Le prix de la liberté consiste plus que jamais à exercer la vigilance politique nécessaire à la sauvegarde des droits et des privilèges du régime parlementaire. Il serait vraiment insensé que l’on exhume maintenant les prérogatives royales dont on a peu à peu dépouillé les souverains au cours de la longue histoire de l’évolution de la démocratie pour en parer les législateurs.

Rappelant comment les anciens empires ont perdu par apathie leurs libertés si chèrement acquises, George Hambleton écrivait en 1951 : « Qui n’avance pas recule. Et si nous reculons, des parlements faibles et hésitants engendreront des formes de gouvernement oligarchiques, peu éloignées de la tyrannie des rois médiévaux. »

Les nombreuses manifestations publiques dont nous sommes témoins aujourd’hui dans plusieurs pays sont une preuve d’anti-parlementarisme. Elles sont organisées par des gens qui se passionnent pour toutes sortes de choses, depuis la bombe atomique et l’égalité raciale jusqu’aux problèmes paroissiaux, mais qui n’ont plus confiance dans l’efficacité de l’action politique. Leurs défilés et leurs attroupements sont en définitive l’expression d’un défaitisme aussi profond qu’inconscient devant leur devoir de chercher à agir sur les événements. C’est, comme dit le Manchester Guardian, « l’antipolitique de la protestation ».

Le rôle du public

La force de l’opinion publique représente le moyen de survie le plus sûr de la démocratie parlementaire. Les peuples qui sont parvenus à exercer eux-mêmes la « souveraine puissance » ont le devoir de se munir de solides connaissances afin de pouvoir s’acquitter avec sagesse et discernement des fonctions afférentes à leur souveraineté. Et cela ne peut se faire sans maturité d’esprit, sans liberté et sans intelligence.

Le danger le plus grand qui menace la démocratie est peut-être l’ignorance et l’indifférence de l’électeur ou du votant. Mais l’éducation politique ou démocratique d’un peuple ne se fait pas toute seule ni même par la lecture d’ouvrages sur le civisme. Elle exige que les citoyens apprennent dès leur jeunesse à aimer la vie libre et indépendante qu’offre le gouvernement parlementaire et à reconnaître qu’il leur incombe d’en assurer la survie.

Si le citoyen ne participe pas à la vie du pays, s’il ne lit pas, s’il n’étudie pas les événements et ne vote pas, quelqu’un d’autre devra le faire à sa place et il perdra sa liberté. « Les droits et les privilèges individuels …, écrit Eisenhower dans Croisade en Europe, ne peuvent subsister que si le citoyen accepte de faire tout son devoir pour assurer le bien-être de la nation qui le protège dans l’exercice de ces droits. »

Comment le citoyen s’acquittera-t-il de ses obligations ? En votant, en allant visiter le Parlement et en assistant au moins une fois dans sa vie aux débats ; en lisant les rapports officiels du Parlement et des livres sur le Parlement (on peut s’en procurer la liste à l’Imprimerie nationale, à Ottawa), en s’intéressant aux programmes et aux déclarations des partis politiques ; en parlant quelquefois du Parlement.

De leur côté, le gouvernement et les divers partis se doivent de veiller à ce que les citoyens soient toujours renseignés avec exactitude sur les affaires publiques.

Une partie des renseignements nécessaires nous sont fournis dans la publication où sont consignées toutes les délibérations des deux chambres du Parlement et que l’on appelle communément Les Débats ou Hansard. Il y a aussi des chroniques et des comptes rendus périodiques dans les journaux et les revues, ainsi qu’à la radio et à la télévision. Il n’est pas exagéré de dire qu’en matière d’information le plus humble citoyen canadien d’aujourd’hui est mieux au fait des grandes questions de la politique de l’état que ne l’était le député ordinaire du XVIIe siècle.

Le régime du gouvernement parlementaire élaboré au prix de tant de peines au cours des sept cents années écoulées demeurera fort et prospère aussi longtemps que les chefs politiques garderont la conviction que le meilleur moyen de servir leurs propres intérêts est de rechercher ce qu’il y a de plus avantageux pour leur pays et que les citoyens resteront fidèles à leur devoir de choisir leurs gouvernants avec sagesse et de leur accorder l’appui auquel ils ont droit.