Certains lisent pour échapper à la vie ; d’autres pour s’y plonger et la vivre plus intensément.
Ces deux sortes de lectures ont leurs avantages. S’il est parfaitement légitime de s’absorber dans ses livres préférés pour se soustraire aux désagréments de l’existence, on peut lire aussi pour se renseigner, pour trouver l’inspiration, pour orner son esprit ou pour se distraire.
La lecture se distingue de l’étude. Elle ne nous oblige pas à analyser et à disséquer des textes pour en chercher le sens profond. L’essentiel est de lire dans l’émerveillement et dans la joie, comme on admire la beauté d’une fleur sans la mettre sous le microscope.
Il faudrait, en matière de lectures, toujours avoir présente à l’esprit cette vérité fondamentale : les livres sont nos seuls moyens de communication avec les grands penseurs du passé et, pour la majorité d’entre nous, le seul intermédiaire qui nous permette d’entendre le message des bons écrivains de notre époque.
Les livres ne sont pas seulement des assemblages de feuilles inanimés, où s’alignent des caractères ; ce sont des objets dynamiques et vivants, capables d’illuminer et stimuler notre intelligence. Il sera plus particulièrement question dans le présent Bulletin des oeuvres qui ont enrichi la vie humaine au cours des siècles.
Les livres pour enfants
Nos considérations ne sauraient trouver un meilleur point de départ que le merveilleux royaume des livres pour enfants, non seulement parce que c’est là que nous avons fait nos véritables débuts dans la vie, mais aussi parce que nous aimons tous à y revenir par la suite. De même que beaucoup d’hommes achètent des trains électriques à leur fils afin d’avoir ou de ravoir eux-mêmes le plaisir de les faire marcher, de même beaucoup retrouvent, en lisant de vieilles histoires à leurs enfants ou à leurs petits-enfants, un peu de leur jeunesse et de leur enchantement d’autrefois.
Notons tout d’abord que la littérature enfantine s’adresse aux lecteurs de tous les pays, de sorte que nous sommes en communion avec le monde entier dès que nous en abordons la lecture. Les contes de Perrault, de Grimm, d’Andersen, de Mark Twain, de Collodi, de Selma Lagerlöf, de Lewis Carroll et de Kipling sont aujourd’hui la propriété commune des enfants de toutes les parties de l’univers.
De plus, ces livres pour enfants sont généralement très bien faits. Le récit se déroule avec tant d’aisance et les images surgissent avec tant de simplicité sous leurs yeux que les enfants en acceptent tout naturellement le style. Relisez, par exemple, la première page du Vilain petit canard d’Andersen : « Oh, qu’il faisait bon, dehors, à la campagne ! C’était l’été. Les blés étaient jaunes, l’avoine verte, le foin était ramassé par tas dans les prés verts, et la cigogne marchait sur ses longues jambes rouges et parlait égyptien, car sa mère lui avait appris cette langue. » Il n’y a là aucune prétention ni recherche, mais seulement un heureux choix de riches et chaudes couleurs.
Après le travail et l’influence du maître, les livres sont les principaux instruments de l’enseignement. C’est surtout grâce à eux que l’enfant peut explorer les trésors de l’expérience et du savoir humains. Tout petit Canadien appartient à une démocratie qui a de grandes responsabilités, dans notre pays et sur le plan international. Comment apprendra-t-il les principes du mode de vie qui est le nôtre, sinon par la lecture ?
Le local le plus important dans une école, c’est la bibliothèque, et le premier instrument de formation intellectuelle dans un foyer, ce sont les livres qu’il offre à ses enfants.
Les romans
Beaucoup de romans ne sont que des oeuvres de circonstance, qui n’ont qu’un intérêt éphémère, mais il y en a des milliers que leur richesse et leur accent profondément humain semblent vouer à l’immortalité. N’est-ce pas Samuel Johnson qui demandait un jour : « Un simple mortel a-t-il jamais écrit quelque chose que ses lecteurs attendaient depuis plus longtemps que Don Quichotte, Robinson Crusoé et le Voyage du pèlerin ? »
À quoi tient notre amour du romanesque, si ce n’est au fait que quiconque admire ou réalise une belle oeuvre est plus ou moins romanesque. Se contenter de copier la vie, comme le font aujourd’hui certains romanciers, c’est écrire des balivernes, des choses complètement inutiles. Nous n’avons que faire de ces masses de détails sur des événements insignifiants, ou sur la cruauté, le mal ou la fatalité.
Il suffit de lire un roman bien écrit pour en saisir toute la différence. Quelle conclusion applicable à notre époque peut-on tirer, par exemple, des Misérables de Victor Hugo, publiés il y a cent ans ? Ce que l’auteur critique, ce ne sont pas les hommes, mais les institutions humaines, qui, selon lui, sont devenues la source d’un terrible danger en affaiblissant le sens des responsabilités de l’individu.
Quelles grandes leçons nous apportent d’autre part les récits de caractère plus personnel, où sont relatées les luttes intérieures de l’homme : Hamlet, prince du Danemark, dont l’agitation morale dure deux mois et demi ; Faust, pour qui l’épreuve se prolongera pendant plus de cinquante ans ; Robinson Crusoé, qui, pendant vingt-huit ans, dans son « île du désespoir », réussit par des prouesses d’énergie, de patience et d’intelligence pratique à conserver sa sérénité et à retrouver, avec la résignation, la foi et la confiance dans le Seigneur.
Le Voyage du pèlerin, de John Bunyan, qui parut en 1678, connut en dix ans onze éditions et plusieurs impressions clandestines. Ce livre qui devait pénétrer jusque dans les régions les plus lointaines du globe, n’est pas seulement un guide de vie morale, mais un roman passionnant, où fourmillent les incidents dramatiques. Quant à Don Quichotte, qui remonte à 1605, s’il se lit comme un récit d’aventures, c’est aussi un traité de tolérance et de compassion indulgente.
Tous ces livres font évoluer leurs héros dans des rôles d’hommes d’un grand courage. Ils pourraient se résumer dans cette phrase du jeune Jim Hawkins dans l’Île au trésor : « Je fus d’abord glacé d’effroi, mais je ne perdis pas mon sang-froid pour autant. »
La poésie
La poésie n’est pas à négliger, quel que soit le but de nos lectures. Les poètes ont toujours vu les choses dans une clarté parfaite à travers les siècles. Nul ne peut avoir une juste conception de la grandeur, de la plénitude et des possibilités de la vie s’il n’a consacré une partie de ses lectures à la grande poésie.
L’homme chante et fredonne bien avant de juger et de raisonner, et la poésie exprime souvent des idées et des émotions qui ont un profond accent de vérité pour les hommes de tous les temps.
Un recueil de poésie n’est pas une collection de mots vagues et fleuris, réunis d’une manière plus ou moins heureuse. La valeur d’un poème réside dans l’intensité avec laquelle l’auteur a éprouvé un sentiment et la fidélité avec laquelle il en a reconnu et exprimé les conséquences.
Parmi les poètes dont l’oeuvre appartient à cette catégorie et qui sont toujours des plus lus à l’heure actuelle, il faut mentionner Victor Hugo, Paul Verlaine, Beaudelaire, Valéry, Claudel. Personne ne peut lire ces grands maîtres sans ressentir un élargissement, un enrichissement et une élévation des facultés les plus nobles de son être.
Le théâtre
Ceux qui estiment que le théâtre est fait pour la scène et non pour être lu se privent d’un des plus grands plaisirs de la lecture.
Mais Racine, Corneille, Shakespeare, dont les pièces sont toujours considérées comme rentables par les éditeurs et les libraires de tous les pays, prouvent que la majorité des gens ne partagent pas cet avis.
Leur théâtre connaît encore aujourd’hui une forte vente à cause de la vie intense qui s’en dégage et de la richesse et de la profondeur des impressions qu’il nous livre sur les façons de parler, d’agir et de penser de l’être humain. Nous continuons de les citer, de les lire et de les étudier et d’y puiser des idées sans jamais nous lasser.
Et il en est ainsi de Molière, de Shaw et d’Ibsen, qui ont été le reflet de leur époque et qui ont scruté et peint le caractère de leurs contemporains aussi fidèlement que l’avaient fait avant eux Aristophane, Euripide, Eschyle et Sophocle.
L’histoire et la biographie
C’est dans les volumes d’histoire que se trouve l’âme des temps anciens. On peut encore y entendre la voix des nations, des cités et des peuples, même s’ils ont aujourd’hui disparu de la surface de la terre. En parcourant l’Histoire ; essai d’interprétation de Toynbee (Paris, Gallimard), on a l’impression que le Temps a relevé ses ruines et ressuscité sous nos yeux les scènes englouties du passé.
Il est des historiens qui s’adressent aux historiens, mais ceux qui ont écrit pour le profane ont démontré qu’il est possible de relater les événements avec clarté sans les déformer. L’Histoire de France de Michelet, dont la valeur littéraire est grande, eut autant de succès que les meilleurs romans de la même époque.
L’histoire du monde est en somme la biographie des grands hommes. C’est le livre de la supériorité, aussi sûrement que la presse est le livre de la médiocrité.
Il est nécessaire de lire les vies des « hommes illustres », car il y a dans chacune d’elles quelque chose à apprendre. Prises collectivement, elles donnent une idée des sommets auxquels peut atteindre l’être humain.
Beaucoup de biographes estiment qu’il est de bon ton de consacrer une partie de leur oeuvre à démontrer la petitesse des grands hommes. L’auteur, rabaissant alors son sujet à son propre niveau, passe de l’essentiel à la banalité. Il nous montre Shakespeare léguant, dans une mention en surcharge, son lit numéro deux à son épouse et l’intérêt contenu de George Washington pour Mme Sally Fairfax. Ce qui importe, c’est que Shakespeare ait écrit Hamlet et le Roi Lear, et que Washington ait institué la République américaine.
La philosophie
Comme celle des biographies et de l’histoire, la lecture des ouvrages de philosophie nous aide à acquérir le sens des proportions. Pour les anciens Grecs, la faute la plus impardonnable, en art comme en morale, était le défaut de proportion. Chez eux, l’homme arrogant, le vaniteux ou le présomptueux étaient considérés comme de véritables malfaiteurs.
En plus de rabattre notre présomption, la philosophie perfectionne notre goût et nous fait reconnaître avec plus de facilité que nos opinions les plus chères présentent parfois des lacunes. Elle se nourrit de principes, c’est-à-dire des richesses intellectuelles les plus vivaces, les plus adaptables et les plus mobilières.
Prenons le Prince, par exemple. Il est impossible de le dissocier de la période où l’écrivit Machiavel, et pourtant on y trouve, en dépit de nombreux sophismes, des enseignements de tous les temps.
On fréquente les philosophes, soit pour chercher des réponses à ses questions, soit pour y trouver des règles de vie, soit tout simplement pour jouir de la compagnie des hommes sages, qui se sont donné la peine de coucher leurs idées par écrit à notre intention.
La mythologie
Tout mythe a exprimé à un moment donné une vérité admissible, qu’il s’est efforcé d’énoncer le plus exactement possible compte tenu des connaissances de l’époque. La mythologie est une façon intuitive de saisir et d’affirmer des vérités universelles. C’est la représentation vivante des aventures intérieures ou extérieures des hommes qui l’ont façonnée. L’important dans la lecture des mythes n’est pas de savoir qui les a inventés ni quelle race primitive ils ont fait trembler, mais quel peuple fort les a d’abord pris pour règle de vie et quel sage les a racontés sous leur forme la plus parfaite.
Le mythe perçoit, même si c’est d’une façon obscure, des choses qui sont vraies pour tous les âges, et nous le comprenons et il nous plaît dans la mesure où nous entrevoyons les mêmes vérités.
Ce sont les vérités imparfaites exprimées dans les mythes et les légendes qui ont illuminé l’esprit humain aux époques reculées où n’existait aucune autre lumière. Grâce à elles, l’homme a réussi à vaincre sa brutalité et à surmonter l’effroi que lui inspirait la vie sous toutes ses formes. C’est par la voix persuasive des mythes qu’il a d’abord appris la science du bien et du mal et qu’il a commencé à se civiliser.
Certains mythes ont complètement disparu après avoir joué leur rôle dans l’évolution de l’humanité, mais d’autres apportent encore des réponses aux énigmes de la vie.
La variété dans la lecture
La splendeur de notre littérature réside en partie dans son infinie variété.
Celui qui veut lire avec profit, sans devenir l’homme ennuyeux d’un seul sujet ou d’un seul auteur, pourrait utilement se tracer un programme, selon lequel il lirait un ouvrage de philosophie, puis un roman, et passerait ensuite successivement à l’histoire, la biographie, le théâtre, la sociologie, la religion, les beaux-arts et les sciences. Peut-être conviendrait-il de garder la poésie et les essayistes, comme Montaigne, pour l’heure du coucher. La poésie comme les essais nous charment par la vivacité et la finesse de leurs tours.
Ceux qui n’ont ni le temps ni le courage de se dresser une liste de livres peuvent toujours se joindre à un cercle de lecture des grands auteurs.
Les grands auteurs traitent des questions de tous les temps et des problèmes qui se posent à chacun à toutes les époques. Leurs livres sont les ponts par lesquels leurs lecteurs peuvent, en dépit des barrières de la spécialisation, communiquer d’une façon agréable avec d’autres hommes désireux d’en faire autant.
Ces livres ne sont pas d’une lecture trop difficile. Du moins les écoliers des siècles passés et ceux qui sont aujourd’hui des chefs ne les ont pas jugés tels. Les vérités qu’ils renferment sont si fondamentales et essentielles qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances spéciales pour les comprendre.
Personne n’apprendra chez les grands maîtres le secret de la bombe nucléaire ou le moyen de l’interdire, mais on y trouvera l’explication des processus de pensée qui font les partisans et les adversaires de cette arme. Les problèmes de base du bien et du mal, de l’amour et de la haine, du bonheur et de la souffrance, de la vie et de la mort n’ont guère changé. Se renseigner sur ces choses, c’est accéder dans une certaine mesure à la connaissance du patrimoine commun qui est à la base du monde idéal dont rêve depuis toujours l’humanité.
Les classiques
Quelques-uns des grands auteurs sont des classiques, terme qui fait peur à certaines personnes. Qu’on se rassure, le mot « classique » n’est pas synonyme de desséché par l’âge, mais de ce qui s’est bien conservé.
En lisant les classiques, nous constaterons souvent avec étonnement que les vérités que nous croyons d’actualité ont en fait été discernées et, parfois même, bien comprises et étudiées sous toutes leurs faces par les anciens.
Les classiques ne sont pas ennuyeux. L’Agamemnon d’Eschyle date de vingt-quatre siècles, mais il s’ouvre avec une animation sans égale dans la littérature moderne : les troupes reviennent dans leur pays après la guerre de Troie… sur les côtes de Grèce, le message des feux se transmet de sommet en sommet, apportant la nouvelle de la victoire et du retour des guerriers… C’est la T.S.F. du temps d’Homère.
Voici une anecdote significative à propos d’Alexandre le Grand, que l’on trouve dans les Vies de Plutarque. Ses officiers lui ayant apporté un coffret très précieux découvert parmi le butin pris après la défaite de Darius, il demanda à ceux de son entourage ce qu’il convenait le mieux d’y mettre. Lorsque chacun eut exprimé son avis, il leur dit qu’il allait y placer l’Iliade d’Homère.
Et qu’est-ce que l’Iliade ? Elle est, avec l’Odyssée, un ancien poème épique grec, l’une des premières et des plus grandes épopées de notre civilisation, en même temps qu’un récit des plus passionnants. Chaque fois que nous parlons des sirènes ou du talon d’Achille, ou que nous comparons une femme à la belle Hélène, c’est de ces poèmes vieux de trois mille ans que nous nous inspirons.
On ne trouve dans les classiques aucune trace du climat morbide, malsain et pessimiste qui caractérise souvent la littérature d’aujourd’hui. Il y a sur les étalages des librairies et des marchands de journaux des livres où la pathologie a usurpé la place de l’art et où l’écrivain, devenu spécialiste des maladies nerveuses, nous présente des personnages malheureux, brouillons et défaitistes.
Pourquoi lisons-nous ?
Après avoir lu un bon livre, nous nous sentons meilleurs, dans tous les sens du mot. Soulevés par le génie des grands écrivains, nous entrevoyons les immenses possibilités qui s’offrent à l’esprit humain. Un point lumineux est apparu dans la nuit de notre savoir, et nous refermons le livre avec des horizons plus vastes, une sensibilité plus vive et une plus grande compréhension.
Pour lire avec fruit, il n’est pas nécessaire d’être d’accord avec les jugements et les opinions de l’auteur ; mais il est toujours intéressant et utile de les connaître et de savoir qu’ils existent. La lecture nous permet ainsi de préciser et d’alimenter nos idées, tout en enrichissant nos connaissances. Nous participons à la magie, à la puissance et à la noblesse qui s’attachent à l’étude.
Les hommes d’affaires prétendent parfois qu’il y a tant de choses à faire dans la vie qu’il ne reste pas de temps pour lire. Mais l’esprit pratique qui élabore des plans de construction ou d’achat, de vente ou de distribution de marchandises ou de services, a besoin de tous les talents créateurs du philosophe, du poète, de l’historien et du romancier. C’est ce qui distingue l’expert de l’amateur, tout en offrant à ceux qui possèdent ces atouts un antidote contre la panique et la témérité.
La prétention que l’on n’a pas le temps de lire a parfois l’air d’une vantardise. Ses auteurs semblent vouloir dire qu’ils sont trop importants et trop occupés par de grands problèmes pour perdre leur temps à lire. Pourtant, la lecture est une activité qui sied vraiment au chef d’entreprise auquel elle apporte la nourriture intellectuelle si nécessaire dans les affaires.
La lecture est l’un des véritables plaisirs de la vie. En notre siècle de culture en série, où circulent tant d’abrégés, d’adaptations, de falsifications et de vulgarisations, et où les haut-parleurs du mercantilisme ne cessent jamais de braire à nos oreilles, il est réconfortant et encourageant pour l’esprit de pouvoir encore s’asseoir seul avec un livre qui nous plaît.
Le grand dialogue
La lecture n’est pas une occupation passive, mais l’un des passe-temps les plus actifs de la vie. On a dit que les écrits des grands auteurs étaient en quelque sorte la transcription d’une vaste conversation à travers les âges et que nous partageons les pensées, les émotions et les observations des maîtres, comme si nous causions avec eux au coin de l’âtre.
Voilà des amis d’une très agréable société. On y trouve des gens de tous les pays et de tous les âges, qui se sont illustrés dans l’art militaire, le gouvernement ou les lettres. Ils sont complaisants, d’un humour inépuisable, toujours prêts à répondre à nos questions. Nous avons, grâce à leurs livres, la possibilité de jouir de la compagnie des esprits les plus brillants et les plus vifs, des plus savants philosophes et des conseillers les plus sages. Tout ce qu’il faut faire, c’est de leur permettre de nous dire les belles choses qu’ils ont à nous communiquer, puis de comparer leurs idées avec les nôtres.
Ainsi, nous pouvons différer d’avis avec Sophocle à propos d’Oedipe et d’Electre, et des complexes auxquels ils ont donné leur nom ; rendre les cheveux en quatre avec Platon et son projet de république ; chicaner Descartes et sa méthode ; admirer l’érudition de cet illustre peintre, sculpteur et inventeur que fut Léonard de Vinci, et même avoir notre opinion sur le sourire de sa Monna Lisa ; ou encore nous plonger dans les Mémoires d’outre-tombe, de Chateaubriand, qui fut le plus beau livre de son siècle.
Il y a enfin un autre avantage à fréquenter ces amis silencieux et pourtant si éloquents que sont les livres. Leur message nous paraîtra parfois agaçant, car ils traitent des problèmes qui tourmentent depuis toujours l’esprit de l’homme et proposent bien des idées contradictoires pour les résoudre. Mais la conversation sera claire, profonde et variée. Et elle servira, aux heures de difficulté, de conflit et de confusion, à combler notre amour nostalgique et toujours ardent de l’antique chevalerie.