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Aucun facteur n’exerce une influence plus décisive que l’eau sur la vie des hommes, et chaque goutte d’eau que nous utilisons provient en définitive de nos bassins hydrographiques.

C’est pour avoir mal compris cette vérité que nous déplorons aujourd’hui la perte de millions d’acres de terrain, la diminution marquée des récoltes, la multiplication des inondations, la mort de nombreux troupeaux, l’apparition de nouveaux déserts à la surface du globe, la destruction de plages magnifiques, l’altération de la qualité de l’eau que nous buvons et sa pollution d’une façon dangereuse pour notre santé.

« L’homme, écrit William Vogt dans Road to Survival, est le seul organisme connu qui détruise pour vivre le milieu indispensable à sa subsistance. » Les parasites ont tendance à agir ainsi, mais leur pouvoir de destruction est limité par leur manque d’intelligence. L’homme, au contraire, se sert de son esprit pour anéantir ; il se glorifie de sa « conquête » impitoyable des régions sauvages, comme s’il avait affaire à un ennemi ; son emblème distinctif est devenu le bulldozer.

Ce n’est que dernièrement que nos spécialistes de la nature ont réussi à nous faire comprendre que si nous voulons survivre, ou tout au moins relever notre niveau de vie, il nous faut établir des relations saines et harmonieuses avec le monde animal, végétal et minéral qui nous entoure.

Jusqu’ici, nous avons considéré la conservation comme une chose à laquelle le cultivateur était tenu pour accroître la quantité et la qualité de ses récoltes ; mais le temps est maintenant venu pour chacun de nous de la concevoir comme un élément essentiel de notre emprise sur la vie.

Il nous arrive parfois de nous alarmer devant les effets immédiats de l’absence de mesures de conservation, comme la saleté de l’eau potable, la malpropreté des plages, la rareté de l’eau d’arrosage, etc. Mais nous ne connaîtrions pas ces ennuis, si les générations antérieures avaient su ce que nous savons et avaient fait quelque chose pour les empêcher.

Cinquante ans ont passé depuis qu’un Secrétaire à l’Agriculture des États-Unis, adressant une directive des plus clairvoyantes aux agents forestiers, leur disait de remplir leurs fonctions « pour le plus grand bien du plus grand nombre à longue échéance. »

L’histoire des civilisations disparues montre d’une façon tragique ce que l’avenir nous réserve si nous continuons à abuser de nos ressources en eau. On a retrouvé, enfouie sous les sables du désert d’Arabie, une ville opulente, qui fut peut-être la résidence de la Reine de Saba. Elle a été abandonnée il y a des milliers d’années parce qu’une perturbation quelconque se produisit dans le cours des fleuves qui l’arrosaient et que l’eau vint à manquer. L’érosion pour sa part s’est chargée de détruire ou de saper toutes les civilisations méditerranéennes, anciennes et actuelles, depuis Athènes et Rome jusqu’aux plaines fertiles de l’Afrique du Nord, où florissait jadis la célèbre Carthage.

« Mais, dira-t-on, ces choses se sont passées il y a fort longtemps et bien loin de nous. Cela ne peut pas nous arriver. » Qu’on se rappelle alors le spectacle navrant qu’offraient les provinces des Prairies dans les années trente avec leurs fermes délaissées, leurs squelettes de bovins, leurs clôtures recouvertes de sable et les espoirs anéantis des hommes et des femmes qui avaient voulu y établir leurs foyers. Il suffisait de rouler dans les nuages de poussière qui enveloppaient certaines régions de la Saskatchewan, en 1937, non seulement pour éprouver certains malaises corporels, mais aussi pour se sentir le coeur et l’esprit malades de tristesse et d’abattement.

Aujourd’hui, la population du globe s’est accrue, les usages de l’eau se sont multipliés et sa consommation par habitant a pris des proportions démesurées. Au début de l’ère chrétienne, notre planète nourrissait une population d’environ 250,000,000 ; à l’arrivée des Pèlerins sur nos bords en 1620, le chiffre était passé à quelque 500,000,000 ; et en octobre, cette année, on annonçait que la population mondiale se chiffrait approximativement à 3,180,000,000. En l’an 2000, d’après Aldous Huxley, 6 milliards d’humains s’attableront chaque matin pour le petit déjeuner.

Au cours des trois derniers siècles, le Canada qui se composait à l’origine de quelques centres de peuplement disséminés sur le littoral de l’Atlantique et le Bas-Saint-Laurent, où vivaient dans des conditions primitives 3,215 colons, est devenu une nation d’envergure continentale aux richesses et aux ressources considérables et d’une population de près de 20 millions d’habitants. Malheureusement, cette expansion s’est accomplie dans une indifférence à peu près totale à l’égard de la conservation de l’eau, ressource la plus nécessaire à la vie, à l’agriculture et à l’industrie.

Qu’est-ce qu’un bassin hydrographique ?

Salomon et les anciens philosophes prétendaient que les sources étaient alimentées par la mer, grâce à des canaux souterrains. Ce n’est que vers 1650, que l’on commença à établir une relation entre la quantité d’eau que renferment les cours d’eau et les puits et la quantité de pluie qui tombe sur la région où ils se trouvent. Nous savons aujourd’hui que l’on ne peut étudier les fleuves sans se pencher sur les terres qu’ils traversent. Nous nous sommes enfin aperçus que la qualité des forêts et la qualité du sol sont en fonction de la qualité et de la quantité de l’eau.

Ceci nous amène à l’aire de drainage ou surface de captation des eaux, généralement appelée aujourd’hui le bassin hydrographique, c’est-à-dire le territoire naturel où s’opère d’une façon continuelle la réception, la concentration et la distribution de nos réserves d’eau. Sa superficie peut varier de quelques milliers à des centaines de milliers d’acres. Pour peu que nous sachions l’administrer avec sagesse, ce réseau plus ou moins vaste nous assurera un flot constant et maximum d’eau claire, propre et de haute qualité.

Un bassin hydrographique bien entretenu gardera son eau pendant toute l’année. Les racines de ses arbres et de ses autres plantes, ses feuilles mortes et sa couche arable retiennent beaucoup d’eau dans leur masse spongieuse. Une partie des eaux demeurent aussi dans le sous-sol, mais une grande quantité pénètre encore plus avant dans la terre, où elle forme des rivières et des lacs souterrains.

Dans un bassin hydrographique où il tombe 24 pouces de précipitations sur le sol, une surface de dix pieds carrés seulement reçoit environ 6.25 tonnes d’eau par an. Une acre en reçoit 2,178 tonnes. Dans la répartition bien ordonnée de cette énorme quantité d’eau, chaque morceau de terrain, que ce soit un pied carré, une acre ou un mille carré, joue un rôle d’une importance vitale.

Pourtant, s’il est un produit peu apprécié et que l’on gaspille sans le moindre remords, c’est bien l’eau. Beaucoup de villes et de villages dont les réserves d’eau n’inspiraient aucune inquiétude il n’y a que quelques années encore, constatent aujourd’hui que la rareté commence à leur interdire toute expansion. Les cultivateurs doivent creuser des puits de plus en plus profonds.

L’interruption du cycle

Jamais auparavant le cycle de l’eau n’a été soumis à des bouleversements aussi graves en présence de tant de millions de spectateurs indifférents. Il s’agit là de l’action la plus préjudiciable de l’homme civilisé sur son milieu ambiant.

Avant la venue des Européens, un équilibre mutuel s’était établi, au sein de la nature sauvage, entre les eaux, les terres, les plantes, les forêts et la vie animale. Dans ce tout harmonieux, chacune des parties contribuait à l’ordre et à la protection de l’ensemble et bénéficiait en retour de cet ordre et de cette protection communes. Ainsi, les rivières et les fleuves roulaient leurs flots limpides, froids et constants, et emportaient, sans entrave, jusqu’à la mer le surplus d’eau qui restait une fois qu’il avait été pourvu aux besoins des réservoirs naturels et à ceux de la vie animale et végétale.

Mais nous avons rompu notre contact avec la nature en voulant nous cacher, avec un faux sens de la sécurité, derrière nos géniales inventions mécaniques. Nous savons moissonner, moudre le grain et faire du pain avec les machines et l’électricité, mais nous ne pensons pas au fait que les matières dont se compose un pain d’une livre ont consommé près de deux tonnes d’eau. Nous cultivons d’immenses champs de maïs, mais nous oublions que pendant la période de croissance une acre de mais dissipe 3,000 tonnes d’eau, soit l’équivalent de 15 pouces de pluie.

Il est bien légitime de cuire du pain et de manger du maïs, et le passage des peuplements clairsemés d’autrefois à la population de plus en plus dense d’aujourd’hui et la consommation de quantités de plus en plus grandes de ces denrées auraient certes pu s’accomplir sans pertes ni dommages si seulement on avait fait preuve de sagesse et de prévoyance. Au contraire, nous avons supprimé les obstacles naturels, de sorte que loin de parvenir jusqu’au réservoir d’eau souterrain, les précipitations dévalent avec une telle rapidité les flancs de nos collines et les pentes de nos champs de blé et de maïs qu’elles n’ont même pas le temps de pénétrer jusqu’aux racines. Au lieu de nourrir nos récoltes, elles grignotent le sol et l’emportent vers des endroits où il est inutilisable.

Retarder l’écoulement

Le principe séculaire du grand moulin hydraulique de la nature est facile à comprendre. Le rôle de l’homme consiste à employer et aménager dans la mesure où cela lui est possible un flot d’énergie émanant du soleil. Ce flot ou cycle, nous en percevons l’un des aspects concrets dans la circulation des eaux dans l’univers : nuages – pluie – terre – rivières – mer – nuages, et ainsi de suite à l’infini.

La pluie qui tombe sur les pentes dénudées d’une colline se creuse des canaux à même le sol et se précipite vers le plus proche cours d’eau qui se jette dans la mer. C’est là qu’il importe d’abord de la capter et de la retenir. La quantité d’eau emmagasinée dans le sol dépend de l’état du sol et de la couverture herbacée et forestière du bassin hydrographique. Lorsque les collines boisées sont dépouillées par le feu ou par la hache, lorsque les hauts pâturages sont exploités à outrance, lorsque les terres en culture sont érodées, l’eau de pluie s’écoule à la surface durcie du sol sans remplir son office.

Le seul moyen d’avoir de l’eau en abondance est d’en interrompre l’écoulement.

Il peut sembler ridicule de penser que le port de Montréal doive un jour se transporter ailleurs, mais cette éventualité a été évoquée par M. Jacques Simard lors d’une conférence sur l’aménagement en octobre 1963. Le majestueux Saint-Laurent pourrait devenir anémique et malade, incapable de répondre aux nécessités de la navigation, aux besoins en force hydraulique et aux multiples exigences industrielles et intérieures d’une partie du continent en plein essor économique. « Il y a dans cette aire de drainage, a dit le président de Cadres professionnels Inc., M. André Gagnon, deux pays, huit États et deux provinces qui groupent une myriade de villes et d’entreprises pour lesquelles il s’agit d’une question de vie ou de mort … il nous reste à peine 40 ans pour trouver de nouvelles sources d’eau. »

Pendant que l’on prend des mesures réparatrices pour renforcer le bassin du Saint-Laurent, certains ont émis l’idée que nous pourrions détourner l’Harricanaw de la baie d’Hudson vers le lac Huron, au prix approximatif de 200 millions de dollars. Cela permettrait de déverser dans les Grands Lacs 13,000 millions de gallons d’eau par jour, soit six fois plus que la quantité drainée par Chicago.

Par où commencer ?

L’un des facteurs essentiels de la conservation de l’eau est sans contredit nos forêts.

On distingue d’ordinaire trois phases dans l’histoire forestière d’un pays industriel. La première est marquée par l’exploitation intensive et souvent effrénée des forêts vierges. Elle est habituellement suivie d’une période de dépendance croissante à l’égard des importations étrangères, comme celle qui sévit actuellement aux États-Unis. Vient enfin la troisième étape, pendant laquelle on s’efforce de réorganiser ou de reconstituer les ressources forestières.

Mais à côté des problèmes purement commerciaux que pose cet état de choses, nous commençons à discerner les effets néfastes du déboisement sur le climat et le débit des cours d’eau. « Les forêts, dit un économiste, exercent une action décisive sur la distribution de l’eau et constituent un moyen de protection irremplaçable contre la destruction des sols. Les montagnes privées de leurs arbres sont une menace nationale. » En d’autres termes, les forêts ne sont pas seulement une source de bénéfices, elles intéressent au premier chef la vie de la société.

La violation des lois naturelles qui régissent l’étendue de la couverture forestière est l’un des exemples les plus tragiques de la folie humaine devant la sage ordonnance de la nature.

Nous avons fait reculer la forêt par le feu, la hache et le bulldozer, et nous avons utilisé la houe et la charrue là où il ne devait se trouver que des arbres. Dans notre course au défrichement, nous avons oublié que les forêts forment des ensembles vivants d’arbres, d’arbrisseaux et autres végétaux qui jouent un rôle nécessaire dans l’évolution dont nous nous considérons comme la plus haute manifestation.

Notre destin est intimement lié à celui de la forêt. Au Canada, la nature nous a gratifié des espèces d’arbres les mieux adaptées aux besoins de l’homme. Parce que notre climat offre des conditions de croissance si favorables que nous sommes assurés, dans la plupart des régions boisées, de voir surgir une seconde pousse après la coupe, il semble bien que notre patrimoine forestier soit amplement suffisant pour subvenir à tous nos besoins si nous savons être de bons intendants.

Quatre-vingt-dix pour cent des terres forestières du Canada appartiennent à la Couronne, et la loi oblige les compagnies exploitantes à présenter des plans d’aménagement des coupes qui leur sont concédées. Cette prescription est importante à cause de l’élément temps qui intervient dans le repeuplement des forêts exploitées. L’homme qui abat un arbre n’envisage les choses qu’en fonction de sa propre vie et ne se préoccupe pas toujours de savoir s’il y aura un autre arbre pour le remplacer dans cinquante ou cent ans, mais l’État, lui, voit beaucoup plus loin.

Pour l’État, la forêt a aussi d’autres fonctions que celle de fournir des produits commerciaux. Voilà pourquoi il estime qu’il est dans l’intérêt général du pays de concilier les rôles opposés en apparence de la surface forestière, afin que la coupe du bois nécessaire à nos marchés ne nuise pas à nos bassins hydrographiques et que la trop grande densité des forêts ne mette pas obstacle à l’écoulement de l’eau indispensable pour l’irrigation et la production d’énergie électrique.

L’aménagement des bassins hydrographiques

Nous devons respecter les lois et les principes fondamentaux qui régissent l’ensemble du monde vivant si nous voulons réussir à sauvegarder la vie humaine. Les arbres, l’herbe, les arbrisseaux, le sol et les êtres vivants qui les habitent font partie d’un vaste tout, cohérent et équilibré. C’est là le principe sur lequel doit reposer l’aménagement des bassins hydrographiques.

Les lois de la nature nous imposent des restrictions et des devoirs. Que cela nous convienne ou non, que cela soit politiquement avantageux ou non, l’eau continuera de descendre les pentes et sa puissance de destruction augmentera avec le volume d’écoulement ; l’eau deviendra impure si nous y déversons des impuretés ; les nappes aquifères s’appauvriront si nous continuons à en pomper l’eau sans leur permettre de se refaire.

Pour nous guider dans ce domaine, il nous faut une norme, c’est-à-dire quelque chose pour juger de l’état de la terre après avoir modifié tel ou tel de ses éléments. C’est pourquoi les associations de conservation et de protection de la nature, et tous ceux qui s’occupent des ressources naturelles insistent pour que certaines parties du pays demeurent des « régions sauvages ». Cela permettrait de maintenir dans leur état primitif certaines terres où l’on éviterait de construire des routes ou des installations qui ne sont pas nécessaires à leur protection. L’homme pourrait y voir à l’oeuvre toutes les forces de la nature vivante. L’étude de ces réserves nous fournirait les règles de base voulues pour l’aménagement de nos bassins hydrographiques.

L’aménagement est devenu indispensable si nous ne voulons pas être obligés de recourir au rationnement. Au lieu d’installer des compteurs sur nos robinets, nous ferions mieux d’en accroître l’approvisionnement en créant les conditions de conservation qui s’imposent dans nos bassins hydrographiques.

Cette action ne saurait certes se limiter à quelques mesures d’urgence. Elle doit tendre à régler et à répartir l’emmagasinage et la distribution de l’eau selon les besoins de notre population sans cesse grandissante. Il faut tenir compte de tous les facteurs : l’herbe, les racines des arbres, les feuilles, les filets d’eau, les neiges des hautes cimes, les pluies d’été et l’assainissement des marécages, la suppression du gaspillage, le rendement actuel et futur, car tout a son importance dans cette entreprise capitale.

Dans un bassin hydrographique bien aménagé, les forêts et les prairies seront conservées ou accrues suivant les besoins. La coupe du bois se fera de manière à causer le moins de dommage possible à la couverture du sol forestier et à laisser croître amplement de jeunes arbres. L’agriculture recourra à des méthodes qui empêchent l’érosion et augmentent le pouvoir d’absorption du sol. L’épuration des eaux usées, domestiques et industrielles, sera mise à contribution pour combattre la pollution. La vigilance permettra de maîtriser à temps les incendies dus à des causes naturelles, et la loi sévira contre les auteurs des incendies allumés par malveillance ou négligence. Le pâturage des troupeaux sera organisé de façon à éviter la destruction de la végétation et le compactage du sol.

Qui doit s’en charger ?

À cause de l’ampleur de la tâche, la protection de nos bassins hydrographiques exige l’intervention des gouvernements et leur étroite collaboration. Le Québec et l’Ontario doivent agir de concert pour résoudre les problèmes de la Vallée de l’Outaouais ; la coopération interprovinciale et nationale s’impose dans le cas des bassins fluviaux du Fraser, du Columbia, de la Saskatchewan, du Nelson et du Saint-Jean. Quant au bassin du Saint-Laurent, son aménagement appelle à la fois des mesures internationales et interprovinciales.

Les petits bassins, que nous pourrions appeler « locaux », réclament l’action conjuguée des particuliers, des municipalités et des conseils de comté. On ne fait que commencer à bien comprendre l’importance du bassin hydrographique par rapport à la conservation et à l’expansion des ressources aquifères et à agir en conséquence. Le cultivateur qui entreprend le reboisement d’un flanc de colline et qui dispose ses champs en terrasse ou en bandes suivant les lignes de niveau ne fait pas seulement une chose qui lui est utile personnellement, il accomplit un devoir envers tous ceux qu’il y a entre lui et l’océan.

Les ouvrages importants, comme les grands barrages, les digues et les gros travaux de régénération dépassent les cadres de l’aménagement des bassins locaux. Si l’Acte de l’Amérique du Nord britannique a réservé certains domaines de l’utilisation des eaux aux autorités fédérales, la charge de les réglementer et d’en assurer le développement incombe en grande partie aux gouvernements provinciaux. Il ne faut pas en conclure cependant que la politique doive intervenir. Ce n’est qu’en accordant notre attention, non pas à l’aspect purement politique, mais à l’aspect biologique du problème humain des réserves d’eau que nous parviendrons à atténuer et à abréger les temps difficiles vers lesquels nous nous acheminons actuellement.

Le devoir de chaque citoyen

L’eau a une telle importance dans la vie que la question de sa conservation et de sa distribution doit dominer les limites géographiques de la propriété privée, des comtés et des provinces, les frontières politiques des pouvoirs fédéraux et provinciaux, de même que les domaines purement économiques de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de l’industrie. Si des conflits d’autorité mettent obstacle à l’action et à l’initiative, nous perdrons notre patrimoine par déshérence, car, au-dessus de toutes les frontières, il y a la loi naturelle, dont les édits sont indiscutables.

Tout ce qu’il y a à faire doit avoir son point de départ dans l’esprit des citoyens. « Il y a lieu de nous demander, a dit un éminent biologiste, si l’homme parviendra à comprendre avant de se détruire lui-même en détruisant son milieu. »

Le moins que l’on soit en droit d’attendre de la part des particuliers conscients de leurs responsabilités que nous voulons être, c’est qu’ils se renseignent sur le problème et qu’ils élèvent la voix pour exiger la conservation de la plus précieuse de nos ressources matérielles : l’eau.

Peut-être conviendrait-il d’aborder cette entreprise en nous inspirant de l’exemple des Indiens Pueblos du Taos qui portent des chaussures à semelles souples afin de toujours sentir la terre sous leurs pieds.