Les malentendus sont l’une des plus grandes sources de désaccord entre les individus comme entre les peuples. Dans les familles, les bureaux et les ateliers, les conflits les plus acharnés ne sont pas ceux qui mettent aux prises de grands idéaux, mais des opinions opposées.
Si, comme on l’a dit, la vie consiste en une perpétuelle adaptation des relations intérieures et des relations extérieures, il faut en conclure que c’est là un domaine où nous pouvons faire beaucoup pour vivre en paix avec nous-mêmes et avec les autres.
L’adaptation suppose la tolérance. Les gens intolérants ont une vue limitée des choses à une époque où il est essentiel d’avoir des idées larges. Leur fanatisme se manifeste sous des formes diverses, depuis le simple éloignement de la société jusqu’aux explosions de haine et au déchaînement de passions vieilles comme le monde, ainsi qu’en témoignent les troubles raciaux qui sévissent actuellement aux États-Unis.
Les arguments qui militent contre l’intolérance ne sont pas uniquement d’ordre moral ; ils reposent sur deux considérations aussi simples que fondamentales : 1° il est humainement impossible de connaître tous les faits ni même le tout d’un fait quelconque ; 2° nous vivons à une époque de tension, dans laquelle la nécessité primordiale est d’accepter les droits, les devoirs et les privilèges de chacun indépendamment de sa famille, de sa religion, de ses antécédents politiques et nationaux et de son entourage.
L’ouverture d’esprit
L’esprit fermé est comme une baratte où s’agiteraient sans cesse les mêmes pensées : quelques opinions qui ne changent jamais. Il est toujours porté à écarter et à exclure, qu’il s’agisse de faire entrer des nouveaux membres dans un club ou d’ajouter des livres à sa bibliothèque.
L’homme à l’esprit ouvert se pose constamment la question suivante, afin d’éviter les malentendus : « Comment les autres envisagent-ils la question ? » Il le fait pour les membres de sa famille, pour ses voisins, pour les citoyens d’une autre ville ou d’une autre province, et pour ceux qui habitent aux extrémités de la terre.
Lorsqu’on regarde le spectre solaire, on voit les couleurs du violet au rouge, côte à côte mais se fondant les unes dans les autres et sans lignes de démarcation indiquant exactement où l’une finit et où une autre commence. C’est aussi de cette façon qu’il convient de considérer les gens. Il n’existe pas de vie toute noire ou toute blanche, ni tout indigo, bleue, verte, jaune ou orange, même si l’une ou l’autre couleur doit prédominer à un moment ou en un lieu quelconque.
C’est chez les Athéniens que nous trouvons l’un des premiers exemples de la reconnaissance formelle de l’importance de la tolérance sociale. Ce peuple avait vraiment l’esprit ouvert aux idées et aux opinions nouvelles. On sait que pendant son séjour en Asie Mineure saint Paul fut malmené par les foules, emprisonné, ridiculisé et battu, mais lorsqu’il arriva à Athènes, les habitants le firent comparaître devant leur plus haut tribunal, l’Aréopage, et lui demandèrent de leur faire savoir quelle était la nouvelle doctrine qu’il prêchait.
Avoir l’esprit ouvert ce n’est pas avoir la tête vide. C’est avoir le désir d’apprendre tout en étant exempt de préjugés, de parti pris et autres attitudes qui bornent nos vues. Celui qui a l’esprit ouvert ne se contente pas de déceler l’erreur ; il fait plus et mieux en s’efforçant de trouver la vérité qui la remplacera ; et lorsqu’il découvre quelque chose de beau, de bon ou de bien, il s’en réjouit, quelle qu’en soit la provenance.
Quelques causes de malentendus
Il est utile, pour éviter les malentendus, d’en connaître les causes les plus fréquentes.
Et d’abord la colère. S’il est une chose « qui rend l’homme semblable à la bête », c’est bien la colère. Il faudrait penser un peu plus au piteux spectacle que nous offrons quand nous sortons de notre caractère au point d’en perdre le sens de la dignité, de la bienséance et de la justice.
Les deux grandes causes de la colère sont la peur et l’humiliation. Lorsque quelqu’un nous vexe au travail ou dans le monde, l’émotion de la colère nous gagne instinctivement. Nous craignons les suites de la bévue dont nous avons été victime ou nous sommes mortifiés de ce que l’on nous ait fait cela à nous. Nous nous montons tellement la tête que, comme l’un des personnages du Peer Gynt d’Ibsen, nous « pourrions bouffer des cailloux ».
Puis, oubliant que c’est notre réaction, et non pas l’affront, qui importe, nous perdons toute maîtrise. Nous écrivons des lettres courroucées et nous proférons des paroles fielleuses. Nos sentiments, qui n’ont plus le frein de la raison pour les retenir, nous entraînent à bride abattue dans une brouille d’importance.
Il nous faut reconnaître que seules nos réactions dépendent de notre volonté. Dans nos rapports journaliers avec nos semblables, nous sommes un peu comme l’humble amibe, qui, incapable d’écarter les autres de sa route, doit se contenter de reculer ou de se laisser entraîner plus loin par les courants.
Voilà pourquoi celui qui veut éviter les mésententes s’évertue à rester calme au lieu d’entrer en fureur. Son calme n’offre aucune prise à son interlocuteur ; il désarme son adversaire ; il le grandit aux yeux des autres.
On peut juger de la grandeur d’un homme par les choses pour lesquelles il s’enflamme. La légende nous dit que sir Lancelot avait des lances de diverses longueurs et qu’il demandait sa Grande Lance ou sa Petite Lance selon les circonstances. Quoi qu’il en soit, il importe de ne jamais oublier le sage conseil de l’inimitable La Fontaine : « Plus fait douceur que violence ».
L’anxiété est aussi une cause fréquente de malentendus. Elle résulte de la rencontre du désir et de la crainte. Dans notre pays, où l’ou a si remarquablement réussi à vaincre les ravages de la maladie, il y a malheureusement de plus en plus de gens qui trouvent la vie triste parce que l’anxiété les tenaille.
Beaucoup de nos inquiétudes sont tout à fait hors de proportion avec les dangers véritables de la situation. Propagées par tous les moyens de diffusion, qui nous talonnent du matin au soir et entretenues par notre ignorance des multiples facettes de la vie moderne, ces inquiétudes deviennent autant de sources de sombres pressentiments.
La critique
La critique est à l’origine de bien des mésintelligences. Gardons-nous de jeter du froid dans la vie de nos amis et de nos employés en relevant leurs erreurs ou leurs omissions.
« Quand on veut montrer à un autre qu’il se trompe, écrit Pascal, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. » Il est bon, par conséquent, en examinant un travail que l’on soumet à notre approbation ou en étudiant un projet formulé par un membre de la famille, d’en chercher d’abord les bons côtés et de les faire ressortir. Commençons toujours par louer les qualités et par les apprécier à leur juste valeur.
S’il est nécessaire de critiquer un acte ou une situation d’ordre moral, comme la conduite de quelqu’un, par exemple, n’oublions pas qu’il faudrait être sans défauts pour accuser autrui. La comparaison de la paille et de la poutre est toujours d’actualité.
Mais si c’est l’inverse qui se produit et que vous êtes vous-mêmes l’objet de critiques, peut-être injustement, quelle conduite faut-il adopter ? Trois excellentes attitudes sont possibles : demandez-vous si la critique a raison et, s’il en est ainsi, reconnaissez-le tout de suite ; demandez-vous si vous pouvez profiter des critiques pour améliorer votre travail ou mettre plus de bonheur dans votre vie ; demandez-vous si le censeur a le droit de vous critiquer et, s’il ne l’a pas, détrompez-le avec douceur.
Quand il n’y a rien à retirer d’une attaque, dit Sertillanges, il y a encore à s’en retirer, soi, à en sortir tout d’abord indemne, exempt d’affaiblissement et de rancoeur, ensuite grandi, amélioré par l’épreuve.
Le poison de l’envie
L’homme qui atteint à la supériorité dans un domaine quelconque ne peut échapper à l’envie. Les gens pensent par comparaison. Celui qui a un beau jardin excite l’envie de ses voisins ; celui qui a de l’avancement excite l’envie de ses compagnons de travail ; celui qui sait tirer parti des événements et qui réussit excite l’envie des ratés. L’envie est la rançon du succès et la vengeance de la médiocrité.
Le champ de l’envie s’est considérablement agrandi avec l’instabilité des classes de la société et les théories égalitaires de la démocratie. Les anciennes lignes de démarcation ayant disparu, l’envieux commence par se dire : « Pourquoi n’aurais-je pas ce que les autres ont ? », puis il en vient à demander : « Pourquoi les autres auraient-ils ce que je n’ai pas ? » Au lieu de se réjouir de son avoir à lui, il s’attriste de voir celui des autres.
Nous en trouvons un exemple classique dans l’histoire de la Grèce ancienne. En 1932, un archéologue découvrait les tablettes dont on s’était servi 2400 ans auparavant pour prononcer l’ostracisme contre Aristide. Cet homme fut banni d’Athènes sans avoir été accusé d’aucune faute, mais simplement parce que les citoyens lui en voulaient d’être tellement meilleur qu’eux. Plutarque raconte qu’au moment du vote, un paysan illettré le pria d’écrire pour lui le nom d’Aristide sur sa tablette, et que le grand Athénien lui ayant demandé ce qu’Aristide lui avait fait, il répondit : « Rien, mais je suis ennuyé de l’entendre partout appeler le Juste ».
Les méfaits des commérages
Les commérages font perdre la tête à bien des gens et engendrent plus de rancunes dans une collectivité que n’importe quel autre défaut. Les cancaniers s’attaquent à tout ce qui n’est pas de leur goût. Ils ont une très haute opinion de leurs propres mérites, mais se contentent de laisser ceux des autres dans une étrange pénombre de sous-entendus, de demi-vérités et d’imprécisions. Ils font passer le zèle pour de l’impatience et de l’autoritarisme ; la tempérance et la discipline pour de la dureté ; la justice pour de la cruauté et la foi religieuse autre que la leur pour de la superstition.
On a vu des gens poussés à bout par des propos calomnieux et des soupçons tout à fait injustes se fâcher jusqu’au point d’asséner des coups au cancanier à la langue trop affilée et se faire ainsi un tort irréparable.
L’homme courageux et intrépide n’hésitera peut-être pas à affronter l’auteur des commérages en présence d’un ami et à exiger une rétractation. Mais les caractères moins résolus endureront les ragots et laisseront le soin à la vérité d’orienter le jugement des personnes dont l’opinion leur importe.
Il y a beaucoup de conditions à remplir pour réussir dans la politique, les affaires ou l’éducation des enfants, mais la plus nécessaire est sans doute de savoir supporter l’humeur grincheuse de nos semblables et de nos collègues. Nous pouvons endurer avec dignité de grands chagrins, mais les petites provocations nous irritent.
Les situations qui nous horripilent sont de deux sortes : celles auxquelles nous pouvons quelque chose et celles qu’il nous est impossible d’empêcher. L’exemple du bon épéiste pourrait ici nous servir : quand il ne peut parer un coup, il l’encaisse avec son bouclier. Il y a aussi l’excellent conseil de ce philosophe de l’Orient qui, ayant reçu un coup de pied de sa mule, ne voulut pas relever l’insulte qui lui venait d’un si vil offenseur.
Clara Barton, la fondatrice de la Croix-Rouge américaine, était de cette trempe. À une amie qui lui rappelait des choses particulièrement cruelles qu’on lui avait faites plusieurs années auparavant et qui lui disait : « Vous ne vous en souvenez pas ? », elle répondit : « Non, je me souviens très bien de les avoir oubliées. »
Les préjugés et l’orgueil
Les préjugés étant issus de mésentente, il n’est pas étonnant qu’ils en soient l’une des causes les plus fécondes. Voltaire appelle le préjugé « la raison des sots ». C’est une opinion chère fondée sur les ouï-dire ou la tradition, qui empêche toute investigation impartiale ; un ramassis de certitudes stupides et d’ignorance.
Préjugé veut dire jugement prématuré. Lorsque nous rencontrons une personne qui prend son parti avant d’avoir étudié les faits nécessaires pour en arriver à une conclusion intelligente, nous nous heurtons à ce que l’on a désigné sous le nom de « loi d’antériorité ». C’est ce qui s’est produit dans le cas d’Anytos, le tanneur, qui dirigea la persécution de Socrate ; dans le cas de Caccini et Lorini, les responsables des tortures qu’endura Galilée ; et c’est ce qui se produit dans le cas de celui qui arrive à une réunion de comité avec des exigences irrévocables, du politicien qui fait de l’obstruction pour chercher à imposer ses propres désirs, du sorcier qui fait décapiter le missionnaire pour protéger sa situation privilégiée.
Il n’est pas du tout facile de découvrir quels sont nos préjugés personnels. Nous y sommes si habitués, ils sont si ancrés dans nos pensées, qu’il nous faut faire de profondes et honnêtes recherches pour les trouver. Mais il vaut la peine de les déraciner, tant à cause du profit que nous en tirerons dans nos relations avec les autres que du sentiment de délivrance que nous en éprouverons.
L’orgueil entraîne souvent les hommes dans des situations qui aboutissent aux malentendus. On cherche à obtenir une prérogative pour soi-même ou pour sa famille, puis on se croit obligé de défendre l’état de choses ainsi constitué.
Qu’est-ce que l’orgueil ? Si l’on développe la réponse du petit catéchisme, il y a orgueil quand nous nous imaginons que l’unique raison d’être des étoiles est de scintiller pour nous ; il y a orgueil quand un homme d’affaires refuse d’accepter une nouveauté si elle ne vient pas de lui ; il y a orgueil quand, exalté par les votes qu’il a recueillis, un homme politique perd contact, dans sa nouvelle grandeur, avec ceux qui l’y ont élevé.
L’homme arrogant provoque la mésentente, sans compter qu’il se rend ridicule en affectant d’être ce qu’il n’est pas. Comme le coq de la fable, il en arrive à croire que c’est lui qui fait lever le soleil.
Comment éviter les malentendus
La sagesse suprême dans l’art d’éviter les malentendus consiste à faire travailler sa matière grise de façon à clarifier les situations. Définir les problèmes, les solutions et les mots employés. Les plus grandes disputes cesseraient à l’instant même si l’une des parties voulait bien préciser en quelques mots clairs et nets quel est d’après elle l’objet du litige.
Toutes les questions difficiles qu’il nous faut résoudre sont complexes. Elles le sont dans les causes qui leur ont donné naissance comme dans les émotions qu’elles agitent en nous. Aussi convient-il de reconnaître que deux et même trois points de vue contradictoires en apparence puissent exister et être partiellement justes.
Il faut ensuite savoir discuter, c’est-à-dire étudier en commun et de bonne foi le pour et le contre. Personne n’a le droit de se prétendre civilisé s’il est incapable de regarder les deux côtés de la médaille. La discussion est un échange où l’on expose ses idées et ses vues, mais où il faut aussi en retour accueillir et étudier celles des autres. Chacun doit parler à son tour, non pas pour faire triompher son opinion, mais pour faire jaillir la vérité.
Les concours oratoires d’autrefois, si fréquents chez les jeunes avant la première guerre mondiale, étaient un merveilleux exercice pour apprendre à examiner tous les aspects d’une question. Qu’ils eussent à défendre l’affirmative ou la négative, les orateurs devaient se familiariser avec les arguments de leurs adversaires afin d’être prêts à les réfuter.
Rien n’est plus utile, dans une polémique, que les interlocuteurs en viennent à constater que chacun d’eux n’est pas plus méchant que de juste. Il suffirait bien souvent que les uns et les autres fassent précéder leurs affirmations des trois petits mots « il me semble » pour éviter beaucoup de conflits et de querelles.
Le célèbre poète symboliste syro-américain Kahlil Gibran nous a laissé une fable fort intéressante à ce sujet. Quatre grenouilles se chauffaient paisiblement sur une bille de bois que le courant entraîna peu à peu vers les rapides impétueux d’une rivière. L’une des grenouilles crut que la bille était vivante ; une seconde affirma que la rivière l’emportait sur son dos vers la mer ; la troisième déclara que ce n’était ni la bille ni la rivière qui bougeaient, mais que le mouvement était dans leur esprit, car sans pensée rien ne bouge. Mais la quatrième grenouille leur dit : « Vous avez toutes raison et personne n’a tort. Le mouvement est à la fois dans la bille, dans l’eau et dans votre pensée. » Mais aucune des trois ne voulut avouer qu’elle ne possédait pas toute la vérité et que les deux autres avaient un peu raison. Elles se jetèrent donc sur la quatrième et la poussèrent dans la rivière.
Dans un monde qui change
Il y a, parait-il, un proverbe chinois qui dit : « Il n’y a rien de permanent dans la vie sauf le changement ». Le changement est une loi de la vie. Nous devons passer physiquement de l’enfance à l’âge adulte, mentalement de l’ignorance au savoir et affectivement de l’insécurité à la stabilité.
Il nous faut aussi évoluer en conformité avec notre milieu. La complexité de l’existence nous est venue avec le progrès scientifique et technique. Nous ne pouvons fermer les yeux et les oreilles aux faits qui changent autour de nous et fonder notre action sur les idées que nous portons déjà en nous.
De fait, il est bon de faire un bon nettoyage de temps en temps. Notre vie deviendra plus riche et plus belle si nous savons nous débarrasser de certaines vieilles idées et passer l’éponge. C’est courir après les ennuis que de toujours penser au passé, de ranimer d’anciennes divergences d’opinions et de revenir sur de vieilles querelles.
L’homme qui résiste au changement dans un monde en transformation fait preuve non pas de volonté, mais de vanité et d’infatuation. Il incommode les autres en s’évertuant en pure perte à refuser d’écouter la voix de la raison et de la sagesse. Un tel retardataire se sentira inévitablement mal compris.
Il est souvent nécessaire de faire des concessions dans la vie. Cela ne permet pas toujours de remporter une victoire, mais c’est un moyen presque infaillible pour s’entendre. Celui qui veut éviter la mésentente doit être prêt à transiger dans toute la mesure où il est possible de le faire sans compromettre ses principes.
Le grand précepte
Dans toute l’histoire de l’humanité, si jamais on a énoncé une règle de quelque valeur pour la conduite de nos vies, c’est bien celle-ci : « Ce que vous voudriez qu’on vous fasse à vous-mêmes, faites-le aussi aux autres. »
Ce précepte peut nous tromper par sa simplicité apparente. En réalité, il exige un peu d’effort de notre part. Ce n’est pas uniquement une affaire de sentiment, mais de raison et de sens de la justice. Il faut un acte de volonté pour repousser les pressantes sollicitations de nos propres désirs. Cela suppose la souplesse mentale nécessaire pour faire en sorte de voir la situation du point de vue des autres, c’est-à-dire partager effectivement leurs sentiments. Dans son Enfer, Dante nous représente une âme des bas-fonds de la géhenne emprisonnée dans la glace et privée à jamais de la faculté de sentir. La froideur du coeur est incompatible avec la loi de la charité.
Avec de l’intelligence, de la volonté, de la souplesse d’esprit et de la bienveillance, le grand précepte nous sera un adjuvant précieux et efficace pour éviter les discordes.
N’a-t-on pas entendu des hommes d’État et des philosophes affirmer que, dans le monde nouveau qui est en train de naître, ce grand précepte sera non seulement un devoir moral, mais une condition indispensable de survie.
Le seul moyen d’éviter les mésententes et partant d’échapper aux nombreux maux qui en découlent est d’agir d’une façon positive. Nous devons avoir de l’imagination pour voir ce qui est bien, du courage pour rejeter ce qui est mal, de l’adaptabilité pour accepter le changement, de la force pour résister à la haine et à la jalousie, et par-dessus tout de la charité.
La recherche de la bonne entente est la marque par excellence de la noblesse. Au lieu de peser sur des balances douteuses le bien et le mal que nous voyons chez ceux qui nous entourent, rappelons-nous qu’ils ont eux aussi leurs difficultés, leurs peines, leurs besoins, et qu’ils jouent sur la même scène que nous dans le drame de l’existence.
On entend souvent les gens parler des « impératifs » de la vie. En quoi consistait l’impératif catégorique, l’ordre inconditionnel de la nature, formulé par le philosophe allemand Emmanuel Kant ? Il se peut fort bien qu’il ait été conçu en tant que moyen de mettre fin à nos malentendus. Agis de telle sorte, nous commande-t-il, que le principe de ton action puisse devenir une loi universelle.