Une révolution intellectuelle s’impose chez les adultes. Dans un passé encore récent, on pouvait fort bien se tirer d’affaire avec le bagage de connaissances acquis à l’école, et si quelqu’un suivait des cours, c’était plutôt par manière de passe-temps. Mais les choses ont changé. La poursuite des études, une fois les classes terminées, est aujourd’hui une nécessité vitale.
Il y a au moins quatre facteurs à l’origine de cette situation. (1) Ce qui se passe dans le monde influe sur chacun de nous, et non plus seulement sur les pays, les chefs d’État et les hommes politiques ; (2) l’automation exige de vastes connaissances, de la souplesse et de l’adaptation ; (3) les changements sociaux ont pris les adultes par surprise, et leur manque de préparation ne laisse pas de les embarrasser ; (4) la multiplication des loisirs menace de détruire les qualités essentielles de l’être humain.
Il faut une plus grande connaissance et une compréhension plus profonde des êtres et des choses pour vivre heureux dans le monde d’aujourd’hui. Les sciences appliquées ont révolutionné les manières de voir et les convictions personnelles. Sans un savoir bien à jour, l’homme moderne est voué à la peur et à la confusion.
La poursuite ininterrompue des études nous permet de dépasser les jugements faciles et la formation superficielle et incomplète de notre jeunesse. Elle nous fait acquérir des qualités d’esprit qui nous rendent capables de comprendre nos devoirs, de découvrir des possibilités et de nous édifier une philosophie qui deviendra partie intégrante de notre vie. C’est une initiation continuelle à l’art de vivre.
La situation mondiale
Seule l’instruction postscolaire peut nous conférer la sagesse indispensable à la conservation et à la consolidation de notre société. Dans une démocratie comme le Canada, les fondements du pouvoir social ont leurs racines dans le peuple. C’est pourquoi le peuple a le devoir de poursuivre sa formation, afin d’être en mesure d’apprécier les idées nouvelles, d’évaluer la portée des événements, de juger les buts et les effets des lois.
Cette conception constructive de la vie est la condition essentielle de toute liberté durable. La rectitude du jugement, la discipline de l’énergie créatrice, le dévouement éclairé, ainsi que les précieuses qualités que sont le discernement des valeurs, la compréhension et la bienveillance, et qui ont besoin du savoir pour se développer, tout cela contribue à nous rendre aptes à l’exercice des obligations et des privilèges de la liberté. Le grand philosophe et éducateur américain John Dewey prétend que « nous sommes libres dans la mesure où nous agissons en sachant ce que nous faisons ».
Il est indéniable que l’état de confusion actuel s’est produit à notre insu. Les jeunes grandissent parmi les idées et les coutumes nouvelles ; leurs parents y ont été jetés et y suffoquent encore. Nous nous attendons à vivre toute notre vie dans le monde où nous sommes nés, mais ce monde a changé et change sans cesse. Il importe de savoir nous renouveler et nous adapter à ce nouveau milieu.
Il ne suffit pas de ne pas reculer ; il faut avancer. Le monde ne va pas s’arrêter en attendant qu’une autre génération prenne les choses en main. Ce sont les adultes qui édifient les foyers, les églises, les écoles et les paroisses. Ce sont eux qui tracent la ligne de conduite à suivre sur le plan politique, économique et social. C’est à eux qu’il appartient de combattre les dangers et de profiter des possibilités pressantes de chaque jour.
Les pères et les mères doivent agir pendant que leurs enfants se préparent. De leurs décisions dépendra le monde qui se crée pour les enfants. Comme le disait, il y a quelques années, le président du Fonds pour l’enseignement des adultes, « si ardent que soit notre désir de voir nos enfants et leurs enfants nous surpasser en habileté et en jugement, il reste que ce sont les hommes et les femmes ayant actuellement atteint leur maturité qui prendront les grandes décisions du présent et de l’avenir immédiat. Une éducation libérale poursuivie avec persévérance leur fournira les moyens de prendre ces décisions avec la sagesse de la réflexion et le courage des convictions profondes. »
Cela ne va pas sans effort
Hélas ! au moment même où ce besoin s’impose à eux, les hommes et les femmes de notre époque sont sollicités par la tendance du jour, qui consiste à glorifier les loisirs. Certains se contentent de respirer, croyant que c’est là vivre. D’autres ne connaissent que le plaisir de la satisfaction des sens et des joies mondaines, sans se préoccuper d’éclairer leur intelligence et de faire valoir leurs talents. D’autres enfin poussent la prétention jusqu’à croire qu’ils font bon usage de leur temps libre alors qu’ils s’emploient tout bonnement à tuer le temps, ce qui a peut-être l’avantage de les empêcher de faire pire.
L’ennui que ressent celui qui accomplit un travail nécessaire mais sans intérêt n’est rien en comparaison du sentiment qui l’accable quand il n’a rien d’utile à faire de ses journées. Et l’ennui est comme l’ancien supplice de l’eau : les minutes tombent goutte à goutte sur l’esprit jusqu’à ce que la raison vacille.
Le sage évite l’ennui en demeurant attentif et sensible à ce qui se passe autour de lui, mais cela exige un effort. Il ne nous est plus possible d’acquérir le savoir par amusement comme nous le faisions à l’école primaire, mais si nous savons persister, l’énergie nécessaire pour poursuivre notre route deviendra une habitude.
C’est, en réalité, par le travail que nous éprouvons le sentiment le plus profond de notre épanouissement, de la considération d’autrui et de notre valeur personnelle. Seul l’effort bien dirigé nous permet de nous élever au-dessus de la médiocrité.
Sur la couverture de l’une des brochurettes éducatives de la Sun Life du Canada figure une citation de M. M. Coady, l’un des principaux animateurs du mouvement coopératif et d’enseignement des adultes d’Antigonish : « L’homme qui a cessé d’apprendre ne devrait pas être autorisé à errer en liberté à une époque aussi dangereuse que la nôtre. »
Les centres d’intérêt
Pour vivre pleinement et s’acquitter de ses devoirs d’adulte, il n’est pas nécessaire d’être un intellectuel ; il s’agit tout simplement de savoir apprécier la vie. Des centres d’intérêt, vastes et multiples, sont une assurance contre l’effondrement, et ils permettent d’accéder à une plénitude insoupçonnée. Plus il y a de choses qui nous intéressent, moins nous sommes à la merci du sort, car si nous en perdons une, il y en a d’autres pour la remplacer.
Ce n’est pas à dire que nous devons nous affairer à une multitude de banalités, qui occupent l’esprit sans l’enrichir. Mais il convient de ne pas s’attacher outre mesure à quoi que ce soit – joie ou douleur, jardinage, petits-enfants, politique, golf, etc. – de peur de devenir incapable de nous intéresser à autre chose. Il serait bon à ce propos de chercher sans cesse à s’intéresser à quelque chose de nouveau, ne serait-ce qu’à accrocher une nouvelle peinture dans la maison ou mettre une nouvelle plante en pot.
L’intérêt des choses commence d’abord en nous-même. Même s’il est simulé, l’intérêt n’est pas sans utilité, car il accroît notre perceptivité et fait poindre des lumières nouvelles dans notre esprit.
Trop souvent, des idées jaillissent en nous que nous adaptons sans réflexion aux conceptions que nous avons déjà. Nous ne les laissons pas éveiller en nous de nouvelles pensées et nous ne prenons pas la peine de les embellir avec les idées du passé. Il y a pourtant là une merveilleuse possibilité d’enrichissement. Pourquoi ne pas saisir une de ces idées, et en prendre le contre-pied ; faire lever un lièvre et nous amuser à le poursuivre ?
Comment trouver de nouveaux centres d’intérêt ? Pensez aux innombrables choses auxquelles s’intéressent les autres et examinez vos propres goûts. Ou encore regardez en vous-même pour voir s’il y a des places libres ; trouvez un vide et comblez-le. N’avez-vous pas négligé dans vos lectures tel domaine qui pourrait vous être précieux et agréable ? N’y a-t-il pas place pour la musique, les arts ou la rédaction ? Alliez la curiosité au travail, et vous aurez l’heureuse surprise de constater combien la vie est belle.
Ne vous arrêtez pas en route. Certains compositeurs s’élèvent à une grande hauteur, puis font retentir maintes et maintes fois le même accord. Ils manquent leur effet en refusant de continuer.
Ne vous laissez pas non plus rebuter par le manque d’expérience. Ce ne sont pas les fabricants de lentilles d’une ville réputée pour la qualité de ses instruments d’optique, mais un simple commis de magasin qui réalisa la première bonne lentille de microscope et qui le premier contempla le monde grouillant des infiniment petits dans une goutte d’eau. De même, ce ne sont pas des lampistes, mais l’ancien télégraphiste Thomas Edison qui inventa la lampe à incandescence.
Le choix des activités
Il ne faut pas s’attendre à voir les occupations intéressantes venir frapper en foule à sa porte. Le plus souvent, vous aurez à les pourchasser jusque dans leurs tanières, à acquérir le flair des choses dignes d’intérêt. Cela aussi a son charme.
La plupart des gens sont capables de se passionner pour une cause ou une tâche quelconque et pour laquelle ils manifesteront des dons oubliés ou inconnus. Comme le dit quelque part Edgar Dale, la plus triste oraison funèbre que l’on pourrait faire d’un homme serait peut-être de dire que l’on n’a jamais découvert ses talents cachés.
Prenez une feuille de papier et divisez-la en trois colonnes, que vous intitulerez :
Qu’adviendrait-il si ? Et si ? Quoi encore ?
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Puis notez dans chacune d’elles ce que votre imagination vous inspire. « Qu’adviendrait-il si j’entreprenais l’étude de la terre ? » Un visiteur du Musée royal de l’Ontario se sentit tellement humilié par son ignorance de la géologie qu’il décida d’étudier cette science, pour son plaisir et, peut-être même, pour le plus grand bien de ses semblables. « Et si j’apprenais une autre langue ? » Un jeune mari et sa femme, qui se proposaient de faire un voyage en Europe, commencèrent l’un à suivre des cours de français, l’autre des cours d’italien. Cela devait naturellement accroître l’agrément de leur voyage. Quoi encore ? Que puis-je faire encore de mes diapositives en couleurs en plus de les admirer ? Un photographe amateur utilisa ses vues de la nature pour illustrer une causerie qu’il prononça devant les scouts, les guides et les écoliers.
Voici un autre moyen de découvrir une activité qui donnera plus de saveur à votre vie. Posez-vous cette question : « Quelles sont les activités que je puis exercer seul ? Quelles sont celles qui m’obligeront à me joindre à un groupe ? Quelles sont les choses qui m’intéressent à la maison ? Quelles sont celles qui m’intéressent à l’extérieur ? Ce petit questionnaire vous aidera à diversifier vos centres d’intérêt.
On peut aussi employer la méthode rétrospective. Notez les choses qui vous ont intéressé quand vous étiez jeune, comme jouer du piano, collectionner des papillons, construire des modèles. Repassez les moyens qui vous ont servi à gagner votre vie : emploi de bureau, garde des enfants, dactylographie, vente. Quelles sont les choses qui vous ont intéressé en passant de l’adolescence à l’âge adulte : direction des scouts ou des guides, loisirs des jeunes, camping. Inscrivez les passe-temps auxquels vous vous êtes livré à diverses époques : travail du bois, philatélie, correspondance, poésie, journal personnel, etc.
Votre enquête n’aboutira peut-être pas directement ni immédiatement à une décision, mais vous êtes dans la bonne voie ; vous cherchez, et cela même est un plaisir. Quoi qu’il en soit, vous éprouverez une double surprise : celle des nombreuses possibilités qui vous sont offertes et celle des ressources dont vous disposez pour rendre la vie intéressante.
Après avoir établi une liste provisoire, passez à l’action. Essayez les diverses activités qui y figurent, avec enthousiasme et pendant un temps assez prolongé.
Peut-être avez-vous tenté de vous intéresser à certaines choses sans succès. Cela ne veut pas dire que rien ne vous intéresse, mais qu’il faut essayer autre chose.
Ne soyez pas trop pressé de réussir. La nature met cent ans à faire un chêne ; il n’y a que les petites choses, comme les radis, qui poussent en quelques semaines.
Se maintenir à la page
Il y a certes une infinité de choses agréables que l’on peut faire pendant ses temps libres, mais beaucoup voudront aller un peu plus loin, c’est-à-dire consacrer leurs loisirs à se tenir à la hauteur de leur temps, non seulement en matière de connaissances mais aussi en matière de compréhension.
Il était peut-être possible autrefois, mais il n’en est sûrement plus ainsi maintenant, de réussir dans la vie en se contentant d’exploiter le capital intellectuel acquis à l’école. Nous devons aujourd’hui accroître notre savoir et repenser nos anciennes idées.
L’Institut canadien d’éducation des adultes et son équivalent de langue anglaise, la Canadian Association for Adult Education, représentent les deux organismes nationaux qui se partagent le domaine de l’enseignement des adultes au Canada. Ils servent de moyen de communication et de collaboration entre les particuliers et les organisations privées et publiques, locales, provinciales et fédérales. Un grand nombre de sociétés nationales et provinciales travaillent de concert avec ces deux organismes.
Des milliers de jeunes adultes fréquentent les cours offerts par les cercles de jeunes gens et de jeunes filles, par les commissions scolaires, les ministères provinciaux de l’instruction publique, les services de vulgarisation des universités, les organismes de bien-être social, les syndicats ouvriers, les associations paroissiales et les entreprises industrielles.
Ces gens reconnaissent que la poursuite des études est un urgent devoir social tout en étant un excellent moyen de culture personnelle. Ils se sont rendu compte que leurs classes terminées, il leur restait une multitude de choses à apprendre et que beaucoup des choses qu’ils connaissaient déjà avaient bien changé. Aujourd’hui, ils comblent les lacunes de leur instruction et, reconnaissant que le monde a évolué, ils savent adopter une attitude prospective, c’est-à-dire envisager le présent, non pas en regrettant le passé, mais en fonction de l’avenir.
Les groupes de discussion
Certaines personnes aiment à travailler seules, à rechercher le savoir sans maître, en exerçant leur sens critique. La plupart, cependant, préfèrent se joindre à d’autres dans leur quête des principes.
Les dirigeants du Fonds pour l’enseignement des adultes, dont l’aide s’étend aux organismes voués à cette fin au Canada et aux États-Unis, affirment qu’« à leur avis, le meilleur moyen à employer pour assurer l’éducation libérale des adultes est l’étude individuelle alliée à la discussion en petits groupes. Dans un climat de ce genre, chacun peut apprendre à penser par lui-même et à s’exprimer, et, comme aucune méthode autoritaire n’intervient dans ce cas, un bon groupe de discussion représente la démocratie au travail. »
Un groupe de discussion n’est pas un endroit où la conversation roule sur des banalités, mais un milieu éminemment propice à la pensée et à la réflexion. Des idées qui seraient plutôt fragiles dans l’esprit d’un seul homme, prennent de la vigueur et de la souplesse lorsqu’on les extériorise et qu’on les soumet à l’appréciation des autres.
Les études et les discussions en groupe visent à apprendre aux participants à former des jugements personnels sur les questions importantes, à développer leurs facultés intellectuelles et leur sens esthétique, ainsi qu’à développer leur esprit de studiosité.
En quoi consiste l’éducation libérale que recherchent les hommes et les femmes qui lisent les grandes oeuvres littéraires ou scientifiques et qui se joignent à des groupes de discussion ? Elle ne tend ni à perfectionner une technique donnée, ni à obtenir un meilleur salaire, ni à satisfaire un désir matériel. C’est bien plutôt un épanouissement ininterrompu de l’esprit, qui jette quelques rayons de lumière dans nos vies et sur la vie elle-même.
En effet, l’éducation libérale ne consiste pas seulement dans l’acquisition du savoir, mais aussi dans celle de la sagesse et de la compréhension. Elle ne se limite pas aux études purement scolaires, mais elle dote l’homme des instruments nécessaires pour naviguer sur l’immense océan de la vie et elle le rend capable d’utiliser ses connaissances avec jugement et discernement.
L’âge importe-t-il ?
Il n’y a que les esprits légers ou indolents qui diront : « Je suis trop vieux pour entreprendre pareille tâche ». Ce n’est pas notre âge, mais notre attitude devant la vie, qui compte lorsqu’il s’agit de trouver la sérénité. Chaque époque de la vie, y compris la vieillesse, est une ascension vers un nouveau sommet.
« Si vous pensez tout connaître à propos de quelque chose, a dit un sociologue, vous êtes déjà vieux. Et si vous croyez qu’il n’y a pas de meilleure façon de faire une chose que celle dont vous la faites, vous êtes vieux. Mais si vous avouez volontiers que vous en savez très peu dans tous les domaines, vous êtes encore jeune. »
Il est évident qu’un homme de cinquante ans possède de plus riches réserves d’expérience et une meilleure appréciation des valeurs qu’un jeune homme de vingt ans. Mais au lieu de se laisser aller à une espèce de vie végétative et de puiser uniquement dans l’acquis des années antérieures, il peut fort bien retrouver sa jeunesse en exploitant et en élargissant le champ de ses idées.
L’âge adulte – qu’il s’agisse de 21 ans ou de 48 ans – est l’époque idéale de la vie. La jeunesse, avec ses conflits et ses incertitudes, est révolue ; c’est le moment où la vie s’épanouit dans toute sa plénitude.
En continuant à nous instruire, nous comprenons de mieux en mieux les choses telles qu’elles sont ; nous avons une meilleure idée de ce qu’elles peuvent devenir et nous voyons plus clair en nous-même. Il est sage aussi, quand l’heure est venue, de se retirer de l’exercice actif des affaires, afin de s’assurer une retraite utile et féconde. « Il conviendrait, dit le Dr Penfield, de repenser sous un nouveau nom le problème de la retraite. C’est le moment d’entreprendre une nouvelle carrière. »
Préparer sa retraite, ce n’est pas simplement amasser des ressources pécuniaires, mais aussi accumuler des richesses intellectuelles, afin de pouvoir considérer cette période de la vie comme un bienfait et une nouvelle étape plutôt que comme le terme de la vie utile et active.
En quoi consiste le savoir ?
Il ressort clairement de tout cela que l’instruction ne consiste pas uniquement à se remplir la tête avec les idées des autres et à accepter passivement leurs vues et leurs jugements sur les choses. Le but de l’instruction et de l’étude est d’enrichir notre intelligence personnelle. Il ne s’agit pas de copier l’oeuvre d’un maître, mais d’exprimer les pensées et les sentiments qui nous sont propres.
Le savoir n’est pas un ornement que l’on affiche avec ostentation. Il ne faut pas le confondre non plus avec les effets de style, ni même avec l’art de bien écrire. Ceux qui obtinrent la Grande Charte mirent leur croix au bas de la requête, car ils ne savaient pas signer leur nom. C’étaient pourtant des hommes sages, courageux et sincères, capables de reconnaître les principes et d’apprécier les valeurs.
Aux yeux de certains, il peut paraître chimérique de prêcher en faveur de la poursuite des études, mais il n’est pas exagéré de dire que dans l’état actuel de la société moderne, c’est là une condition essentielle de survie. La vie n’offre pas de plus grand plaisir que celui de triompher des difficultés, d’avancer pas à pas, de former de nouveaux souhaits et de les voir se réaliser. Il n’y a rien de tel pour délivrer les hommes de l’insignifiance, de leur solitude et de leur sentiment d’impuissance.
L’étude n’est certes pas une garantie de bonheur, mais elle a au moins l’avantage de nous mettre en meilleure posture pour affronter le destin. Ainsi, peut-être pourrons-nous, au terme de notre vie, dire avec le romancier allemand Richter, dit Jean-Paul : « J’ai tiré de moi-même tout ce qu’on pouvait tirer d’une pareille matière ».