Si l’on vous demande de présider une assemblée, c’est que l’on croit autour de vous que vous avez les qualités requises pour le faire. Il vous suffira en général d’un peu d’application et de beaucoup de bonne volonté pour vous en tirer avec honneur.
Le président doit envisager ses fonctions d’une manière positive et pratique. La discussion en groupe est la base sur laquelle s’élabore l’action des gouvernements, des conseils municipaux, des compagnies, des associations de toutes sortes. La mission du président est de veiller à la bonne marche de la discussion.
Il faut avant tout du bon sens. Autrement, les meilleures règles ne servent pas à grand-chose. L’organisation est également nécessaire, car, sans elle, il est impossible de guider l’assemblée sans à-coups vers son objectif.
Diriger une assemblée, c’est un peu comme monter un spectacle : il importe d’en répéter les diverses phases, puis de les bien présenter sur la scène. Il faut supprimer les détails inutiles ; passer rapidement sur les choses sans importance ; fournir à chaque acteur l’occasion de dire son rôle.
Les réunions qui ne sont ni des conférences professionnelles ou commerciales ni des assemblées annuelles demandent naturellement une direction beaucoup plus souple. Et c’est là que se manifeste vraiment l’art de présider.
Dans une assemblée d’hommes d’affaires, le directeur général peut à la fois être président, participer aux délibérations, surveiller l’horloge, en un mot avoir la haute main sur tout, mais dans une réunion de club ou de société, celui qui préside doit utiliser sa personnalité et ses talents sociaux pour atteindre le but de la réunion et faire en sorte que tous les assistants soient satisfaits d’y avoir participé.
La préparation
Ne commencez pas à vous tracasser dès que vous avez accepté une invitation de présider une réunion ; commencez à vous préparer. C’est le plus sûr moyen d’avoir du succès et le meilleur antidote contre le trac.
Il y a un immense avantage pour le président à régler d’avance les détails suivants : donner les instructions nécessaires à ses adjoints, tels le secrétaire, les présidents des comités et les autres membres du bureau, afin qu’ils interviennent à bon escient ; élaborer avec soin l’ordre du jour de la réunion ; prendre la résolution de se servir non seulement du règlement, mais aussi de son tact pour faire ressortir avec clarté les propositions et les idées, en assurer l’étude de la façon la plus équitable et formuler les décisions en des termes clairs et nets ; prévoir autant que possible les réactions de l’assemblée afin de ne pas être pris au dépourvu.
Pour bien organiser sa réunion, on conseille au président de prendre une feuille de papier, d’inscrire dans le haut l’idée à discuter ou la résolution à étudier, puis de séparer la page en deux en tirant une ligne jusqu’au bas et d’écrire « pour » dans une colonne et « contre » dans l’autre. Il s’agit ensuite de réfléchir, et de prévoir et de noter tous les arguments favorables et défavorables que l’on peut imaginer.
Ainsi, en prenant son fauteuil, le président se trouvera mieux renseigné que tous ceux qui sont dans la salle sur le déroulement probable de la réunion, ce qui lui donnera plus de liberté pour la diriger. Il lui sera aussi plus facile de signaler les points oubliés par les membres et de contribuer ainsi à rendre la discussion plus efficace et plus parfaite.
Il est indispensable d’avoir les faits à portée de la main, non pas pour en faire étalage inutilement, mais pour combler des lacunes éventuelles. Le président doit s’assurer qu’il y a dans l’assemblée quelqu’un qui est bien au courant de la question à l’étude ou qui a une certaine expérience de la ligne de conduite envisagée. C’est à lui aussi de se procurer les publications nécessaires, non dans le dessein de les lire à l’assemblée, mais afin d’avoir à sa disposition la documentation voulue pour répondre aux questions et animer la discussion.
Il ne faut pas trop compter sur l’inspiration du moment pour trouver des remarques et des directives opportunes. Mieux vaut suivre en cela le célèbre conseil d’un grand orateur français et ne jamais improviser sans être préparé.
Le président doit toujours tenir compte de son auditoire, du genre de personnes sur lesquelles s’exerce sa présidence.
Les uns arriveront aux réunions sachant seulement qu’il existe un problème à l’ordre du jour. Les autres en auront une connaissance plus approfondie ; ils ont déjà étudié la question et en connaissent la nature.
Les fonctions du président
Réduite à sa plus simple expression, la mission du président consiste à préparer l’ordre du jour, à le présenter à l’assemblée et à veiller à l’exécution des décisions prises.
Il importe de tenir les esprits constamment en éveil, d’éviter le verbiage et les digressions, de couper court aux discussions sans issue. Il suffit parfois, pour bien atteindre ces divers buts, de préciser une déclaration qui risque d’être mal comprise, de déceler les remarques inopportunes et de récapituler les points qui font réellement progresser les délibérations.
Il ne convient pas que les interventions du président soient longues et fréquentes, mais l’intérêt qu’il est tenu de porter à chacun et à tout ce qui se dit ne doit pas se relâcher un seul instant. Son rôle est d’amener les autres à exprimer leurs idées.
Un président doit accorder toute son attention à son assemblée. En adoptant le maintien majestueux d’un roi ou l’attitude distante d’un juge, il s’expose à sidérer les orateurs les plus enthousiastes. Il peut même gâcher une réunion rien qu’en consultant son secrétaire ou en fouillant dans ses papiers pendant qu’un membre s’adresse à lui.
Voici, en une seule phrase, ce que vous devez faire si vous présidez une réunion : suivre attentivement les délibérations, saisir les idées lumineuses et les faire ressortir, concilier les opinions divergentes ou celles qui ne diffèrent que par leur forme, éclaircir les affirmations ambiguës, résumer graduellement les faits afin de marquer les progrès accomplis.
S’il arrive – et le cas se présente dans les meilleures conditions – que plusieurs questions viennent tout à coup se greffer sur celle qui est à l’étude, le président ne doit pas hésiter à suspendre les délibérations pour les démêler.
Vous n’aurez guère d’ennuis si vous vous imposez les règles suivantes : écoutez ; ne participez pas à la discussion ; gardez-vous de manifester des préférences ; tenez les préventions personnelles en respect ; veillez à encourager chaque groupe à présenter tous les aspects de la question.
Présider avec art
Si le président qui exerce ses fonctions avec efficacité mérite des éloges, celui qui s’en acquitte avec art en mérite sans doute davantage.
Si modeste que soit l’assistance, si rebutantes que soient les circonstances, le président doit remplir sa mission honorablement, pour lui-même et pour sa fonction. Ce qu’il lui faut, ce n’est pas tant la science critique du règlement que la capacité de discerner ce qui apportera le plus de satisfaction aux participants.
Nous connaissons tous des présidents qui possèdent parfaitement leur technique, qui expédient une multitude de questions à un rythme endiablé. Mais nous savons aussi que nous sommes revenus bien des fois de leurs assemblées avec le sentiment de ne pas avoir pris part aux débats.
La civilité est aussi nécessaire que la bonne exécution de la tâche. Elle atténue la rigueur de la règle. La civilité permet d’observer les finesses du débat, tout en assurant le décorum. Elle devine l’imminence d’un conflit et s’empresse de l’écarter ou de l’amortir. Jamais elle ne manifeste de contrariété. Elle permet de bonne grâce de sauver la face à l’orateur qui a franchi les bornes du bon goût.
Soutenir l’intérêt
Pour soutenir l’intérêt, il est essentiel de faire participer les membres à la discussion. Si les choses paraissent languir, essayez de dégourdir les esprits. Lancez une question qui, tout en se rattachant au sujet, devance quelque peu le débat du moment. Appliquez-vous à faire vibrer la fibre voulue pour amener ceux qui n’ont pas encore parlé à exprimer ce qu’ils ont d’intéressant ou d’utile à apporter aux délibérations. Manifestez votre intérêt avec chaleur et enthousiasme.
Lorsque l’assemblée semble apathique, on obtient souvent de bons résultats en posant la question suivante : « Qu’arriverait-il si nous prenions telle décision ? » Mais il faut alors mettre une certaine attente dans sa voix, afin de tirer les esprits de leur torpeur.
Le bon président doit habituer ses gens à se lever pour parler. Le fait de rester assis favorise trop l’assoupissement de l’esprit ; le cerveau est plus actif quand on est debout.
Dans une réunion officielle, il est absolument nécessaire que toutes les remarques aient trait à la question à l’étude, mais dans les autres cas, on accorde généralement plus de latitude. Toutefois, le président doit sans cesse veiller à ce que personne ne s’éloigne trop du sujet. En plus de faire perdre du temps, les digressions obscurcissent la question. Un excellent moyen de ramener la discussion dans la bonne voie est de récapituler ce qu’on a dit jusque-là.
Ne laissez personne parler deux fois sur le même sujet avant que tous les autres aient eu l’occasion d’exprimer leur opinion. Il faut retenir les volubiles et encourager les timides. Au besoin, demandez aux langues bien pendues de céder la parole à leurs collègues, en disant, par exemple : « voyons ce qu’en pensent les autres. »
Les conflits
Quelque bien disposés que soient les membres du groupe que vous présidez, les conflits sont toujours possibles. Il n’y a pas que les plans et les idées qui s’entrechoquent mais aussi les personnalités.
Le président constatera parfois que les partis opposés cherchent à se servir du problème à l’étude pour faire triompher leur thèse. Beaucoup de prétendus débats ne sont rien d’autre que le tapage causé par les propagandistes en présence. Votre devoir comme président est alors d’exiger que l’on s’en tienne rigoureusement, dans la discussion, à la question à l’étude et que tous ceux qui prennent la parole s’adressent au président, même s’ils désirent s’opposer ou répondre à ce qu’on a dit antérieurement.
Les excentriques et les personnes qui se font une haute idée de leurs opinions posent toujours un problème. Ils s’imaginent facilement que le président les persécute en les rappelant à l’ordre. S’il arrive que des gens de cet acabit vous lancent des traits acérés ou en décochent aux autres membres de l’assemblée, efforcez-vous de les parer par une repartie enjouée et une remise au point.
Si la violence se déchaîne, saisissez les arguments opposés à deux mains et énoncez-les de façon à bien les élucider. Dites exactement et en quelques mots quelles sont d’après vous les thèses des antagonistes. Les contradictions ne sont souvent que des ambiguïtés. Assurez-vous que chacun parle de la même chose, du même fait, de la même proposition. Beaucoup de contestations et de malentendus se dissipent lorsqu’on s’entend sur les mots essentiels.
Ce sont là naturellement des situations qu’il faut chercher à prévenir. Le président peut faire beaucoup pour les éviter en brossant d’avance un tableau clair et net de l’objectif à atteindre. Et il vaut mieux agir avant que les esprits se partagent en factions irréconciliables, car lorsqu’un membre s’est prononcé, il lui est assez difficile de se dédire, même s’il a changé d’idée.
Les règles d’assemblée
Les règles à suivre pour diriger les délibérations avec ordre, que ce soit celles de Victor Morin, de Bourinot, ou de votre association, sont fondées sur la bienséance et ont pour but d’assurer à chacun la possibilité de prendre part au débat, d’empêcher les paroles trop blessantes et de faire observer le décorum qui s’impose dans les circonstances.
Le président est chargé, en tant que mandataire autorisé de l’association, de faire respecter les diverses prescriptions des règles adoptées, tant en ce qui concerne la liberté de parole et les privilèges des membres que les propositions, les amendements et le vote, et même de s’efforcer de réaliser l’unité d’opinion après que les désaccords ont été réglés.
Vous vous tirerez mieux d’affaire si vous vous abstenez d’appliquer le règlement avec trop de rigueur. Il suffit souvent d’intervenir avec douceur pour que tout rentre dans l’ordre. Un bon président ne se contente pas de dire que c’est écrit dans le livre. Il fait comprendre aux membres pourquoi la règle est nécessaire et pourquoi il l’applique dans tel cas. Celui qui agit par conviction a l’impression de profiter de quelque chose ; celui qui le fait parce qu’on l’oblige éprouve un sentiment de spoliation.
La tenue d’une réunion
Les buts de la discussion organisée consistent à établir quels sont les problèmes qui intéressent le groupement en cause et à procéder à l’étude des questions qui exigent une solution ou une décision.
L’assemblée n’est pas seulement la somme de ses membres, car ceux-ci agissent les uns sur les autres en exprimant et en échangeant leurs idées. Il paraît que l’on peut faire au moins 2,102 combinaisons avec un groupe de douze personnes. Tout ce monde se trouve réuni par les liens ténus du langage, qui sont comme les lignes de force d’un champ magnétique.
Ouvrez votre réunion sur un ton de confiance et d’enthousiasme. Indiquez en termes clairs et précis l’issue que vous entrevoyez, par exemple : une décision ou une résolution dans tel ou tel sens. Enoncez brièvement les autres solutions possibles, mais tenez-vous en aux faits, sans jamais prendre parti, ni par vos paroles ni même par l’inflexion de votre voix.
Après avoir adopté le procès-verbal de la dernière réunion, avec des modifications, s’il y a lieu, et réglé les affaires inachevées qui en découlent ; après avoir approuvé les comptes ; entendu les rapports des comités et donné lecture de la correspondance, vous en arrivez à la rubrique des « affaires nouvelles ». Les questions appropriées soulevées par les rapports des comités et la correspondance y figurent déjà.
Rigoureusement parlant, la solution d’un problème ou l’adoption d’une décision doit être présentée à l’assemblée sous forme de proposition ; cette proposition est ensuite appuyée, puis discutée et éventuellement modifiée, et enfin mise aux voix. En procédure parlementaire, il ne peut y avoir de débat sans que l’assemblée soit saisie d’une proposition en bonne et due forme.
La grande crainte du président sans expérience est le sous-amendement. Le simple amendement ne présente guère de difficulté : il ne doit pas être la contrepartie de la proposition ; il ne peut qu’en modifier les détails ; il ne doit pas non plus représenter une question entièrement nouvelle, ce qui constituerait une autre proposition ; il consiste ordinairement à ajouter certains mots à la proposition ou à en retrancher, ou encore à supprimer certains mots et à les remplacer par d’autres. Les mêmes règles s’appliquent au sous-amendement.
Voici un exemple : la proposition soumise à l’assemblée demande de verser $100 aux oeuvres de charité ; l’amendement veut que l’on donne $150 au lieu de $100 ; le sous-amendement vise à remplacer $150 par « $50 immédiatement et $100 répartis sur les cinq prochains mois. » Le président met d’abord le sous-amendement aux voix. S’il est adopté, la proposition principale modifiée par le double amendement se trouve par le fait même adoptée. S’il est rejeté, le président demande le vote sur l’amendement et, si celui-ci est adopté, la proposition principale modifiée l’est également. Si l’amendement est rejeté, la proposition principale est mise aux voix.
C’est la méthode la plus simple. Certaines autorités en la matière maintiennent qu’après le vote des divers amendements le président demande : « Désirez-vous adopter la proposition ? » Ou bien, si un amendement est adopté : « Désirez-vous adopter la proposition amendée ? » De toute façon, la proposition doit être lue sous sa forme définitive avant d’être mise aux voix.
Il est bon de consulter le règlement afin de bien connaître les prescriptions spéciales sur le vote. Certaines propositions, notamment celles qui se rapportent aux fonds, aux qualités requises des membres, à la modification des règlements exigent parfois la majorité des deux tiers de l’assemblée. Ainsi, s’il y a 12 membres votants et que 8 votent « pour », la motion est adoptée.
D’ordinaire, le président ne vote pas, sauf en cas de partage égal des voix. « Dans ce cas, lit-on dans un bulletin sur les règles à suivre dans les assemblées, publié par la Chambre de commerce du Canada, il vote habituellement contre la proposition, estimant que si la moitié des membres s’y opposent, il ne faut pas les forcer à l’accepter. »
Certaines propositions sont dites privilégiées. Telles sont, par exemple, les propositions d’ajournement ou de suspension de la séance. Elles doivent être appuyées, mais ne peuvent pas faire l’objet d’un débat, sauf s’il s’agit d’ajourner à une date autre que la date de réunion ordinaire, éventualité où la discussion est permise, mais sur ce point seulement.
Il n’y a que deux moyens réglementaires d’interrompre un membre qui a la parole : le rappel à l’ordre et la question de privilège. Le premier s’emploie lorsqu’un, membre estime que l’on a fait usage d’un langage inconvenable, que l’on a présenté des arguments étrangers à la question ou qu’une règle de l’assemblée a été violée ; le second s’applique quand un membre est d’avis que sa réputation ou celle de l’association est menacée.
Le président décide de ces questions sans débat, mais il peut consulter l’assemblée. Si le membre en cause n’est pas satisfait de la décision, il lui est permis d’en appeler. Le président soumet alors sa décision à l’assemblée en posant la question suivante : « La décision du président sera-t-elle maintenue comme étant celle de l’assemblée ? » Dans ce cas, il n’y a pas de débat et la majorité simple est suffisante.
La clôture de la réunion
Lorsque l’ordre du jour est épuisé, le président demande s’il y a autre chose. Si l’on soulève une question qui correspond au but de la réunion, il doit veiller à ce qu’elle reçoive l’attention voulue. Si personne ne répond, il proclame l’ajournement. Aucune proposition n’est nécessaire.
Une des tâches les plus importantes qu’il reste encore à faire est celle de rédiger le procès-verbal. Le compte rendu d’une réunion, le résumé de ce qui a été dit, fait ou décidé joue un grand rôle dans le bon fonctionnement d’une association. Il doit être objectif et sans parti pris, exact et complet.
C’est ordinairement le secrétaire qui tient le procès-verbal, mais le président doit s’assurer que le travail est bien fait. Certains présidents envoient le texte du procès-verbal aux membres peu de temps après la réunion, afin de mettre ceux qui étaient absents au courant de ce qui s’est passé et de permettre à ceux qui y ont assisté de relever les erreurs éventuelles et de les faire corriger à la prochaine réunion.
Les sources de renseignements
Ces quelques brèves considérations sur les techniques et les règles des assemblées n’ont certes pas la prétention d’être complètes. Comme toutes les règles d’assemblée, il convient de tenir compte dans leur emploi de la nature de l’association, du tempérament des membres, des préférences et des besoins de la cause.
Les lecteurs qui voudraient étudier la question plus à fond auront avantage à consulter l’ouvrage très pratique de Victor Morin, intitulé Procédure des assemblées délibérantes (Montréal, librairie Beauchemin, 1947), la fin duquel ils trouveront une excellente bibliographie. Au Canada, les principales autorités en la matière sont Beauchesne, Bourinot, Cushing, Geoffrion et Robert.