Les coulées profondément ravinées de Banff font admiration des touristes ; l’étrange beauté des terres maudites du Dakota-sud les séduit ; ils s’extasient à la vue des colonnes multicolores du Canyon de Bryce, dans l’Utah, et du manteau scintillant de Jacob, dans le désert de l’Arizona. Songent-ils parfois que ce sont là des terres mortes ? – mortes faute de protection contre le soleil et la pluie – mortes parce qu’elles ont été privées d’eau… mortes à jamais comme le deviendront bientôt des millions d’acres au Canada si l’on ne fait immédiatement ce qu’il faut pour les protéger.
La lutte contre le désert envahisseur ne connaît pas de trève. Les anciens pays de l’Orient y étaient déjà astreints. On y creusait des citernes pour recueillir l’eau des pluies, on endiguait les rivières pour capturer l’eau que l’on conduisait dans les champs au moyen de rigoles. Lorsque le niveau de la rivière était au-dessous de celui de la terre arable, on élevait l’eau au moyen de pompes et de manèges, actionnés par des hommes ou des chevaux. Quand l’eau coulait sous terre on allait la chercher en creusant des puits où on la prenait avec des seaux pour l’irrigation.
Ces anciens plans de conservation et d’irrigation étaient assez bons si l’on tient compte du fait que les terrasses et les fossés devaient être construits et creusés par la main de l’homme mais ils ne souffraient plus aujourd’hui ; en fait toutes les ressources de la science moderne et de l’ingéniosité humaine ne seront pas de trop si nous ne voulons pas être acculés, avant peu, à la culture « sans terre » des récoltes. Il y a seulement trois siècles la population du monde n’était que de 465 millions ; elle est aujourd’hui de trois milliards. Pour donner trois repas par jour à toute cette multitude, il faudra tirer de chaque récolte annuelle de céréales, de légumes, de bestiaux, de toutes les choses enfin qui entrent dans l’alimentation de l’homme, 2,775,825,000,000 de repas de plus qu’en l’an 1650, et c’est la terre qui sera appelée à fournir tout cela.
Soyons réalistes
Présentée ainsi sous forme de repas, cette question de la conservation du soi prend un aspect plus saisissant ; elle sort des brumes de l’hypothèse ; elle devient une question d’intérêt immédiat pour toute la population, hommes, femmes et enfants. La destruction des ressources est toujours un mal qui a de très grandes ramifications, et il n’y a pas de ressource plus importante que les huit ou dix pouces de la surface du sol. La question de savoir si le monde pourra continuer à nourrir ses habitants dans quelques générations dépend de ce l’on fera pour protéger le sol contre l’érosion.
L’attention s’est portée tout particulièrement sur l’Ouest du Canada, qui a connu des heures tragiques en ces dernières décades, mais le besoin de conserver et de restaurer est tout aussi pressant dans l’Est. L’Île du Prince Édouard, le jardin du Canada, s’use peu à peu sous l’action de l’eau. À Charlottetown, pour arriver à un fond assez solide pour la construction des piliers d’un pont, les ouvriers ont dû percer à travers 90 pieds de boue. Cette boue était autrefois le revêtement fertile d’acres qui portaient des récoltes. Au Nouveau Brunswick, on affirme que la crue des eaux dans le fleuve St-Jean charrie en une semaine une quantité suffisante de limon fertile pour couvrir 3,000 acres de terre d’une couche d’un pouce. L’Ontario s’émeut, non seulement parce que la bonne terre est emportée par l’eau et que la dévastation causée par les terres abandonnées, qui n’auraient jamais du être ouvertes par la charrue, augmente sans cesse, mais aussi parce que les rivières, autrefois poissonneuses, s’épuisent, car le limon empêche le poisson de se nourrir et de se reproduire.
L’Ouest canadien
La colonisation de l’Ouest canadien a dû surmonter bien des difficultés depuis 1870, mais aucune de ces difficultés, à coup sûr, n’était plus grave que celle résultant de la sécheresse et de l’érosion.
Trois rapports avaient été présentés sur les ressources de ces territoire avant son occupation ; le premier en date était celui du Capitaine John Palliser en 1857. Ce rapport était nettement défavorable. « Toute cette plaine », disait-il, « sise dans ce triangle dont la base repose sur la frontière des États-Unis, et dont un côté part de Brandon et l’autre des lacs Watertown pour atteindre le sommet près de Saskatoon, est aride. » L’opinion de Palliser fut confirmée par un géologue anglais, Henry Y. Hind. Quinze ans plus tard, au cours d’une période de pluies copieuses, John Macoun présenta un rapport enthousiaste au gouvernement fédéral. L’étendue arable, disait-il, couvrait 200 millions d’acres.
La colonisation suivit rapidement, sans plan d’ensemble. Les chiffres suivants relatifs à la récolte de blé en 1926 et 1937, sur une étendue à peu près semblable dans les deux années donnent une idée de la fluctuation de la production dans cette terre promise.
1928 | 1937 | |||
boisseaux | par acre | boisseaux | par acre | |
Saskatchewan | 321,215,000 | 23.3 | 36,000,000 | 2.6 |
Trois provinces des Prairies | 544,508,000 | 23.5 | 156,800,000 | 6.4 |
L’érosion du sol est un grand problème dans l’Ouest. Bien des fermes ont été abandonnées à cause d’elle. Ce n’est pas un fléau nouveau. Déjà, en 1887, le vent chassait la terre de la ferme expérimentale d’Indian Head. Le district de Monarch, dans le sud de l’Alberta, paraît avoir été le premier à faire des efforts énergiques pour enrayer l’érosion ; il a même réalisé de tels progrès dans cette voie depuis 1918 que ce district est considéré comme l’exemple le plus frappant que l’on puisse trouver au Canada de la possibilité de lutter contre ce fléau, même dans une région où l’on peut s’attendre tous les ans ou presque à de grands vents.
La terre recouverte d’une bonne couche de végétation ne s’enlève pas au vent ; elle n’est pas non plus emportée par l’eau quand les hauteurs sont recouvertées de forêts qui retiennent l’eau des pluies, et les pentes, d’herbe ou de plantes qui ralentissent la descente de l’eau. Mais qu’une parcelle non protégée d’une ferme soit attaquée par le vent ou l’eau, le ravage gagnera les champs, les fermes ou les comtés voisins et tout y passera.
La « mort lente » du sol
L’érosion du sol est une mort lente, a-t-on dit. Elle est en effet funeste, non seulement à la végétation des plantes, mais aussi au progrès humain. Le cultivateur qui voit sa ferme graduellement emportée par l’eau ou par le vent, qui voit ses récoltes et ses revenus décroître sans cesse, se décourage, son moral s’affaiblit.
Une population de cultivateurs heureux et prospères est la plus grande richesse d’un pays, mais quand le moral se perd, quand les paysans deviennent apathiques, tout le pays souffre.
La perte de ce capital représenté par la productivité du sol est assurément un des risques les plus à craindre. Il n’y a pas encore bien longtemps, si quelqu’un avait eu la témérité de prétendre qu’une ferme devrait être administrée comme une entreprise commerciale, avec des registres et des comptes, on l’aurait traité d’insensé, mais les temps ont bien changé depuis lors.
L’étude de l’administration de la ferme, les relevés de la production par acre, indiquent très nettement les détails sur lesquels l’attention doit porter pour maintenir ou rétablir la fertilité.
Une calamité nationale
Le cultivateur et sa famille ne sont pas les seuls lésés par l’érosion du sol ; ses effets s’étendent à toute la collectivité. Les contribuables qui paient régulièrement leurs impôts sont nécessaires à la municipalité. Quand les fonds ne rentrent plus parce que les gens ne peuvent plus payer leurs impôts, quand il n’y a plus d’argent pour payer les maîtres d’école, la construction des chemins et des ponts, et les nombreuses autres initiatives nécessaires et désirables, toute la campagne en souffre.
Le niveau de l’embauchage dans l’industrie manufacturière varie selon le pouvoir d’achat de toute la population, et il est à noter à ce sujet que les cultivateurs forment une proportion de 20 pour cent de la population canadienne. Si le niveau d’existence de 20 pour cent de la population d’un pays est bas pour une raison quelconque, il est clair que les conditions d’existence de toute la population et sur tous les points du pays en souffriront, et que cette détérioration entraînera fatalement le chômage et la dépression. On voit donc que la perte constante et criminelle du capital de la ferme, sous forme de sol productif, n’est que le premier anneau d’une chaîne d’événements qui intéresse profondément toute l’économie du pays.
Mais examinons un autre aspect de cette chaîne de causes et d’effets. Quand la terre part au vent, le coût de l’entretien des lignes de chemin de fer augmente ; les grandes routes s’enlisent ; les mauvaises herbes roulantes retiennent la terre qui s’amoncelle en gros tas, à tel point qu’un boghey peut passer par dessus une clôture.
Quelques exemples
Il y a quelques années, une enquête a révélé que dans un petit district de l’Ontario, 75 bâtiments de ferme étaient classés comme passables ou pauvres, tandis que 44 autres étaient été abandonnés ou démolis, révélant ainsi une tragique histoire d’espoir, de labeur acharné et de déceptions. La terre était bonne au début, mais elle a été cultivée sans prévoyance. La charrue l’a exposée aux attaques des vents et de l’eau ; la productivité a faibli ; les revenus ont diminué. Garçons et filles ont abandonné la ferme pour la ville. Une ferme qui, il n’y a encore que peu d’années, nourrissait et habillait une famille nombreuse, ne fait plus vivre personne aujourd’hui et constitue un danger pour ses voisins. Autrefois son propriétaire déposait de l’argent à la banque, il achetait des machines agricoles, il était le soutien principal du commerce de détail local, le meilleur client des maisons de commandes par la poste. Il aidait à nourrir la ville. Aujourd’hui sa ferme n’achète rien, elle ne paie pas de taxes, elle ne produit rien pour ajouter au revenu national ou à la richesse du pays. Elle ne nourrit personne.
Certains cultivateurs trouveront peut-être des raisons pour justifier leur culture intensive et irraisonnée mais la nature n’en trouve pas. L’intérêt particulier s’oppose à l’intérêt public ; il est aussi contre l’intérêt réel de l’individu parce que la culture fait partie de toute la structure économique du pays, et quand l’économie est attaquée, l’individu en souffre. En veut-on un exemple : Dans le canton de King, le déboisement de cinq acres de terre près de la source d’un cours d’eau permanent a converti ce dernier en cours d’eau temporaire et a ruiné l’industrie d’un moulin. En 1941 il y avait, dans les provinces des Prairies, plus de quatre millions d’acres de terre abandonnée – une étendue qui, si l’on se base sur la moyenne à long terme de 15.6 boisseaux par acre, pourrait encore produire 62,400,000 boisseaux de blé par an si la terre était restée intacte.
Les causes de l’érosion
Devant ces effets alarmants de l’érosion sur la prospérité des cultivateurs, les affaires, la vie de la collectivité et celle de la nation en général, il convient d’examiner sommairement ce que l’on entend par érosion, comment elle se produit et quelles en sont les conséquences.
Les deux causes principales de l’érosion sont le vent et l’eau. La pente de la terre est un facteur important, de même que la température et la nature physique du sol. La proportion d’eau de pluie qui peut être utilisée dépend de trois facteurs : l’évaporation, la nappe d’eau souterraine et l’eau de surface ou d’écoulement. En l’absence de facteurs retardant l’écoulement, comme la végétation, ou les obstacles mécaniques, comme les barrages ou digues, les terrasses et les fossés, l’eau qui s’écoule entraîne la terre de la surface, la charrie dans les cours d’eau et la dépose, à la longue sous forme de limon. C’est ce que l’on appelle l’érosion de surface.
L’érosion de surface est d’autant plus dangereuse qu’elle est à peine visible. Elle peut se continuer pendant des années, et le cultivateur ne se rend pas compte de ce qui se passe ; tout ce qu’il voit, c’est que le rendement de la récolte diminue sur certains points. L’érosion de surface n’est pas aussi grande que le ravinement, mais elle est d’autant plus grave qu’elle échappe à l’attention. Quand la terre est en pente ou quand la surface du champ est sillonnée de petits canaux naturels, il se forme de petites rigoles après les grandes pluies ou à la fonte des neiges. Ces rigoles négligées forment des ravins ; ces ravins peuvent aussi suivre les ornières creusées par les roues des voitures, les pistes tracées par les bestiaux ou même les sillons montant ou descendant la pente. Ils se multiplient comme l’intérêt composé. Ils sont nombreux les ravins ayant cent pieds ou plus de profondeur qui engloutissent des tonnes de la terre de surface.
Les ravages de l’érosion
Mais le sol n’est pas le seul à souffrir. La terre charriée par les cours d’eau remplit les réservoirs. Aux États-Unis la durée de la vie utile d’un réservoir a été réduite par l’infiltration de limon à la moitié de celle que les ingénieurs avaient calculée. Gonflées par les torrents d’eau qui viennent au printemps de la terre non protégé le long de leurs bords, les rivières débordent et causent de grands dégâts. Port Hope, Brantford, London, Chatham et des douzaines d’autres endroits de l’Ontario sont presque tous les ans visités par des inondations qui abîment les propriétés commerciales et les résidences ainsi que les travaux publics. À Galt l’inondation a causé pour $125,000 de dégâts en une seule année.
Mais la conservation du sol n’est traitée qu’au point de vue du cultivateur dans cet article ; ce qui nous intéresse particulièrement ce sont les plaques beaucoup trop nombreuses de terre dévastée et les moyens d’empêcher leur multiplication. Il n’est pas nécessaire de parcourir une grande étendue de territoire pour se rendre compte de l’extrême importance qu’il y a d’agir sans plus attendre. Partout, dans presque toutes les localités, la désolation commence à se révéler.
Autour de Drumheller, dans l’Alberta, les cultivateurs ont devant les yeux, tous les jours de l’année, une tragique leçon de choses. De grandes parties de la vallée sont profondément ravinées, déchiquetées par le vent et par l’eau en colonnades et monticules fantastiques, gris et morts, aussi inertes, aussi inutiles que la terre lunaire. La seule chose vivante que l’on rencontre ici et là, est une armoise ou un cactus. Au sud, dans les contreforts des montagnes, les rivières qui, il n’y a encore que quarante ans, coulaient toute l’année et où la truite foisonnait, se tarissent maintenant un mois après la fonte des neiges. Même dans les collines la seule provision d’eau que l’on puisse tirer d’une source autrefois jaillissante doit être extraite de la boue par compression.
Et tout autour de ces scènes de dévastation il y a des millions d’acres de terre encore productive, portant même de fiches récoltes, mais qui deviendront un jour un désert, des terres maudites, si l’on ne prend les moyens de les protéger.
Il ne suffit pas d’enrayer l’action de l’eau et des vents, de les empêcher de chasser et de charrier la terre, il faut aussi rétablir et maintenir la fertilité. La science des sols est une science compliquée ; la nature des sols varie beaucoup d’un district à l’autre. Il ne suffit pas de fixer la terre en place, il ne suffit pas de la conserver, il faut aussi la faire produire, maintenant et toujours. Après l’avoir fixée sur place pour l’empêcher de se soulever et de partir au vent et à l’eau, il faut la recharger de nourriture pour les plantes.
La terre qui disparaît
Le problème ne souffre pas de délai. Deux savants anglais, G. V. Jacks et H. G. Whyte, auteurs du livre sur « La terre qui disparaît » (Vanishing lands) s’expriment en cas termes. « Par suite de l’impéritie humaine, les sols sur lesquels les hommes ont cherché à fonder des civilisations nouvelles disparaissent, emportés par l’eau et par le vent. Aujourd’hui la destruction de la mince couche de terre vivante a lieu avec une rapidité sans exemple dans l’histoire, et lorsque cette mince couverture du sol sera partie, les régions fertiles où elle se trouvait deviendront des déserts inhabitables.
Est-il donc exagéré de dire avec les marchands d’instruments agricoles qu’une proportion d’environ 14 pour cent de la terre de ce continent a déjà perdu sa capacité de production agricole ? Ou de dire avec le professeur A. F. Coventry de la Faculté de zoologie de l’Université de Toronto qu’il y a dans la partie agricole de l’Ontario quelque 5 millions d’acres, un sixième environ du total, qui ne peuvent plus servir qu’à porter des arbres, mais où il n’a pas d’arbres ?
Une couche de terre, d’un pouce seulement d’épaisseur, enlevée d’un acre, représente une perte d’environ 700 livres d’azote, 155 livres de phosphore et 5,380 livres de potasse. « Cette seule quantité de phosphore, » dit un feuillet distribué par le Ministère fédéral de l’Agriculture, « équivaut à celle qui est enlevée du sol par la production de 485 boisseaux de blé. »
Mesures préventives
Les millions de tonnes de notre terre fertile qui ont été entraînées dans l’océan par les rivières ne peuvent être récupérées, et certains procédés naturels d’érosion ne peuvent être complètement enrayés, mais les pertes peuvent être réduites à des proportions modérées. Il est encore temps, mais il faut s’y mettre sans tarder.
On attend un grand bien de la loi sur le rétablissement de l’agriculture des Prairies, promulguée par le Parlement en avril 1935, et destinée à fournir les moyens de remettre en culture les terres arides si exposées à l’érosion éolienne dans les plaines découvertes du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
La loi en question utilise toutes les ressources nécessaires des ministères de l’Agriculture du Dominion et des provinces, elle coordonne toutes les agences existantes et groupe ses travaux sous trois en-têtes : façons culturales, utilisation de la terre, aménagement de l’eau. Des millions d’acres de terre arable ont bénéficié directement ou indirectement des travaux de culture, et environ deux millions d’acres ont été convertis en pâturages. La plantation d’arbres pour orner les abords de l’habitation et former des brise-vents a été grandement stimulée. On a construit 54,000 digues et réservoirs pour pouvoir abreuser le bétail, irriguer le sol et accumuler des réserves d’eau.
Des méthodes énergiques qui s’imposent
Ceci ne suffira pas, bien entendu. Il sera nécessaire également de reboiser la partie supérieur des bassins de réception des rivières et d’assurer le bon entretien de ces réserves forestières et d’autres terres boisées. Il faudra borner le nombre des troupeaux de gros et de menu bétail à celui que la végétation peut faire vivre.
Certaines gens prétendent qu’il y a trop d’interdictions dans l’organisation du rétablissement de la terre, mais elles sont nécessaires ; la remise en culture ne peut se faire sans interdictions sans quoi tous les bons travaux exécutés par une partie de la collectivité seraient réduits à néant par l’indifférence ou l’égoïsme d’une autre partie.
La conservation du sol exige des méthodes énergiques, brutales.
Un cultivateur convaincu des avantages de la conservation du sol fera bien de tirer parti des moyens que les agences gouvernementales et les organisations agricoles mettent à sa disposition.
La première chose est de décider l’emploi qu’il doit faire des différentes parties de sa terre, en tenant compte du rendement probable des récoltes et de l’arrangement des récoltes, des pâturages et des bois, de façon à protéger la terre le mieux possible contre l’action érosive de l’eau et des vents. La deuxième chose est de voir comment il peut remédier aux conditions qui exigent une intervention de sa part : sols lavés par l’eau, exposés à l’action du vent. Enfin la troisième est de savoir profiter des connaissances et de l’expérience d’autrui et de les appliquer de façon intelligente et énergique.
Agriculture scientifique
Les cultivateurs canadiens, exploitant une industrie qui représente une mise de fonds de dix milliards et ayant une production annuelle de $2,500,000,000 de produits agricoles, ils ont parcouru une bien grande distance en ces soixante dernières années. Dans un article publié, il y a quelques années, dans la Revue de l’Institut agricole du Canada, M. L. B. Thomson, président de l’I.A.S., donnait de sages conseils et des avertissements opportuns : « C’est par l’application de sa propre expérience et des constatations des hommes de science à la culture de la terre, à l’entretien des récoltes et à l’élevage des bestiaux que le cultivateur a réalisé ces progrès. Toutefois, pour que l’agriculture maintienne la position qu’elle a acquise dans l’économie canadienne, pour que les produits des fermes canadiennes puissent affronter victorieusement la concurrence des produits analogues sur les marchés mondiaux, il faut, de toute nécessité, que les cultivateurs adoptent de plus en plus la culture scientifique. Il est admis par tous aujourd’hui que les méthodes empiriques ne sont plus de mise. Avec l’agriculture scientifique l’exploitation de la terre est devenue une véritable profession. »
La préparation d’un plan de conservation est une tâche pour des spécialistes ; son exécution exige des hommes possédant une formation scientifique. En ce qui concerne le cultivateur, l’appui enthousiaste des sociétés, agricoles et autres, contribuera puissamment au succès de ces efforts, et cet appui arrive de toutes parts. Les manufactures d’instruments aratoires s’évertuent à faire comprendre aux cultivateurs la nécessité et la possibilité d’améliorer l’état mécanique du sol. Les journaux agricoles prêchent sans cesse l’idée de la conservation et ils sont bien rares les numéros d’une revue agricole qui ne contiennent pas au moins un article sur le sujet.
Les cultivateurs doivent prendre l’initiative
L’action s’impose – une action organisée, intelligente, systématique. Il serait préférable que les cultivateurs eux-mêmes prennent l’initiative, qu’ils s’adressent aux services du gouvernement pour demander des conseils, de l’aide, une direction. Des hommes et des femmes s’intéressant profondément à la prospérité de leurs fermes peuvent se réunir en comité autour d’une table et tracer le programme de ce qu’ils espèrent accomplir ; l’exécution de ce programme peut être laissée aux experts.
La discussion entre groupes, l’échange désintéressé des connaissances et de l’expérience pour l’avantage de tous, aideront à réduire le gaspillage d’efforts, dû à une mauvaise direction ou à un manque d’expérience. La consultation entre les particuliers, les sociétés agricoles, les universités, les conseils de comtés, les ministères de l’Agriculture du Dominion et des provinces et les sociétés d’amélioration agricole, sur la meilleure façon de procéder, aidera puissamment à préparer des programmes utiles et à coordonner ces programmes en un vaste plan d’ensemble dont chacun bénéficiera.
Travail d’équipe
Un détail important est de maintenir la bonne perspective. Il ne faudrait pas que les particuliers attendent, en se croisant les bras, l’intervention officielle, ni que les organisations attendent qu’on leur présente des requêtes. Être content de soi ne suffit pas. Que tous les cultivateurs, que toutes les organisations s’intéressant de près ou de loin à l’agriculture, se mettent à l’oeuvre sans tarder, pour faire, dès maintenant, ce qui peut être fait. Il faut aussi envisager la durée. Il y aura sans doute des années de pluies abondantes, des années offrant des conditions parfaites pour produire les meilleures récoltes et retenir la terre en place, pendant lesquelles on sera tenté de négliger les pratiques de conservation, quoiqu’aucun cultivateur n’ignore que c’est pendant les bonnes années que l’on a la meilleure occasion de se préparer contre les mauvaises.