Un des gros soucis du gérant, dans une petite entreprise, est de maintenir la productivité. Les machines coûtent de l’argent, qu’elles fonctionnent ou non, parce qu’elles se détériorent et se démodent. Une machine oisive est comme un ouvrier qui ne fait rien ; on les paye sans en rien retirer. Il est donc essentiel d’organiser le travail et de bien connaître tout ce qui se rapporte à la production.
Comme les gérants de petites entreprises s’en rendent rapidement compte, un outillage d’utilité générale arrive à payer ses frais à un niveau relativement faible de rendement, tandis que les machines spéciales coûtent si cher et sont destinées à produire si abondamment que leur achat n’est justifié que par la nécessité d’un gros rendement.
Voici comment le professeur W. M. Hoad, de l’Université de Michigan, exprime cette idée dans son livre One Hundred and Fifty Questions for a Prospective Manufacturer. Prenez, dit-il, un petit atelier avec un certain nombre de différentes sortes de machines d’utilité générale. Si on veut en augmenter le rendement de 25 pour cent, par exemple, il suffit d’installer une nouvelle machine sur quatre. Mais un outillage de machines spéciales fonctionnant à plein rendement devra être remplacé presque entièrement par de plus grosses machines pour pouvoir rendre 25 pour cent de plus.
Rien ne s’oppose à l’emploi de machines si elles sont choisies avec soin sous le rapport de l’efficacité et de l’économie de leur rendement. La grosse erreur qui occasionne des pertes aux gérants des petites entreprises est de céder aveuglément à l’attrait de la modernisation.
Le jugement devra guider votre choix par rapport au travail à faire. Décidez ce qu’il vous faut, faites venir les agents des manufacturiers, écoutez leurs conseils, comparez leur opinion avec votre idée de ce que vous attendez des machines, et calculez combien de temps il vous faudra pour payer votre achat avec l’augmentation de rendement.
Financement
La jeunesse est optimiste et ne fait généralement pas assez de cas des capitaux et de l’économie. Tous les problèmes de financement ne sont pas résolus quand on a trouvé assez d’argent pour se lancer dans les affaires : ce qui importe, c’est le montant qu’il faut pour y rester.
Il faut deux sortes de capitaux dans une entreprise : le capital social et les obligations. Le capital social comprend les fonds avancés par vous, vos associés et les actionnaires, dans l’espoir de faire de l’argent. Ce genre de capital court plus de risques, car il ne touche de dividendes que lorsque toutes les autres créances ont été payées. Les obligataires et autres créanciers, qui sont des prêteurs, sont mieux protégés, mais ils ne reçoivent généralement qu’un intérêt fixe.
Une enquête a dévoilé que le capital social des petites entreprises est généralement insuffisant, de sorte qu’elles doivent avoir recours à des emprunts à court terme, qui coûtent très cher, aux moments difficiles de leur exploitation. C’est alors que le crédit est le plus dur à obtenir, parce que l’entreprise n’a pas encore prouvé qu’elle était capable de rembourser l’emprunt. Une crise économique vient parfois aggraver l’incertitude.
Le gérant d’une petite entreprise devra utiliser les emprunts comme moyen d’augmenter ses revenus. En général, il ne faut y recourir que s’il doit en résulter un bénéfice net supérieur aux frais de l’emprunt. Le Manuel des petites entreprises, publié gratuitement par le ministère du Commerce à Ottawa, dit à ce sujet : « Ce n’est que lorsque votre entreprise se trouve provisoirement dans de graves difficultés financières que vous pouvez faire exception à cette règle. Dans ce cas, vous pouvez faire un emprunt simplement pour vous sortir de vos difficultés. Il faut vous assurer cependant que vos difficultés ne sont que provisoires. »
Les experts insistent constamment sur la nécessité de la prudence dans les emprunts et sur les avantages de se procurer des capitaux par d’autres moyens. Les crédits commerciaux à long terme sont une source légitime de fonds pour une petite entreprise qui débute, mais ils présentent des risques. Le gérant d’une petite entreprise n’est pas à son aise et ne fait pas de son mieux, quand il est dans la dépendance financière des grossistes ou des manufacturiers qui lui font crédit. Il ferait beaucoup mieux de commencer modestement et de progresser petit à petit, même parcimonieusement, jusqu’au moment où il pourra se payer une plus grande usine, un plus beau bureau ou un meilleur outillage.
Les erreurs coûtent cher
Le gérant d’une petite entreprise apprendra son métier en l’exerçant, comme les forgerons. Mais les erreurs coûtent cher. On peut en éviter quelques-unes en suivant rigoureusement de bons principes financiers. Quand on observe certains principes fondamentaux, dit R. B. Tower dans son Handbook of Small Business Finance (Superintendent of Documents, Washington), « il n’y a aucune possibilité de faillite financière. Plus le petit manufacturier a de difficulté à les observer, cependant, plus il est certain d’être entraîné à la ruine par l’état de ses finances. » M. Tower cite les trois principes en ces simples termes : ne faites pas de trop grosses immobilisations ; conservez une juste proportion entre le montant net de votre fonds de roulement et vos ventes ; évitez un trop gros stock.
Dans ces conseils, ce sont les mots « trop gros » qui comptent. C’est une mauvaise économie que de lésiner quand il s’agit d’augmenter vos affaires. N’hésitez pas à emprunter quand vous pouvez employer l’argent profitablement et que vous êtes capable de le rembourser à l’échéance.
Un bon gérant saura prendre certaines précautions. Par exemple, il envisagera l’avenir et fera des plans pour différentes situations économiques cinq ou six ans à l’avance. Il calculera les sommes dont il pourra avoir besoin de mois en mois et peut-être tous les six mois. Il sera ainsi mieux en mesure de savoir où il pourra se les procurer.
Il se protégera contre certains risques par des assurances. Il consultera un expert pour préparer sa déclaration d’impôt sur le revenu, de manière à profiter de toutes les déductions permises. Il fera son possible pour entretenir son outillage.
Crédits bancaires
Les banques à charte constituent la principale source de prêts à court terme au Canada.
Pour pouvoir faire des prêts en toute sécurité et protéger les déposants dont elles prêtent les fonds, les banques ont besoin de renseignements clairs et exacts sur l’entreprise qui sollicite le prêt.
Les banques hésitent naturellement à ouvrir des crédits aux hommes d’affaires qui n’ont pas ou presque pas engagé de leur propre argent dans l’entreprise et n’ont pas encore prouvé qu’elle était capable de réussir.
Les conditions à remplir par les emprunteurs varient selon le genre, la situation ou l’importance de l’entreprise. Dans le cas des petites entreprises, une des principales dépend de la réputation et de l’honnêteté de l’emprunteur. Cela veut dire que celui-ci doit faire son possible pour conserver l’actif de son entreprise de manière à pouvoir rembourser son emprunt, et qu’il tient sa parole. « Les banques, dit le Manuel des petites entreprises, ne désirent pas faire intervenir la loi, ou saisir et vendre les biens d’une entreprise, pour rentrer dans leurs avances. C’est pourquoi elles ne prêtent qu’à ceux en l’intégrité desquels elles ont confiance. »
Quoique les banques tiennent à faire des prêts, parce que c’est une partie de leur métier, elles exigent certains renseignements fondamentaux sur lesquels elles appuient leur décision. L’emprunteur en fournit quelques-uns ; les autres sont tirés des dossiers de la banque. Ce sont des renseignements sur la réputation, la compétence, les capitaux, les garanties, les circonstances et les assurances de l’emprunteur.
La banque rend service à l’emprunteur aussi bien lorsqu’elle lui accorde un prêt que lorsqu’elle le lui refuse. Dans un cas elle facilite ses affaires, dans l’autre elle le protège contre une imprudence. Il a été prouvé en effet que trop de crédit est aussi dangereux que trop peu, et que le crédit accordé sans garanties suffisantes peut tourner au détriment de l’emprunteur aussi bien que du prêteur ; et qu’en définitive c’est la collectivité qui en souffre.
Le banquier, pesant les demandes de prêts avec le soin et le jugement que lui confèrent ses années d’expérience, et avec l’aide des renseignements dont dispose sa grande institution, est en mesure d’encourager les bons projets ou d’avertir les emprunteurs trop optimistes.
Gestion financière
Le financement n’est qu’un des nombreux aspects de la gestion, et il est souvent compliqué par le résultat d’une mauvaise administration ou de l’inexpérience dans les prises d’inventaire, dans les octrois de crédit, dans les achats, les prévisions de ventes, etc.
La gestion financière, c’est-à-dire la façon d’employer son argent avec bon sens de jour en jour, est absolument essentielle au succès d’une affaire. Son absence est un important facteur dans les nombreuses faillites commerciales qui se produisent chaque année. Les actes de faillite et de liquidation se chiffrent à 2,278 en 1954, plus de 37 pour cent qu’en 1953, avec un total de 53 millions de dollars en créances impayées.
Établissement d’un budget
Le moyen le plus facile de bien gérer son argent est de faire un budget. Il n’y a rien de plus nécessaire à la bonne gestion d’une entreprise, et pourtant c’est un moyen déplorablement négligé par beaucoup de petites entreprises.
Quand on fait un budget et qu’on calcule en dollars les prévisions de ventes, de dépenses, d’immobilisations, de crédits et autres frais et revenus, on s’inocule pour ainsi dire contre le danger. On regarde en avant et en arrière, car c’est avec les chiffres des années passées qu’on peut estimer ce qu’on pourra faire les années suivantes. Le budget indique le point d’équilibre au-dessous duquel tout ce que nous gagnons par nos ventes à un prix supérieur aux frais de production doit être employé à payer les services, l’outillage, les impôts, etc. Ce n’est qu’au-dessus de ce point que nous avons la chance de commencer à mettre quelque chose dans nos poches.
L’emploi d’un budget dans chaque division de l’entreprise est un moyen très efficace d’attirer l’attention des ouvriers sur les coûts, car ils savent qu’ils doivent se conformer au budget ou expliquer pourquoi. C’est important dans une petite entreprise, où les ouvriers peuvent perdre plus avec leurs pelles que le gérant ne peut gagner avec un bulldozer.
La comptabilité des prix de revient a pour but de fournir au gérant des renseignements qui servent à diriger les opérations, à choisir entre deux procédés, et à prendre des précautions contre les revers.
Registres commerciaux
Beaucoup de gérants de petites entreprises ne tiennent pas leurs livres à la hauteur d’autres genres d’exploitation, et pourtant une bonne comptabilité est essentielle au succès d’une petite entreprise. De fait, des enquêtes instituées dans le but de découvrir la raison de la faillite d’un si grand nombre de petites entreprises au Canada ont dévoilé qu’un grand nombre de celles qui ont sombré tenaient mal leurs livres ou n’en tenaient pas du tout. Le Manuel des petites entreprises ajoute : « Même si la tenue des livres n’assure pas le succès, elle permet de se tenir au courant des progrès de son entreprise et révèlera les lacunes de nature à mener au désastre si elles ne sont pas découvertes à temps. »
Une foule d’autres motifs que la bonne administration des affaires vous engagent à bien tenir vos livres. Les fournisseurs et les banques exigent un état financier avant d’ouvrir un crédit ; les règlements du fisc exigent un compte rendu précis de toutes les transactions de l’année ; quelques industries doivent faire des rapports périodiques à la Division de la douane et de l’accise ainsi qu’à d’autres ministères ; et des livres bien tenus sont très utiles quand on cherche un bailleur de fonds ou un acheteur.
La vente
La vente est l’acte final dans le drame journalier des affaires. À quoi serviraient l’invention, le financement, la fabrication, la direction et tout le reste si les marchandises n’étaient pas vendues. En vérité, l’habileté dans la vente compense dans une grande mesure l’incompétence dans un autre domaine.
Savoir vendre, c’est connaître ce que les gens désirent et les convaincre que vous pouvez leur fournir un produit de bonne qualité à un prix raisonnable. Quoique les bénéfices soient dus à beaucoup d’autres facteurs, un fabricant ne saurait durer longtemps s’il a un mauvais produit, ou s’il vend plus cher que ses concurrents.
Les livres ont encore un autre usage. Ils vous tiennent au courant des ventes passées, de leur niveau et de leur tendance par groupe de marchandises, de l’endroit d’où elles viennent et de leur volume dans chaque localité, ainsi que de l’importance relative de chaque débouché. Vous y trouverez beaucoup d’autres renseignements, par exemple les frais de vente, les frais d’emmagasinage et les pertes occasionnées par les marchandises qui restent sur les étagères.
Grâce à ces renseignements, le gérant est capable de faire un plan de vente plus ambitieux et plus économique, de combler les lacunes, de se lancer dans de nouvelles régions qui promettent de rapporter des bénéfices et d’abandonner celles où les livres indiquent que les ventes reviennent trop cher.
Les livres indiqueront également si la maison a eu tort ou raison de faire certains crédits. Les crédits trop généreux, faiblesse coutumière des petites entreprises, à des clients qui finissent par ne plus acheter chez vous, entraînent de grosses pertes pour la maison et immobilisent des fonds dont elle pourrait avoir grand besoin.
Pour vendre à crédit en toute sécurité, il faut être bien au courant de la situation financière de votre client. Quand une petite entreprise vend à crédit, elle devrait clairement indiquer dans chaque cas la durée du crédit et recevoir la ferme promesse d’être payée à telle date. Elle devrait ensuite faire une fiche pour tenir l’oeil sur l’opération et prendre les mesures nécessaires pour se faire payer en temps voulu.
Quand l’occasion de s’agrandir se présente, le propriétaire d’une petite entreprise a plusieurs moyens à sa disposition, dont les trois suivants sont généralement les plus importants : il peut pousser les ventes dans son marché actuel ; il peut chercher de nouveaux débouchés pour ses produits actuels, ou offrir de nouveaux produits à ses clients actuels ou à ceux qu’il a en vue.
L’avenir
Chaque individu normal désire voir l’entreprise qu’il a créée continuer à prospérer, qu’il en fasse partie ou non, et pourtant bien des gens renvoient leurs plans à cet effet jusqu’au moment, hélas, où il est trop tard. Il y en a qui remettent leur retraite ou leur plans de succession parce qu’ils n’aiment pas à y penser.
Les petites entreprises sont généralement des affaires personnelles ou de famille. Beaucoup d’entre elles seront continuées par les fils ou les filles, ou dirigées par des associés pour le compte de la famille. Le propriétaire devrait donc se demander qui fera marcher l’entreprise et avec quels moyens.
D’abord, il devrait s’occuper sérieusement des droits de succession qui sont très élevés de nos jours. Dans le cas de chaque legs, la proportion des droits à payer est déduite avant le versement du legs. Les droits de succession dus au gouvernement fédéral ou aux provinces sont ordinairement payables dans les six mois, et l’argent nécessaire doit être fourni par l’entreprise ou trouvé ailleurs.
On peut effectuer des économies par exemple en créant un trust donnant la jouissance au principal bénéficiaire et en partageant le capital plus tard entre les autres. Autrement une succession pourrait être considérablement réduite par le double paiement des droits, d’abord à la mort du testateur et ensuite à celle du bénéficiaire.
Ce qui nous intéresse principalement, toutefois, est de nous assurer que l’entreprise continuera de marcher et ne sera pas liquidée pour payer les droits de succession. Elle a besoin pour cela de fonds liquides. Un bon moyen est de prendre une police d’assurance à cet effet.
Une entreprise familiale
La Montreal Trust Co. exprime ainsi cette idée dans une brochure intitulée : Comment conserver votre entreprise dans la famille. « La seule façon d’assurer à la succession suffisamment d’actif liquide pour acquitter les droits successoraux et autres dettes, est de voir tôt et sagement à son organisation. On ne saurait trop insister sur l’importance pour le propriétaire d’une entreprise familiale de mettre ses affaires en ordre de bonne heure, alors qu’il jouit d’une bonne santé et qu’il peut encore obtenir de bons résultats en retenant les services d’un spécialiste en successions. »
La brochure qu’on peut se procurer sur demande à n’importe quel bureau de la Montreal Trust Co. et aux succursales de la Banque Royale du Canada explique les avantages de faire un plan pour disposer des successions. Le propriétaire de l’entreprise est naturellement le mieux au courant pour discuter ses problèmes. Grâce aux renseignements de la brochure, les petits propriétaires pourront réussir à établir des principes qui permettront à leur entreprise de continuer à marcher sur une base solide.
Le propriétaire qui désire laisser son entreprise à sa famille, ou la voir continuer de marcher après sa retraite ou sa mort de manière à ne pas cesser de produire des revenus, doit garder quatre objectifs en vue. Il doit réduire autant que possible les droits à payer ; calculer aussi exactement que possible le valeur réelle de sa succession ; laisser assez de fonds liquides pour payer les droits de succession et autres dettes ; et prendre les mesures nécessaires pour assurer la continuité de gestion de son entreprise. Autrement, sa famille pourrait se trouver en mauvaise posture et être obligée de vendre.
Certains propriétaires commettent l’erreur de diriger eux-mêmes toutes les phases d’exploitation, de sorte qu’à leur mort la confusion règne partout. Quand on compte sur un fils pour prendre la suite des affaires, il faut qu’il fasse son apprentissage et qu’on lui laisse une certaine responsabilité de sorte qu’au moment voulu il puisse prendre la direction avec assurance et compétence. Le propriétaire qui n’a pas de membre de la famille pour lui succéder a de ce fait un plus grand problème. Il doit non seulement rompre son successeur aux affaires mais s’assurer qu’il lui restera fidèle après sa mort.
La mesure du succès
On pourrait prendre bien des choses en considération pour juger si un homme a réussi dans ses affaires, mais la réponse à quatre questions les résument assez bien.
1. A-t-il réussi à faire ce qu’il avait entrepris ? Il ne possédait pas le plus gros établissement de son genre, mais il en était probablement satisfait. On ne mesure pas toutes les choses à l’aune.
2. Le volume de ses affaires était-il aussi gros qu’on pouvait s’y attendre étant donné sa nature, son milieu, ses possibilités et les désirs du propriétaire ?
3. A-t-il géré sagement son entreprise, de sorte qu’il en a retiré les bénéfices attendus et qu’il les a utilisés pour l’expansion de l’entreprise et le bien-être de la famille ?
4. A-t-il fait de bons plans pour que l’affaire qu’il a fondée continue à prospérer après son départ, bien dirigée par ceux qu’il a formés, et qu’elle produise les revenus qu’il désire pour sa famille ?