La vie est pleine de tracas. Souvent ce sont de petites choses qui nous irritent, comme l’odeur d’un cigare au restaurant ou des gens qui bloquent le trottoir. Mais ce qui est plus sérieux, ce sont les malentendus causés par notre incapacité de comprendre nos semblables ou de nous expliquer clairement. Et la tension monte, notre mauvaise humeur s’aggrave, et nous voilà tout d’un coup en proie à une foule de désagréments, pas bien graves sans doute, mais suffisants pour gâter notre journée.
Le seul fait de penser à nos problèmes personnels et sociaux ne suffit pas à dissiper nos soucis et nos craintes, mais en raisonnant nos problèmes, nos espoirs et nos plans, nous acquérons plus d’assurance, plus de confiance en nous-mêmes, ce qui nous fait moins redouter les craintes et les soucis.
Le raisonnement n’est pas simple affaire de logique, mais il exige le temps de réfléchir. Sans exagérer, naturellement. Un homme qui passerait trop de temps à réfléchir deviendrait incapable d’agir et ses réflexions risqueraient de n’aboutir à rien. Il s’agit, comme en toute chose, de tenir le juste milieu.
Il faut nous méfier de tomber dans l’erreur en assemblant nos pensées. Toute pensée n’est pas nécessairement exacte. Il se peut que deux idées soient parfaitement exactes en soi, mais il faut aussi tenir compte de la manière dont nous les accouplons dans notre pensée. Si nous disons que « La lune est un gros fromage », nous avons deux idées distinctes – la lune et un fromage – mais elles ne vont pas ensemble et notre raisonnement est faux.
La logique est la science de bien penser, c’est-à-dire la science des conditions nécessaires et suffisantes de la vérité. Ce n’est pas un sujet difficile, à part les termes qui ne sont pas d’un usage courant.
Les principes du raisonnement
Il y a deux manières d’arriver à une décision. On peut d’abord observer, peser le pour et le contre, et décider ensuite. C’est la méthode rationnelle. Ou bien on peut décider sans réflexion consciente, comme nous le faisons la plupart du temps dans la vie courante.
Nous perdrions la tête s’il fallait toujours réfléchir profondément et suivre les règles de la logique au sujet de tout ce que nous faisons dans le courant de la journée. Ce serait fatigant, nous perdrions beaucoup de notre spontanéité, nous trouverions de plus en plus difficile d’agir, et au lieu d’aller droit au but, nous nous égarerions continuellement dans des à-côtés. Trop de réflexion conduit à l’indécision.
Il n’est pas facile de penser. Nous nous imaginons parfois que nous pensons quand nous assistons simplement à un défilé panoramique de nos souvenirs dans notre cerveau. Nous nous abandonnons souvent à la rêverie. Nous nous proposons de réfléchir à un problème et au lieu de concentrer notre attention sur le sujet, nous perdons notre temps à penser à un tas de choses, très intéressantes sans doute, mais qui n’ont aucun rapport avec ce qui nous occupe.
La logique
L’étude de la logique dure toute la vie. Du moins, de nombreux philosophes y ont consacré toute leur vie pour rendre cette science au point où elle est aujourd’hui, mais tout ce que les hommes d’affaires et la plupart de nous ont besoin de connaître et d’appliquer, consiste en quelques règles élémentaires.
Voici quatre principes à appliquer à nos jugements :
(1) Le principe d’identité. Toute chose est ce qu’elle est, c’est-à-dire qu’un jugement est vrai ou qu’il ne l’est pas. (Inutile, donc, de chercher midi à quatorze heures.)
(2) Le principe de contradiction. Deux jugements contradictoires ne peuvent pas tous les deux être vrais. N’essayez donc pas de prouver qu’une idée peut être à la fois vraie et fausse.
(3) Le principe de l’absence du moyen terme dans la conclusion. Le moyen terme, n’étant qu’un point de comparaison, ne doit se trouver que là où se fait la comparaison, c’est-à-dire dans les prémisses d’un raisonnement. Un exemple fera mieux comprendre :
Tout bien est aimable ; Or la vertu est un bien } Prémisses
Donc la vertu est aimable. Conclusion
Aucune équivoque possible. La vertu est un bien ou elle ne l’est pas. Si elle est un bien, elle est par conséquent aimable, attendu que l’attribut ou qualité d’un bien est d’être aimable.
(4) Le principe de raison d’être. Il y a une raison pour tout. (Par conséquent, si les choses ne tournent pas à votre gré, dites-vous qu’il y a une raison pour cela.) Certains logiciens estiment que ce principe n’appartient pas à la logique formelle, mais il est tout de même utile dans les affaires et pour tous ceux qui cherchent à raisonner juste.
L’emploi de la logique ne nous fera pas toujours découvrir la vérité, mais elle nous mettra sur la voie. Apprendre qu’on peut arriver à découvrir la vérité par le raisonnement, et que la vérité n’est pas toujours conforme à nos plus chères croyances, est le commencement de la sagesse.
Le bon sens
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », dit Descartes dans le Discours de la Méthode, « car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les unes sont plus raisonnables que les autres, mais seulement que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses.
Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. »
Et il est important, si on veut découvrir la vérité, de ne pas se laisser aveugler par les préjugés.
Pour raisonner juste
On pourrait trouver étrange de s’appuyer sur un « système » pour penser. Nous sommes généralement habitués à croire que la pensée est une faculté vagabonde qui, à notre étonnement, tombe souvent juste. L’objet du présent Bulletin est de vous fournir une méthode qui, sans prétendre vous inspirer des idées, aidera votre pensée à tomber juste plus souvent.
Empruntons à cet égard la règle élémentaire des Boy Scouts pour trouver un objet égaré. Décidez la place approximative de l’objet, et commencez à décrire tout autour des cercles qui vont en se rétrécissant. Vous ne trouverez pas toujours l’objet au centre – car alors il ne serait pas égaré – mais vous arriverez à de meilleurs résultats qu’en marchant au hasard.
Et cela nous suggère une autre règle : n’essayez pas d’envisager dans son ensemble une affaire compliquée. Étudiez-en soigneusement tous les détails. Ne vous laissez pas distraire par ce qui ne touche pas à la question.
Donnez libre jeu à votre imagination dans le cadre que vous avez fixé. La marque d’un bon chef d’entreprise est de laisser son imagination, concentrée sur un problème, faire usage de toutes les connaissances acquises au sujet du problème ou d’autres du même genre. C’est par une combinaison de vieilles et neuves idées, fusionnées par la réflexion, qu’on arrive à la solution des problèmes.
Nous avons souvent, dans ces Bulletins, recommandé de prendre des notes par écrit, et en aucun cas cela n’est plus utile pour voir clair dans les idées.
Les idées et les pensées qui paraissent se heurter confusément dans notre esprit deviennent claires et ordonnées quand nous les mettons sur le papier. Le seul fait de prendre un crayon semble mettre fin au désordre.
En prenant des notes nous avons les faits sous les yeux, et cela nous donne une chance de les étudier minutieusement. Nous percevons les rapports entre eux. Et cela nous permet de vérifier l’exactitude de notre raisonnement.
Le raisonnement appuyé sur les faits
Le choix des faits sur lesquels appuyer notre raisonnement offre parfois des difficultés. L’important est de considérer la chaîne de nos idées et de ne prendre que les faits qui nous sont essentiels.
Les faits sont le matériel du raisonnement et ils sont tirés de quatre sources principales : l’observation directe ; nos souvenirs ; les rapports qui nous sont procurés par d’autres personnes, et les vérités évidentes.
Après avoir recueilli et emmagasiné les faits et décidé quels sont ceux qui sont utiles et véridiques, il s’agit de les mettre sous une forme qui produira une conclusion valable. Un des meilleurs moyens est les écrire en forme de syllogisme qui n est qu un argument composé de trois propositions. Les deux premières énoncent des faits connus ; ce sont les prémisses ; et la troisième est la conclusion. L’exemple ordinaire donné par tous les traités de logique est le suivant :
Tout homme est mortel
Or Pierre est homme ;
Donc Pierre est mortel.
La première proposition est d’ordre général (Tout homme est mortel) ; la deuxième énonce un cas particulier (Pierre est homme) qui est contenu dans le plus grand, et cela nous donne la conclusion (Pierre est mortel).
Remarquez bien que le syllogisme ne produit pas la vérité, mais ne fait que la démontrer. Il faut que les prémisses soient vraies. Si les faits énoncés dans les prémisses sont exacts, et si le syllogisme est conforme aux règles, la conclusion est forcément juste.
Intuition et expérience
Beaucoup de gens se moquent de la logique, ou du moins prétendent s’en passer facilement. Les femmes, par exemple, au lieu de dire « Cela est ainsi pour telle ou telle raison » disent souvent : « Cela est ainsi parce mon idée est que c’est ainsi. »
L’intuition joue un rôle important dans la vie. Il y a des vérités que l’esprit humain perçoit sans effort. Nos sciences, notre philosophie et notre commerce sont basés sur des vérités perçues intuitivement. La science les appelle « axiomes », la philosophie « idées innées », et les hommes d’affaires « simple bon sens. »
En y réfléchissant un instant, nous nous apercevons que les raisonnements sont fondés sur des axiomes. Les axiomes d’Euclide forment le point de départ de ses Éléments de Géométrie. Les axiomes servent de fondement à des structures dans lesquelles l’observation, l’expérience, la preuve et la démonstration trouvent nécessairement place. Il est bon de limiter notre emploi du mot « intuition » à deux cas : notre sens instinctif de la vérité des axiomes, et notre perception de la validité des conclusions.
La plupart des chefs d’entreprise sont plus portés à s’en remettre à l’expérience qu’à d’autres moyens. La vie est une longue suite de leçons, et, comme les écoliers, nous sommes punis quand nous commettons des fautes et récompensés quand nous faisons bien. Experientia docet. C’est peut-être un dur moyen de s’instruire, mais c’est certainement le meilleur.
Point n’est besoin cependant de nous en tenir à notre propre expérience. Pensez donc s’il fallait que chaque enfant apprenne par expérience qu’on se brûle les doigts en touchant le feu, si personne ne lui enseignait à attraper et faire cuire son dîner, et à se défendre contre les animaux sauvages.
Celui qui se fie seulement à sa propre expérience n’a pas beaucoup d’outils à sa disposition. C’est ce qui fait l’utilité des traités techniques et des magazines du commerce – ils nous offrent la connaissance des procédés inventés ou employés par d’autres. Quelqu’un avant nous a fait bouillir des oeufs, et nous savons que dans cinq minutes ils deviennent durs.
Cause et effet
L’analyse de notre propre expérience et de celle des autres nous permet de découvrir la cause des résultats. Nous arrivons ainsi à trouver de nouvelles combinaisons, introduire de nouveaux facteurs et peut-être inventer de nouvelles applications.
En faisant cela, nous nous apercevrons que les résultats ne sont pas toujours attribués à leur cause réelle. C’est là une des erreurs les plus communes du jugement humain.
Quelques conseils à ce sujet ne seront pas inutiles. Il est bon de chercher un troisième facteur dans tous les rapports entre cause et effet. Il se peut que la cause apparente et l’effet apparent subissent une même influence externe. Cela est particulièrement vrai dans l’analyse des statistiques commerciales, dans la comparaison des résultats de deux départements au cours d’un exercice financier, ou encore en comparant les fluctuations du volume monétaire au Canada avec les chiffres des États-Unis.
Les causes réelles nous échappent le plus souvent. Nous avons observé que, dans certains cas, tel événement est suivi par tel autre. Il faut toutefois nous garder de penser que, parce que l’un vient après l’autre, le second est le résultat du premier. Le même résultat peut avoir plusieurs causes. Par exemple, il est probablement vrai que la sauce n’est pas bonne quand plusieurs cuisiniers s’en mêlent, mais il est également vrai qu’un seul cuisinier suffit pour la gâter.
Il est important de définir exactement ce qu’on discute pour éviter la confusion. La Logique enseigne qu’il faut « définir les termes » qu’on emploie, et cela est tout aussi utile à l’homme d’affaires qu’au philosophe. Mais la définition est difficile ; elle exige un grand effort intellectuel que nous trouvons souvent fatigant.
Définir, c’est limiter, c’est circonscrire, du latin de-finire. Définir une chose, ce n’est pas définir la chose elle-même telle qu’elle existe dans la réalité, c’est énumérer et grouper les éléments qui la constituent. Définir une idée, c’est en déterminer le contenu, c’est circonscrire les limites qui la séparent des antres idées.
De la définition au jugement
Après avoir recueilli les faits, observé les événements, passé en revue nos propres expériences et celles des autres, et défini notre objectif et les termes que nous employons, nous passons au raisonnement.
Nous procédons à cet égard par induction et déduction. La méthode inductive, est celle par laquelle l’esprit conclut du particulier au général, c’est-à-dire des effets aux causes : ce qui est vrai d’un individu est vrai, en conséquence, de la classe à laquelle il appartient. La méthode déductive est celle par laquelle l’esprit conclut du général au particulier, c’est-à-dire des principes aux conséquences, des causes aux effets.
Après avoir raisonné par l’une des deux méthodes, nous formons une hypothèse, qui n’est qu’une supposition, une théorie que nous nous proposons de démontrer. Du moment, disons-nous, que telle cause produit tel effet, le même résultat se produira dans tous les cas semblables. Quand nous trouvons que notre hypothèse est vraie, dans tous les cas qu’il nous est possible d’observer, et que le résultat n’est produit que dans les conditions que nous avons jugées nécessaires, nous en concluons que nous avons trouvé la vérité. Même quand notre, hypothèse, est fausse, le fait d’en avoir fait la preuve réduit le champ de nos recherches et nous met parfois sur le bon chemin.
Le danger à éviter dans ce genre de raisonnement est de trop nous attacher à une hypothèse et d’y tenir malgré tout. Les méthodes de raisonnement n’admettent pas les sentiments ; ce sont simplement des procédés intellectuels pour arriver à la vérité.
En énonçant des propositions, qui sont à la fois la première preuve d’une hypothèse et le premier pas vers la vérité dérivée d’une hypothèse, nous commençons à raisonner clairement. Nous employons quatre formes de propositions dans la méthode déductive de raisonnement, et quand nous avons exprimé nos idées sous une de ces formes, nous avons éliminé toutes les possibilités d’erreur. La Logique classe ces quatre propositions comme suit :
A … Universelle affirmative (Tout A est X)
E … Universelle négative (Nul A n’est X)
I … Particulière affirmative (Quelque A est X)
0 … Particulière négative (Quelque A n’est pas X)
La proposition offre à notre esprit ou à l’esprit des autres le résultat d’un jugement dans lequel nous avons accouplé deux idées. Elle nous offre toujours deux choix et deux seulement à la fois.
Obstacles à la pensée
Le premier ennemi de la pensée créatrice est la rêverie. On appelle songe-creux celui qui nourrit constamment son esprit de chimères et qui fuit la réalité.
Viennent ensuite les préjugés, qui ferment la porte à la vérité et aux connaissances. L’homme instruit a toujours l’esprit ouvert. La forme la plus commune de préjugé est de trop tenir à nos opinions. Certains préjugés sont causés par nos sentiments, qui nous font préférer les incidents favorables à nos opinions et ignorer ceux qui militent contre elles, de sorte que la conclusion s’impose en notre faveur.
Nous concluons parfois à la légère. Nous avons à l’esprit une idée qui nous plaît, et nous présumons qu’elle est vraie ; nous nous en servons ensuite comme point de départ pour en démontrer la vérité.
Nous commettons aussi des erreurs de jugement. La plus commune est de partir d’une prémisse trop générale pour démontrer un cas trop particulier ; ou bien nous généralisons sans tenir compte que nul terme ne peut être plus général dans la conclusion que dans les prémisses.
La vie quotidienne
L’habitude du raisonnement nous est d’une grande utilité dans nos relations sociales. Il nous aide à nous exprimer beaucoup plus efficacement, et à comprendre les idées et les actions de nos semblables.
Grâce au raisonnement, nous arrivons à voir les choses du point de vue d’autrui et à nous mettre en quelque sorte en terrain neutre, d’où nous nous apercevons que nos opinions ne sont pas entièrement vraies ou fausses, et que rien n’est complètement bon ou mauvais. Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. Un juge ne condamne pas un accusé avant d’avoir entendu sa défense.
À mesure que nous raisonnons mieux nous apprenons l’importance des mots. Ce sont les instruments de la pensée ; sans eux nous serions aussi ignorants que les animaux. Ce sont les filets avec lesquels nous attrapons ces papillons qui sont nos pensées et nos idées ; ce sont les briques avec lesquelles nous édifions nos idéals.
Efforçons-nous donc de comprendre clairement les mots dont nous revêtons nos idées et d’en communiquer exactement le sens à ceux à qui nous nous adressons.
Les avantages du raisonnement
Nombreux sont les avantages du raisonnement. Il nous aide à calmer nos irritations, à adoucir nos désappointements, à mettre fin à notre indécision, à raffermir notre courage.
Notre mauvaise humeur s’apaise quand elle trouve une voie d’écoulement, et comment saurions-nous mieux détourner notre esprit qu’en l’occupant à la solution d’un problème ? Souvent, en réfléchissant, à la fin de la journée, aux décisions que nous avons prises et en les analysant à la lumière de quelques règles élémentaires de logique, nous trouvons tranquillité d’esprit à l’idée que nous avons fait preuve de bon jugement, ou, au cas contraire, en prenant la résolution de faire amende honorable.
Au lieu de nous laisser abattre par les désagréments, efforçons-nous d’en raisonner clairement les causes. Le désappointement même peut être salutaire s’il nous enseigne à nous aguerrir contre les surprises de la vie.
La méditation
La plupart de nos lecteurs, tout en admettant qu’il y a du bon dans les principes énoncés dans ce Bulletin, diront qu’ils n’ont pas le temps de les appliquer. Ils admettront également, toutefois, qu’il est beaucoup moins facile de réparer une erreur que de la commettre ; qu’on perd beaucoup plus de temps a prendre une décision quand on a les idées embrouillées que lorsqu’on raisonne juste et droit au but ; que la fatigue intellectuelle cause l’épuisement nerveux et physique.
En apprenant à raisonner méthodiquement au sujet de nos affaires quotidiennes, nous nous mettons en mesure d’avoir plus de temps pour penser aux choses qui nous plaisent et qui nous reposent.
Il n’y a pas de solitude pendant la journée ; on a beau fermer la porte, il y a toujours quelqu’un qui vient frapper. Mais nous pouvons toujours fermer notre esprit aux intrus et éprouver le même contentement que, lorsqu’au cours d’une promenade, nous entrons sous un bois ou dans un vallon. Dans une atmosphère de calme et de sécurité notre esprit s’ouvre à d’aimables idées, et en communiant avec nous-mêmes, nous réparons nos forces morales et intellectuelles.
L’homme ne désire pas toujours être seul avec ses pensées. Il est bon parfois de les échanger et de recevoir les pensées des autres. Les bons penseurs ne cherchent pas l’isolement, mais ils fuient la tension et le tumulte de l’âge moderne. Rien n’est meilleur et plus sain que d’avoir un ami avec qui parler et penser.
Heureux celui chez qui la faculté de réfléchir et de s’émerveiller ne s’émousse jamais, et qui a des amis pour partager ses trésors intellectuels. Les choses qui comptent le plus dans la vie ne lui manqueront jamais. C’est grâce à ses pareils, que par l’art de penser, le monde renaît sans cesse.