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Le Canada et les États-Unis, après plus d’un siècle d’amitié cimentée par des marques de plus en plus nombreuses de respect mutuel et de collaboration, viennent de donner au monde un magnifique exemple de coordination en temps de guerre, dont ils profiteront eux-mêmes s’ils en appliquent les leçons pendant la paix. Ils sont aujourd’hui plus étroitement unis, économiquement et spirituellement, que n’importe quels autres grands pays, et aucun autre pays ne peut regarder leurs relations avec indifférence.

Ces deux pays prennent une part active aux affaires mondiales ; ils occupent 13 pour cent de la superficie terrestre et abritent 7 pour cent de la race humaine. Ils ont remporté de concert une victoire sur des principes qui menaçaient leurs idées démocratiques mais cette victoire n’a fait disparaître que certains dangers. La paix n’est pas seulement la fin de la guerre : c’est une manière de vivre en bons voisins. Quoique les Canadiens et les Américains aient une idée de ce qu’ils veulent accomplir pendant la paix, il est bon d’en expliquer rapidement les raisons et les moyens, sans trop de statistiques.

Les chiffres ne sont pas trop nécessaires, en effet, car malgré qu’ils aiment les statistiques, les Canadiens et les Américains s’intéressent davantage aux choses actives de l’existence ; ils sont habitués à penser, sentir et agir. Voici une comparaison des deux pays en trois lignes :

Superficie (milles carrés) 3,695,189 3,022,387
Population (1944) 11,975,000 138,100,000
Revenu national (1944) $9,685,000,000 $168,653,000,000

Cela fait un revenu national de $809 par tête pour le Canada et de $1,164 pour les États-Unis, mais cela ne signifie pas que les Canadiens sont des voisins relativement pauvres. Comme on le verra, le niveau d’existence n’est pas très différent.

Il y a des gens qui vont jusqu’à croire que les Canadiens ressemblent aux Américains sauf qu’ils n’ont pas eu assez de bon sens pour s’établir plus au sud où il fait moins froid, et que leur population est groupée le long de la frontière pour être plus près des États-Unis. Il est vrai que 50 pour cent des Canadiens vivent à moins de 100 milles, et 90 pour cent à moins de 250 milles de la frontière, mais il est également vrai que plus de la moitié des Américains vivent à moins de 250 milles de la même frontière. La raison est simple : dans les premiers temps, il n’y avait ni routes ni chemins de fer et les pionniers étaient obligés de voyager par eau. Ils s’établirent donc le long des meilleures rivières et des lacs qui forment la frontière actuelle. D’un autre côté, les Laurentides dont la masse rocheuse s’étend de la Baie d’Hudson aux Grands Lacs, opposait une barrière d’une superficie d’un million de milles carrés à l’expansion des Canadiens vers le nord. Pour relier l’est du Canada à l’ouest il a fallu construire presque deux fois plus de voie ferrée par tête qu’aux États-Unis. Les obstacles naturels ont également divisé le pays en régions agricoles et économiques qui sentent plus fortement l’attrait du sud où les conditions sont semblables. Sir Robert Falconer, président de l’Université de Toronto, a dit à ce sujet : « Une ferme résolution pouvait seule aider les Canadiens à triompher ainsi de la géographie. »

Le Canada diffère également des États-Unis sous un autre rapport. C’est un pays bilingue, dont plus de 30 pour cent des habitants sont d’origine française. Dans la province de Québec ils ont conservé une cohésion de coutumes, de religion et de langage qui les caractérise du point .de vue national et international. Les Canadiens-Français sont de bons cultivateurs, de bons hommes d’affaires et ils réussissent en politique et dans les professions libérales. Ils sont restés fidèles à leurs traditions et quand ils se marient avec des personnes de langue anglaise, c’est pour en faire des Canadiens-Français, comme le prouvent les milliers de gens dans la Province de Québec dont le nom est irlandais ou écossais mais dont la langue maternelle est le français. Séparé presque entièrement de l’Europe depuis la guerre de Sept ans, le Canadien-Français est fortement attaché à son pays et pour lui le Canada est réellement la terre de ses aïeux.

Grâce au mélange de deux races et l’immigration d’origine française et britannique le Canada ne deviendra jamais un pays d’étroit nationalisme comme l’indiquent les chiffres suivants :

Origine 1871 1931 1941
% % %
Britannique 60.55 51.85 49.68
Française 31.07 28.22 30.27
Autres 8.39 19.93 20.05

Le Canada est tout ce qu’il y a de plus tolérant sous le rapport des convictions religieuses et intellectuelles de ses habitants. Hugh L. Keenleyside dit dans son livre « Le Canada et les États-Unis » – « Les habitants du Québec savent que si le Canada s’unissait aux États-Unis, ils perdraient la plupart, sinon la totalité, des privilèges dont ils jouissent aujourd’hui. Aucun Congrès américain ne verrait d’un bon oeil la liberté de langage et de religion qui règne au Canada. » Il faut reconnaître le génie du Dominion sous ce rapport, mais il est souvent plus facile de gouverner démocratiquement des gens qui partagent les mêmes principes politiques tout en parlant une langue différente, que des gens de la même langue qui nourrissent des idées opposées. On en voit la preuve, d’un côté, en Suisse et dans l’Union de l’Afrique du Sud aussi bien qu’au Canada, et d’un autre côté dans la Guerre de l’Indépendance et la guerre civile aux États-Unis, ainsi que dans la guerre civile en Espagne.

Le reste du monde regarde avec respect, et souvent avec envie, les .progrès économiques des nations de l’Amérique du Nord. La vie dans ce continent ne ressemble pas à la simple, frugale existence des vieux pays, sans conforts ni commodités. Nos progrès ont été si rapides que nous avons parfois éprouvé des « douleurs de croissance », mais elles ont vite disparu après l’adolescence. La géographie et les circonstances ont contribué à entrelacer étroitement les entreprises du Canada et des États-Unis, et par suite du grand degré de similarité dans l’économie des deux pays, les hommes d’affaires et les capitalistes ont été attirés par les occasions de faire de l’argent chez nous, de sorte qu’il en est résulté un grand nombre d’entreprises « Canado-américaines ». Les placements étrangers au Canada sont d’après les plus récentes statistiques : États-Unis $4,190 millions, Grande-Bretagne $2,466 millions, autres pays $270 millions ; Total $6,926 millions. Par contre, le Canada a $1,757,900,000 de placements à l’étranger, dont plus d’un milliard aux États-Unis. Aux yeux des Canadiens, le chiffre des placements américains au Canada semble naturellement plus gros que le chiffre des placements canadiens ne paraît aux yeux des Américains, mais quand on les compare par tête de population, les placements des Canadiens aux États-Unis sont quatre fois plus gros que ceux des Américains au Canada.

Quoiqu’on l’entende dire souvent, il est bon de répéter que chacun des deux pays est le meilleur client de l’autre et que le volume de leur commerce dépasse, même en temps ordinaire, le volume du commerce entre deux autres pays. L’échange de marchandises a considérablement augmenté durant la guerre, et point n’est besoin d’être économiste pour dire qu’un pays est en difficulté quand il est forcé par les nécessités de la guerre à acheter deux fois plus que d’ordinaire dans un autre pays. La déclaration de Hyde Park en 1941 a démontré non seulement l’aptitude de ces deux pays à surmonter les difficultés mais à les tourner en avantages. Cet accord avait principalement pour but de fournir au Canada suffisamment de dollars américains pour acheter toutes les marchandises américaines dont il avait besoin, tout en coordonnant la production de manière à éviter le double emploi. À la fin de 1942 ces mesures de coordination économique avaient été prolongées jusqu’après la guerre. Le Secrétaire d’État des États-Unis définit ainsi le but à atteindre : « … pour collaborer à l’élaboration d’un programme commun, auquel sont invités à participer tous les autres pays qui partagent les mêmes idées, de manière à accroître, au moyen des mesures internationales et intérieures jugées nécessaires, la production, l’embauchage, ainsi que l’échange et la consommation des marchandises, qui sont les bases matérielles de la liberté et du bien-être de tous les peuples. »

La vie n’a pas toujours été rose pour le Canada sous le rapport économique. C’est un pays riche en ressources et son peuple est énergique et capable, mais son marché de consommation est trop petit pour absorber toute la production de ses fermes, de ses forêts et de ses usines. La guerre a encore aggravé ce problème. Le Canada a un million de travailleurs industriels de plus qu’avant. Il a doublé sa production d’acier et occupe le quatrième rang parmi les nations industrielles. C’est le plus grand producteur de nickel, d’amiante, de platine, de radium et de pâte à journal ; il occupe le deuxième rang dans la production de la pulpe de bois, d’or, d’aluminium, de mercure et de molybdène ; le troisième dans celle du cuivre, du zinc, du plomb, de l’argent, de l’arsenic ; et le quatrième dans celle du magnésium.

Les jours les plus sombres du Canada furent probablement ceux du milieu du XlXe siècle, quand la Grande-Bretagne adopta le libre-échange, car il perdit ainsi une place privilégiée dans l’empire colonial. L’avenir paraissait si noir qu’il fut question de s’annexer aux États-Unis et un manifeste fut publié à Montréal en 1849 à cet effet. Cinq ans plus tard un traité de réciprocité avec les États-Unis soulagea les Canadiens de leurs craintes, mais il fut révoqué en 1866, principalement à cause du ressentiment éprouvé à Washington au sujet des sympathies britanniques pour le Sud pendant la guerre civile. En 1897, après maints efforts futiles pour rétablir la réciprocité, le Canada adopta la préférence impériale et songea à faire commerce avec l’Empire. En 1911, un second traité de réciprocité fut rejeté aux élections. La guerre des tarifs battit son plein en 1922 et 1930 quand les tarifs de Fordney-McCumber et de Smoot-Hawley réduisirent l’accès des produits canadiens aux marchés américains, et les Canadiens augmentèrent les droits d’entrée sur les produits américains. En 1932 le Canada signa les Accords d’Ottawa destinés à rendre l’Empire plus capable de se suffire. En 1935 tout le monde était fatigué de la guerre des tarifs dans laquelle les économistes épuisèrent leur pays et s’épuisèrent eux-mêmes en essayant de lutter contre la géographie pour empêcher le mouvement naturel du commerce. L’accord de réciprocité signé cette année-là fut révisé et renouvelé en 1938, époque à laquelle la Grande-Bretagne conclut elle-même un traité de commerce avec les États-Unis.

On peut dire que récemment le Département d’État des États-Unis a fait preuve d’une connaissance remarquable de la situation économique du Canada et qu’il a tenu compte de la grande importance du commerce extérieur pour notre pays, de nos rapports financiers avec les États-Unis, et de nos relations avec la Grande-Bretagne ainsi que du fait que nous appartenons au Commonwealth des Nations Britanniques. L’importance que peut atteindre l’échange bilatéral des marchandises ressort de la comparaison entre 1939 et 1944. Quand la guerre a éclaté, le Canada achetait $497 millions de marchandises américaines, et en 1944 ses achats étaient de $1,477 ; en 1939 les achats des États-Unis au Canada étaient de $380 millions, et en 1944 de $1,301 millions. Le Canada est le meilleur client des États-Unis. Il lui achète plus qu’il ne lui vend. D’un autre côté, il vend plus qu’il n’achète au Royaume-Uni et il emploie son solde de sterling pour acheter des dollars américains avec lesquels il paie sa balance du commerce.

Les hommes d’affaires américains ne considèrent pas le Canada comme un territoire étranger, mais comme le prolongement septentrional de leur marché intérieur, et cette familiarité est un facteur incalculable dans la destinée des deux nations. Il y a au Canada des centaines d’usines, de mines, etc., appartenant à des Américains et situées chez nous, les unes parce que le Canada avait établi des tarifs et qu’il fallait construire des usines dans le Dominion pour éviter les droits de douane ; les autres pour profiter des tarifs préférentiels dans l’Empire. Un grand nombre d’usines ont été construites par de jeunes Américains à la recherche de nouveaux territoires à conquérir. Les banques canadiennes ont des agences aux États-Unis, non pas pour solliciter des dépôts ou pour faire des affaires sur place, mais pour servir ceux qui font du commerce entre les deux pays. Les compagnies d’assurance de chaque pays font des affaires dans l’autre.

On voit donc que les échanges de capitaux et le volume de commerce bilatéral ont atteint des proportions importantes pour chaque pays. Tout cela est venu naturellement, sans forcer. Les plans d’après-guerre indiquent une tendance à continuer dans cette voie et à donner au monde un exemple de ce que peuvent faire deux nations voisines si elles décident de mettre en pratique les principes de la Charte de l’Atlantique en facilitant l’échange et la consommation des marchandises « qui sont les bases matérielles de la liberté et du bien-être de tous les peuples ».

Des problèmes ont surgi, naturellement. Les États-Unis peuvent retourner, maintenant que la paix est rétablie, à une situation économique presque normale, mais le Canada a été complètement transformé. Ce n’est plus simplement un producteur de matières premières. Sa production manufacturière qui était de $3,400 millions en 1939 a atteint $9,074 millions en 1944. Que va-t-il en faire ? Il n’est pas étonnant que notre ministre des Finances ait annoncé qu’il est prêt à discuter avec le gouvernement des États-Unis, du Royaume-Uni ou de tout autre pays « des accords commerciaux réciproques de plus grande portée et de plus longue durée que tous les précédents. » Bien sûr, attendu que de 25 à 35 pour cent de son revenu national provient de ses exportations et des touristes, le Canada fera tout son possible pour conclure des accords réciproques, et les pourparlers commerciaux entre le Royaume Uni, les États-Unis et le Canada ont une grande importance pour lui. Un article paru il y a trois ans dans « Fortune » disait : « Si le Royaume-Uni et le Canada peuvent vendre une quantité raisonnable de produits aux États-Unis, ils ne parleront plus jamais de commerce avec l’Empire. » Bien plus, si le groupe anglo-américain de nations est résolu à rendre le commerce plus libre dans le monde, et permettre à chaque nation un accès normal aux matières premières et aux moyens de production, il fera disparaître la plupart des différends économiques entre les nations. L’échange, à conditions égaies, des produits de ces deux pays de l’Amérique du Nord, sera grandement à l’avantage de chacun et donnera au monde un autre exemple de bon sens en matière de relations internationales.

Les échanges de marchandises sont facilités par les excellents moyens de transport entre le Canada et les États-Unis et le reste du monde. La voie navigable du Saint-Laurent et des Grands Lacs pénètre le continent sur 2,350 milles. Les océaniques vont à 1,000 milles à l’intérieur jusqu’à Montréal et les plus petits vaisseaux jusqu’à la tête des lacs. D’autres cours d’eau aux États-Unis et au Canada transportent des marchandises jusqu’au Golfe du Mexique au sud et jusqu’à la Baie d’Hudson au nord. À 50 points de la frontière, les chemins de fer d’un pays pénètrent dans l’autre pays, ceux du Canada pour parcourir plus de 8,000 milles aux États-Unis, et ceux des États-Unis pour exploiter plus de 1,500 milles de voie au Canada. Ce réseau relie tous les points des deux pays, sans se soucier aucunement des différences de pays. L’ancien Grand Tronc allait de Portland, Maine, à Chicago par le Canada ; même à présent, la plus courte route de Montréal à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, passe par le Maine, et les trains américains de Détroit à Buffalo prennent un raccourci à travers l’Ontario. Il n’y avait que 66 milles de voie ferrée au Canada en 1850 et 9,000 milles aux États-Unis ; aujourd’hui il y en a respectivement 43,000 et 257,000 qui ont coûté $3,400 et $18,800 millions. Le Canada n’a que le douzième de population et de volume de trafic des États-Unis, mais il en possède le sixième de voie ferrée et presque le sixième des immobilisations. Il en est de même pour les routes quoique le Canada soit loin d’en avoir autant de pavées et de si larges et qu’il n’ait pas encore de route pavée de l’est à l’ouest. Dans le domaine aérien, le Canada est un des carrefours du monde, sur le plus court chemin des États-Unis à l’Europe ou l’Asie. C’est le quartier général de l’Organisation temporaire de l’aviation civile internationale qui représente les gouvernements du monde dans la régie de la circulation aérienne, et de l’Association internationale des transports aériens composée de compagnies de transport aérien. Cette dernière comprend 31 pays et a pour objet de rendre les transports aériens sans danger, réguliers et économiques et d’établir la collaboration entre les compagnies de transport faisant un service international.

Après avoir mentionné la finance, la manufacture et le transport, il convient de parler de l’agriculture qui occupe 23 pour cent de la population des États-Unis et 27 pour cent de celle du Canada. Dans les deux pays, l’industrie agricole est entre les mains de familles de cultivateurs ; il n’y a pas de paysans. Le climat des États-Unis permet la culture de fruits semi-tropicaux et de coton dans le sud ; de maïs, blé et autres grains dans les vallées du Mississipi et de la Colombie, et d’arbres vivaces dans le nord-ouest. Au Canada, du blé de la meilleure qualité est cultivé en abondance dans les prairies abritées par les Rocheuses ; la basse péninsule de l’Ontario produit du tabac et des pêches ; les provinces du centre et de l’Est s’adonnent à l’industrie laitière et à la culture mixte ; sur les côtes de l’Est et de l’Ouest il y a des vergers dont les pommes sont fameuses dans le monde entier, et des pêcheries qui produisent $100 millions par an et donnent du travail à 50,000 personnes et qui emploient 33,000 bateaux ; tandis que dans le Nord, il y a des forêts apparemment inépuisables. On peut se faire une idée des différences de climat au Canada par le fait que la région du Niagara produit des raisins et le cercle arctique des fourrures.

Malgré l’activité manufacturière pendant la guerre, qui n’avait laissé que trois hommes sur les fermes où il y en avait quatre en 1939, la production agricole a doublé et les expéditions de vivres ont quadruplé. Les exportations alimentaires durant la guerre se sont chiffrées à $3,772 millions, dont $1,886 pour la Grande-Bretagne et $1,186 millions pour les États-Unis. Pendant les trois dernières années, le Canada a expédié un million de boisseaux de blé chaque jour ouvrier de la semaine, c’est-à-dire assez pour donner du pain à 80,000,000 de personnes en plus de ses propres habitants. Par rapport à la population, le Canada a exporté plus de vivres que n’importe quel autre pays. Cela était en temps de guerre. Mais à l’avenir, il faudra que le Canada s’entende avec les États-Unis pour éviter le travail inutile, le gaspillage des aliments et la baisse du niveau d’existence chez les cultivateurs par suite d’une vaine concurrence.

On ne peut pas nier qu’un pays ressent le contrecoup des programmes économiques de l’autre dans son économie et le niveau d’existence de son peuple. Il n’y a pas de sujet plus délicat en ce moment que les prix et il ne serait ni poli ni discret de la part du Canada de se vanter déjà de son contrôle des prix mais nous pouvons cependant citer ce que dit Lawrence Hunt, avocat et auteur de New York : « Les Canadiens devraient éprouver un certain sentiment de satisfaction en lisant dans les journaux américains et en entendant dire aux Américains ‘Le Canada fait ceci ou le Canada fait cela, et ça marche’ »

Les mesures de dollars ne sont pas toutes de la même longueur quand on les applique à des nations ou à des époques différentes, mais le prix des mêmes articles aux mêmes époques indique assez bien les différences entre deux pays dans les transactions ordinaires de la vie. Sous ce rapport les États-Unis ont envié le bon marché de la vie au Canada sous le régime du contrôle des prix qui existait pendant la guerre et qui continue en partie. Il va sans dire que le mouvement de hausse dans les prix aux États-Unis exerce une grande pression sur le plafond des prix au Canada. À ce sujet il convient de citer ce que disent les hommes d’affaires belges : « les affaires avec les Américains dans les circonstances actuelles sont plus difficiles qu’avec le Canada où les prix sont stables. »

Nous ne saurions terminer cette partie de l’article sans un mot de louange à l’égard de la « frontière sans défense » dont on fait constamment mention. Autrefois, nos deux peuples étaient ennemis et maintenant ils sont amis. Le changement n’a pas été causé par de profondes et obscures pensées sur la fraternité des hommes, mais en apprenant dans la dure école de l’expérience qu’il est plus profitable d’être amis et bons voisins. Les deux pays sont fiers d’avoir entre eux la frontière la plus artificielle du monde, ce qui donne souvent lieu à des choses amusantes. À Rock Island, par exemple, on peut se faire couper les cheveux au Canada pendant qu’on vous cire les souliers aux États-Unis ; et pas loin de là, si on parcourt la route en auto de l’est à l’ouest, on est au Canada, mais si on va de l’ouest à l’est on est aux États-Unis.

Cette frontière donne passage à plus de commerce, de voyageurs, de touristes, d’argent, d’émissions radiophoniques, de trains, d’autos, de journaux, de hockey et de bon vouloir que n’importe quelle autre frontière au monde. Les Canadiens et les Américains font à peu près les mêmes choses et ils les font souvent ensemble. Si l’on veut se rendre réellement compte du peu d’importance de la frontière il n’y a qu’à aller sur la ligne de Niagara à Buffalo le premier ou le quatre juillet. Pour la fête de l’Indépendance comme pour celle de la Confédération, la bannière étoilée et l’Union Jack flottent au même vent et les touristes vont et viennent sur les ponts internationaux. Malone, N.Y., a célébré la fête de l’amitié canado-américaine le 1er juillet. Les habitants de l’île Campobello, Nouveau-Brunswick, où le président F. D. Roosevelt avait une maison de campagne, ont dédié cette année une pierre tombale à sa mémoire. Pendant l’automne, des machines canadiennes ont moissonné les champs de blé américains, et donnent ainsi une démonstration pratique de la politique de bon voisin. La Saskatchewan à elle seule avait envoyé 375 machines qui ont aidé à récolter le blé du Texas au Dakota en passant par l’Oklahoma et le Kansas, et plus tard quand le temps de la moisson arrivera chez nous, ce sont les machines américaines qui viendront parcourir les Prairies.

Il a fallu cent ans pour établir cette frontière d’environ 3,300 milles entre le Canada et les États-Unis et de 1,540 milles entre le Canada et l’Alaska. Cela ne s’est pas fait sans erreurs dont quelques-unes nous font rire aujourd’hui, mais qui semblaient graves à l’époque. Par exemple, après que les Américains eurent fini de bâtir un fort à grands frais près de Rouse’s Point, on découvrit en 1818 qu’il était en territoire canadien. Est-ce que les deux pays entrèrent en guerre au sujet du fort ? Ils trouvèrent une solution beaucoup plus simple ; ils rectifièrent la frontière de manière à mettre le fort aux États-Unis ! Dans le nord-ouest, au point de jonction de l’Ontario, du Manitoba et du Minnesota, une erreur de dessin fit comprendre dans la frontière 10 milles sur 12 de terre ferme et une centaine d’îlots. Cette section contient le bureau de poste le plus septentrional des États-Unis et une centaine d’habitants.

(Voir au prochain numéro pour la fin de cet article.)