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Il devient de plus en plus nécessaire pour le commun des mortels de devoir dire « quelques mots » en public. Or le trac fait trembler de nombreux orateurs. Le secret des bons discours et de la victoire sur l’angoisse face au public : une préparation minutieuse.

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Un nombre croissant de personnes doivent parler en public. Aux discours habituels, tenus dans le cadre de clubs et de diverses organisations sociales, s’ajoutent d’autres occasions qui obligent à affronter un auditoire.

Par exemple, pour beaucoup de gens, la coutume des éloges funèbres est importante et les participants à un mariage moderne sont souvent appelés à dire quelques mots. Jadis, seuls les cadres supérieurs étaient tenus, de par leurs fonctions, de faire un exposé ou de prononcer un discours. De nos jours, à peu près tout le monde est appelé un jour ou l’autre à s’adresser, dans le cadre de son travail, à un groupe d’employés ou de clients.

Les cadres supérieurs qui autrefois pouvaient passer leur vie à administrer tranquillement leurs affaires doivent désormais parler à des groupes d’analystes financiers, aux autorités de réglementation ou à des leaders communautaires pour leur expliquer les politiques de l’entreprise et promouvoir les intérêts de leur secteur. Parler en public fait désormais partie de leurs fonctions, qu’ils le veuillent ou non.

Or beaucoup ne le veulent pas. Le manque de sincérité le plus flagrant dans un discours est souvent la petite phrase qui exprime « le plaisir d’être parmi vous », alors que n’importe quel autre coin de la terre semble à ce moment précis bien préférable ! Pourtant il est indéniable qu’un discours peut être une source de vif plaisir pour l’orateur comme pour l’auditoire, lorsque préparé avec soin.

Premier impératif : vaincre la peur de se produire en public. Cette appréhension est aussi vieille que l’Ancien testament lui-même. Jérémie n’objectait-il pas qu’il était trop jeune pour prêcher et Moïse, qu’il n’avait pas la langue suffisamment déliée pour prendre la tête des Israélites ?

Les psychologues modernes expliquent le trac par la peur d’être humilié par des critiques ou l’échec. Pour se protéger contre cette blessure psychologique, l’être humain se prépare instinctivement à « fuir » ou à « combattre ».

« Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur. » Charles-Louis de Montesquieu

Face à une menace, notre organisme se prépare à la fuite, nos muscles se tendent au point de trembler, notre visage pâlit alors que notre peau se vide de sang pour réduire les saignements en cas de blessure, le coeur bat fort, accélérant la circulation sanguine afin d’accroître la résistance de l’organisme.

Dans le même temps, nos glandes déversent de l’adrénaline dans le sang, nous rendant plus vigilants et énergiques. Nous avons la bouche sèche pour ne pas être étouffés par un excès de salive. Comme chacun sait, les orateurs se raclent souvent la gorge.

Toutes ces manifestations sont typiques du stress. Comme le prétendent Hans Selye et ses disciples, le stress est une puissante force positive pour qui sait l’exploiter. Lorsqu’on parle en public, le stress, en tendant l’esprit, confère un surcroît de dynamisme à la prestation de l’orateur. Nombre d’acteurs et d’actrices de métier affirment que, sans le trac, ils ne pourraient pas maintenir le niveau d’intensité voulu.

La première chose que devrait savoir l’apprenti orateur est que nul, ou presque, n’est à l’abri du trac. Les timides pensent être particulièrement handicapés, même s’ils cachent bien leur embarras. En fait, nombre de personnes sont tout aussi timides et le dissimulent tout aussi bien.

Un Gallois éloquent, David Lloyd George, fut l’un des dialecticiens parlementaires les plus persuasifs du XXe siècle, un orateur dont le charisme lui valut d’accéder au poste de premier ministre britannique. Or, raconte-t-il, « la première fois que j’ai pris la parole en public, j’étais dans tous mes états. La langue collée contre le palais, mes paroles me restaient dans la gorge. »

L’expérience aidant, Lloyd George apprit à surmonter son angoisse. D’autres ne parviennent qu’à la maîtriser. Si vous êtes de ce nombre, rassurez-vous. Votre auditoire est bien moins conscient que vous de votre émoi. Le tremblement de votre voix qui résonne tel le tonnerre dans votre tête est à peine perceptible, comme le confirmeront des amis présents dans l’auditoire. Même si votre nervosité est manifeste, votre auditoire ne vous en tiendra pas rigueur.

Surmonter la peur et se montrer plein d’assurance

Une fois que vous avez accepté qu’un certain degré de nervosité est normal, vous pouvez appliquer les méthodes visant à la contrôler, notamment les exercices de respiration. L’oxygène calme et une respiration volontairement lente ralentit les battements du coeur.

Les mouvements physiques recommandés avant de se produire en public ressemblent aux exercices d’échauffement de l’athlète : mouvements des doigts et des orteils, rotation du cou, mouvement latéral de la mâchoire.

Les athlètes se préparent également mentalement à l’épreuve. Lorsqu’ils attaquent avec impétuosité, ils mettent inconsciemment en pratique la théorie du psychologue William James selon laquelle les actes évoquent des sentiments. James estime qu’en prenant délibérément une attitude courageuse, « la bravoure remplacera la peur ».

C’est également l’avis de Dale Carnegie exprimé dans son livre bien connu Comment parler en public et influencer les gens dans les affaires. Le titre est en soi tout un programme. Un grand nombre d’hommes et de femmes se sont débarrassés des tourments de la timidité en suivant des cours d’art oratoire.

Ceux qui ont l’habitude de s’adresser à des groupes ont un air assuré qui, en leur donnant de l’ascendant, facilite les rencontres avec les étrangers, les rend influents au milieu d’un groupe et fait d’eux de meilleurs leaders. Carnegie conseille aux orateurs de se montrer pleins d’assurance, même s’ils tremblent en leur for intérieur : « Avancez bravement, arrêtez-vous et donnez l’impression d’être ravis de vous adresser à un public. »

Si vous êtes nerveux en dépit de votre maintien, ne le montrez pas. Pour vous détendre remuez mine de rien les doigts derrière votre dos ou serrez une pièce de monnaie dans votre paume.

Face à un public, les apparences sont plus importantes que partout ailleurs, à commencer par l’apparence physique. « Si Cicéron avait parlé une couverture sur les épaules, a dit Joseph Addison, on se serait moqué de sa tenue au lieu d’admirer son éloquence. »

Vous devez soigner votre tenue pour un discours tout comme vous le feriez pour un mariage ou tout autre événement social. Votre tenue doit être appropriée. Les vêtements d’un orateur ne doivent pas être voyants ou trop élégants, ce qui détournerait l’attention de ses propos.

Ceux qui affectionnent les attitudes théâtrales et les effets de manche doivent se tempérer pour ne pas distraire leur auditoire. Mais la gestuelle étant l’expression de la personnalité, vous seriez, ou paraîtriez, mal à l’aise si vous inhibiez la vôtre totalement. Pourtant, ne vous laissez pas emporter par votre naturel. Vous devez être conscient de vos gestes et les utiliser à bon escient. Les orateurs qui semblent souvent le plus passionnés contrôlent en fait parfaitement leurs moindres gestes.

À moins d’être un comédien, il est préférable de projeter une image de dignité sereine. Le respect inspiré par votre maintien incitera à accorder foi à vos paroles. Soyez vous-même, mais en mieux. Si vous avez tendance à avaler les mots, articulez clairement. Si vous parlez vite, ralentissez le débit.

C’est le moment où jamais de vous tenir droit, torse bombé et ventre rentré. Appuyez la nuque contre votre col. Cette pose non seulement vous donnera de la prestance mais, en augmentant votre capacité pulmonaire, vous aidera à contrôler votre respiration.

Certes, il est difficile de modifier le timbre de sa voix, mais on peut apprendre à la moduler. Comme pour le chant, le contrôle de la respiration détermine les variations de volume et l’intonation. Rien n’est plus soporifique pour un auditoire qu’une voix monocorde.

Dans un discours en public, tout est une question de rythme. Faire des pauses à des moments bien choisis, ralentir, accélérer, varier son débit, tout cela entretient l’intérêt et évite d’endormir l’auditoire.

La concision et une préparation solide

imageEn règle générale, la qualité d’un discours est inversement proportionnelle à sa longueur. L’orateur doit constamment renouveler ses approches pour soutenir l’attention de son auditoire. Le moment arrive où, immanquablement, l’attention s’égare. Les rédacteurs de discours professionnels affirment qu’on ne peut la maintenir plus de 20 minutes. Les longs discours sont souvent le signe d’un manque de préparation.

« En rédigeant, pensez plus à la matière qu’au style », recommande un éminent avocat américain, William Wirt. Pour les rédacteurs, plus la matière disponible est abondante, plus il est facile d’en tirer quelque chose. Dans le domaine des recherches, trop vaut mieux que trop peu. Une documentation excessive, tout compte fait, leur facilite la tâche. Si leur discours traite d’idées plutôt que de faits concrets, plus ils auront lu et réfléchi, mieux ils sauront les exposer. Le seul inconvénient d’un discours riche en faits et en idées est peut-être qu’il sera trop dense. Pour l’alléger, utilisez un langage simple; imaginez que vous vous adressez à votre famille. Si le sujet s’y prête, ponctuez-le de pointes d’humour. Mais, attention, laissez le monologue comique aux professionnels. Il n’y a rien de pire qu’une plaisanterie qui tombe à plat. Provoquez le sourire, pas le fou rire.

En rédigeant un discours, comme d’ailleurs tout autre texte, soyez clair. Utilisez des mots qui font partie du vocabulaire de votre auditoire. Choisissez des mots simples, évitez le jargon professionnel sauf si les personnes présentes peuvent comprendre chaque mot prononcé.

« Un discours, c’est comme une affaire de coeur. N’importe qui sait l’entamer, mais pour la mener à terme, il faut beaucoup de doigté. » Lord Moncroft

Les discours sont différents des autres textes. Vu leur nature éphémère, les répétitions ne sont pas à proscrire.

La fin d’un discours exige un soin particulier, car les dernières phrases restent gravées dans la mémoire des auditeurs. Une bonne conclusion résume les points essentiels en un savant crescendo qui laissera un message résonnant dans les oreilles des spectateurs.

Aucune formule ne dicte la conclusion d’un discours, mais travaillez -la jusqu’à ce que votre message soit percutant. Mémorisez le dernier paragraphe et regardez votre auditoire droit dans les yeux à ce moment crucial.

Lire ou ne pas lire ?

L’idéal serait d’apprendre tout le discours par coeur et de répéter avec l’aide d’un magnétophone ou d’un magnétoscope. Des manuels pratiques conseillent à l’orateur, s’il n’a pas entièrement mémorisé son discours, d’improviser en s’appuyant sur des notes destinées à s’assurer que rien n’est oublié et que l’allocution progresse logiquement point par point.

Ces manuels déplorent souvent la pratique de la lecture du discours. Le fait est que le commun des mortels n’a ni le temps, ni la formation, ni la capacité de mémoriser de longs morceaux de prose. Il n’a pas non plus l’esprit suffisamment vif pour improviser sans pousser des « heu » et des « hum », sans user de lieux communs, sans se répéter ou s’écarter du sujet. Il sera plus efficace en rédigeant et en lisant son discours.

En pratique, les discours très détaillés, ou qui expliquent avec précision une politique longuement réfléchie, doivent être couchés sur papier par souci d’exactitude. Le fait de lire un discours ne nuit pas nécessairement à son impact. Winston Churchill, orateur puissant s’il en est, écrivait intégralement ses discours sur des bouts de papier.

Churchill utilisait ce qu’on appelle « la méthode de la pelle mécanique ». Une pelle mécanique ramasse une grande quantité de terre à la fois pour la déverser dans un camion. Ainsi, une personne qui lit un discours peut mémoriser certaines phrases de son texte pour ensuite les prononcer en regardant son auditoire avec naturel. Avec de la pratique, elle pourra même apprendre à énoncer des paragraphes entiers sans baisser le regard.

Bien que destiné à être lu, un discours n’en exige pas moins une préparation minutieuse. Il doit être structuré, s’appuyer sur des faits et être rédigé avec autant de rigueur qu’une dissertation scolaire. Et il doit être répété, à voix haute, pour s’assurer qu’il sonne bien. La parole n’est pas le mot écrit et un texte, avant d’être lu, doit être travaillé pour produire l’effet désiré.

L’échec d’un discours n’est pas dû généralement au trac, à un manque de technique ou à l’apparence de l’orateur, mais au fait qu’il a été rédigé à la dernière minute et donné sans répétition préalable.

L’orateur éloquent est celui qui a consacré de longues heures à la préparation de son discours. Prendre la parole en public ne devrait susciter aucune nervosité chez celui qui possède son sujet et sait ce qu’il veut dire.

La confiance en soi assure la moitié de la victoire et ne s’acquiert qu’au prix d’efforts et de volonté. Dur labeur, certes, mais qui en vaut la peine. Vous vous rendrez vite compte que l’assurance acquise dans la pratique de l’art oratoire enrichit toutes les facettes de votre vie.

Publié une première fois en novembre 1992 par la Banque Royale du Canada.