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De même qu’on donne aux âges de la civilisation le nom des outils dont se servaient les hommes, et aux âges de la terre celui des animaux qui l’habitaient alors, ainsi pourrait-on mesurer la marche scientifique de l’humanité par le progrès de ses moyens de transport. Après avoir d’abord marché simplement à pied, l’homme a connu l’ère de l’eau, du vent et du bois pendant laquelle le navire à voile et la diligence représentaient tout ce qu’il y avait de mieux. Puis est arrivée l’ère du charbon et du fer, suivie au XIXe siècle de l’invention des chemins de fer et des navires à vapeur. On pourrait appeler notre ère celle de l’électricité, du pétrole et des alliages puisqu’elle a donné naissance à l’automobile, à la traction électrique et à l’aéroplane.

L’aviation n’en est plus aux essais et elle est employée au transport d’une manière qui soulève l’admiration et souvent l’effroi. Quand on parle de voyage par avion on pense automatiquement à la vitesse. Il n’a fallu qu’un peu plus d’un siècle pour passer d’une moyenne de 10 milles à l’heure par bonne diligence en Angleterre vers 1830 aux vitesses ordinaires de 300 milles à l’heure d’aujourd’hui et de 600 milles par avion-fusée. Cela est d’autant plus extraordinaire qu’il n’y avait eu que peu de progrès pendant des millénaires jusqu’au XIXe siècle : les courriers de Jules César allaient aussi vite que ceux de Napoléon. Les ramifications modernes sont telles qu’un homme d’affaires est obligé de voyager par avion s’il veut soutenir la concurrence et traiter ses affaires de la manière exigée par une société éprise de vitesse. Quelqu’un a dit récemment : « Il y a cinquante ans nous avions de la chance de ne mettre qu’une heure et demie en buggy pour aller des environs de Montréal au bas de la ville ; maintenant nous croyons perdre du temps si nous manquons un tour d’une porte tournante. »

Pensez un peu à quoi nous mèneront les envolées de 300 milles à l’heure à travers le globe ! De Halifax à Montréal en 2 heures ; de Montréal à Toronto en une ; de Toronto à Winnipeg en 4 ; de Winnipeg à Regina en une ; de Regina à Victoria en 3. De midi au lendemain matin, on peut aller de l’aéroport de Dorval à n’importe quelle capitale d’Europe. Et on construit maintenant en Angleterre des avions-fusée à passagers qui feront la traversée de l’Atlantique en cinq heures. Ce qui veut dire qu’en tenant compte de la différence entre l’heure de Greenwich et celle de Montréal, on arrivera à Montréal à la même heure qu’on est parti de Londres. Mais si nous laissons de côté pour le moment ces vitesses effrayantes, il est intéressant de noter les avantages pratiques dont bénéficient les affaires grâce aux avions commerciaux. En voici un bon exemple en Amérique du Sud. Il y a quelques années, quand un employé de la succursale de la Banque Royale du Canada à Lima, capitale du Pérou, voulait aller chez un client à 600 milles de là à Iquitos, sur le Haut-Amazone, il lui fallait faire un voyage d’un mois par le Canal de Panama, descendre le long de la côte de l’Amérique du Sud et remonter l’Amazone. Une nouvelle route à travers les Andes et la jungle a permis plus tard de faire la route par terre en une semaine. Un avion prend trois heures.

Avant d’examiner la place du Canada en aviation et les moyens dont il peut tirer le meilleur parti de sa situation et de ses installations, il est bon de jeter un coup d’oeil rétrospectif sur ses intérêts et ses succès aéronautiques. L’Annuaire du Canada appelle W. R. Turnbull « le père des recherches aéronautiques au Canada. » C’est lui qui installa la première soufflerie du Canada à Rothesay, N.-B., en 1902, qui découvrit les lois du centre de mouvement de pression sur les flans, et en tira des déductions qui expliquent la stabilité longitudinale des avions. Il énonça également les lois statiques des hélices, et inventa et perfectionna l’hélice à pas réglable. En même temps, le Dr Alexander Graham Bell faisait des essais avec des cerfs-volants et des hélices à sa maison d’été de Baddeck, dans l’Île du Cap Breton. La « Aerial Experiment Association », formée en 1907, était composée du Dr Bell, de J. A. D. McCurdy et de F. W. Baldwin, deux jeunes ingénieurs canadiens diplômés, de Glen Curtiss, fabricant de moteurs de motocyclettes de l’État de New-York, et du lieutenant en congé T. E. Selfridge, de l’armée des États-Unis. Le 23 février 1909, l’avion de McCurdy, le Silver Dart, vola un demi-mille à une vitesse de 40 milles à l’heure. Cet avion était plus moderne que tous ceux de l’époque et avait un train d’atterrissage à 3 roues, des ailes fuselées et des commandes d’aileron. À peine 10 ans après des avions survolaient le Québec pour veiller à la protection des forêts et faire des levés, et en 1924 le premier service régulier de transport aérien à passagers et marchandises fut établi pour desservir les mines de Rouyn. Un service nocturne de courrier aérien entre Winnipeg et Edmonton inauguré en 1930 fut suspendu par le gouvernement en 1932 par mesure d’économie. En 1938 il y avait 16 compagnies commerciales de transport exploitant 244 avions. Comme chacun le sait, le Canada jouit d’une réputation mondiale dans le domaine de l’aviation civile ; il a fourni un grand nombre d’aviateurs pendant la guerre et contribué dans une grande mesure au plan d’entraînement. Quelques-unes des plus étonnantes envolées commerciales ont été effectuées par des « pilotes des bois » du Canada qui ont montré au monde comment on triomphe des difficultés de transport et de terrain.

Le transport à longue distance ne fait que commencer. Le 1er décembre 1938, le service transcontinental de Montréal à Vancouver fut inauguré. Halifax et Victoria ont beau protester que ce n’est pas vraiment un « service transcontinental », mais c’est le nom qu’on lui a donné. Notre pays est si vaste qu’un service aérien qui économise au moins la moitié du temps est certain d’être populaire. Les gens commencent à comprendre que la distance est en fonction de la vitesse des moyens de transport. On fait les affaires dans une fraction du temps qu’il fallait autrefois. Les livraisons s’effectuent rapidement.

En 1931, le Conseil privé a décidé que le gouvernement du Dominion aurait le monopole de l’aviation civile et de la navigation aérienne au Canada. Les points essentiels du programme d’aviation civile du Dominion sont les suivants : aéroports nationaux, renseignements techniques et appareils de navigation, formation de pilotes et écoles d’aviation. La politique du gouvernement a deux aspects : interne et international. Le ministre des Munitions et approvisionnements annonça en mars 1944 que les Lignes aériennes Trans-Canada créées à titre de compagnie nationale d’exploitation par le gouvernement en 1937, exploiteraient toutes les lignes principales du pays et toutes les lignes internationales. Il ajouta que des mesures seraient prises pour éviter toute association entre les compagnies civiles de transport aérien et les compagnies de transport terrestre ou maritime. Cette politique n’obtint pas l’assentiment général et un grand quotidien résuma ainsi les critiques : « Un pays qui a principalement besoin de moyens de transport et qui est très avancé sous le rapport de l’aviation se trouve réduit au choix entre Trans-Canada et quelques lignes auxiliaires ».

Le transport aérien a donné lieu à un grand nombre de nouveaux problèmes internationaux et ravivé quelques incertitudes. Avant les avions, la carte de Mercator faisait assez bien l’affaire. Elle exagérait un peu la dimension de certains pays, le Groënland, par exemple, mais les marins s’en contentaient. Une carte aérienne est bien différente. Au centre de l’hémisphère septentrional le pôle nord est indiqué par un point. Ici et là dans le cercle, d’autres petits points marquent les villes. Reykjavik est un point à environ un pouce de Montréal, Moscou un autre point à un pouce de l’autre côté, et Aden un pouce plus loin. Winnipeg est à un pouce de Nome et à deux pouces de Tokyo.

Aucune ligne ne dit ceci est le Canada, ou l’Islande ou le Japon. Si vous vouliez aller par avion d’Ottawa en Afrique du Sud, vous seriez tenté par la carte de Mercator de passer par Miami, Natal et le Congo et de là droit au sud, mais la carte aérienne montre qu’il est plus court de passer par Montréal, le Labrador et l’Europe.

Rien n’est plus commun aujourd’hui que de survoler l’océan. L’histoire n’oubliera jamais Blériot se rendant sur ses béquilles à son petit monoplan dans lequel il allait faire la traversée de la Manche, mais ses successeurs ont mis Londres à deux pas du Canada. Comme le dit sir Roy Dobson : « Vous vous envolez de Londres ; en un clin d’oeil vous voyez disparaître la côte anglaise ; une quinzaine d’heures après vous êtes à Montréal. » C’est au cours de l’année où Alcock et Brown firent la première traversée de l’Atlantique que la première ligne internationale inaugura son service. Aujourd’hui la grande route circulaire qui passe par Montréal, le détroit de Belle-Isle, le Nord de l’Irlande et Londres, va jusqu’à Paris et plus loin au sud, et si les avions laissaient des traces la route serait pleine d’ornières.

En 1941 le Royaume-Uni proposa au Canada la création d’une route à relais par le nord-est. Avant la fin de l’année l’aérodrome de Goose Bay était terminé et bientôt ceux des États-Unis au Groenland et en Islande permirent de faire le voyage par étapes aux avions de faible rayon d’action. Les idées varient sur les possibilités de trafic mais l’optimisme est général. Une source anglaise suggère cinq départs par jour de Londres pour l’Amérique du Nord, et trois de plus du continent, avec une moyenne de 600 passagers par jour dans chaque direction.

La grande route circulaire du nord du Pacifique à l’Orient avait été négligée jusqu’au moment où la guerre en fit sentir le besoin urgent. La route actuelle est très bonne, du moins jusqu’à la mer de Bering, et elle a des chances d’être plus utilisée lorsqu’on se rendra compte qu’elle met le milieu du continent nord-américain à 4,300 milles plus près de Shanghaï que celle de Hawaï-Manille employée avant la guerre. La route à relais du nord-ouest avait été créée et exploitée par le Canada avant l’entrée en guerre du Japon et elle a été ensuite améliorée en collaboration avec les ingénieurs de l’armée des États-Unis et la main-d’oeuvre américaine.

On remarque, en regardant la carte aérienne de l’hémisphère septentrional, que le Canada n’est pas au sommet du monde mais plutôt au milieu, du point de vue aérien. Cela ne signifie pas nécessairement que la destinée du Canada est assurée dans le domaine de l’aviation. Quand il s’agit de calculer si deux et deux vont faire quatre, il y a peu de chances de se tromper car on connaît tous les facteurs. Mais quand on a les facteurs « bons avions plus tarifs bon marché » par exemple, il est difficile d’arriver à un résultat certain puisque ce ne sont pas là les seuls facteurs. Il faut tenir compte de la situation politique et économique des deux pays intéressés, de la façon dont marchent le commerce et l’industrie, des impôts, et des avantages offerts par d’autres routes, d’autres moyens de transport et d’autres destinations. Il suffit d’une rumeur inquiétante de désordres à l’étranger pour déranger les projets de voyage. La politique du gouvernement compte pour beaucoup, ainsi que l’enthousiasme et le bon sens dont le gouvernement et les lignes font preuve pour attirer et contenter les clients.

Il est bon, par conséquent, que les Canadiens qui cherchent à rendre leur pays prospère dans le domaine du transport aérien ne s’attendent pas à tout voir marcher à souhait. Nous avons la situation géographique, les matériaux, les usines et de bons ouvriers pour construire les avions ; les ressources naturelles et les produits manufacturés pour faire des échanges avec les autres pays, et des milliers de pilotes expérimentés, mais il nous faut, pour mettre et conserver le Canada au premier rang de l’aviation, faire preuve d’imagination, d’initiative et d’effort.

La place proéminente que le Canada est destiné à occuper dans le domaine de l’aviation est un fait reconnu. Quand la conférence internationale de l’aviation civile de Chicago créa la première organisation internationale chargée d’établir les règlements aériens, le Canada fut choisi comme siège de l’organisation provisoire de l’aviation civile internationale connue sous le nom de PICAO. Tous les organismes fédéraux, provinciaux, municipaux et autres, ainsi que le public en général, devraient s’efforcer de rendre leur séjour à Montréal si agréable aux 500 délégués qu’ils décideront de faire de notre grande métropole le siège permanent de l’organisation.

La PICAO a de grandes possibilités et le Canada tiendra à jouer un rôle important dans l’élaboration et la mise en vigueur de ses programmes. Elle a déjà établi de nombreuses normes techniques, autorisé des conférences régionales sur les routes, et posé les jalons d’un code de technique aérienne qui rendra les envolées plus efficaces et moins dangereuses.

Ceux qui discutent les progrès du transport aérien ne tiennent pas toujours suffisamment compte de certains facteurs matériels. Au contraire des trains et des camions, l’avion est obligé de soulever au départ non seulement son combustible et son chargement mais aussi son propre poids. Le transport par air est gouverné plus que tous les autres par les conditions atmosphériques malgré tous les progrès techniques, particulièrement en radio et météorologie. L’avion est souple dans l’air mais pas sur terre. Une laisse invisible, qui varie selon le type, le retient à l’aérodrome. Il ne peut pas s’arrêter trop souvent. Les arrêts allongent la durée du voyage, et c’est le temps qu’il met entre le départ et l’arrivée qui intéresse le passager, non pas la vitesse entre les points intermédiaires. Il faut plus de combustible pour décoller que pour voler, mais même en plein vol, disent les experts, la consommation de combustible varie selon le cube de la vitesse, ce qui signifie qu’une accélération de 150 à 300 milles à l’heure pour rattraper le temps perdu en arrêts exige huit fois plus d’essence.

Toutes ces difficultés donnent lieu à une concurrence active à mesure que tous les pays et toutes les lignes arrivent à les surmonter et à prendre temporairement les devants. Dans plusieurs cas, les gouvernements sont venus à l’aide de l’aviation pour accroître le prestige national et les moyens de défense, plutôt que par égard aux besoins commerciaux. Quand un pays subventionne ses lignes aériennes, il est difficile aux autres pays de ne pas l’imiter, et la concurrence subventionnée poussée à l’extrême est une cause de désaccords internationaux. À l’intérieur du pays, les subventions provoquent des critiques parce qu’elles obligent un grand nombre de contribuables à venir au secours des gens qui voyagent par avion.

Le transport aérien est de plus en plus rapide et coûte de moins en moins cher. En 1929, il y avait une envolée par jour de Montréal à New-York, à $50, qui prenait 4 heures à une vitesse moyenne de 83 milles à l’heure ; en 1946, il y en a onze par jour, à $23, qui ne prennent que 2 h. 30, soit à une vitesse moyenne dé 130 milles à l’heure, y compris deux arrêts de 15 minutes. Le taux est tombé de 15 à 7 cents le mille. Le Dr J. Parker Van Zandt, de la Brookings Institution, qui a beaucoup de choses intéressantes et utiles à dire en matière d’aviation, dit : « il est incontestable qu’il sera possible d’arriver graduellement à un taux de 3 cents sans subventions. » Il est facile de s’imaginer l’effet de cette réduction dans l’ensemble des bons augures, surtout si elle est accompagnée d’une baisse proportionnelle dans le taux du fret et du courrier. On se rappellera que c’est la révolution dans les frais de transport avec l’arrivée des chemins de fer dans l’ouest du Canada, qui permit d’y cultiver du blé et de le vendre économiquement en Europe. Un bon service de transport à des taux populaires favorise la pleine utilisation des avantages locaux tels que climat, sol, arts indigènes, fabrication des marchandises dans les centres de main-d’oeuvre à bon marché et, en général, l’exploitation des ressources de chaque région pour le bien commun.

L’aviation intéresse beaucoup plus de personnes que jamais au Canada. Plus de 120,000 hommes et femmes ont travaillé à la fabrication des avions. Un quart de million de jeunes gens se sont enrôlés volontairement dans le Corps d’aviation royal canadien, et 73,000 ont été admis dans les équipages de bord. Des milliers d’écoliers ont appris les principes fondamentaux de l’aéronautique. Pourtant, comme dans tous les pays, l’avenir des avionneries n’est pas très clair. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, l’une des caractéristiques de l’avion en matière de transport consiste dans sa capacité de charge en tonnes-milles ou en passagers-milles. Il y a peu de bons avions qui battent les records de transport. On a abandonné l’espoir de mouler des avions en matière plastique comme des petits pains, et d’ailleurs, les circonstances actuelles ne justifient pas ce genre de fabrication. Chose étonnante, il n’y avait que 22,729 avions civils enregistrés dans tout l’univers en 1938, et, sur ce nombre, 2,388 ou 11 pour cent seulement étaient en service régulier. On a calculé qu’il aurait suffi de quelque 600 avions portant 36 passagers chacun et effectuant 3,500 heures de vol par an avec une charge moyenne de 65 pour cent, pour assurer (en théorie) tout le service des voitures Pullman des États-Unis en 1940 et pour transporter en outre des marchandises et du courrier. Van Zandt estime que tout le traffic aérien pourra être logé dans 1,500 avions, tandis qu’une enquête de la Curtiss-Wright Corporation arrive à un chiffre encore plus modeste en fixant à quelque 1,454 le total des avions commerciaux dans le monde, trois ans après la guerre. Il va sans dire que les gens utiliseront en outre des milliers d’avions pour les voyages d’affaires et de plaisir. La presse a annoncé il y a un mois que le Canada avait vendu son surplus d’avions-écoles à divers clubs aéronautiques du pays. En ce qui concerne les prix, il est à prévoir que des milliers de Canadiens posséderont leurs propres avions dans quelques années.

Les aéroports publics sont un élément important dans l’aviation. Le nombre d’avions qui peuvent y atterrir dépend du temps qu’il fait, et l’exploitabilité ne tient pas aux pistes d’atterrissage mais à l’espace disponible au-dessus de l’aéroport. Il existe 280 aéroports terrestres au Canada. La presse a signalé en février que de nouvelles ententes .permettent aux municipalités et à d’autres organismes de louer certains aéroports du gouvernement pour cinq ans à $1 par an. Un grand nombre de bases construites pour la guerre auront peu d’utilité du point de vue commercial, mais les mesures prises par l’aviation militaire dans le tracé des routes internationales contribueront au développement rapide du transport mondial, pourvu que les aéroports soient bien entretenus. La conception de l’avion est intimement liée à celle de l’aéroport ; c’est le modèle de l’avion qui dicte le genre et la qualité de l’aéroport, tandis que les dimensions et les installations de l’aéroport déterminent la sorte d’avion capable de l’utiliser. Le fait qu’un aéroport coûteux doit durer longtemps et que la rapide évolution des types d’avions exige une intelligente conception des plans du terrain d’atterrissage, complique encore la situation. Il n’y a que cinq ans, New-York a été l’objet de vertes critiques quand il a affecté 40 millions à l’aéroport LaGuardia ; tout dernièrement, l’ex-maire LaGuardia disait en regardant le nouvel aéroport « Idlewild » de 200 millions : « Je me demande où nous allons ? » Une fois terminé, ce terrain pourra recevoir 8,600 énormes avions par jour, au rythme de 180 atterrissages et de 180 envolées à l’heure.

Parmi les questions à résoudre au moyen de pourparlers et accords internationaux il faut compter celle de souveraineté. Quelques pays ont d’abord refusé de permettre aux lignes étrangères de survoler leur territoire, ce qui a occasionné de coûteux détours. D’autres leur ont interdit d’atterrir. Ce n’est pas par de longs et âpres marchandages bilatéraux que les nations assureront le succès du commerce aérien pour leur bien commun. Il n’en résulterait qu’un nombre infini de lignes faisant double emploi et, pire encore, la jalousie et l’envie. La collaboration peut seule empêcher les considérations politiques de nuire au succès de l’aviation, et l’aviation de jeter le désaccord entre les nations. Si l’on peut arriver à supprimer les barrières dont s’entourent les nations et à faire régner en temps de paix l’esprit de collaboration dont les Nations Unies ont fait preuve en temps de guerre, l’avenir de l’aviation est assuré.

Cela nous ramène à la PICAO, dont les travaux surpassent en importance ceux de presque tous les autres organismes internationaux. Quand les choses vont mal, les optimistes disent de ne pas s’en faire car tout finit par s’arranger. La tâche de la PICAO est d’arranger les choses avant qu’elles aient la chance d’aller mal, et le Canada a accepté un rôle important dans cette tâche. Le jour de la Saint-Patrice en 1944, un projet de loi fut déposé à la Chambre des communes en vue de créer une autorité internationale chargée de décider les questions concernant l’aviation civile. À la Conférence de Chicago, il fut clairement établi que le Canada ne proposait pas l’internationalisation des lignes aériennes, mais leur réglementation internationale. Les délégués furent en grande partie d’accord sur ce point. Toutes les nations convinrent d’établir un code international embrassant la navigabilité des avions, les aptitudes des pilotes, les règlements du trafic, les taux, les rapports météorologiques, les communications et les équipes de secours et les sauvetages. Et plus important encore, presque toutes les nations présentes acceptèrent le principe de permettre aux avions étrangers de survoler le territoire des autres nations sans permission spéciale et d’atterrir pour des fins non-commerciales. Autres concessions – droit de transporter passagers, marchandises et courrier du pays d’origine à n’importe quel endroit du monde et d’en revenir ; droit de prendre passagers, marchandises et courrier dans un pays étranger à destination d’un autre pays étranger ; et droit de prendre passagers, marchandises et courrier dans un pays étranger à destination d’un autre endroit du même pays – ces derniers points font encore l’objet de discussion. L’Annuaire du Canada remarque : « Le Canada a signé l’accord de transit aérien pour faciliter la navigation internationale, mais n’a pas encore donné son adhésion aux cinq concessions, et retient ainsi sa juridiction à l’égard des droits de prendre et de déposer du trafic au Canada. »

Après en être arrivé à ce point d’entente internationale, il se peut qu’il soit impossible d’en venir à un accord unanime, mais il devrait être possible de s’entendre sur les points principaux. Peu de nations consentiront volontiers à abandonner à des étrangers le contrôle de leur aviation interne (l’idée a déjà été rejetée à la conférence du désarmement en 1932) mais, d’un autre côté aucune nation ne saurait, sans règlements, laisser survoler son territoire ou employer ses aéroports par ses propres avions ou des lignes étrangères. Ces règlements devront, dans l’intérêt de la sécurité et de l’efficacité, être les mêmes pour tous les pays en ce qui concerne l’aide à l’aéronautique, la technique des aéroports, etc.

Le monde entier est devenu moins grand, par rapport à la durée des voyages, que le Haut et le Bas-Canada à l’époque de la Confédération il y a 79 ans. L’avion et la radio nous rendent voisins de toutes les parties du monde. Il existe des rapports plus étroits entre les hommes d’état, les hommes d’affaires, les éducateurs et les savants. Quant à savoir si, tout en rendant les nations plus voisines, les progrès du transport aérien les rendront plus amies, c’est aux peuples du monde et à leurs chefs d’en décider.