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La femme occupe dans le monde d’aujourd’hui une place incontestable. Son influence se fait sentir dans le domaine sociologique autant qu’économique, dans la vie de famille sur laquelle se fondent les démocraties, et dans la population du pays dont elle tient la clé du nombre et de la qualité. Les problèmes commerciaux, politiques et sociaux se succèdent avec une rapidité étourdissante de nos jours et leur solution exige plus de collaboration que jamais de la part des deux sexes.

Si nous en croyons les images du temps passé, la femme d’alors partageait son temps entre le rouet et les travaux du ménage et des champs, mais la révolution industrielle a changé tout cela et quoique la plupart des gens dénoncent ses défauts et déplorent ses résultats, cette révolution a beaucoup contribué à faire place aux femmes dans le monde. La machine, tout en faisant disparaître les métiers manuels autrefois pratiqués à la maison, a ouvert aux femmes la porte des usines. Elles ont depuis exprimé leurs idées non seulement sur ce qu’elles sont capables de faire mais sur l’avenir de la société. Elles ont acquis des connaissances, de l’expérience et une plus grande largeur d’esprit. Il est vrai que l’industrialisation a posé de nouveaux problèmes, mais en général elle a émancipé un grand nombre de femmes, à tort ou à raison, de la routine du ménage.

Mais les changements économiques ont accompli des résultats dans d’autres domaines. Les femmes n’ont pas seulement acquis une plus grande largeur d’esprit, mais, fatiguées de tirer les ficelles derrière la scène, elles se sont aventurées au plein jour où elles agissent pour leur propre compte et non plus par l’intermédiaire des hommes. Cela n’a pas été facile au début mais la société considère aujourd’hui d’un autre oeil les connaissances et les capacités de la femme, sa place dans le monde et ses chances de succès. Tant que la femme était prisonnière dans son propre domaine, il était impossible de se rendre compte de ce qu’elle pouvait accomplir ailleurs et quoique, de nos jours même, on ne voie pas d’un bon oeil une femme occuper une place importante jusqu’ici réservée aux hommes, il n’en est pas moins vrai que toutes les carrières lui sont ouvertes. La collectivité ne cherche après tout qu’à tirer le meilleur parti possible de tous les éléments qui la composent mais il faut sinon observer les traditions, du moins ne pas trop aller à leur encontre.

Dans leurs discours en faveur de l’émancipation, les femmes ont souvent déploré le fait qu’elles n’étaient que des « zéros » dans les relevés statistiques, mais elles comptent néanmoins à l’époque du recensement. Celui du Canada en 1941 accuse 1,328,489 femmes non mariées au dessus de 15 ans et 2,292,478 femmes mariées, soit respectivement 765,092 et 1,247,761 de plus qu’en 1911. L’excédent d’hommes sur les femmes au Canada est de 2.56 par 100 personnes. Il n’y a que deux pays qui ont plus d’hommes que de femmes, tandis que 11 des 21 pays ont un excédent de femmes : en Angleterre et au pays de Galles cet excédent de femmes atteint 4.22 par 100 personnes. Les naissances suivent la même voie. Le Canada qui occupait le 18e rang parmi les nations sous le rapport des naissances totales en 1943, a eu une moyenne 51 pour cent de naissances du sexe masculin et 49 pour cent du sexe féminin depuis 1926. Remarquons également en passant que tandis qu’il y avait 178,961 veuves en 1911, leur nombre s’était accru à 345,378 en 1941.

Ces chiffres n’ont, bien entendu, rien à voir à la question de savoir si la femme doit travailler en dehors du foyer. Quelques-uns des préjugés reposent sur la supposition que les hommes sont incontestablement supérieurs aux femmes dans tous les domaines. On accuse particulièrement les ouvrières d’être moins sérieuses au travail, moins efficaces, moins pratiques, plus susceptibles de perdre la tête, et trop disposées à se marier dès qu’elles deviennent plus ou moins indispensables à l’usine, au bureau ou à l’école. D’un autre côté, il faut admettre que les femmes ont appris en quelques années des métiers que les hommes croyaient leur appartenir en propre depuis des siècles. Quant au reproche de manquer de sens pratique, Edith Efron dit dans un article de magazine : « Si les hommes veulent que les femmes soient des machines de 9 heures à 6 heures tout en restant aimables et attrayantes le matin, le soir et pendant les fins de semaine, ils finiront par provoquer chez elles un dédoublement de personnalité, ou par leur faire perdre ce qui fait leur charme et leur attrait. » Un directeur de personnel féminin dit que les femmes ont rendu les bureaux plus agréables. Leur premier désir en entrant dans un bureau est de mettre des tableaux aux murs et des fleurs sur les tables, parce qu’elles doivent y passer la plus grande partie de la journée et qu’elles ne voient pas pourquoi il devrait ressembler à une prison. « La femme qui travaille », dit Miss Efron, « méprise les employés à $50 par semaine qui se moquent des efforts qu’elle fait pour embellir ses alentours, parce qu’elle a remarqué que la première chose que fait un vice-président à $50,000 par an est de garnir somptueusement son bureau d’une belle table, d’un tapis de Perse, de fauteuils de cuir et de le décorer de tableaux et de fleurs. »

Il y a des gens qui reprochent aux femmes davantage que cela. Lord Northcliffe se laissa aller à dire que les femmes n’ont aucun sentiment de responsabilité tant qu’on ne leur fait pas peur, et le Maréchal Montgomery refusa aux journalistes anglaises la permission d’accompagner ses armées sur le continent, quoique quelques-uns des meilleurs articles sur la situation dans les pays reconquis fussent dus à la plume de journalistes américaines.

Et cela nous amène à la fameuse « bataille des sexes », dans laquelle les hommes font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les femmes de pénétrer plus avant dans leurs lignes et de remporter la victoire au moyen de ce que les philosophes appellent des faiblesses féminines. Le Dr Alice I. Bryan de Columbia University a mis le doigt sur un important facteur de la bataille quand elle a dit à l’Université McGill : « L’homme a beaucoup moins besoin qu’autrefois de se marier et d’entrer en ménage pour satisfaire ses besoins matériels et goûter le bien-être. Et en même temps, la femme a beaucoup moins besoin de l’homme pour la faire vivre et la protéger, parce que les forces qui lui ont ravi son rôle dominant au foyer lui ont également permis de trouver à travailler et à se suffire en dehors du cercle de famille. » Il n’est pas exceptionnel, dans les batailles, de voir chaque côté tirer parti des désavantages de l’autre, et le plus grand désavantage de l’homme semble être la tradition. Il n’est pas logique de comparer la femme moderne à celle du siècle dernier ou du moyen-âge qui s’en reposait sur la faveur d’un preux chevalier pour sa subsistance et sa sécurité. D’un autre côté, quand, depuis des siècles, les femmes sont habituées à voir les hommes les entourer de mille soins et adopter envers elles une attitude chevaleresque et protectrice, est-il logique de supposer qu’elles abandonnent tout d’un coup en entrant dans les affaires l’habitude de s’attendre à des faveurs de leur part ? Une secrétaire à qui l’on demandait : « Est-ce que les jeunes filles qui veulent être traitées sur un pied d’égalité sous le rapport du travail et du salaire, s’attendent également au respect et à la courtoisie ? » répondit sans hésitation : « Sûrement, pourquoi pas ? »

Miss Byrne Hope Sanders ne voit aucune nécessité d’élever des barrières entre les deux sexes, mais conseille une saine collaboration. Dans un discours à l’assemblée générale du Y.W.C.A. à Montréal au début de l’année, elle dit : « Ce n’est que comme associés que les hommes et les femmes peuvent accomplir une oeuvre stable pour le bien du pays. » Entre parenthèses, Miss Sanders ajouta que jusqu’à la guerre la place des femmes dans cette association avait été lamentablement négligée par suite de leur propre apathie.

Il est incontestable que dans toutes leurs entreprises les hommes ont besoin des femmes. Prenez au hasard une des centaines de situations dramatiques qui font l’objet de romans, pièces de théâtre ou poèmes, et vous y trouverez certainement une ou plusieurs femmes. Un cynique a dit que le chemin du succès était rempli de femmes qui poussent leurs maris devant elles. Ce n’est peut-être pas vrai littéralement, mais on sait bien que lorsqu’on félicite un homme de son succès dans la vie, il ne manque pas de l’attribuer à sa femme. La femme attache un grand prix à tout ce qu’elle fait, ce qui est assez rare chez les hommes et c’est pour cela qu’elle se révolte contre tout ce qui s’oppose au progrès. En somme, les femmes désirent se perfectionner et faire leur chemin dans le monde ; elles se rendent compte depuis longtemps qu’elles sont aussi capables de cela que de coudre et faire la cuisine, élever des bébés et montrer du tact envers leurs maris ; et aujourd’hui elles se lancent d’un pas ferme dans la vie.

De plus en plus conscientes de leur valeur et leur importance, les femmes demandent qu’on les traite sur le même pied que les hommes sous le rapport des emplois et des salaires. Un sous-comité des questions féminines a recommandé au Conseil économique et social des Nations Unies d’accorder immédiatement aux femmes les mêmes privilèges qu’aux hommes dans tous les domaines – politiques, civils, intellectuels, sociaux et économiques. Les pays démocratiques s’accordent de plus en plus à reconnaître que le rendement de l’ouvrier est sa meilleure recommandation.

Une des premières marques d’égalité est celle de la rémunération. La plupart des organismes féminins souscrivent au principe que le taux des salaires féminins doit être égal à celui des hommes, y compris le taux initial, et raisonnent qu’il est fondamentalement injuste de payer un ouvrier moins qu’un autre pour faire à peu près le même travail. D’un autre côté, on prétend que les hommes reçoivent davantage parce qu’ils ont une famille à nourrir, mais beaucoup de femmes ont aussi des personnes à leur charge, et souvent le jeune ouvrier célibataire contribue moins que sa soeur au soutien de la famille. Du moment que les ouvriers reçoivent chez nous non pas un « salaire de famille » mais le paiement de leur travail, il paraît illogique d’invoquer la différence de sexe pour expliquer que le travail des femmes est moins payé que celui des hommes.

On donne parfois comme raison le fait que les femmes sont souvent engagées temporairement dans des industries très saisonnières et que le travail des femmes n’a pas beaucoup de valeur attendu que depuis des siècles elles accomplissent pour rien les travaux du ménage. Mais au lieu d’engager des femmes seulement pendant la saison de la pêche, les conserveries de harengs en Écosse paient les ouvrières à l’année, bon an mal an, qu’il y ait du travail ou non. Les revenus des femmes dans quarante importantes industries en 1942 varient de $1,248 par an à $602, par comparaison avec des revenus de $2,145 à $991 pour les hommes.

La guerre a donné aux femmes, sur une grande échelle, la première occasion de démontrer leur dextérité à des métiers considérés jusqu’ici comme des « métiers d’hommes. » Elles ont déployé une habileté latente et fait preuve d’adresse. Le colonel Margaret C. Eaton, O.B.E., directeur général du Corps féminin de l’armée canadienne, a raconté à l’assemblée annuelle de la Canadian Manufacturers’ Association l’an dernier le travail accompli par les femmes sous ses ordres au Canada et outre-mer. « Un grand nombre d’officiers en Sicile et en Italie regardèrent avec appréhension l’arrivée du corps féminin, » dit le colonel Eaton, « mais nos jeunes femmes prouvèrent rapidement qu’elles étaient capables de se mettre à la besogne et faire du bon travail. »

Mais maintenant que la guerre est finie, que vont devenir les femmes ? Entre novembre 1945 et février 1946 le nombre des ouvrières canadiennes a diminué de 136,000, ce qui indique qu’un grand nombre ont cessé de travailler. En même temps, le nombre des ouvriers s’est accru de 125,000. Il y avait au printemps 3,309,000 femmes à partir de 14 ans que le Bureau fédéral de la Statistique classait sous la rubrique « sans occupation ». Sur le nombre, 2,731,000 faisaient leur ménage, 311,000 allaient à l’école, 132,000 étaient incapables de travailler ou trop vieilles, et 125,000 jouissaient d’une pension ou des moyens de ne rien faire. Parmi les femmes qui gagnaient leur vie, 66 pour cent avaient de 20 à 44 ans.

La liste des occupations auxquelles les femmes ont accès comprend presque tout l’alphabet depuis actrice jusqu’à zoologiste. Le département du travail des États-Unis dit que 1,050 emplois industriels sur 1,500 conviennent aux femmes et que 350 autres leur « conviennent assez bien ». L’industrie accepte maintenant plus de femmes qu’auparavant grâce aux sages précautions d’adapter le travail aux aptitudes des ouvrières et au fait qu’on se rend de plus en plus compte que la dextérité compense et au delà le manque de force.

L’invasion des emplois de bureau par les femmes depuis une vingtaine d’années est tout ce qu’il y a de plus phénoménal parmi les changements économiques qui ont transformé la vie des femmes au cours de cette période. Il y a aujourd’hui 80,000 sténographes et dactylographes au Canada et elles prennent une part de plus en plus grande aux affaires. Mais ce n’est pas seulement le nombre de ces emplois occupés par les femmes qui compte, c’est surtout leur conséquence sociale et psychologique. Les femmes sont ainsi en effet en contact direct et journalier avec leurs collègues de l’autre sexe et les chefs d’entreprise, et elles ont l’occasion de se rendre compte de leurs propres yeux, mieux qu’elles ne pourraient le faire à l’école ou par la lecture, des grandes lignes du système économique et social.

L’enseignement dans les écoles est devenu essentiellement un métier féminin. Sur 74,000 instituteurs en 1943 au Canada, 73.5 pour cent étaient des femmes. Il n’en est pas de même dans les universités qui ne comptent que 14 pour cent de femmes sur 6,800 professeurs. Néanmoins, cette année pour la première fois, Vassar vient de nommer une femme pour président.

Quoique les femmes prédominent dans le domaine sanitaire et médical, il y en a peu qui sont médecins. Le recensement de 1941 en donne seulement 142. Les effets de la guerre ont naturellement augmenté le besoin de femmes médecins, mais il est encore trop tôt pour dire si la demande sera permanente. Les gardes-malades sont naturellement les plus nombreuses parmi les occupations féminines dans les services sanitaires et médicaux. Les spécialistes, comme les anesthésistes, touchent de gros salaires et la spécialisation dans d’autres domaines est également fort bien payée. Quoique sans raison apparente, il y a relativement peu de femmes dentistes mais quelques-unes s’occupent exclusivement des dents des enfants et d’hygiène dentaire.

Il n’y a pas si longtemps, les jeunes filles qui cherchaient du travail se plaçaient comme bonnes. Les journaux publient constamment des annonces : « On demande domestiques, – $40 à $70 par mois. », mais les femmes préfèrent travailler dans les usines où le travail est mieux payé et les heures moins longues.

La femme du cultivateur occupe au Canada une place en rapport avec l’importance de l’agriculture dans notre économie. Pendant la guerre les jeunes femmes sont parties de la campagne et leurs aînées ont eu à supporter d’intolérables fardeaux. Nous avons sur nos fermes 800,000 femmes de 14 à 64 ans et de nombreux organismes cherchent à leur rendre la vie plus facile. Les principaux besoins sont : l’électricité, l’eau, les communications, meilleur logement, service sanitaire, éducation, entreprises rémunératrices et amusements.

Les ménagères sont dans une situation particulière parce que tout en passant tout leur temps à travailler à la maison et à élever leur famille, les statistiques les classent sous la rubrique « sans occupation rémunératrice. » L’une d’elles a tenu des comptes pendant 15 ans et trouve qu’en moyenne, la femme qui prépare les repas et qui fait le ménage de toute la famille, produit une somme de travail dont la valeur économique égale celle du travail d’un ouvrier.

Il y a plus de soutiens de famille parmi les femmes qu’on ne se l’imagine. Les gens disent fréquemment qu on devrait partager les emplois parmi les femmes selon le besoin qu’elles ont de gagner leur vie, mais comment décider ce qui constitue réellement ce besoin. Les célibataires qui vivent avec leur famille, ou toutes seules, ont assurément des responsabilités. La plupart des femmes célibataires ont à leur charge une mère ou un père ou bien des soeurs et des frères. Un grand nombre de veuves travaillent pour se suffire au lieu de vivre à la charge de leurs enfants qui ont eux aussi une famille. De sorte qu’en fin de compte il y a de bonnes raisons pour que les femmes célibataires trouvent à travailler.

Mais beaucoup de femmes font double travail et donnent ainsi abondamment raison au proverbe qui dit que « le travail de la femme n’est jamais fini. » Il ne faut pas tirer des conclusions trop catégoriques du fait que quelques femmes mariées travaillent sans avoir l’air d’en avoir besoin. Quelques-unes continuent de travailler pour aider leur mari à se réadapter, ou pour acheter une maison, ou envoyer les enfants au collège. D’autres ont un mari qui est revenu de la guerre mutilé ou temporairement incapable de travailler, ou qui peut-être suit un cours de formation professionnelle en vertu du plan offert aux anciens combattants. Le nombre de femmes mariées qui travaillent n’est pas grand mais il donne lieu à d’incessantes discussions. Le ministère du Travail résume ainsi, dans un rapport de décembre, la situation de l’embauchage féminin maintenant que la crise du temps de guerre est passée : « Un grand nombre de femmes ont l’intention de cesser de travailler seulement si leurs maris obtiennent des salaires relativement élevés. » D’un autre côté, d’autres sont arrivées à des positions qu’elles hésitent à abandonner, surtout depuis qu’elles voient les femmes dans des postes auxquels elles n’auraient jamais songé à aspirer auparavant. L’homme a probablement inventé la roue, le fil à plomb, et le premier instrument tranchant en métal, mais c’est sûrement la femme qui a tiré parti de ces découvertes.

Mais la femme a encore beaucoup à faire dans la voie du progrès économique, comme on a pu le voir à Montréal en mars dernier où il y avait 8,000 places vacantes pendant que 4,000 femmes touchaient des prestations d’assurance-chômage. Le journal dit : « La plupart des 200 femmes qui viennent chaque jour au bureau de placement ne veulent travailler que dans un bureau, mais elles n’ont pas l’instruction nécessaire.» Les parents sont responsables de cela à un certain degré parce qu’ils n’ont pas su faire comprendre à leurs filles la nécessité d’acquérir une instruction solide. Il est vrai qu’après tout, c’est le mariage qui est la vraie carrière de la femme, et la plupart des jeunes filles ne regardent les années de travail dans un bureau ou à l’usine que comme un emploi temporaire, mais elles ne sauraient s’en prendre aux employeurs si elles négligent l’apprentissage nécessaire pour faire concurrence aux hommes.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que du travail quotidien, mais les femmes ont envahi un autre domaine et leur collaboration est essentielle pour assurer le succès des Nations Unies. Au mois de mai, le secrétaire général des Nations Unies a reçu de la part de Mme Merrill Denison et de Mme Jan Papenek un message disant que « les femmes exercent sur l’opinion publique de chaque pays une influence dont les comités entièrement masculins des organismes internationaux n’apprécient pas encore suffisamment l’importance. » Dans son discours à l’assemblée annuelle du Conseil national des femmes canadiennes, Mme Edgar D. Hardy a dit : « Qui en somme applique les programmes relatifs à la santé, au bien-être social, à la nutrition : etc., sinon les femmes ; presque toutes les lois des hommes sur ces questions resteraient sans effet si des femmes énergiques n’en assuraient pas l’exécution. »

Platon dit dans la République : « La femme a tous les talents de l’homme et devrait exercer les mêmes fonctions » ; mais les femmes ont le droit de voter depuis 1918, et pourtant ont-elles obtenu tout ce qu’elles espéraient depuis 28 ans ? Charlotte Whitton dit dans un article de Saturday Night que c’est dans les affaires municipales, où des milliers de femmes siègent dans les conseils en Grande-Bretagne, que « les Canadiennes font preuve de la plus grave indolence et impuissance », et elle ajoute que les Canadiennes pourraient sortir en deux ans de la situation négligeable qu’elles occupent dans la démocratie si un petit groupe de femmes déterminées et au courant des choses prenaient la responsabilité de mobiliser et de dresser quelques « commandos ». La plupart des gens verraient d’un bon oeil les femmes exercer leur pouvoir politique (les femmes forment 51 pour cent des électeurs au Canada) si elles arrivaient ainsi à mettre fin aux tribulations et aux désordres. Après tout, c’est aux femmes qu’on attribue la fondation de Rome car, dit-on, elles brûlèrent les vaisseaux dans lesquels elles étaient fatiguées d’errer à l’aventure et forcèrent les hommes à rester à terre et construire une ville.

Les gens ont l’habitude de ne pas s’entendre sur la meilleure chose à faire. Il y a des femmes qui préfèrent les choses comme elles sont et veulent les conserver ainsi : elles estiment que l’homme se tire assez bien d’affaire. D’autres veulent en arriver au millénium en quelques années. Dans tous les cas, le moment semble mûr de faire un inventaire. Qu’est-ce que la femme a gagné par suite des changements sociaux, économiques, intellectuels et politiques produits par les nouvelles méthodes d’enseignement, par une plus grande liberté d’action et par de plus grandes chances de succès ? Le tout revient simplement à ceci : Est-ce que tout cela permet à la femme d’aujourd’hui d’être plus heureuse que sa mère ou sa grand’mère ?