Quoi qu’on puisse dire de la science, il faut admettre deux choses : elle a contribué à rendre l’existence d’aujourd’hui confortable par rapport à celle d’il y a un ou deux siècles et elle a en même temps compliqué la vie.
La science appliquée a fait tellement de progrès que nous sommes simplement surpris à notre époque de ne pas apprendre plus souvent quelque merveilleuse découverte. Nous acceptons comme naturelles des choses qui auraient paru merveilleuses à nos grands-parents. Nous nous faisons, très lentement, à l’idée qu’un inventeur, un savant ou un professeur, n’est pas un bonhomme à cheveux longs, un peu détraqué, dont les idées baroques ont quelquefois du bon.
Le progrès a marché par à-coups. Un génie inconnu d’une époque très ancienne mélangea neuf parties de cuivre avec une partie d’étain et fabriqua du bronze, ce qui fait passer l’humanité de l’âge de la pierre à celui des métaux.
Archimède découvrit la vis vers 250 avant J.-C. mais elle demeura dans sa forme primitive jusqu’à Léonard de Vinci au 15e siècle. Et ce n’est que ces jours-ci que la Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis se sont entendus pour la première fois pour standardiser les pas de vis de manière à rendre les vis interchangeables.
Ce n’est qu’au 18e siècle qu’un savant suédois, Linné, entreprit la tâche que, d’après la Genèse, Dieu avait confiée à Adam : celle de nommer tous les animaux et toutes les plantes. Linné accomplit une oeuvre scientifique.
Qu’est-ce que la science ?
Le professeur R. C. Tolman, du California Institute of Technology, présente la nomenclature des sciences sous la forme d’une pyramide.
À la base, il place les mathématiques, qui prennent comme sujet d’étude dans le monde de la réalité les idées les plus simples et les plus générales, comme celles d’ordre, de nombre et de dimension.
En ajoutant d’autres idées telles que celles de matière, énergie et électricité, nous arrivons à la science de la physique.
Les idées de différents ordres de substance et de transformation chimique d’un ordre à un autre, nous donnent la chimie.
Quand nous ajoutons les idées de l’ordre spécial appelé vivant, et d’un genre spécial de conduite d’ordre mental, nous avons la biologie et la psychologie. Et, dit le professeur Tolman, « en comprenant dans notre étude un nombre croissant de complexités du monde environnant, nous en viendrions à la psychologie sociale, à l’économie politique et aux sciences sociales en général. »
Cela nous fait comprendre que nous devrions moins être étonnés de la diversité apparente de la science que de son unité réelle.
Les découvertes scientifiques ont toujours commencé par une hypothèse suggérée par l’imagination et par un esprit d’aventure. Dans l’ancien temps, le savant ne dépassait guère les murs de sa ville et tout était inconnu au delà d’un très petit rayon : aujourd’hui nous avons construit un immense télescope pour percer la Voie lactée.
Après l’imagination viennent les essais. Le singe espiègle déchire les choses qui lui tombent sous la main, mais l’homme est poussé par le désir d’assembler les choses sous des formes différentes. La plupart de ses efforts paraissent souvent futiles aux étrangers, mais il a les yeux fixés sur un but qu’il est parfois nécessaire d’atteindre par un chemin détourné. La persistance a conduit à plus de découvertes que l’intelligence.
La méthode scientifique
Il faut que les savants soient sceptiques et en proie au doute, parce que ceux qui sont satisfaits des choses comme elles sont et de l’idée que nous nous en faisons aujourd’hui, ne découvriront jamais rien de nouveau et ne contribueront pas non plus au progrès de la culture et au bien-être de l’humanité.
La science consiste principalement à recueillir des faits et à essayer de les expliquer. Le savant doit être sans préjugés en rassemblant ses faits et en les jugeant. Quand il arrive en face d’un phénomène inattendu, il commence d’abord par douter. Les oeuvres de Darwin sont un modèle du genre ; il refuse d’aller plus loin que ce qui paraît évident et il pèse avec soin chaque hypothèse.
La gravité n’était qu’une hypothèse avant qu’on en fasse la preuve et elle est devenue ensuite une théorie. En appliquant cette théorie, et en observant le mouvement d’autres planètes, Leverrier et Adams découvrirent la planète Neptune qu’ils ne pouvaient pas voir.
Nous devons être reconnaissants à Carl L. Becker, auteur de The Heavenly City of the Eighteenth-Century Philosophers, de l’heureuse manière dont il décrit cette excursion scientifique dans l’Inconnu : « Newton ne doutait pas que, le firmament manifeste la gloire de Dieu ; mais il désirait trouver, à l’aide d’un télescope et d’un calcul mathématique, la manière exacte dont cela est accompli. »
L’épreuve est une autre méthode scientifique. Galilée n’était pas satisfait de ce qu’avait dit Aristote au sujet de la chute des corps et il n’acceptait pas non plus la supposition raisonnable qu’un poids de dix livres devait tomber plus rapidement qu’un poids d’une livre : il laissa tomber les deux de la tour penchée de Pise et démontra que tous les corps tombent naturellement à la même vitesse et non pas par rapport à leur poids.
Ces qualités de la méthode scientifique : le scepticisme tant que la preuve n’est pas faite ; la possession de tous les faits ; la classification ; l’élaboration d’une hypothèse et sa preuve, non seulement dans son propre cadre mais par rapport à d’autres hypothèses : ces qualités pourraient bien être appliquées à la vie sociale et politique au grand avantage des individus et du pays.
Genres de recherches
On peut diviser les recherches scientifiques en trois catégories : la pure recherche, qui offre peu de chances d’application pratique ; les recherches fondamentales appliquées, qui ont en vue un emploi général, sans application précise ; et les recherches immédiates, entreprises en vue de résoudre un certain problème.
Thomas H. Huxley soutenait fermement que les grands progrès de l’humanité ont été et seront accomplis par ceux qui font des recherches simplement pour l’amour des recherches. Newton couronna les longs travaux des astronomes et des physiciens en rassemblant leurs découvertes et en ajoutant le catalyseur qui les transforma en un vaste système, mais ses principes ne contribuèrent pas à la richesse et au court de l’humanité. Et Platon dit dans sa République : « Il faut étudier la science dans le but de connaître les choses éternelles, et non pas pour l’amour des choses éphémères. »
Les recherches fondamentales disent « Qu’est-ce que c’est ; comment cela marche-t-il, et pourquoi cela marche-t-il ainsi ? » La recherche appliquée demande « Comment devons-nous faire ceci ? ». La première essaie de comprendre la nature, la deuxième de s’en rendre maîtresse.
Les technologues et les ingénieurs prennent le produit des idées scientifiques qu’ils transforment en salaires pour les ouvriers et en marchandises pour les consommateurs. Il est probable qu’il a fallu un plus grand effort cérébral et plus de détermination au technologue Edison pour fabriquer la première lampe électrique qu’il en a fallu à Faraday, pour écrire ses Recherches expérimentales en électricité.
Sir Robert Watson-Watt, le physicien dont le nom est lié à l’invention du radar, a ainsi résumé la distinction : « La différence entre le physicien et l’ingénieur est que le physicien est intéressé dans les forces de la nature tandis que l’ingénieur est principalement intéressé dans les besoins des hommes. »
Les universités sont le fondement de l’armature scientifique nationale. On peut trouver par accident un moyen de guérir le cancer, mais il est bien plus probable que la guérison résulte des travaux des laboratoires universitaires.
Il est difficile d’évaluer le montant de travail scientifique accompli dans les laboratoires des entreprises industrielles, mais on sait que les théories y soulèvent un intérêt croissant. Il arrive un moment où il faut abandonner les anciennes manières de faire les choses parce qu’elles ne répondent plus aux besoins. Les recherches sont nécessaires pour préparer de nouvelles applications pratiques.
Il y a évidemment une place pour les recherches scientifiques des universités et celles des entreprises industrielles. Les universités ont besoin de l’aide financière de l’industrie pour continuer le travail scientifique sur lequel l’industrie base ses propres recherches.
La science et la société
Les recherches effectuées dans les laboratoires ont une répercussion sur la vie quotidienne et les gens s’aperçoivent de plus en plus de l’effet que la science produit sur eux. Il n’y a rien de nouveau dans le problème social posé par les découvertes scientifiques. La première hache de pierre a servi à tuer des hommes aussi bien qu’à procurer de la viande.
Quand un homme fait une découverte comme la hache de pierre ou l’électron, il ne peut pas prévoir l’usage qu’en feront les générations suivantes. En somme, la science ne saurait être tenue responsable des jugements sociaux. Elle peut nous montrer un meilleur moyen de fabriquer certaines choses, mais elle ne peut pas nous empêcher de nous en servir pour notre propre destruction ou celle de la civilisation.
Un plus grand progrès moral est la seule protection efficace, dit du Nouy dans La Destinée Humaine.
Pour la première fois dans l’histoire, l’homme est effrayé de l’emploi qu’il a fait de son intelligence. Il se pose ces questions : À quoi tend ce progrès formidable ? Où va-t-il nous mener ? Quel est son effet probable sur l’avenir de la race humaine ?
Ce sont là les questions au sujet de la science que sir Alfred Ewing se demandait il y a plus de dix ans avant que la bombe atomique éclate sur Hiroshima. Il est encore plus important d’y répondre aujourd’hui !
La science et l’industrie
La science est le fondement de notre richesse, mais les nouvelles affaires érigées sur ce fondement posent de nouveaux problèmes. D’un côté, il existe le besoin croissant de faire comprendre l’industrie à la collectivité, et d’un autre côté le besoin de la part de l’industrie de comprendre la collectivité et ses employés.
Les progrès révolutionnaires de la science et de la technologie dans les quelques dernières années ont augmenté la production avec moins de travail. Le fait qu’un ouvrier industriel au Canada reçoit un salaire plusieurs fois supérieur à celui que son prédécesseur recevait pour une journée beaucoup plus longue de travail il y a une ou deux générations, est la conséquence des découvertes scientifiques.
L’augmentation de rendement par heure-homme est à raison de 1.7 pour cent par an pour l’industrie en général, dit le professeur Sumner H. Slichter, de Harvard University, dans le numéro des Annales de l’Académie américaine des sciences politiques et sociales intitulé Social Implications of Modern Science. Cela, dit-il, signifie que le rendement par heure-homme double tous les quarante ans.
Toute l’économie a subi l’effet de la science. Prenons comme exemple le plus grand nombre de matériaux et de procédés ; la plus grande mobilité géographique de la main-d’oeuvre et du capital ; le taux accéléré des changements, entraînant une dépréciation plus rapide et la désuétude des instruments de production ; les plus nombreuses occasions de faire des placements, contre-balancées dans une certaine mesure par un moindre désir d’économiser.
Il y a maintenant moins de manoeuvres et plus d’ouvriers expérimentés, plus de commis et plus de professionnels. Le recensement de 1940 aux États-Unis a révélé qu’il n’y avait pas plus de manoeuvres qu’en 1910 quoique la population ait augmenté de 43 pour cent.
Ces changements ne sont pas superficiels. Ils touchent le fond même de la nature humaine. La science a transplanté la civilisation dans les déserts, par exemple dans le nord du Québec et de l’Ontario, et changé par suite le mode d’existence des gens. Elle a permis à quelques nations de modifier la nature de leur production et de faire concurrence aux anciennes économies d’autres nations. Elle a mis le nécessaire et le luxe à la portée d’un plus grand nombre de gens et a changé les aspirations et le point de vue de pays entiers.
La science a également révolutionné l’agriculture. La réfrigération, par exemple, a transformé les terrains incultes des pays des Caraïbes en plantations de bananes. L’irrigation et la culture scientifique ont transformé des déserts en jardins potagers. La mécanisation et les méthodes de culture scientifique ont fait pousser plus de récoltes par arpent, et en même temps encouragé la migration de la campagne à la ville.
La technologie suit de si près les progrès de la science que l’appareil ou la machine qu’on achète aujourd’hui sera probablement au rancart dans quatre ou cinq ans, et c’est là une dépense dont il faut tenir compte en faisant des plans de production et en décidant la marge de profit, les dividendes des actionnaires et le degré d’expansion des usines.
La science et l’embauchage
Contrairement à ce qu’en disent quelques sectes travaillistes, la science n’a pas occasionne beaucoup de chômage technologique, et les problèmes causés par les déplacements ont été peu nombreux.
Lord Stamp résume la chose ainsi : « À un certain moment les effets de la science causent toujours un peu de chômage, mais en même temps elle procure de nouveaux emplois quand le chômage cesse ». Et il ajoute qu’il y a d’autres facteurs qui produisent un plus grand effet sur l’embauchage : les changements de la mode, l’épuisement des ressources, les modifications des tarifs douaniers, l’effet psychologique des époques de prospérité et de crise. Ces facteurs ainsi que ceux d’ordre politique comme les menaces de guerre, font augmenter et diminuer l’embauchage dans certains endroits et certaines industries.
Les découvertes scientifiques ont stimulé l’expansion économique, créé de nouveaux métiers et professions et permis aux hommes et aux femmes de trouver des occupations adaptées à leurs aptitudes en même temps qu’à leurs goûts.
Science sociale
Jusqu’à ces derniers temps l’homme avait été principalement occupé à faire la conquête de son milieu ; maintenant il faut qu’il apprenne à faire la conquête de lui-même.
Les progrès de la science physique ne contribuent rien aux progrès de la partie humaine du globe – partie qui était déjà ancienne avant Darwin, Faraday ou Rutherford. Il est impossible de se servir des logarithmes pour étudier cette partie humaine de la création. Chaque être humain porte en soi le résultat des influences sociales qui pèsent sur lui depuis sa naissance, et sur le genre humain depuis Adam.
Cela rend la science sociale très difficile. Pensez aux préjudices personnels, aux intérêts de classe et de pays, aux différents enseignements religieux et aux différentes croyances et occupations des hommes et des femmes. Il est difficile de faire concorder les intérêts personnels avec les intérêts plus importants de la collectivité et du monde.
Mais les difficultés ne nous empêchent pas d’essayer, et à moins d’essayer avec quelque succès, il n’y a pas beaucoup d’espoir pour l’avenir de la race humaine.
Les sciences physiques nous ont donné l’énergie atomique : il appartient maintenant aux sciences sociales de contrôler le mal que pourrait faire l’emploi de l’énergie atomique et d’en tirer tout le bien possible dans l’intérêt de l’humanité. Peu de gens dans les nations éclairées diront qu’il est impossible d’empêcher le mal. Il s’agit simplement de cultiver le sentiment de l’éthique et l’intelligence scientifique jusqu’au point où les hommes désirent faire le bien au lieu du mal.
L’éducation scientifique
Rien ne peut comme l’éducation supprimer les préjugés, créer des intérêts communs, et reformer les hommes des dangers de l’anarchie sociale. Les exhortations ne manquent pas dans le monde, mais il manque des explications pour faire comprendre que la science est une possession que tous les nommes ont en commun.
On peut enseigner la science sous une forme populaire sans qu’elle perde sa précision. En réalité, si on supprime quelques-unes de ses technicalités et de ses abstractions on la rapproche davantage de la vie ordinaire.
J. D. Bernal, auteur de The Social Function of Science, voit un double avantage à instruire les gens ordinaires comme nous : avantage pour eux et pour la science. La science ne peut faire de grand progrès, dit-il, que si elle a l’appui d’une opinion publique éclairée, et nous trouverons dans l’éducation notre seule sauvegarde contre les enthousiasmes mystiques et les tendances anti-rationnelles qui se manifestent de temps en temps par l’intermédiaire de tyrans, de démagogues et de révolutionnaires.
C’est à l’école que doit commencer le genre d’instruction qui fera comprendre aux gens les besoins et la nature de la science. Ce n’est pas une préparation pour les professions, mais un élément dans l’instruction du citoyen ordinaire. Elle devrait donner aux enfants une idée de l’univers dans lequel nous vivons, les mettre au courant des résultats des découvertes scientifiques, et, ce qui est plus important, leur enseigner a penser logiquement et à peser le pour et le contre.
L’instruction devrait avoir lieu dans toutes les usines, de manière à enseigner à l’ouvrier les principes sur lesquels reposent les tâches qu’il accomplit et par suite lui inspirer plus d’intérêt dans son travail.
Dans son guide de lecture qu’il a appelé Through the Magic Door, sir Arthur Conan Doyle dit : « Si j’avais à donner des conseils à un jeune homme qui commence dans la vie, je lui dirais de consacrer un soir par semaine à des lectures scientifiques. »
La science et le Canada
Le passage du Canada de la jeunesse à l’âge mûr de la science est un des traits significatifs de son progrès. Le docteur C. J. Mackenzie, président du Conseil national de recherche et de la Commission de contrôle de l’énergie atomique, a dit l’an dernier, que le Canada « est aux premiers rangs du monde scientifique pour la première fois d’une manière importante ».
Les dépenses du Conseil pendant l’exercice 1947-48 sont de $7 millions, dix fois plus que juste avant la guerre, et cette somme ne comprend pas $6 millions pour l’usine de Chalk River où des savants sont en train de façonner les progrès de demain. On fait dans cette usine des épreuves de radioactivité qu’il est impossible de faire ailleurs dans le monde.
Parmi les résultats « pratiques » du Conseil national de recherche il faut citer : une méthode pratique de dégeler les ailes d’aéroplane par l’électricité ; un instrument de radar qui montre continuellement à l’aviateur sa distance du sol ; une méthode rapide de fabriquer du sérum contre le typhus ; une méthode de tirer le magnésium de la dolomite (ce qui est une nouvelle industrie pour le Canada) ; la construction d’un type d’avion à « aile volante » en contreplaqué dont les essais ont été satisfaisants ; un procédé d’urgence pour réfrigérer la soute des cargo-boats ; l’invention d’un traitement qui préserve les tissus de la rouille, du feu et de l’eau ; et naturellement, ses contributions à radar, aux explosifs RDX, à l’énergie atomique et aux travaux scientifiques relatifs à la guerre.
On a annoncé cette automne qu’un élément qui manquait dans la table avait été expliqué grâce aux travaux de la Division de l’énergie atomique du Conseil national de recherche du Canada et de deux chimistes nucléaires de l’université de Californie.
La science est internationale
La science n’a jamais été habituée à se renfermer dans des frontières nationales. Comme il a été souligné à une récente assemblée de la American Association for the Advancement of Science, elle est due aux efforts combinés des investigateurs consciencieux et sans parti pris du monde entier.
Il n’est donc pas surprenant de trouver que la science occupe une place importante dans le programme de UNESCO. Le plan prévoit le rétablissement de l’enseignement scientifique dans les pays dévastés, l’échange international de technologues et de conférenciers et l’adoption de programmes et de recherches d’intérêt international. Pour commencer, UNESCO coordonnera les recherches des spécialistes de nombreux pays sur les ressources et les conditions d’existence.
Le nationalisme économique a empêché l’application de la science au bien-être humain. La science nous a enseigné les moyens de produire deux fois plus qu’avant, mais le nationalisme nous empêche de faire le meilleur usage du surplus juste au moment où nous dépendons de plus en plus les uns des autres.
Si la diplomatie peut faire profiter les gens ordinaires de tous les avantages offerts par la science, elle peut leur procurer des pouvoirs nouveaux et inconnus jusqu’ici de satisfaction personnelle, d’efficacité politique et de service social. Le Darwinisme à outrance a introduit la survivance du plus apte dans toutes les phases de la vie nationale et internationale tandis que la science, quand elle sera étroitement liée à la démocratie, montrera qu’il est possible d’obtenir de plus grands avantages par la collaboration.
Voilà ce qu’il nous reste à faire malgré tous nos progrès. À part la conquête de l’espace, dont on parle tant aujourd’hui, et celle des maladies, il y a la question essentielle de vivre ensemble.
Nos progrès dans certaines voies sont indiqués par l’action d’un délégué aux Nations-Unies à Lake Success l’an dernier qui demanda par câble à son gouvernement la permission de soulever la question des droits de souveraineté sur la lune. Et pourtant, les peuples de la terre sont incapables de régler leurs propres frontières nationales, et l’ambition d’un seul gouvernement tyrannique met trois continents en tumulte.
Cela nous ramène aux sciences sociales. Pendant que les savants continuent leurs recherches dans les sciences naturelles, nous ne devons pas nous contenter d’admirer leurs découvertes. Ces découvertes nous apportent la possibilité d’un nouveau genre d’existence, si nous avons le bon sens de cultiver le milieu éthique, spirituel, politique et social dans lequel cette nouvelle existence peut se développer.
La science nous a placés sur une éminence d’où nous pouvons voir très loin, mais nous ne savons pas ce qu’il y a au-dessous de l’horizon. Le plus grand problème de tous est celui qui est juste à nos pieds : comment nous comporter socialement de façon que la science puisse faire son possible pour rendre l’existence plus heureuse, plus facile, et plus satisfaisante.