Quand on voulait faire plaisir aux parents d’autrefois, on disait de leurs enfants : « Il est juste comme son père », ou « Elle est juste comme sa mère » ; autrement, les gens n’étaient pas flattés. Mais le présent Bulletin a pour point de départ : « Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas du tout comme leurs parents. »
Jeunes et vieux ont changé avec le temps, mais ils souffrent pareillement du fait qu’ils vivent à une époque compliquée à laquelle leur individualité ne s’est pas adaptée assez vite. La jeunesse est impatiente et veut tout faire à la hâte. L’âge mûr croit sincèrement que la hâte de la jeunesse opère au détriment de la qualité et compromet le bien commun.
Les jeunes gens de chaque génération, y compris la nôtre, ont été irrités par l’apparente lenteur des événements. Ce n’est qu’à l’âge mûr que le progrès de l’humanité apparaît sous sa vraie perspective. On s’aperçoit alors que, compte tenu de tous les facteurs en jeu, la race humaine fait d’étonnants progrès. Nous sommes deux milliards sur cette terre, chacun de nous avec sa race, sa nationalité, son milieu, sa religion, sa situation économique, son sexe et son âge. Étant donné la multitude des mélanges et les milliers de variations, il est merveilleux que nous ayons réussi à collaborer aussi bien que nous le faisons au succès de notre civilisation.
Il ne manque pas de livres sur les progrès de l’humanité depuis la simplicité de l’existence dans le paradis terrestre jusqu’à la vie compliquée et enchevêtrée de nos jours. Le présent Bulletin ne saurait remonter si loin ; il a trait aux différences entre l’époque où vit notre jeunesse d’aujourd’hui et celle où vivaient leurs parents et leurs grands-parents.
Une « génération » compte environ 30 ans, de. sorte que depuis l’an I il n’y a eu que 64 générations, et moins de 3 depuis la Confédération. Pendant ces trois générations il est arrivé beaucoup de choses pour changer l’attitude et la situation des jeunes. Les grands centres de population demandent de nouvelles formes d’organisation sociale. En même temps, l’industrie s’est énormément spécialisée, de sorte que la plupart des ouvriers collaborent à la fabrication d’une pièce au lieu de faire quelque chose de nouveau, de produire des matières premières et d’être des artistes dans leur métier comme leurs ancêtres.
Regardez les changements matériels. Parmi les plus merveilleuses inventions des deux dernières générations, que nos enfants ont l’air de trouver si naturelles, nous comptons l’automobile, la lumière électrique, le téléphone, la radio et le cinéma. En voici le nombre au Canada à chacun des trois recensements vingt ans à part :
1901 | 1921 | 1941 | |
Automobiles | 535 | 464,805 | 1,572,784 |
Consommation domestique d’électricité | 830,000 | 1,756,000 | |
Téléphones | 63,192 | 902,090 | 1,562,146 |
Radios | aucun | quelques-uns | 2,150,000 |
Cinémas | aucun | 910 | 1,244 |
Ces chiffres indiquent que le Canada a une auto par 7.36 personnes et un téléphone par 7.4 personnes. Soixante-neuf pour cent des maisons sont éclairées à l’électricité, 78 pour cent ont des radios et il y a un cinéma par 9,310 personnes.
Le manque d’instruction a diminué : en 1921 il y avait 300,000 personnes qui ne savaient ni lire ni écrire, et en 1941, d’après le recensement, « Il n’y avait plus lieu de demander aux gens s’ils savaient lire et écrire, attendu que la proportion des illettrés pour fins de recensement, était devenue insignifiante. » Le nombre de diplômées universitaires est deux fois plus grand en 1941 qu’en 1921, et le nombre des étudiants des deux sexes a également doublé. Les comptes d’épargne dans les banques à charte ont augmenté de $41 par personne en 1901 à $148 en 1921, et se chiffrent aujourd’hui à $296 par personne.
La vie n’est plus la même
Que signifie tout cela ? Cela signifie que la vie aujourd’hui n’est pas la même que pendant l’enfance des hommes qui sont maintenant à la tête des entreprises commerciales, industrielles et agricoles, et que du fait qu’elle est différente nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les enfants d’aujourd’hui mènent la même vie que leurs parents.
Dans son allocution à une convention minière à Spokane, R. W. Diamond, vice-président et directeur général de la Consolidated Mining and Smelting Co. of Canada Ltd., a clairement exposé la situation : « Nous en observons l’effet chez nos jeunes gens. Non seulement un trop grand nombre d’entre eux sont désorientés par la complexité des problèmes mais, ce qui est plus grave, la plupart ne se rendent pas compte de leurs problèmes. Non seulement les problèmes de leur éducation présentent plus de difficulté que ceux de la dernière génération, mais nos enfants ont plus de distractions et d’occasions de s’amuser. La vie dans certains cas leur a été rendue trop facile. Leur fond est bon, mais ce sont les temps qui sont difficiles et c’est l’équilibre qui fait défaut dans le monde. »
Il est important de nous rendre exactement compte, avant de songer aux remèdes, des difficultés de notre époque. Prenez un enfant de l’époque de 1900 à 1911. Pour plus de commodité, prenons un garçon, quoique ce que nous en dirons s’applique également aux filles. Les parents lui portaient beaucoup plus d’intérêt que les parents modernes n’en portent à leurs enfants, parce qu’il y a aujourd’hui beaucoup d’autres choses qui réclament l’intérêt des parents et des enfants. On exigeait de lui, et on obtenait le plus souvent, une obéissance aveugle. Le respect des parents était doublé d’amour filial et de sentiments d’affection réelle très différents des belles paroles souvent peu sincères d’aujourd’hui. La vie suivait une route tracée depuis des siècles, sans trop de variations.
Le modèle qui avait si bien servi pendant tant de générations a été fracassé en 1914. Le brillant éclat de la révolution industrielle et la marche de la technologie l’avaient déjà fait pâlir, mais la guerre lui a porté le coup de grâce. Le respect de l’autorité a fait place à la confiance en soi. Le culte de l’initiative juvénile a remplacé la foi dans la sagesse des aînés. Les paisibles réunions autour du foyer ont cédé la place aux promenades en auto, au cinéma, à la hâte, au vacarme et au mouvement mécanique.
Les guerres ont eu un autre résultat. Soixante-mille jeunes gens élevés dans l’ancienne tradition ne sont pas revenus de la première guerre et leur absence a accéléré la marche des nouvelles idées ; la deuxième guerre en a pris 38,000. La transition aurait pu s’accomplir plus facilement pour les jeunes – ainsi que pour les adultes qui vivent avec eux – si la guerre n’avait pas fait ces trouées tragiques dans nos rangs.
Les familles changent
Ce n’est pas seulement l’individu qui a souffert de ces changements. La famille a subi de violents chocs et quoiqu’elle ait vaillamment résisté, elle y a sûrement perdu quelque chose. Comment en serait-il autrement ? La forme antique de la vie de famille ne pouvait pas demeurer invariable à travers la rapide transformation du progrès matériel. Le nouveau modèle est probablement meilleur en somme, mais les enfants ne doivent pas oublier que les parents sont attachés au passé par le sentiment et ont peut-être de la difficulté à s’adapter aux nouvelles idées de leurs enfants.
La famille est une institution dans laquelle il est agréable et facile de vivre. C’est un groupe social comportant des rapports exceptionnellement étroits et personnels, avec peu de réticences et de nombreuses obligations. Les jeunes remarquent sans la comprendre la différence entre les rapports dans la famille et ceux à l’extérieur. Ils s’offensent parce que leurs parents, leurs frères et leurs soeurs ne se gênent pas pour leur faire des observations et des remarques que ne ferait jamais un étranger, et exigent qu’ils se conduisent mieux qu’on ne s’attend d’eux ailleurs. Ce contraste entre les coudées franches du dehors et la sévère discipline du foyer, est loin de ressembler à l’époque où la famille était le centre et presque la raison d’être de la vie.
Les niveaux d’existence ont changé eux aussi. Une grande partie de l’argent en circulation pendant les années de guerre est allé à des familles qui en avaient moins avant, et elles ne demandent qu’à conserver l’habitude de dépenser sans compter. Mais à côté de cela, il y a des familles dont le pouvoir d’achat n’est plus aussi grand qu’en 1939, parce qu’elles jouissent d’un revenu fixe et qu’elles ressentent l’effet de l’inflation et des impôts. Quand vous prenez un revenu fixe et que vous lui enlevez 30 pour cent de son pouvoir d’achat, cela fait une grosse différence dans les habitudes et les idées des familles et des individus.
Les théoriciens déplorent le développement urbain du Canada, dont la jeunesse a subi l’effet, mais il n’est pas facile de dire ce qu’on pourrait faire à ce sujet. La ville attire continuellement les gens de la campagne : La proportion de la population rurale du Canada qui était de 80 pour cent en 1871 est tombée à 63 pour cent en 1901 et à 46 pour cent en 1941.
Ce changement dans la répartition de la population, qu’on remarque également aux États-Unis, est accompagné d’une mécanisation plus intense de l’agriculture, d’une industrialisation plus répandue, et du désir, particulièrement chez les jeunes, de jouir des conforts et des amusements de la ville.
La jeunesse est différente
La jeunesse est non-conformiste dans ses rapports avec les personnes d’age différent ; elle adopte les idées les plus fantastiques de son propre groupe sans se soucier de ce que le monde en pense ou en dit. Elle n’a pas peur de s’exposer à des émotions qui désorientent leurs parents. La vie est une série de révoltes soudaines, coupées de périodes d’introspection. Aucune institution, religieuse, pédagogique ou commerciale n’échappe à sa critique. Le formalisme et le ritualisme sont traités avec impatience ; les conditions sociales font l’objet de conférences, d’enquêtes et de résolutions. La jeunesse impatiente a peu de respect pour le passé et elle est disposée à apprendre à ses propres dépens. Tout cela a du bon, pourvu qu’elle ne confonde pas le mouvement avec la vie, et la vitesse avec le progrès.
Quand les adolescents deviennent adultes, les vieux problèmes s’aggravent et s’augmentent de nouveaux. Quoique physiquement et psychologiquement prêts au mariage et à se faire une place dans la vie, les jeunes gens éprouvent souvent quelque difficulté à adapter leurs talents à la carrière qui les fera vivre. L’âge moyen du mariage aujourd’hui est de 28 ans pour les hommes et de 25 ans pour les femmes. Le délai n’est pas seulement causé par la difficulté de se caser, mais c’est le résultat du niveau d’existence qui demande plus de moyens qu’il n’en fallait autrefois. Le problème est compliqué par le fait que beaucoup de jeunes filles qui ont moins de 20 ans gagnent un bon salaire et n’aiment pas se marier si cela leur donne moins à dépenser.
En parlant de leur avenir, quelques jeunes gens affectent une attitude cynique. C’est difficile à décrire, mais on dirait des passagers sur un petit navire qui, effrayés par la tempête, prennent cependant plaisir au spectacle de l’océan en furie. La jeunesse est capable de regarder d’un oeil froid les événements les plus tragiques qui accablent leur pays et leurs amis, et d’un autre côté de « perdre la tête » pour un chanteur de radio et pleurer sur les chagrins d’une héroïne de roman. Ce n’est pas en réalité du cynisme mais plutôt le désir de suivre le mouvement tout en faisant preuve d’indépendance.
Si la jeunesse éprouve une tendance à brûler les étapes, elle doit cependant se rendre compte que la civilisation n’est pas fondée sur l’amertume, la négation ou l’égocentrisme. La vie réserve ses récompenses à ceux qui contribuent à la rendre meilleure. Soixante-dix pour cent des jeunes gens qui ont répondu récemment à un questionnaire du Readers Digest admettent qu’ils ont une meilleure chance de succès que leurs parents.
Plan de vie
On devrait considérer cinq points dans un plan de vie : la santé, la récréation, l’éducation, le succès dans sa carrière, et l’ambition, et nous allons dire un mot sur chacun.
La jeunesse ne s’efforcera d’éviter les maladies que lorsqu’on se rendra compte qu’on peut ajouter des années de plaisir et de travail à son existence par des précautions pendant la jeunesse. Il y a lieu d’attirer l’attention à cet effet sur les exercices physiques à l’école, non pas collectifs, mais pour inculquer des connaissances personnelles et un sentiment de responsabilité.
Les loisirs devraient être employés à faire quelque chose au lieu d’être passés dans « l’oisiveté ». Quand on les considère ainsi, les loisirs ne servent plus simplement à prendre de l’exercice, mais à continuer à s’instruire, à développer le sens esthétique et à jouir de la vie selon ses goûts.
Les jeunes gens prennent le mauvais chemin quand ils jugent leur emploi par le salaire et les heures de loisir. La vie mérite plus de leur part qu’une demande de loisirs, et ils méritent plus de la part de la vie que ce qu’ils en obtiennent en recherchant principalement les loisirs. Avant de solliciter un emploi, ils devraient d’abord réfléchir soigneusement s’il leur permettra de mettre à profit toutes leurs aptitudes, et ensuite convaincre l’employeur qu’ils sont capables de faire honneur à l’emploi.
L’emploi obtenu, il ne suffit pas de compter sur l’ancienneté et le travail pour les augmentations et l’avancement. « Mélangez l’intelligence à votre énergie », devrait-on leur dire. « L’activité n’est pas tout. Le haricot sauteur du Mexique est actif parce qu’il contient un ver qui dévore son intérieur… Si vous désirez qu’il n’y ait pas de maximum à votre salaire, souvenez-vous qu’on ne tient pas à savoir combien vous avez travaillé, mais ce que vous avez accompli. »
Il faut également continuer de s’instruire. Il ne suffit pas pour cela de lire un livre par mois ; c’est un procédé continuel, auquel chaque jour ajoute sa part, et chaque nouvelle connaissance offre l’occasion d’apprendre quelque chose de nouveau. Il ne suffit pas d’avoir une place au bas de l’échelle : il faut vouloir grimper. Le monde ne se transforme pas pour plaire aux gens qui réclament des ascenseurs et des escaliers roulants.
On ne saurait donner aux jeunes de meilleurs conseils que ceux-ci : « Ne méprisez pas le passé ; vous lui devez ce que vous êtes. Lisez les vies de ceux qui ont fait le passé ; vous éviterez ainsi leurs erreurs. Ne prenez pas cela comme un conseil de vous retirer du monde et de vivre le nez dans les livres, de vous faire hermite ou de vous enfermer fièrement dans une tour d’ivoire. C’est faire preuve de bon sens que de lire la vie des autres, d’en choisir les bons côtés, et de passer de la logique des livres à l’action et de mettre à profit les préceptes et les exemples. »
Ceux qui étudient intelligemment, non seulement pour s’instruire mais pour comprendre la raison des actions humaines, sont mieux préparés quand une occasion se présence, et il faut savoir prendre les occasions aux cheveux. Il n’y a jamais eu de meilleures occasions qu’aujourd’hui au Canada, mais encore faut-il travailler pour les saisir. Il y a de la concurrence, et pour pouvoir lutter contre la concurrence il faut se préparer à l’avance, et rien ne sert de blâmer les autres pour notre propre manque de préparatifs.
Il y a des gens qui marchent sur les pattes du chien parce qu’ils ne regardent pas où ils vont, et ils donnent un coup de pied au chien. C’est là, dit G. H. Preston dans « La Psychiatrie pour les curieux », ,une des manières les plus communes de se défendre quand on se sent en faute, ou coupable d’une sottise. » C’est votre faute si vous avez trébuché et c’est vous qui méritez le coup de pied ; mais vous avez rejeté la faute sur le chien. Cette habitude de se défendre en donnant un coup de pied au chien ou en blâmant les autres est une forme de conduite humaine que vous pouvez observer tous les jours chez vos amis. »
Les parents ont aussi changé
Autrefois, un père avait trois ambitions pour ses enfants, dit Arnold W. Green, de l’Université de New Hampshire dans la American Sociological Review de février. C’étaient : se faire aider par eux sur la ferme ou dans son métier, vivre à leur charge dans sa vieillesse, et préserver le nom. Et M. Green ajoute : « Rien que sous le rapport de l’argent, un enfant de la classe moyenne coûte si cher à élever de nos jours que l’ambition du père est sérieusement menacée. »
Il est bon de tenir compte que les parents font des sacrifices pour donner à leurs enfants un bon départ dans la vie. L’enseignement obligatoire, les lois sur le travail des enfants et le retardement du jour où les jeunes peuvent se suffire, accroissent le fardeau économique des parents qui travaillent. Un monographe de recensement basé sur les statistiques de 1931 indique combien il faut en moyenne pour élever un enfant canadien pendant 18 ans. D’après ces calculs, le coût pour chaque enfant en 1931 était de $320 par an ; à cette époque la moyenne des salaires était de $1,111 par an, de sorte qu’il fallait le salaire de cinq années pour élever un seul enfant. En 1946, le coût est de $363 par an et la moyenne des salaires $1,678.
Les parents sont susceptibles de se voir comme les voient leurs parents, et confondent cet aspect idéal de leur vie avec la vie qu’ils mènent aux yeux de leurs enfants. Il n’est pas étonnant que les enfants s’embrouillent ! Ils ont tant de modèles devant eux : leurs parents tels qu’ils les voient, et leurs parents tels qu’ils se voient eux-mêmes ; d’autres parents, des camarades de classe, des amis de vacances, les héros et héroïnes du théâtre, du cinéma et des romans, des sports et de toutes les formes de succès.
On demande aux enfants de combiner le conformisme à la maison et à l’école avec l’indépendance au dehors ; la collaboration à la maison avec la concurrence ailleurs. Pris entre deux codes si différents, il est étonnant que tant de jeunes gens parviennent à se faire une vie confortable à travers ce dédale de contradictions.
En théorie, le moyen est bien simple. Les adultes n’ont pas besoin de résoudre tous les obscurs problèmes de notre époque ; ils ont à leur portée de simples vérités beaucoup plus utiles. Ils n’ont qu’à regarder les jeunes comme des personnes qui promettent, se faire leurs amis, leur enseigner au moyen des événements quotidiens la meilleure manière de vivre, de penser et de se rendre utiles à la société, de les encourager et de leur donner un emploi.
Il est vrai que les parents et les employeurs sont déroutés quand on résiste à leurs efforts pour faire respecter les anciennes normes, mais les conflits continuels sur des points insignifiants ne règlent rien à la longue. Virginia Woolf a dit : « Méfiez-vous de mettre sous le microscope un pouce d’un ruban qui a plusieurs milles de long ; tout finit par s’arranger avec la patience. » Il faut de la sagesse pour savoir quand il faut se montrer méticuleux dans les petites choses et quand il faut passer par-dessus, mais la sagesse ne devrait pas manquer aux adultes.
Responsabilité de la collectivité
Pour que la vie offre à la jeunesse tout ce qui lui est nécessaire, il faut que la collectivité fasse sa part. Il faut qu’elle étudie un vaste programme d’aide à la jeunesse et qu’elle collabore ensuite à son exécution.
Les statistiques nationales sont entièrement insuffisantes quand on envisage ce qu’il y a à faire. L’ambiance est différente ; les chances de succès sont différentes ; l’enseignement est différent. Les jeunes ont besoin de sentir qu’ils appartiennent à la collectivité dans laquelle ils vivent. C’est à la famille, aux organismes de jeunesse, aux écoles, aux centres de récréation et aux églises de leur faire éprouver ce sentiment. Il faut qu’il soit complété, inspiré et éveillé par l’éducation au sein de la famille, les rapports de la famille avec les institutions de la collectivité, et l’établissement de centres de direction et de conseils.
Il faut guérir la société de sa tendance actuelle à méconnaître l’importance de la jeunesse. La situation précaire du monde offre un domaine sans défense aux groupes à doctrines subversives qui rôdent autour des troupeaux à la recherche des brebis égarées. Ils profitent de l’occasion. M. Diamond, cité plus haut, dit à ce sujet : « Ils sont habiles. Mais ils sont sans pitié, sans principes et sans moeurs. Ils font des recrues parce qu’ils sont souvent les seuls à s’offrir comme chefs de file. » Voilà de quoi donner à réfléchir à ceux capables de mener pour le bien.
Du point de vue de l’enseignement, il faut remarquer que le Canada fait mieux qu’il y a 25 ou 50 ans ; 66½ pour cent de nos enfants entre 5 et 19 ans allaient à l’école en 1941, par comparaison avec 61 pour cent en 1921 et 52 pour cent en 1901. Il faut remarquer également que les personnes de 25 à 29 ans ont eu en moyenne 9 ans d’école au lieu de 7 ans ½ seulement pour celles de 70 ans et plus.
Ce sont là, bien sûr, des aspects réconfortants de l’éducation, mais il reste aussi d’autres problèmes à résoudre. La concentration de la population dans les villes comporte une répartition inégale de population et ressources financières. Le lieu de résidence a beaucoup d’effet sur la somme d’éducation que reçoivent les enfants. La qualité des instituteurs est un facteur auquel vient se mêler le salaire. Un rapport de la Canada and Newfoundland Association dit que les salaires payés actuellement aux instituteurs est insuffisant pour attirer le nombre voulu de personne compétentes.
Ces problèmes et les autres relatifs à l’éducation ne seront abordés efficacement que lorsqu’on aura bien fait comprendre aux gens l’importance de l’éducation sur leur propre avenir et l’avenir de leurs enfants ; et quand la nécessité de l’éducation sera présentée de manière à inspirer aux enfants un désir irrésistible de s’instruire.
L’embauchage est essentiel
Après l’éducation vient le travail. Un homme sans emploi est mal à l’aise ; multipliez-le par des milliers et vous avez une masse d’hommes prêts à accepter n’importe quelle panacée si fantastique ou dangereuse qu’elle soit. Un article dans Industrial Canada, le magazine de l’Association des manufacturiers canadiens, disait en octobre : « Du moment qu’un individu fonctionne comme organisme complet, son rendement dépend de la façon dont il est entièrement adapté à la vie. Il est incapable de tenir tête à sa situation financière et morale sans être sûr qu’il occupe le meilleur emploi à sa portée. »
L’embauchage au Canada, s’il doit comprendre les jeunes, doit inclure tout le monde, parce que les jeunes seront les premiers à souffrir quand le travail diminuera. Envisager le chômage revient à penser non seulement au présent mais aussi aux années entre le présent et le moment où il se produira. Sans un certain degré de certitude qu’ils trouveront un emploi profitable, les jeunes gens seront attirés, une année après l’autre, par des perspectives apparemment plus alléchantes ailleurs.
Dans un monde plein d’incertitude il est naturel que les gens tiennent à avoir à leur portée autant de certitudes que possible, et évitent les probabilités : les jeunes gens, aiguillonnés par le divin mécontentement de la jeunesse qui a tant contribué aux progrès de l’humanité, ne se contenteront pas qu’on leur promette des châteaux quand le Canada aura été mis en valeur, ou d’auréoles dans l’avenir s’ils consacrent leur vie et leur talent à le mettre en valeur. Les frontières internationales perdent de l’importance chaque année à mesure que les transports et les communications les relèguent au rang de lignes imaginaires. Si les jeunes deviennent mécontents de leur situation sans espoir de la voir s’améliorer, on ne peut pas les blâmer de plier bagage.
Mais il ne faut pas désespérer. L’énergie intelligente qui a été appliquée à la solution des problèmes de production et d’utilisation de main-d’oeuvre pendant la guerre trouvera également la solution des problèmes de la paix. L’inertie est notre plus grand ennemi. Si on fait une chose il faut la faire bien : il ne suffit pas de faire un trou dans le plancher pour laisser couler l’eau qui tombe du plafond. Si les Canadiens se secouaient et s’attaquaient carrément à leurs problèmes – y compris celui de la jeunesse – notre pays, pendant ce siècle, pourrait être transformé de telle sorte qu’aucun Canadien, jeune ou vieux, ne consentirait à l’échanger même si on lui donnait le choix de tous les pays de l’antiquité et de tous les grands pays du monde moderne.