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Cet article a moins pour but de décrire le mécanisme administratif de la loi que de s’enquérir de la nature de la justice et de son évolution probable.

Ce n’est certainement là pas une vaine curiosité chez des gens intéressés à découvrir les mesures à prendre pour éprouver dans toute sa force cet amour de justice qui règne incontestablement dans le coeur humain. L’humanité est à la recherche de la justice depuis les premiers jours de l’histoire et chaque génération reprend à nouveau la piste.

L’idée que nous nous faisons de la justice dépend du point de vue. On disait déjà du temps de Louis XIV : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Notre justice nous paraîtrait boiteuse si nous pouvions nous placer sur un plus haut plan pour la comparer avec l’idée qu’on s’en fera demain.

Mais parlons d’abord de la loi. Il n’y a rien d’effrayant dans la loi, et rien que nous ne puissions comprendre si nous voulons nous en donner sérieusement la peine. D’ailleurs, nul n’est censé l’ignorer.

La loi présente toutefois des problèmes que cet article ne vous aidera pas à résoudre, et il ne fera pas non plus un avocat du lecteur. À part les Statuts du Canada, il existe de volumineux ouvrages contenant les diverses interprétations de la loi par d’éminents juristes et une Encyclopédie d’une quarantaine de volumes.

Il y a des gens qui considèrent la loi comme une tyrannie. Ils mènent une vie régulière et paisible et se sentent parfaitement capables de se conduire honnêtement sans ces antiques contraintes. Mais la loi est aussi nécessaire aujourd’hui que jamais, parce que les hommes sont encore gouvernés par leurs passions. Si tous les hommes étaient sages et raisonnables, les lois seraient probablement superflues.

La loi fournit aux hommes le moyen de vivre en commun. Il est essentiel que les différends soient réglés avec sagesse pour le bien-être personnel, collectif et national de tout le monde.

Liberté d’action

La préparation des lois n’a pas toujours suivi des méthodes rationnelles, mais le but des législateurs a toujours été de faire des lois qui rendent justice. La phrase « justice conformément à la loi » est communément acceptée aujourd’hui dans le langage des démocraties occidentales. Chez nous, les juges rendent leurs décisions conformément aux règles prescrites. Dans d’autres parties du monde, les potentats ou les dictateurs administrent la « justice » selon leur fantaisie ou leur bon plaisir.

La liberté est un élément essentiel de notre manière de vivre, et, si étrange que cela nous paraisse parfois, nos lois et nos coutumes font partie de notre liberté. Cette apparente anomalie s’explique par le fait que si chacun de nous pouvait faire tout ce que la loi défend, tous nos concitoyens jouiraient des mêmes privilèges, et alors que deviendrait notre liberté ? En vivant sous le régime de la loi, nous éprouvons la tranquillité d’esprit que procure l’assurance de notre sécurité.

En ce qui concerne les lois du Canada, la plupart ont trait aux droits et aux libertés des Canadiens. Elles contiennent certaines obligations de s’abstenir d’actes nuisibles à nos concitoyens, et des obligations d’accomplir certains actes utiles. Les lois d’un pays comme le nôtre sont basées sur l’engagement, formulé ou tacite, de chaque citoyen : « Je renonce au droit de faire ce qui me plaît, à condition que chacun en fasse de même. »

Un homme libre devrait savoir en quoi consiste sa liberté, et le meilleur moyen est d’être au courant de la loi. Nous jouissons de nombreuses libertés au Canada ; les unes sont garanties par la Grande Charte de 1215, et d’autres ont été ajoutées depuis. Notre liberté politique consiste en la liberté en vertu de laquelle les citoyens du Canada vivent sous la protection de la loi.

L’empire de la loi

La loi protège les citoyens. Le plus grand danger qui nous menace est le crime qui consiste en infractions de la loi, délits envers les particuliers et délits envers le Canada. Quand la vie, la liberté et les biens des citoyens ne sont pas protégés par de bonnes lois nationales, la démocratie court le danger de tomber en ruine.

Pour préserver tous ces avantages nous avons besoin d’un gouvernement, et un bon gouvernement est fondé sur la loi. Sous certains rapports, les Canadiens sont des sujets, et sous d’autres des monarques. Comme sujets, nous obéissons aux lois que ceux que nous élisons en notre qualité de monarques font pour notre préservation. C’est à nous de bien choisir ceux qui font nos lois pour être certains que nos lois soient sages et impartialement appliquées.

Nous avons accepté le principe connu sous le nom d’empire de la loi. Il nous a été apporté par les premiers colons britanniques et il demeure notre protection contre le danger de gouvernement autocratique. C’est un principe qui remonte loin dans l’histoire. La loi romaine disait que la volonté du souverain avait force de loi ; la loi britannique reconnut qu’il y avait une loi supérieure à celle-là et établit en fait que ceux qua exerçaient l’autorité devaient être tenus responsables de leurs actes.

Techniquement, nous entendons par « empire de la loi » que les autorités juridiques peuvent, prononcer sur la validité des actes ces ministres et fonctionnaires du roi. Comme le dit le Professeur Robert MacGregor dans son livre Le Gouvernement démocratique au Canada : « Un premier ministre, un percepteur de douanes ou un agent de police est ainsi dans la même obligation légale d’obéir à la loi que le plus humble des citoyens. »

Ce principe traverse aujourd’hui une crise. Les autorités sont d’avis qu’il est impossible de le conserver sous la même forme qu’au siècle dernier. Dans les circonstances actuelles, les fonctionnaires du gouvernement acquièrent chaque année de plus grands pouvoirs discrétionnaires. Les lois du Parlement sont fréquemment d’une portée générale et laissent les détails administratifs aux ministres et autres fonctionnaires du gouvernement. Mais le principe n’en reste pas moins une sauvegarde contre les abus de pouvoir.

Nos lois sont principalement fondées sur la Grande Charte, malgré le fait qu’elle avait en vue la noblesse plutôt que les gens du peuple. Il est vrai que certaines parties n’ont plus raison d’être, mais elle contient l’essence de règles qui sont aussi essentielles dans notre vie quotidienne que les Dix Commandements. Par-dessus tout, elle établit que le gouvernement doit être conforme à la loi.

Il faut signaler également, dans notre progrès dans la voie de la justice, l’ordonnance d’habeas corpus qui protège les citoyens contre l’emprisonnement arbitraire. En vertu de cette ordonnance, les prisonniers doivent être amenés immédiatement devant le juge pour que celui-ci puisse déterminer sans délai la légalité de l’emprisonnement.

La préparation des lois

Faire une loi est chose sérieuse. Les meilleures lois ont souvent des résultats inattendus. Les bonnes intentions ne suffisent pas, témoin l’ours de Lafontaine qui écrase la tête du jardinier pour tuer la mouche qui le tourmente.

C’est le peuple qui fait les lois. Il n’y a pour ainsi dire pas de collectivités dans lesquelles l’opinion publique diffère en ce qui concerne les principes de droit et de justice qui rendent la vie possible et confortable. La loi n’est qu’un chiffon de papier à moins que chaque citoyen ne soit prêt à l’observer. Quelqu’un a dit à ce sujet : N’oubliez pas que lorsque vous avez pendu un homme, vous n’avez accompli un acte de justice que si le pendu a contribué à faire la loi dont il subit les conséquences.

Nous n’aimons pas tous la justice avec la même ardeur. Nous n’avons pas tous les mêmes scrupules, les mêmes sensibilités, les mêmes convictions. Il y a des personnes très intelligentes qui se prêtent moins facilement aux exigences de la loi que d’autres personnes beaucoup moins favorisées sous le rapport intellectuel.

Les gouvernements doivent tenir compte de ces facteurs contradictoires. Le but d’un bon gouvernement est de rendre la vie agréable au plus grand nombre possible et un bon gouvernement est un gouvernement par le people. C’est le peuple qui décide les lois à faire ou à abroger.

La loi internationale

La loi ne connaît pas de frontières, et tout ce que nous avons dit au sujet des lois canadiennes s’applique à la loi internationale. Chaque État a envers les autres États les mêmes obligations morales qu’un simple citoyen envers ses concitoyens.

La loi internationale a purgé les mers des pirates. Aujourd’hui, ce ne sont pas les pirates qui menacent notre sécurité. Nous craignons les bombes atomiques, les émanations radioactives et les germes. Jamais dans l’histoire la nécessité d’éliminer les conflits entre les nations de la terre n’a été plus importante pour le salut de l’humanité.

Et pourtant, dans cette époque critique, la loi internationale semble jouer un rôle insignifiant ; elle est admise par beaucoup de nations qui la violent sans vergogne quand leurs intérêts sont en jeu. Il n’existe aucun organisme international pour la faire observer, et toute loi est lettre morte sans moyen de la faire respecter promptement et décisivement.

Quels sont les obstacles à la paix par la loi internationale ? (1) Est-ce le droit de veto des Nations Unies ? (2) Est-ce le manque d’une police internationale pour faire observer la loi internationale ? (3) Est-ce la crainte de céder une partie de nos droits de souveraineté si nous nous soumettons aux décisions d’une cour internationale ? ou (4) Est-il vrai que par sa nature même l’homme n’est pas fait pour vivre en paix et que dans cet âge atomique nous sommes voués à nous entre-détruire ?

Tous les personnages éminents de toutes les classes de la société, catholiques, juifs et protestants, hommes d’État et philosophes, ont dit que pour avoir une paix durable il faut créer des institutions internationales chargées d’établir un code de loi internationale, garantir la fidèle exécution des obligations internationales et assurer la sécurité collective par le contrôle des armements, l’arbitration obligatoire et l’imposition de sanctions dans les cas nécessaires.

Les Nations Unies ont établi à ce sujet des Commissions et des groupes d’étude, mais à présent l’Assemblée des Nations Unies est bornée aux recommandations ; elle ne peut ni faire ni appliquer des lois.

Et la tyrannie commence où la loi s’arrête. « Quand je peux vous battre impunément parce que je suis plus fort que vous, » dit Ronald Rubinstein dans son livre John Citizen and the Law, « et quand un cambrioleur peut entrer dans une maison et voler à son aise, il s’ensuit qu’il n’y a plus de lois. »

Qu’est-ce que la loi ?

La loi n’est pas aussi facile à définir qu’on pourrait le croire dans un pays démocratique. On a avancé des milliers de définitions sans en trouver une de bonne, depuis celle de Cicéron : « La loi n’est que le bon sens qui nous dicte impérieusement notre devoir », jusqu’à celle du dictionnaire Larousse : « Acte de l’autorité souveraine, qui règle, ordonne, permet ou défend. » Il est probablement préférable pour nous de considérer les lois du Canada comme le respect des droits de chacun, ce qui est une bonne devise démocratique.

Quel que soit le nom par lequel on la désigne, nous entendons par loi au Canada le droit de faire ce qui nous plaît sans enfreindre le droit de nos concitoyens d’en faire de même. Et nous demandons à la loi d’être impartiale et de s’appliquer également à toutes les classes de la société.

Dans notre civilisation occidentale, nous avons deux codes de lois, un basé sur le droit romain et l’autre sur le droit commun des Anglo-saxons. La plupart des codes modernes incorporant le droit romain sont fondés sur le Code Napoléon dont l’Empereur dit pendant son exil : « Ma gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles, car Waterloo fera oublier toutes mes victoires. Mais ce que rien ne fera oublier, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code Civil. »

Sur ce continent, Québec et la Louisiane adoptèrent le Code français, et aujourd’hui encore au Canada la loi française survit dans le Code Civil et le Code de procédure civile de Québec. Le reste du Canada adopta le droit commun d’Angleterre. Ceux qui veulent lire l’intéressante histoire des codes de lois du Canada peuvent écrire à l’Imprimeur du Roi, à Ottawa, de leur envoyer un exemplaire de Law and Order in Canadian Democracy. C’est un livre de 227 pages, préparé sous forme de 20 conférences par la Royale Gendarmerie à cheval du Canada. Prix, 50 cents.

Genres de lois

La première source de la loi fut la coutume, qui par la méthode anglaise de modifications graduelles, devint le droit commun. Aujourd’hui, les privilèges de droit commun de l’Angleterre sont les droits naturels de l’homme.

Une grande partie de ces lois de droit commun n’ont jamais été promulguées par une législature ou imposées par un souverain, mais elles sont nées de traditions, coutumes et méthodes commerciales. Elles ont été distillées de milliers de décisions juridiques qui à leur tour ont formé la base de nouvelles décisions.

Depuis six ou sept cents ans le droit commun suit des précédents. Quand il n’y a pas de précédents exacts, on s’appuie sur les plus rapprochés, et ainsi, les précédents sont étendus, modifiés et appliqués à de nouvelles situations de sorte qu’il y a peu de cas pour lesquels on ne trouve pas de parallèles. La loi reflète ainsi, modérément, les idées sociales de l’époque, tempérées par celles du passé immédiat.

Il faut dire cependant que les juges ignorent les précédents devenus trop vieux ou quand la situation a changé depuis. Sous ce rapport les lois traditionnelles diffèrent des lois statutaires qui restent en vigueur jusqu’à leur abrogation. De même, une décision fondée sur un précédent peut être annulée par une cour d’appel quand celle-ci juge qu’il est basé sur un faux raisonnement. Le droit commun n’est donc pas aussi étroit qu’on se l’imagine parfois.

Les Anglais se vantent de la manière dont ils se « tirent d’affaire tant bien que mal » et, dit René A. Wormser dans son grand traite juridique : « Il faut avouer qu’ils ont obtenu des résultats pratiques avec moins de préparation et de prévoyance que n’importe quel peuple, à part peut-être les Romains. Ils ont comme ces derniers la tendance de résoudre parfois un problème difficile indirectement au lieu de l’aborder de face. »

C’est de cette manière qu’un nouveau code, appelé « équité » ou justice naturelle par opposition à justice légale, s’établit à côté du code de droit commun. Les premiers tribunaux avaient des pouvoirs limités qu’ils exerçaient selon des règles fixes. Pour surmonter certaines difficultés, on avait coutume de demander au roi d’intercéder en faveur du plaignant. Les juges ne pouvaient pas priver le roi de son privilège de rendre « justice » à ses sujets, et le Lord chancelier recevait le pouvoir de remédier aux griefs. Ce qui est intéressant est que le roi, par l’entremise de ses chanceliers, exigeait que le plaignant en justice se présente avec les « mains propres ». Ce qui a donné lieu au dicton : « Celui qui demande justice doit lui-même faire preuve de justice. »

Éventuellement, les deux genres de tribunaux furent amalgamés par un statut stipulant que les principes « d’équité » auraient force de loi.

Modifications à la loi

Quoique l’une des vertus de la loi soit d’être constante, de sorte que ce qui était juste hier le soit encore aujourd’hui, un grand nombre de juristes étudient non seulement la loi comme elle est mais comme elle devrait être. La loi doit être considérée par rapport aux circonstances dans lesquelles elle opère.

Notre progrès social, dû à un grand nombre de facteurs tels que la technologie, l’accroissement de la population et un meilleur standard de vie, exige que la loi ne retarde pas trop sur les changements économiques qui l’accompagnent. Nos lois représentent ce que nous considérons juste en ce moment, et dans un demi-siècle les lois du Canada auront probablement subi de grosses modifications. Nous ressemblons sous ce rapport aux Athéniens au sujet desquels Solon répondit quand on lui demanda si ses lois étaient les meilleures : « Je leur ai donné les meilleures qu’ils soient capables d’endurer. »

La justice

Après avoir surveillé le vaste domaine de la loi, passons à la justice. Par justice, nous ne voulons pas dire ici la façon de traiter ceux qui violent la loi. L’idée que nous nous faisons de la justice n’est pas celle d’une statue de marbre, les yeux bandés, avec une épée dans le main droite et une balance dans la main gauche.

« N’y a-t-il rien au-dessus de cette justice humaine, rarement sanctionnée autrement que par l’opinion, la confiance ou la méfiance, l’approbation ou la désapprobation, de nos semblables ? » Telle est la question posée par Maurice Maeterlinck, écrivain, auteur dramatique » et poète, qui est mort il y a deux ans en laissant à la postérité d’immortels chefs-d’oeuvre. Et il répond ainsi : « Qu’une telle justice existe, nous le savons tous, car nous avons tous senti son pouvoir irrésistible. »

La justice dont nous voulons parler est un idéal ; un élément essentiel de la liberté, du bonheur et du confort, et une force sociale d’une importance sans égale.

Ce Bulletin a débuté par la recherche de la justice, et c’est là le genre de justice que nous cherchons. L’homme a souvent cru la trouver, mais elle lui a échappé. Et pourtant elle a reparu, et peut-être commençons-nous à nous rendre compte qu’elle se trouve au fond de nos coeurs.

La justice est plus que l’instinct de la préservation, plus qu’un produit de notre raison, plus qu’une force sentimentale. De temps en temps elle nous apparaît sous forme de révélation.

La justice n’est pas évidemment le bonheur pour tous, dit René Wormser, car une loi qui rendrait un homme heureux en rendrait probablement un autre malheureux. Dire que la justice est le bonheur pour la majorité des gens ne contentera pas ceux qui estiment qu’il faut aussi faire la part de la minorité. Ce n’est pas non plus la satisfaction des intérêts humains, car les intérêts diffèrent, et les compromis sont essentiels dans une démocratie comme la nôtre. Est-ce alors la satisfaction des besoins humains ? Mais les besoins de qui ? Il est impossible de satisfaire tout le monde, et il ne serait pas juste de satisfaire les uns et d’ignorer les autres.

On voit donc qu’il est difficile de décider en quoi consiste la justice, qu’on la considère comme un but ou comme un moyen. Les uns disent que ce n’est que la peur de causer des injustices qui nous fait agir justement. Les autres prétendent que ce qui nous rend justes est le désir d’avoir moins de fautes à nous reprocher au Jugement Dernier.

Si nous admettons qu’au fond du coeur les hommes cherchent à être justes, il est aisé de croire qu’ils se conduiront justement envers leur famille, leurs voisins et leurs semblables. Point n’est besoin de faire de l’héroïsme. La justice est presque toujours simple et faite de petites choses.

La justice s’applique à tout le monde et elle fait partie de tous les idéals. Elle est au centre de toutes les vérités. Elle comprend la bonté et la pitié, la générosité et l’héroïsme, parce que toutes ces vertus sont des actes de justice. La justice va plus loin que le cercle étroit de nos obligations, plus loin que les crimes des hommes, plus loin que le devoir. Aucune vertu n’est complète si elle est incapable de soutenir le pénétrant regard de la justice.

L’injustice

Le contraire de la justice est l’injustice qui revêt deux aspects : les torts que nous faisons nous-mêmes, et notre insouciance des torts qu’on fait à nos semblables. Nous perdons un peu de notre liberté chaque fois que nous restons silencieux en face d’une injustice.

La pire des injustices est d’infliger des souffrances à nos semblables, qu’elles soient ou non punissables par la loi. L’injustice est honteuse pour ceux qui la commettent, et non pas pour ceux qui en sont l’objet.

La justice fait payer les injustices en détruisant notre bonheur. Un écrivain du Moyen-Âge dit à ce sujet : « Celui qui souffre dans son coeur les angoisses du remords pour les injustices qu’il a commises, souffre plus douloureusement que celui qui est battu pour ses péchés. » La souffrance augmente, dit Maeterlinck, en proportion de la stature intellectuelle et morale de chacun.

Mais si notre idéal est brisé, ne perdons pas courage ; ramassons-en les fragments pour en reconstruire un autre, moins ambitieux peut-être, mais reposant sur notre sens inné de justice.

Les préceptes de la justice légale sont les suivants : vivre honorablement, ne faire tort à personne, rendre à chacun son dû.

Nous avons aujourd’hui une vague conception d’un plus haut idéal que nous cherchons à atteindre. Nous nous efforcerions au-delà de nos moyens en cherchant à connaître ce que l’avenir seulement révélera aux générations futures. Mais nous trouverons grand profit à chercher la justice au fond de nous-mêmes, où elle réside réellement, et en l’incorporant dans nos actions.