La résilience de l’économie américaine a continué de stimuler la confiance des investisseurs, faisant grimper les actions et réduisant les écarts de crédit en février. La conjoncture semble également avoir atteint un creux dans la zone euro et au Royaume-Uni, car les indices des directeurs d’achats indiquaient un redressement marqué de la demande de services. Au Canada, par contre, l’optimisme n’est pas de rigueur, la croissance de la production au quatrième trimestre de 2023 s’est maintenue, mais la production par habitant continue de diminuer. Les cas d’insolvabilité d’entreprises et de particuliers continuent d’augmenter, ce qui est annonciateur d’un risque de baisse pour l’économie.
Faits saillants :
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Les banques centrales mondiales réaffirment leur position selon laquelle l’inflation doit encore diminuer pour qu’elles puissent envisager de réduire les taux d’intérêt.
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Nous nous attendons toujours à ce que la Réserve fédérale américaine procède à sa première baisse de taux lors de sa réunion de juin, et à ce que la Banque du Canada et la Banque centrale européenne fassent de même une semaine avant la Fed (également en juin), tandis que la Banque d’Angleterre, dont la position semble beaucoup plus ferme, devrait attendre août.
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Avec le retour des pressions inflationnistes aux États-Unis au début de 2024, la Fed sera plus prudente après le début des baisses de taux. Nous nous attendons à ce que la Fed ralentisse le rythme (une baisse toutes les deux réunions) pour le reste de 2024.
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Sur le plan de la croissance économique, le contexte n’a pas beaucoup évolué. L’économie canadienne continue d’afficher les pires résultats (par habitant). Entre-temps, le Royaume-Uni et les pays de la zone euro entrevoient déjà les premiers signes d’une reprise de l’activité, tandis que les États-Unis continuent de faire preuve de résilience.
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Sujet en vedette : Les cas d’insolvabilité d’entreprises ont bondi au Canada au début de 2024. Cette augmentation est certes due aux niveaux exceptionnellement bas de faillites enregistrés pendant la pandémie, et il est probable que l’échéance de janvier des prêts fédéraux du programme CUEC, destinés à soutenir les entreprises pendant la pandémie, y contribue également. Cependant, la tendance reste préoccupante et rappelle que les risques de ralentissement de la croissance économique persistent, et qu’une détérioration supplémentaire des conditions du marché du travail et une diminution des revenus des ménages ne sont pas totalement à exclure.
La résilience des États-Unis se poursuit, mais le risque d’inflation refait surface
Le rendement supérieur de l’économie américaine a continué pendant un mois de plus. Les dépenses personnelles dans les services étaient encore très élevées en janvier, et le rapport sur l’emploi de février a confirmé la poursuite de la tendance des très bons résultats en matière d’emploi. Ce contexte macroéconomique robuste ne posera pas de problème tant que l’inflation restera faible. Toutefois, les données de l’IPC du début de 2024 montrent également que les pressions sur les prix s’accentuent à nouveau. Cela va probablement inciter la Réserve fédérale à revoir sa position concernant la persistance de la faible inflation au deuxième semestre de l’année dernière. Les marchés ont revu à la baisse leurs attentes concernant les baisses de taux pour cette année et s’attendent désormais à ce qu’elles commencent en juin, ce qui est conforme à nos prévisions. Par la suite, nous prévoyons moins de réductions cette année, soit une baisse une réunion sur deux pour le reste de 2024 (auparavant, nous nous attendions à ce que la Fed abaisse ses taux à chaque réunion), ce qui maintiendrait la fourchette des fonds fédéraux 50 pb au-dessus de nos prévisions, soit entre 4,5 % et 4,75 % d’ici la fin de l’année.
La conjoncture économique au Canada, dans la zone euro et au Royaume-Uni demeure beaucoup plus apathique. La croissance du produit intérieur brut au Canada a progressé péniblement au quatrième trimestre de 2023, l’augmentation des exportations masquant une forte contraction des investissements des entreprises. La croissance du PIB au quatrième trimestre a également été faible dans la zone euro (peu de changement par rapport au troisième trimestre) et au Royaume-Uni (baisse non annualisée plus importante que prévu de -0,3 %). Les enquêtes mensuelles de l’indice des directeurs d’achats ont montré une reprise des activités dans les deux régions au cours des premiers mois de 2024, principalement soutenue par une demande accrue de services, les sous-indices se trouvant à présent dans la zone d’expansion pour les deux. On ne peut pas en dire autant du Canada, où les cas d’insolvabilité continuent d’augmenter et les conditions du marché du travail continuent de s’affaiblir.
Malgré des contextes de croissance économique disparates, le message des banques centrales du monde entier reste sensiblement le même : l’inflation doit encore baisser pour qu’elles puissent envisager d’abaisser les taux d’intérêt. La BdC et la BCE ont toutes deux réaffirmé ce point de vue le mois dernier et ont maintenu les taux d’intérêt, ce qui était largement attendu. Le rendement économique supérieur des États-Unis a soulevé des inquiétudes quant à un assouplissement plus prudent que prévu de la part de la Fed. Toutefois, les commentaires des décideurs, notamment du président de la Fed Jerome Powell, ont confirmé l’intention de la banque centrale de commencer à abaisser les taux d’intérêt cette année. Nous nous attendons toujours à ce que la Banque du Canada, la Réserve fédérale et la BCE commencent à abaisser les taux en juin, que la Banque d’Angleterre suive en août et que la Banque de réserve d’Australie attende décembre.
Banque centrale
Taux directeur actuel
(Dernière décision)
Prochaine décision

BdC
5,00 %
+0 pb en mars 2024
0 pb
en avril 2024
La BdC a laissé les taux inchangés pour la cinquième réunion consécutive en mars, soulignant que le ralentissement de l’économie montre que la politique monétaire parvient à restreindre l’activité. L’inflation sous-jacente élevée demeure un obstacle, mais la Banque du Canada s’attend à ce qu’elle diminue progressivement au deuxième semestre. Nous nous attendons toujours à ce que les pressions sur les prix continuent de s’atténuer, ce qui ouvrirait la voie à une première baisse de taux vers le milieu de l’année.

Fed
5,25 – 5,50 %
+0 pb en janv. 2024
0 pb
en mars 2024
Les données récentes de l’IPC montrent une reprise des pressions sous-jacentes sur les prix aux États-Unis au début de 2024. Cette accentuation des pressions, conjuguée à l’essor de l’économie, suggère que la Fed va probablement redoubler de prudence dans son évaluation de l’évolution de l’inflation (nous nous attendons toujours à une baisse) et du moment auquel abaisser les taux. Nous nous attendons toujours à une première baisse de taux en juin, après que l’inflation aura suivi la baisse de la croissance des loyers.

Banque d’Angleterre
5,25 %
+0 pb en févr. 2024
0 pb
en mars 2024
L’incidence du budget récemment annoncé sur la politique monétaire du Royaume-Uni devrait être minime. L’augmentation de la demande agrégée attribuable aux mesures annoncées devrait être compensée par une offre accrue de main-d’œuvre et ne devrait pas contribuer à l’inflation. La Banque d’Angleterre a indiqué qu’elle avait besoin de voir des signes persistants indiquant que l’IPC se rapproche du niveau cible avant de réduire les taux. Nous prévoyons que la première baisse aura lieu en août.

BCE
4,00 %
+0 pb en mars 2024
0 pb
en avr. 2024
La BCE a maintenu le taux de dépôt inchangé lors de sa réunion de mars, la mise à jour de ses prévisions indiquant une révision à la baisse de l’inflation à court et moyen terme. Les premières données sur l’inflation de la zone euro de février ont montré que l’inflation n’avait pas assez baissé, en particulier dans les composantes des services, mais elles restent toujours proches des prévisions de la BCE sur un trimestre. La présidente Christine Lagarde a soutenu une première baisse de taux en juin, conformément à nos prévisions.

RBA
4,35 %
+0 pb en févr. 2024
0 pb
en mars 2024
Les données sur le PIB du quatrième trimestre étaient conformes aux prévisions consensuelles, ce qui confirme le ralentissement de l’économie australienne, surtout dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt. Les conditions du marché du travail se sont affaiblies, mais pas au point de justifier un assouplissement immédiat de la part de la Banque de réserve d’Australie. Notre scénario de base reste inchangé, à savoir des baisses de taux qui commenceront au quatrième trimestre (pour un total de 50 pb au cours du trimestre), suivies de deux autres baisses au premier semestre de 2025, portant le taux de liquidité à 3,35 %.
Le nombre de faillites d’entreprises est en hausse au Canada
Au début de 2024, les cas d’insolvabilité d’entreprises au Canada ont atteint des niveaux sans précédent depuis la grande crise financière. Ce qui est préoccupant, c’est que la plupart des insolvabilités ont été causées par des faillites réelles, dont le nombre a plus que doublé depuis l’automne dernier, et non par des propositions permettant aux entreprises de régler leurs dettes avec les créanciers à des conditions différentes de celles en vigueur. Une partie de cette augmentation est peut-être liée à la fin de certains programmes gouvernementaux de soutien liés à la pandémie. L’échéance de remboursement des prêts fédéraux du programme CUEC était en janvier. Cette hausse fait également suite à la période de pandémie où le nombre de cas d’insolvabilité des entreprises a été exceptionnellement faible.
Les données de l’Enquête sur l’investissement des entreprises ont également révélé une augmentation importante du ratio du service de la dette du secteur canadien des entreprises non financières. Plusieurs facteurs ont probablement contribué à cette hausse, notamment le fait que le secteur des entreprises non financières est globalement plus endetté (le ratio de la dette au PIB du Canada était le deuxième plus élevé des pays du G7, juste après celui de la France) et des différences dans les structures des échéances des emprunts non hypothécaires des entreprises.
Les secteurs axés sur les consommateurs sont plus durement touchés
De nombreuses entreprises canadiennes qui ont survécu à la pandémie avec l’aide du gouvernement font maintenant face à un triple problème : le ralentissement de la demande des consommateurs, la hausse des coûts d’emprunt et la détérioration de la productivité. Les conditions semblent pires pour les entreprises des secteurs axés sur les consommateurs, comme la vente au détail, le logement et l’hébergement, l’alimentation et les loisirs, qui ont connu la plus forte augmentation des cas d’insolvabilité et la pire détérioration de l’accès au crédit. Selon l’Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada du quatrième trimestre de 2023, les prêteurs ont resserré les conditions d’octroi de crédit en partie en prévision d’un fléchissement de la demande dans ces secteurs.
La forte concentration de petites entreprises dans ces secteurs explique probablement en partie le rendement inférieur, car les sources de financement des petites entreprises ont tendance à être moins diversifiées. L’échéance imposée aux petites entreprises pour rembourser les prêts du programme CUEC sans renoncer à la portion subvention a probablement aggravé la situation. Nous avons déjà constaté une augmentation inhabituelle des prêts aux entreprises consentis par les banques à charte vers la fin de l’année dernière, probablement en raison de la demande accrue de refinancement de la dette des petites entreprises pour respecter l’échéance de janvier du programme CUEC.
La forte augmentation des cas d’insolvabilité représente un risque pour le revenu des ménages
Reste à voir si cette récente hausse du nombre de faillites d’entreprises sera « transitoire » (vous vous rappelez la dernière fois que ce mot a été utilisé pour décrire l’inflation?) ou si elle témoigne d’une faiblesse sous-jacente persistante des conditions d’exploitation des entreprises. Quoi qu’il en soit, cette augmentation aura un impact négatif sur le marché du travail.
Comme précisé dans le dernier article de la catégorie Actualités mensuelles des marchés financiers, le cycle actuel est déjà considéré comme le plus long au cours duquel le taux de chômage a augmenté sans que la Banque du Canada réduise les taux d’intérêt. La principale raison à cela est la hausse des risques liés à l’inflation, qui n’ont pas encore complètement diminué. De plus, la détérioration des conditions du marché du travail jusqu’à présent n’est pas principalement attribuable à des mises à pied à proprement parler, ce qui limite les répercussions sur le revenu des ménages et les conditions de crédit. Cette perspective sera mise à l’épreuve au cours des prochains trimestres si l’accélération des fermetures d’entreprises est suivie d’une accélération des licenciements.
La perte d’emploi et de revenu pourrait être particulièrement dangereuse dans un environnement où les ménages sont fortement endettés et doivent continuer à assumer des augmentations de versements en raison du renouvellement des prêts hypothécaires à taux fixe à des taux d’intérêt plus élevés. Une analyse antérieure de la Banque du Canada avait souligné que la croissance continue du revenu était essentielle pour que les ménages puissent faire face à l’augmentation des paiements hypothécaires. L’augmentation prévue du ratio du service de la dette hypothécaire pourrait plus que doubler, voire quintupler dans certains cas, si les ménages perdent leurs revenus à la suite d’un licenciement.
Nous continuons de prévoir un ralentissement modéré de l’économie canadienne (sur une base par habitant), avec une amélioration au deuxième semestre grâce à la forte croissance démographique et à l’assouplissement attendu de la politique monétaire. Cependant, la hausse du nombre de faillites d’entreprises nous rappelle que les risques de baisse demeurent.
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