Le Canada pourrait être à l’aube d’un essor historique des investissements. La guerre commerciale avec les États-Unis, une économie mondiale de plus en plus divisée, les inquiétudes liées à la sécurité de l’Arctique et une révolution de l’IA qui s’accompagne d’énormes besoins en énergie sont autant d’éléments qui soulignent la nécessité de renforcer les infrastructures économiques et de sécurité. Mais ces diverses ambitions, qu’il s’agisse des ports du Nord, du GNL de la côte Ouest ou des usines de traitement des minerais, reposent sur un impératif commun : les partenariats avec les Autochtones.
La croissance et la prospérité futures du Canada dépendent fortement de la réussite de la réconciliation économique autochtone. Dans le cas contraire, la capacité du pays à diversifier ses exportations de ressources, à jouir d’une indépendance et d’une résilience dans des secteurs stratégiques et à améliorer sa productivité, qui est inférieure à celle des autres pays depuis des années, est menacée. Cependant, l’enjeu ne se limite pas à cela. Selon les recherches de Leadership avisé RBC, 73 % des 504 grands projets de ressources et d’énergie prévus ou en cours au Canada traversent des territoires autochtones, ou se trouvent dans un rayon de 20 kilomètres de ces territoires, à savoir des terres issues de traités, avec des titres non cédés et soumises à des consultations. À eux seuls, ces projets représenteront 98 milliards de dollars de participations autochtones au cours des dix prochaines années.


Le Canada ne peut pas se permettre de manquer cette occasion. Heureusement, des exemples de réconciliation économique autochtone fleurissent dans tout le pays, notamment :
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À Kitimat, en Colombie-Britannique, la Nation Haisla et Pembina Pipeline travaillent sur le projet de GNL Cedar, un partenariat de quatre ans qui débouchera sur l’installation d’une usine d’une valeur de 4 milliards de dollars. Une fois opérationnelle, cette usine appartenant majoritairement à des Autochtones devrait générer 85 millions de dollars de PIB par an.
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Dans plusieurs communautés du Manitoba et du Nunavut, la Liaison hydroélectrique et de fibre optique à Kivalliq cherche à fournir de l’énergie propre grâce à un projet de corridor énergétique et de télécommunications de 1 200 kilomètres reliant le Nunavut au réseau du Manitoba.
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Dans la petite ville de Jarvis, au sud-ouest de l’Ontario, le projet d’Oneida Energy Storage sera l’une des plus grandes usines de stockage d’électricité en batteries d’Amérique du Nord lorsqu’elle sera mise en service. Détenue en partie par la Six Nations of the Grand River Development Corporation, Oneida fournira la capacité nécessaire au réseau électrique de l’Ontario, qui est mis à rude épreuve.
Si ces projets illustrent les progrès accomplis, il est possible d’en faire davantage. Des siècles de traités, d’accords entre Nations, d’accords commerciaux et de jurisprudence ont souligné la place centrale des peuples autochtones dans le processus décisionnel canadien, en particulier dans la mise en place de projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources. La Loi constitutionnelle de 1982, en particulier l’article 35, a reconnu et affirmé les droits ancestraux et issus de traités dans le tissu juridique et politique canadien. Les causes portées devant la Cour suprême, notamment Calder, Delgamuukw et Tsilhqot’in, ont réaffirmé les droits et titres ancestraux, le droit inhérent à l’utilisation et à la compétence sur le territoire traditionnel d’une nation autochtone.
L’un des principes clés inscrits dans la Constitution et la jurisprudence est le maintien de l’honneur de la Couronne, un concept juridique qui caractérise l’obligation fiduciaire du gouvernement du Canada à l’égard des peuples autochtones. Selon ce principe, la Couronne a notamment l’obligation de consulter et d’accommoder. Lorsque la Couronne entreprend une activité qui pourrait avoir un effet négatif sur un droit ou un titre autochtone, elle doit consulter les groupes autochtones concernés et tenir compte de ces atteintes. Cette obligation a été affirmée par la jurisprudence et se caractérise par la relation de nation à nation entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) a fait progresser le concept de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC). Il s’agit d’un moyen proactif pour les gouvernements (et les entreprises) de rechercher et d’obtenir le consentement pour les projets qui ont lieu sur les territoires autochtones. La DNUDPA a désormais force de loi au niveau fédéral, ainsi qu’en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest.
Ensemble, l’obligation de consulter et le CPLCC définissent le cadre et les conditions dans lesquels les gouvernements et les entreprises collaborent avec les nations autochtones sur des projets se déroulant sur leurs terres ou mettant en jeu leurs intérêts.
Il faut désormais faire preuve d’audace et d’esprit d’innovation, et cela commence par la recherche de moyens permettant de débloquer trois éléments essentiels :

CAPITAL: La participation autochtone dans les grands projets nécessite une combinaison d’outils de financement privé et à conditions préférentielles, y compris des prêts, des garanties de prêt et des subventions. Sans accès au capital, qui est un défi historique pour les nations autochtones, de nombreuses occasions de participation, voire des projets entiers, pourraient ne pas voir le jour.

CAPACITÉ: Les négociations fondées sur les droits, ainsi que les discussions commerciales et juridiques entourant le développement de grands projets, sont complexes et nécessitent d’investir dans les capacités de toutes les parties concernées – nations autochtones, gouvernements et entreprises – afin de garantir la réussite du projet.

CONSENTEMENT: L’obligation constitutionnelle de consulter et d’accommoder, la DNUDPA, la jurisprudence et des décennies d’évolution juridique et politique ont confirmé l’importance du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause pour le développement de projets. Pour obtenir le CPLCC, il est nécessaire d’établir des relations de confiance à long terme entre toutes les parties, ce qui implique d’aller au-delà des discussions transactionnelles sur le projet.
Il est nécessaire de faire progresser ces trois éléments (capital, capacité et consentement) en parallèle pour que les nations autochtones deviennent de véritables partenaires du développement économique. Grâce à un appel à l’action collectif, mené par les nations autochtones et étroitement soutenu par les entreprises et les gouvernements, il est possible de générer une prospérité partagée et de faire en sorte que le Canada se développe rapidement et à grande échelle.
Capital
L’accès à des capitaux abordables est un défi constant pour les membres des communautés autochtones, en partie à cause des barrières institutionnelles mises en place par les gouvernements canadiens. La prime de risque pour les emprunteurs autochtones est influencée par les agences de notation et, par extension, par les considérations des institutions financières en matière de risque et de responsabilité. Cela s’explique en partie par plusieurs éléments : l’impossibilité pour les communautés des Premières Nations de donner des terres de réserves en garantie en vertu de l’article 89 de la Loi sur les Indiens ; l’impossibilité pour les communautés Métis de tirer parti d’un territoire et d’accéder au financement fédéral ; et la difficulté pour les communautés Inuit d’obtenir le financement de projets dans les régions rurales éloignées. Comme nous l’avons souligné dans de précédents rapports, les garanties de prêt et d’autres outils de financement peuvent aider à résoudre les problèmes liés à l’accès au capital et au risque.
Historiquement, la mise en œuvre et le développement de ces outils progressent lentement, alors que les besoins en capitaux ne cessent de croître. Nous parlons ici d’un manque de capitaux allant jusqu’à 270 milliards de dollars1 pour l’infrastructure, de 30 milliards de dollars2 pour les minéraux critiques et de 60 milliards de dollars pour les investissements liés au climat dans la capture du carbone, l’électricité et les énergies renouvelables3. Le soutien des prêteurs privés et publics est donc nécessaire pour répondre à la demande.

La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) s’est récemment engagée à investir un milliard de dollars dans le cadre de son Initiative pour la participation autochtone. Les subventions en capitaux propres de la BIC, qui vont de 5 à 100 millions de dollars, sont assorties d’un objectif de remboursement sur 15 ans. Au début de l’année 2024, les fonds ont commencé à affluer. C’est à ce moment-là que la Banque a accordé son premier prêt participatif aux autochtones, s’engageant à verser jusqu’à 18 millions de dollars à Wskijinu’k Mtmo’taqnuow Agency Ltd. (WMA), une société en commandite détenue par 13 communautés Mi’kmaw. Ce financement a permis à WMA d’acquérir une participation dans le projet énergétique de la Nouvelle-Écosse, la plus grande initiative de stockage d’électricité en batteries prévue au Canada.
L’Autorité financière des Premières Nations (FNFA), une autre source financière importante, a permis le développement économique des Premières Nations par le biais d’un mécanisme d’emprunt commun. En émettant des obligations au nom des Premières Nations (certifiées par le Conseil de gestion financière des Premières Nations pour leur bilan sain et leurs bonnes pratiques de gestion financière), la FNFA a emprunté 3 milliards de dollars pour ses membres afin de financer des projets essentiels et générateurs de revenus, créant ainsi une production économique de 6,3 milliards de dollars.
Ce ne sont pas les seuls exemples de progrès en matière de déblocage de capitaux. L’année dernière, trois programmes de garantie de prêts ont été annoncés : un au niveau fédéral (qui est récemment passé de 5 à 10 milliards de dollars) et deux au niveau provincial en Colombie-Britannique (1 milliard de dollars) et au Manitoba (500 millions de dollars).
Les différents outils d’accès au capital actuellement disponibles représentent environ 20 milliards de dollars. Et si l’on se base sur le montant des investissements privés que ces outils de financement à conditions préférentielles ont permis d’attirer, il serait possible de mobiliser près de 48 milliards de dollars d’investissements en capitaux propres pour les populations autochtones. Cela laisse un déficit de 20,7 milliards de dollars pour le financement à conditions préférentielles et de 28,7 milliards de dollars pour le financement privé4.

Bien que des lacunes subsistent, les capitaux circulent plus que jamais. Et ils incitent à agir. Selon un rapport publié en avril dernier par le cabinet d’avocats Fasken Martineau DuMoulin LLP basé à Toronto, 111 communautés autochtones ont déclaré avoir acquis une participation dans un projet d’infrastructure entre 2022 et 2024. Plus d’un quart (26 %) d’entre elles se trouvaient en Alberta, où est mis en œuvre le programme de garantie de prêts de l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation, d’une valeur de 3 milliards de dollars. Les projets de production d’énergie éolienne ont entraîné un pic de participation en Nouvelle-Écosse (23 %). La Colombie-Britannique complète le trio de tête avec 18 %. Ces chiffres ont par ailleurs été atteints avant même le lancement du programme provincial de garantie des prêts mentionné ci-dessus5.
Du point de vue du financement privé, les approches de la gestion du risque doivent tenir compte des préoccupations spécifiques des autochtones, les banques reconnaissant que si les projets sont viables sur le plan économique, les emprunteurs autochtones devraient pouvoir être traités comme les autres emprunteurs du marché.
Pour les outils d’accès au capital existants et annoncés, la priorité doit être donnée à la rapidité de mise en œuvre, à une approche qui tienne compte des risques et à un champ d’application sectoriel plus large, couvrant non seulement les projets relatifs aux ressources et à l’énergie, mais aussi l’infrastructure, le transport, l’agriculture et la pêche, soit tout secteur où les intérêts des Autochtones sont étroitement liés à un impératif économique national.
Capacité
La complexité accrue du développement de grands projets nécessite de renforcer les capacités de toutes les parties. Cela passe notamment par l’éducation et la formation nécessaires aux entreprises et aux gouvernements pour mieux comprendre l’histoire, l’économie, la culture et les priorités des populations autochtones. Pour les nations autochtones, cela peut aller de la capacité financière, juridique et technique requise pour les négociations commerciales au soutien environnemental, historique et juridique nécessaire pour participer aux discussions sur la réglementation et les droits. Il est important de reconnaître que les capacités autochtones ont toujours existé, que ce soit à travers les réseaux commerciaux, les systèmes économiques, les modèles de gouvernance et les connaissances traditionnelles que les nations autochtones ont développées au fil des siècles.
La capacité fiscale et économique des Nations est mesurée (imparfaitement) par leur capacité à générer des revenus autonomes (non générés par des virements gouvernementaux) et à maintenir des contrôles financiers et de gouvernance. Nous nous basons sur deux indicateurs pour ces mesures : des revenus autonomes supérieurs à 25 % des revenus totaux d’une Première Nation, et une Première Nation recevant la Certification du rendement financier. Cette certification, délivrée par le Conseil de gestion financière des Premières Nations, est une attestation volontaire et indépendante de la bonne santé financière et de la capacité à emprunter auprès de l’Autorité financière des Premières Nations.
Nos recherches indiquent que les lacunes en matière de capacité mettent en péril 85 % des projets qui passent par le territoire des Premières Nations, ce qui représente environ 83,6 milliards de dollars.

Project Rocket, un partenariat entre 23 communautés des Premières Nations et Métis et Enbridge, a permis de renforcer les capacités au bénéfice de toutes les parties. Ce partenariat a donné lieu à la création d’Athabasca Indigenous Investments, l’entité ad hoc qui a permis aux nations autochtones de prendre une participation de 12 % (évaluée à 1,1 milliard de dollars) dans sept oléoducs. Outre les avantages économiques potentiels, le processus de négociation a permis aux nations autochtones, aux promoteurs et aux intermédiaires financiers d’acquérir des capacités techniques, juridiques et commerciales. Les accords qui incluent plusieurs Nations, comme celui-ci, permettent aux Nations mieux dotées en ressources et plus expérimentées de partager leur expertise, les rendant ainsi plus reproductibles et évolutifs.
Les partenariats entre les Autochtones et les entreprises, y compris les détachements, le partage des connaissances et les forums entre leaders, peuvent contribuer à renforcer les capacités.
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En créant un pont entre les Autochtones et les entreprises du Canada, des organisations telles que la Coalition de grands projets des Premières Nations (First Nations Major Projects Coalition, FNMPC) et le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone (CCEA) permettent d’établir des relations, de renforcer les capacités, et de soutenir les entreprises et gouvernements autochtones. Des organisations comme la FNMPC et le CCEA sont des modèles positifs à reproduire et à étendre à l’ensemble du pays, afin d’offrir un mentorat, un perfectionnement des aptitudes, des outils environnementaux et économiques, des stratégies d’approvisionnement et un soutien à la négociation en matière de projets pour et avec les nations autochtones.
Il faut prioriser le renforcement des capacités avec des équipes de financement ou de fusion et acquisition pour les promoteurs et les institutions financières. Cela permet de s’assurer que les membres de l’équipe de financement connaissent l’histoire des Autochtones, les priorités en matière de développement économique et la façon dont les équipes doivent collaborer avec les nations autochtones.
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Pour les entreprises, il est important de savoir s’il faut renforcer les capacités en interne, par le biais d’embauches et de formations ciblées, ou développer les capacités en acquérant des organisations existantes disposant de la bonne combinaison de connaissances commerciales et d’expertise au niveau des communautés autochtones.
Les gouvernements devraient envisager de consacrer 2 à 5 % des subventions, prêts et fonds de garantie aux capacités, afin de donner aux nations autochtones les bonnes informations et la capacité de négocier des accords avec des homologues du secteur privé mieux dotés en ressources. Cette fourchette est une directive basée sur les opérations passées.
Consentement
La nature du consentement varie d’une communauté à l’autre et d’un projet à l’autre. Il est difficile de s’accorder sur la notion de consentement, qui relève à la fois d’obligations constitutionnelles (article 35 et obligation de consulter) et d’obligations internationales (DNUDPA). Toutefois, bien qu’insuffisantes, certaines conditions sont nécessaires pour obtenir et maintenir le consentement, notamment un engagement précoce et fréquent, des partenariats économiques et l’inclusion des nations autochtones dans le processus réglementaire.
Le processus de délivrance de permis et réglementaire joue un rôle important dans la réalisation des projets. Ce processus consiste notamment à rechercher l’engagement éclairé des Autochtones et, le cas échéant, à obtenir leur consentement. Le gouvernement du Canada est soumis à une obligation de consulter et d’accommoder les groupes autochtones lorsque ses actions peuvent avoir un impact sur les droits ancestraux potentiels ou établis ou sur les droits issus de traités –, une obligation qui a été confirmée par les tribunaux et la Constitution. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un objectif important pour accélérer le développement des projets, la réduction des délais de délivrance des permis ne peut se faire en vase clos sans que la Couronne s’acquitte de son obligation de consulter. Les promoteurs ont une responsabilité et un rôle importants à jouer dans l’établissement des relations étroites fondées sur la confiance avec les nations autochtones et, par ce biais, dans la recherche et l’obtention de leur consentement.
Le projet de GNL Cedar illustre la manière dont les autorités fédérales et provinciales et les nations autochtones peuvent accélérer le processus de délivrance de permis. Le gouvernement fédéral, par le biais d’un processus appelé substitution, a permis d’éviter de réaliser deux évaluations pour un seul projet. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a travaillé en étroite collaboration avec la Nation Haisla pour identifier et atténuer les impacts environnementaux, sociaux, sanitaires et économiques. Ce processus a été accéléré en grande partie parce que la Nation Haisla est copropriétaire du projet, ce qui a permis de raccourcir le processus de délivrance de permis et de limiter les litiges (malgré les préoccupations persistantes d’autres Nations à l’égard du projet).
Si la participation de la Nation Haisla dans le projet de GNL Cedar a probablement accéléré les choses, les délais moyens d’évaluation en Colombie-Britannique sont généralement parmi les plus courts du pays. Cela s’explique en partie par le fait que les promoteurs collaborent de manière précoce et fréquente avec les nations autochtones et que les régulateurs provinciaux confient de plus en plus aux nations autochtones la responsabilité de diriger les évaluations. Le processus d’évaluation environnementale de la Colombie-Britannique peut intégrer des évaluations menées par les autochtones par le biais de la substitution, de la délégation et par d’autres mécanismes. Il permet de raccourcir le processus de 5 à 15 mois par rapport aux délais moyens de deux régimes fédéraux de longue date et du processus de délivrance de permis aux États-Unis. Les projets autorisés au niveau fédéral, en particulier ceux qui traversent les frontières provinciales, sont complexes et nécessitent des délais d’autorisation plus longs. Toutefois, l’expérience de la Colombie-Britannique suggère qu’un processus de délivrance de permis qui intègre les points de vue, les processus et les connaissances des Autochtones peut favoriser la confiance et l’acceptabilité sociale.

L’accord de prise de décision par consentement pour le projet Eskray Creek (Eskay Creek Consent-Based Decision-Making Agreement) et l’accord d’évaluation environnementale de la Nation Squamish fournissent tous deux des plans directeurs pour mettre en œuvre le consentement par le biais de l’évaluation environnementale et du processus de délivrance de permis.
Cet accord relatif à la réouverture de la mine d’or et d’argent d’Eskay Creek, dans le nord de la Colombie-Britannique, a été conclu en vertu de l’article 7 de la Declaration Act (Loi de la Colombie-Britannique sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones). Dans le cadre de cet accord, le processus d’évaluation environnementale modifié vise à obtenir un consensus par le biais d’une équipe de collaboration entre la Nation Tahltan et la Colombie-Britannique, d’une évaluation des risques du gouvernement central de Tahltan, d’un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sur la décision finale, et d’une résolution indépendante des litiges. Cet accord fournit un modèle unique de prise de décision conjointe, d’évaluation environnementale partagée et de maintien de l’acceptabilité sociale.
Le processus d’évaluation environnementale de la Nation Squamish pour l’usine et le terminal d’exportation de GNL Woodfibre en Colombie-Britannique a été le premier processus d’évaluation environnementale juridiquement contraignant mené par des Autochtones au Canada. Un accord-cadre a permis à la Nation Squamish de mettre en place un processus en dehors des régimes d’évaluation environnementale provinciaux et fédéraux. Cela a été possible grâce à un processus parallèle de collecte et d’analyse d’informations environnementales et socio-économiques, la décision finale revenant au chef et au conseil de la Nation Squamish. Cela a permis de responsabiliser les acteurs tant au niveau technique que politique. Il était essentiel que les gouvernements fédéraux et provinciaux, ainsi que le promoteur, adhèrent à l’évaluation environnementale menée par les Autochtones. Les trois parties pouvaient être ainsi certaines que l’examen tenait compte des préoccupations et des intérêts de la Nation Squamish, ce qui est important pour maintenir l’acceptabilité sociale et le soutien.
Ces approches amènent aussi leur lot de défis. En effet, d’autres Nations peuvent chercher à affirmer leur compétence à l’égard de celles qui dirigent le processus d’évaluation environnementale ou qui soutiennent de manière substantielle le développement d’un projet. En outre, cela ne dissipe pas l’opposition d’autres groupes d’intérêt, tels que les groupes environnementaux ou sociaux. Ces approches fournissent néanmoins des modèles utiles pour mettre en œuvre le consentement par le biais d’un processus d’évaluation collaboratif.
Quelques principes clés pour les entreprises et les gouvernements lorsqu’ils recherchent et maintiennent le consentement :
L’un des moyens d’y parvenir est de faire mener les évaluations par les Autochtones. Cela passe également par l’intégration des ordres juridiques, des connaissances traditionnelles, des valeurs et des priorités des Autochtones dans le processus de réglementation et d’évaluation en réalisant une coévaluation des projets ou en déléguant certains aspects d’un projet aux gouvernements autochtones.
Ces relations nécessitent un investissement en temps et en argent. Les gouvernements et les entreprises ne peuvent pas se mobiliser sur des questions liées à un projet sans établir des relations significatives afin de maintenir le consentement, la confiance et l’acceptabilité sociale nécessaires au développement du projet.
Il est impératif que les promoteurs, le gouvernement et les nations autochtones partagent les informations et aient des discussions transparentes.
Il s’agit d’une tâche difficile, car elle dépend à la fois des définitions juridiques indiquant pour quelles Premières Nations le gouvernement doit s’acquitter de l’obligation de consulter et d’accommoder, et des mesures basées sur les relations qui peuvent indiquer quelles Nations doivent être consultées. Il est recommandé d’établir des relations solides et durables avec les Nations, indépendamment de l’obligation de consulter.
Préparer l’avenir : considérations pour le Canada
Les tensions géopolitiques avec notre plus proche allié ont mis en évidence les failles de la stratégie économique du Canada. La diversification commerciale, le développement massif de nos ressources et de nos infrastructures, la résolution définitive du problème du commerce intérieur et la progression de la chaîne de valeur des produits sont devenus des impératifs économiques. Pour atteindre ces objectifs, il est essentiel de faire progresser la réconciliation économique autochtone. D’autres considérations animeront le débat au Canada dans les mois à venir :
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Ce qui figure sur la liste des procédures accélérées : Les deux principaux partis politiques du Canada ont promis d’accélérer le développement, la délivrance de permis et le financement de certains projets commerciaux, d’infrastructure et de ressources dans l’intérêt national. Pratiquement tous les projets qui feront l’objet d’une procédure accélérée auront une incidence sur les intérêts autochtones et traverseront des territoires autochtones. La capacité du gouvernement fédéral à agir rapidement et à grande échelle reposera sur un engagement et des partenariats approfondis avec les Autochtones.
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Le renouvellement de l’accord de sécurité continentale : Le nouveau gouvernement fédéral entamera probablement des discussions avec l’administration américaine sur le renouvellement du cadre économique et de sécurité entre les deux pays. Les investissements nécessaires porteront sur la surveillance, la connaissance de la situation dans tous les domaines et l’infrastructure commerciale afin de renforcer le Nord. Au-delà du commerce et de la sécurité, l’infrastructure sociale, y compris le logement, l’éducation et les établissements de soins de santé, doit être renforcée. Ces discussions doivent être menées en étroite collaboration avec les gouvernements territoriaux, les sociétés inuites et les communautés de l’Inuit Nunangat.
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L’impact du contexte géopolitique entre les États-Unis et la Chine : Comme nous l’avons analysé précédemment, les minéraux critiques sont devenus un élément clé dans le nouveau grand jeu entre les deux superpuissances. La capacité du Canada à prendre le relais dans le domaine de l’extraction et de la transformation des minéraux critiques dépendra de sa capacité à exploiter des régions riches en minéraux comme le Cercle de feu en Ontario et le Triangle d’or en Colombie-Britannique. La Nation Tahltan, dont les territoires traditionnels couvrent 70 % du Triangle d’or, a soutenu l’exploration minière. Toutefois, les revendications et les partenariats autochtones n’ont pas encore été résolus dans le Cercle de feu – une question qui se posera dans d’autres régions minières du Canada.
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Les changements générationnels dans le système commercial mondial : L’évolution des flux internationaux de commerce et d’investissement incite les pays à rechercher des sources de résilience économique. Cela passe par la diversification des marchés, mais aussi par la relocalisation de certaines parties de leur chaîne de valeur. Le Canada ne fait pas exception. Dans ce contexte, il est utile de nous rappeler que les nations autochtones, qui constituent notre population la plus jeune et dont la croissance est la plus rapide, sont une véritable force et un avantage concurrentiel.
Notre capacité à agir rapidement dépend de notre capacité à agir collectivement. Comme l’a déclaré le regretté Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation, lors de la publication du rapport final de la Commission : « Nous vous avons décrit une montagne, nous vous avons montré le chemin qui mène au sommet. Nous comptons sur vous pour en faire l’ascension ».
Contributors:Contributors:
Leadership avisé RBC
John Stackhouse, premier vice-président, Bureau du chef de la direction
Varun Srivatsan, directeur général, Politique et engagement stratégique
John Intini, Directeur principal, Rédaction
Farhad Panahov, Économiste
Caprice Biasoni, graphiste spécialisée
Shiplu Talukder, spécialiste, Publication numérique
1. https://www.caninfra.ca/rencontrez-les-equipes
2. https://440megatonnes.ca/fr/insight/mineraux-critiques-economie-propre/
3. https://www.rbc.com/institut-action-climatique/_assets-custom/pdf/actionclimatique24.pdf
4. Les calculs de l’écart de financement sont fondés sur le coût en capital des projets visés par des traités, des titres et des titres de propriété, et des terres non cédées, multiplié par les ratios d’endettement moyens par secteur, et les hypothèses propres à l’industrie sur le ratio du capital qui appéderait sur les Autochtones. Les chiffres globaux pour l’ensemble des secteurs sont multipliés par le rapport entre les capitaux concessionnels et les capitaux privés par le biais des programmes de garantie de prêts existants, pour arriver à l’écart de capitaux concessionnels et privés. Il est important de noter que sur les 17 milliards de dollars d’outils de financement concessionnel, environ 11,5 milliards de dollars n’ont pas encore été mis en œuvre.
5. Update on Trends in Indigenous Equity Investments in Canada | Knowledge | Fasken
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