Points saillants :

Les preuves des dommages économiques causés par le protectionnisme s’accumulent. Les marchés du travail se sont repliés au Canada et aux États-Unis, mais à un rythme globalement conforme à nos hypothèses précédentes.

Nous pensons toujours que l’économie canadienne a de quoi susciter l’optimisme. Les probabilités d’un nouvel assouplissement de la part de la Banque du Canada ont augmenté, mais nous ne prévoyons pas de nouvelles réductions malgré cela.

Aux États-Unis, le changement de ton de la Réserve fédérale, provoqué par le ralentissement des marchés du travail, laisse présager des baisses de taux d’intérêt plus tôt que prévu.
Enjeu sous la loupe :

Les droits de douane spécifiques à certains produits ont une incidence négative importante sur des secteurs ciblés de l’économie canadienne, malgré les exemptions prévues par l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (ACEUM) qui protègent la majeure partie des exportations canadiennes vers les États-Unis. Dans cet article, nous examinons de plus près les secteurs sous pression et l’ampleur des dommages qu’ils subissent.
Modifications des prévisions :
Les données économiques montrent de plus en plus clairement les effets néfastes des droits de douane. Au Canada, nous avons encore tout lieu de penser que les pires effets négatifs sur le commerce international sont probablement derrière nous.
D’une part, les répercussions des droits de douane sur l’économie ont été jusqu’à présent prononcées, mais également très concentrées dans les secteurs ciblés. Les pertes d’emploi enregistrées depuis le printemps concernent uniquement les secteurs de la fabrication, du transport et de l’entreposage, tandis que la résilience de la dépense intérieure continue de soutenir le reste de l’économie.
La baisse de la demande étrangère d’exportations canadiennes a été importante et a constitué le principal frein à la croissance du PIB au deuxième trimestre. Mais ce recul concernait uniquement les produits soumis à des droits de douane (voir les « Enjeux sous la loupe » ci-dessous pour en savoir plus). Les autres exportations vers les États-Unis, qui sont pour la plupart protégées par les exemptions prévues par l’ACEUM, ont en réalité bien résisté par rapport à l’année dernière.
En effet, les défis auxquels l’économie canadienne est confrontée sont sectoriels et régionaux, et les mesures de soutien budgétaire qui ont continué de s’intensifier sont les mieux à même d’y répondre. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que la détérioration de l’économie canadienne soit limitée, à savoir :
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Nous prévoyons une reprise de l’économie au troisième trimestre grâce à l’amélioration de la balance commerciale, et une croissance positive du produit intérieur brut après une contraction due à la faiblesse des échanges commerciaux nets et des investissements des entreprises. Les dépenses de consommation sont restées solides en juillet, selon notre outil de suivi des dépenses par carte bancaire.
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Nos perspectives pour le marché du travail restent inchangées, malgré des données moins favorables en juillet et en août. Nous continuons de tabler sur des pertes d’emplois supplémentaires limitées, qui devraient se concentrer principalement dans les secteurs exposés aux échanges commerciaux, et sur un taux de chômage maximal de 7,1 %, similaire au niveau actuel.
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Nous restons d’avis que la Banque du Canada maintiendra ses taux inchangés, mais avec peu de conviction. Les risques de hausse de l’inflation ont diminué, mais demeurent présents et méritent que la banque centrale fasse preuve de patience. Toutefois, la faiblesse des données sur l’emploi et le PIB par rapport au consensus (et non aux prévisions de la BdC) alimente la possibilité d’une baisse des taux.
Aux États-Unis, les droits de douane, qui ont atteint leur plus haut niveau depuis près d’un siècle, continueront de ralentir la croissance économique. Selon nous, la « légère stagflation » devrait persister, l’inflation et le taux de chômage augmentant tous deux jusqu’à la fin de l’année.
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Nous nous attendons à ce que la Fed reprenne l’abaissement des taux d’intérêt en septembre, contrairement à notre prévision antérieure qui tablait sur décembre. Par la suite, nous pensons toujours que les décideurs réduiront progressivement les taux pour atteindre un niveau neutre de 3 % d’ici le début de 2026.
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Les signes plus évidents de ralentissement sur le marché du travail américain ont dissipé l’un des principaux arguments des membres du FOMC adoptant un ton plus ferme en faveur du report des baisses de taux, même si les droits de douane poussent l’inflation à la hausse. Concrètement, nous pensons que la Fed donnera la priorité à l’aspect « emploi » de son mandat, d’autant plus que les taux d’intérêt demeurent restrictifs.
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L’inflation américaine reflétera de plus en plus l’incidence des droits de douane, car les entreprises épuiseront leurs stocks et répercuteront les hausses de coûts sur les consommateurs. L’inflation de base devrait continuer de progresser vers un niveau inquiétant de 3,5 % d’ici la fin de l’année, tandis que la hausse des prix des produits agricoles exercera une pression à la hausse sur l’inflation des produits alimentaires et les données globales.


2.75%
0 pb en juil. 2025
0 pb
sept. 2025
En juillet, la Banque du Canada a maintenu le taux du financement à un jour pour une troisième réunion consécutive, évoquant comme raisons principales la résilience de l’économie, les signes de pressions inflationnistes sous-jacentes et l’incertitude accrue au sujet des droits de douane américains. Depuis cette réunion, les données économiques ont fléchi, mais la concentration des répercussions des droits de douane et l’augmentation du soutien budgétaire sont les raisons pour lesquelles nous continuons de penser que la Banque du Canada maintiendra ses taux inchangés.


4.25-4.50%
0 pb en juil. 2025
-25 pb
sept. 2025
La Réserve fédérale adopte une approche attentiste depuis janvier. Cependant, les dernières révisions à la baisse des chiffres de l’emploi non agricole ont révélé des tendances de l’emploi beaucoup plus faibles que prévu depuis le printemps et ont érodé l’un des principaux arguments (la résilience du marché du travail) avancés par les membres du FOMC adoptant un ton plus ferme en faveur d’un vote contre les baisses de taux d’intérêt. Nous nous attendons maintenant à ce que la Fed reprenne ses baisses en septembre et atteigne un taux final de 3 % au deuxième trimestre de 2026.


4.00%
-25 pb en août 2025
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sept. 2025
Le comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre a voté à cinq voix contre quatre en faveur d’une réduction du taux directeur de 25 points de base en août. Elle demeure sur la voie de l’assouplissement, bien que la répartition des votes et le procès-verbal de la réunion aient dénoté un ton plus ferme que prévu, suggérant un assouplissement moins automatique à l’avenir. Nous nous attendons toujours à ce que la Banque d’Angleterre ne baisse les taux qu’une seule fois en novembre, pour atteindre un taux final de 3,75 %. Les risques penchent en faveur d’une baisse plus tardive.


2.00%
0 pb en sept. 2025
0 pb
oct. 2025
La Banque centrale européenne a maintenu le taux des dépôts à 2 % en septembre. Le Conseil des gouverneurs est resté évasif quant à l’évolution future des taux, mais la présidente Christine Lagarde a souligné lors de la conférence de presse que l’inflation était conforme à l’objectif et que les perspectives étaient stables. Elle a également précisé que la demande intérieure était résiliente et que les risques pesant sur la croissance économique s’équilibraient. Nous restons convaincus que le taux des dépôts restera stable à 2 % à l’avenir.


3.60%
-25 pb en août 2025
-25 pb
sept. 2025
La Reserve Bank of Australia a abaissé le taux du financement à un jour à 3,6 % en août, ce qui est dans la fourchette des estimations modélisées du taux neutre. La déclaration faite à cette occasion a laissé entrevoir une confiance accrue dans un nouvel affaiblissement de l’inflation sous-jacente. Les données fondamentales du marché du travail et de la consommation font également preuve de vigueur, ce qui conforte notre opinion selon laquelle la banque centrale ne procédera plus qu’à deux baisses supplémentaires, en novembre et en février, pour atteindre un taux final de 3,1 %.
Enjeu sous la loupe :
Les droits de douane américains épargnent la plupart des exportations canadiennes, mais touchent des secteurs clés
Depuis mars, nous soutenons que l’exemption de droits de douane accordée à la plupart des importations américaines au titre de l’ACEUM permettrait de maintenir l’accès en franchise de droits à la plupart des exportations canadiennes, ce qui s’est largement vérifié jusqu’à présent.
En juillet, 88 % des importations américaines en provenance du Canada étaient exemptes de droits de douane, selon les données du U.S. Census Bureau. Cela représente une légère baisse par rapport à la moyenne d’environ 90 % enregistrée au deuxième trimestre, mais couvre toujours la plupart des exportations canadiennes.
Cela ne signifie pas pour autant que l’économie canadienne n’est pas touchée par les droits de douane américains. Les mesures imposées à un petit nombre de produits canadiens en vertu de l’article 232 continuent d’avoir des répercussions négatives importantes, mais concentrées, sur l’emploi, la production et les exportations dans les secteurs connexes.
Quels sont les produits canadiens visés par les droits de douane ?
Les droits de douane américains sur les importations en provenance du Canada, soit 12 % des exportations canadiennes vers les États-Unis qui n’étaient pas exemptes de droits de douane en juillet, sont fortement concentrés dans un sous-ensemble de secteurs.
Ils peuvent être regroupés en trois catégories : véhicules et pièces automobiles (code SH 87), produits d’acier et d’aluminium (codes SH 72, 73 et 76), et autres machines, pièces et équipement, y compris les produits aérospatiaux (codes SH 84, 85 et 88). Chaque catégorie représentait respectivement 57 %, 23 % et 12 % (soit plus de 90 % au total) des exportations totales de biens soumises à des droits de douane en juillet, selon le U.S. Census Bureau.
Au total, les produits canadiens assujettis à des droits de douane américains ont été soumis à un taux moyen pouvant atteindre 27 % en juillet, soit bien au-dessus du taux moyen de 3 % appliqué à l’ensemble des importations en provenance du Canada.
Quelle a été l’incidence de cette mesure sur la demande étrangère de ces produits et d’autres ?
L’absence de baisse de l’indice des prix des importations aux États-Unis (hors produits pétroliers) suggère que les acheteurs américains paient la majeure partie de l’augmentation des coûts liés aux droits de douane, sans que l’on observe de réduction significative des prix des exportations à l’étranger pour compenser ces coûts. Cette forte augmentation a entraîné un ralentissement de la demande de produits canadiens.
En juillet, les exportations de biens canadiens vers les États-Unis ont diminué de 5 % par rapport à l’an dernier, à l’exclusion des exportations de produits pétroliers (qui ont diminué en grande partie en raison de la baisse des prix du pétrole par rapport à l’année dernière plutôt que des répercussions des droits de douane). Cette baisse est également entièrement attribuable aux produits assujettis à des droits de douane élevés (nous parlons ici des produits dont la part des échanges commerciaux soumis à des droits de douane est supérieure à 5 %).
Parmi ces produits tarifés, les exportations vers les États-Unis ont chuté de 5,9 milliards de dollars, soit 10 %, entre janvier et juillet par rapport à l’année dernière. Pendant ce temps, les autres exportations principalement protégées par les exemptions liées à l’ACEUM ont augmenté de 1,6 milliard de dollars, soit 2 % de manière cumulative durant la même période.
Les résultats ont également varié considérablement au sein des produits tarifés. Les exportations canadiennes de produits d’acier et d’aluminium vers les États-Unis et les produits aérospatiaux ont plongé de 40 % et 39 %, respectivement, en juillet par rapport à l’année dernière. Les exportations automobiles et de pièces n’ont diminué que de 7 % malgré les tarifs substantiels imposés sur le contenu non américain des véhicules finis.
Quel avenir pour l’ACEUM ?
L’incidence considérable des droits de douane sur les produits canadiens renforce encore l’importance des exemptions actuelles prévues par l’ACEUM, qui accordent un accès en franchise de droits à la plupart des exportations canadiennes. Ce filet de sécurité évite qu’un choc commercial ciblé au Canada se propage de manière plus significative dans d’autres secteurs de l’économie.
Et comme nous l’avons déjà souligné, l’exemption aide également les importateurs américains à éviter des hausses encore plus importantes des coûts d’importation, en particulier pour les fabricants déjà durement frappés par les droits de douane imposés sur des produits spécifiques à leur secteur et par les mesures plus larges visant les importations des partenaires commerciaux extraterritoriaux.
Un « examen conjoint » de l’ACEUM est attendu en 2026 (et pourrait même commencer plus tôt), mais l’accord en lui-même n’expire pas avant 2036. Ceci, à moins que l’un des trois pays ne se retire unilatéralement de l’accord moyennant un préavis de six mois, sans négociation requise.
Le fait que les États-Unis et le Canada se soient efforcés de préserver l’ACEUM jusqu’à présent est un signe positif, tout comme la perspective de négociations qui devraient s’amorcer une décennie avant l’expiration de l’accord afin de laisser le temps nécessaire pour répondre aux préoccupations. Les exemptions prévues par l’ACEUM devraient donc perdurer, ce qui nous laisse à penser que les perturbations commerciales devraient avoir une incidence directe limitée sur l’économie canadienne.
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À propos des auteur
Claire Fan est économiste principale à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
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