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Le progrès social et industriel est impossible là où personne n’exerce l’autorité. Pour qu’une opération aboutisse à un résultat utile ou valable, il doit y avoir quelqu’un à sa tête.

L’autorité est le pouvoir de juger et d’agir, de donner des instructions et d’imposer l’obéissance. C’est un attribut qu’on ne trouve pas dans les comités, mais dans les fortes personnalités.

Le comité, refuge presque universel des gens qui ne tiennent pas à s’engager personnellement dans une action envisagée, peut explorer ou déplorer une situation ; mais, s’il s’agit vraiment de faire quelque chose, on en confie le soin à une personne revêtue d’autorité.

Les titres de ceux qui exercent l’autorité sont aussi nombreux que variés : chef, général, premier ministre, président, directeur, contremaître, patron, etc. Mais quel que soit le rang attaché à son titre, la personne détentrice de l’autorité est celle qui dirige les activités et assume la responsabilité d’atteindre certains objectifs au moyen de ces activités.

Les administrateurs doivent avoir les qualités requises pour mettre leur autorité en oeuvre. En plus des aptitudes et des compétences nécessaires à leur profession, ils doivent posséder l’intelligence intime, usuelle et intuitive des choses, une connaissance méthodique de ces mêmes choses et une manière pratique de les envisager.

Il est indispensable à la société organisée comme elle l’est aujourd’hui que chaque citoyen accepte l’autorité, qu’il en reconnaisse l’existence et la nécessité. Prenons un exemple courant. Le conducteur d’autobus est responsable de son véhicule. Il doit être au courant de sa technique de fonctionnement, savoir le conduire dans le flot de la circulation, connaître le code de la route et la marche à suivre en cas d’accident. Il lui faut aussi posséder l’art de bien s’entendre avec toutes sortes de gens. Toute omission d’exercer son autorité de la part du conducteur et toute méconnaissance de cette autorité de la part des voyageurs ne peuvent qu’entraîner des ennuis et des dangers pour les occupants.

Le règne animal fournit maintes preuves de l’exercice de l’autorité chez les bêtes, depuis l’ordre de la becquée chez les oiseaux jusqu’au choix des territoires chez les bisons. Toute activité humaine de masse demande et comporte une élite, c’est-à-dire un groupe de personnes compétentes exerçant la majeure partie de l’autorité. La raison d’être de l’élite c’est qu’elle prend la direction des choses et en accepte la responsabilité.

L’existence même de la société suppose l’ordre. On n’a pas trouvé de moyen, dans les civilisations modernes, de réaliser l’ordre sans attribuer à quelqu’un un certain degré d’autorité. Cela est nettement évident dans les forces armées, l’éducation, l’application de la loi, les affaires, le gouvernement et les sports. L’arbitre est une personne investie d’autorité, et plus d’un hockeyeur a été exclu de la partie faute de l’admettre.

Le chef est celui qui agit lorsque la situation réclame une action. Les masses n’accomplissent pas grand-chose dans l’histoire : elles se laissent conduire par les personnes résolues, capables de prévoir et aptes à administrer.

La panoplie du pouvoir

Rechercher le pouvoir pour le plaisir de dominer ses semblables ou accroître son prestige personnel passe à bon droit pour ignoble. Le pouvoir apparaît sous son meilleur jour lorsqu’il se manifeste sous forme d’animation, d’orientation et de service.

Aux yeux des Grecs et de l’Église primitive, le désir du pouvoir était un motif suffisant pour ne pas l’accorder. Les gouvernants de Platon ne devaient être investis du pouvoir absolu qu’à la condition de ne pas en vouloir, et celui qui accédait à l’épiscopat, dans l’Église, était tenu de déclarer : « Je ne veux pas être évêque. »

« Pour les Pères de l’Église comme pour Platon, écrit Edith Hamilton, nul ne pouvait convoiter le pouvoir et être digne de l’exercer. » L’arrogance qu’engendre l’orgueil du pouvoir a toujours été la faute la plus détestée des Grecs.

Beaucoup des tragédies les plus flagrantes de l’histoire humaine sont en fait celles du pouvoir usurpé et employé injustement pour exploiter, réprimer, intimider et détruire. Accorder à quelqu’un le pouvoir illimité de faire ce qu’il lui plaît sans avoir à rendre compte de ses actes ni à les expliquer ou les justifier, c’est étouffer sa crainte et supprimer ainsi un des grands piliers de la moralité.

L’homme revêtu d’autorité qui veut vivre comme il convient doit administrer ses affaires selon la loi et avec bon sens, compétence et sympathie. Il doit avoir le courage d’étayer ses décisions.

Le dictateur est celui qui a un désir effréné de gouverner. Il n’a pas d’amis, sauf ceux qui cultivent son amitié par crainte de son gantelet de fer. Son recours à la force en tant que méthode de gouvernement est aussi condamnable qu’inintelligent. Le sage administrateur, au contraire, sait qu’il faut employer la persuasion avant d’utiliser la force, mais il n’ignore pas non plus que la présence d’un mécanisme d’exécution habilité à agir est une condition nécessaire au maintien de la paix, de l’ordre et du bon gouvernement.

Les éléments de la grandeur

Les personnes à l’esprit mûr tiennent à être, plutôt qu’à paraître, le type d’homme ou de femme à qui appartient l’autorité. Comme le dit Locman dans les Aventures d’Hajji Baba, de James Morier, « Si vous êtes un tigre, soyez-en un vrai ; si vous vous vêtez d’une peau de tigre et que l’on découvre que vous y dissimulez de longues oreilles, on vous traitera comme si vous étiez dans votre propre peau, comme un âne non déguisé. »

Le devoir et la responsabilité font partie intégrante du pouvoir et de l’autorité. On ne peut être un chef sans pouvoir faire bonne contenance devant de lourdes responsabilités. Il est des âmes timides qui ne veulent accepter aucune mission si ce n’est avec d’autres, sur qui retombera une partie du blâme en cas d’échec. À l’autre extrémité de la gamme se trouvent les personnes comme l’amiral Nelson, qui écrivait à l’amirauté : « Je n’ai consulté personne, par conséquent c’est sur moi que doit peser toute la responsabilité de mon ignorance dans le jugement que j’ai formé. »

Un grand nombre de ceux qui exercent l’autorité trouvent leur joie de vivre dans l’accomplissement de leur devoir. Ils possèdent la substance du pouvoir sans paraître en désirer l’apparat. Les titres et les insignes ne les élèvent pas au-dessus de la foule. Ces accessoires ne confèrent pas la compétence. Le roi n’est pas uniquement celui qui porte le sceptre, mais celui qui sait gouverner.

Les idées de large envergure et les vues lumineuses ne naissent pas dans l’esprit des gens qui placent ordinairement leur bien-être personnel au-dessus des nécessités de leur charge. Un petit esprit caparaçonné d’autorité demeure un petit esprit. Sa posture est instable, car il doit se tenir sur la pointe des pieds ou sur une plate-forme pour montrer son autorité.

Si une personne revêtue d’autorité ne réussit pas dans une entreprise, son échec n’est pas toujours dû à une grave erreur ou à sa perversité.

Songeons à Adam et Ève. Ève désirait la sagesse et elle était foncièrement bonne ; elle voulait se montrer aimable envers le serpent et en même temps offrir un plaisir inattendu à son compagnon. Par contre, en tentant de mettre sa désobéissance sur le dos d’Ève, Adam se désiste avec amertume de son droit de détenteur de l’autorité. « C’est la femme que tu as mise auprès de moi, dit-il, qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé. »

La valeur de celui qui exerce l’autorité est comme un diamant aux facettes multiples. Il sait non seulement ce qu’il est bien de faire, mais aussi quel est le principe ou la raison de ses actes. Il se prémunit contre ses tendances à verser dans l’impersonnalité ; à établir une série de règles et à croire sa tâche accomplie ; à édifier une hiérarchie ; à concentrer ses efforts sur une des nombreuses fonctions que comporte l’administration.

Il est nécessaire au chef de régler sagement son travail et d’assujettir sa conduite à de justes restrictions. Il doit suivre une ligne de pensée et d’action qui l’amènera à prendre les bonnes décisions, c’est-à-dire à réunir les faits, à peser et à évaluer, à agir et à contrôler les résultats.

La valeur du jugement d’une personne revêtue d’autorité se mesure à son degré de connaissance des normes les plus élevées. La question la plus importante que puisse se poser l’autorité est celle de savoir comment sa manière d’agir soutient la comparaison avec telle ou telle haute norme reconnue.

Rien ne saurait remplacer l’intégrité chez celui qui aspire à devenir chef. Cette vertu ne se limite pas simplement à ne pas commettre de crime. Elle suppose l’adhésion à des principes moraux et une bonne réputation. L’honnêteté et l’impartialité sont aussi des qualités particulièrement nécessaires chez le responsable. Il doit dire la vérité à ses subordonnés et tenir ses promesses envers tout le monde, sans distinction de rang.

La communication des idées

La nécessité d’une communication sans entraves au sein des entreprises est un fait généralement admis. Le téléphone arabe n’est pas pour les autorités un moyen satisfaisant de se renseigner sur les besoins ou les réclamations des employés.

Lorsque, dans un établissement de commerce ou autre groupement d’individus, la communication ascendante et descendante est ouverte, exacte, sincère et rapide, les dirigeants se trouvent dans l’heureuse situation où il leur est possible d’opérer un redressement si une amélioration s’impose et de faire échec aux rumeurs avant qu’elles altèrent le moral du personnel.

Les autorités d’autrefois étaient le plus souvent si absorbées par la tâche de faire exécuter les choses qu’elles négligeaient de donner des renseignements sur le pourquoi et le parce que de ce qui se passait. À notre époque, où les employés ont fait au moins leurs études secondaires et peuvent compléter leur instruction par les journaux, les revues, la radio et la télévision, les exigences sont plus grandes. Faute d’une information positive, juste, aisée à comprendre et immédiate, les détracteurs et les saboteurs entrent en action.

Certaines entreprises facilitent la communication à leurs employés au moyen des « boîtes à idées ». D’autres sont allées plus loin : elles ont créé des sous-services où des membres du personnel s’occupent des communications faites par les employés sous le couvert de l’anonymat.

Des études destinées à découvrir ce que veulent les gens révèlent qu’ils désirent avant tout des faits. Certains grands spécialistes de leur profession – dans le fonctionnarisme, l’industrie et le travail – peuvent parler gentiment durant quinze minutes sans présenter un seul fait de la question dont ils parlent. Pourtant, ceux qui prescrivent des lignes de conduite ont le devoir de définir les réactions qu’ils attendent : d’exposer ce qu’il y a à faire et pourquoi il faut le faire.

Celui qui commande doit s’exprimer clairement et sans ambiguïté, employer des phrases que les intéressés interpréteront dans un sens et dans un seul, sans aucune possibilité de doute ni de malentendu.

Pour transmettre le message, il est nécessaire de recourir aux services expérimentés des directeurs, des contremaîtres et des autres membres de la hiérarchie. Comme on le disait dans le Bulletin mensuel de mai 1961 : « La haute direction peut fort bien s’évertuer à rédiger des textes sur les programmes et les objectifs, mais tous ces beaux efforts seront vains si l’homme de première ligne qu’est le contremaître ne prend pas le soin d’expliquer à ses ouvriers comment les mettre en pratique dans leur travail quotidien. »

Quelques qualités particulières

L’exercice de l’autorité a un double aspect : il consiste, d’une part, à définir et à limiter les erreurs et, d’autre part, à guider ceux qui manquent de connaissances. Il incombe à l’administrateur de remettre les choses en ordre lorsque les événements menacent de troubler la paix de son service ou de nuire au rendement et à la bonne gestion. Toute action et toute déclaration faites par une autorité dans l’exercice de ses fonctions sont chargées de conséquences.

Rien ne contribue autant à faire estimer celui qui exerce l’autorité que le bon exemple. Socrate n’a jamais eu la prétention d’enseigner la moralité ; mais, par la dignité et l’honorabilité de sa vie personnelle, il a amené ses concitoyens à penser qu’ils n’avaient qu’à l’imiter pour devenir semblable à lui. L’exemple a toujours deux bons effets : il incite les autres à vouloir s’améliorer et il les pousse à éviter par amour-propre les erreurs que désapprouverait la personne investie de l’autorité.

Le bon administrateur est tolérant pour les idées des autres sans être dogmatique au sujet des siennes. Il est attentif à la nécessité de respecter les droits de chacun.

L’intolérance envers les opinions des autres est une anomalie mentale. Les fanatiques se rencontrent partout : en politique, dans la vie sociale, dans le secteur économique ; ils soutiennent leurs théories chéries avec un zèle extrême et aveugle. Ils deviennent un danger pour la société si on les considère comme des chefs et non plus comme des clowns.

Que sa position soit bonne ou mauvaise, le chef imbu de sa supériorité d’esprit ne sent pas la nécessité de la défendre. Pourtant, il suffit souvent d’un peu d’esprit de conciliation pour obtenir en grande partie ce que l’on veut.

Cela exige naturellement de la patience, et celle-ci suppose la capacité de progresser avec mesure et prudence dans la voie choisie. Il est des gens qui insistent impérieusement pour tout avoir sur-le-champ, sans nullement se soucier de grandir et d’évoluer. Ces personnes exercent rarement l’autorité avec compétence.

Dans ce faisceau de qualités particulières, il convient de mentionner en dernier lieu la nécessité de prévoir. Planifier, organiser d’avance, c’est là une fonction incontestable du dirigeant, et c’est en même temps une des plus grandes faiblesses de l’industrie.

La forme la plus commune d’inadaptation est d’être trop rigide pour faire face promptement et avec succès aux exigences des situations mouvantes. L’autorité ne subsiste que par ses mérites de chaque instant ; aussi doit-elle se soumettre à une observation continuelle à la lumière de l’évolution des circonstances.

Époque troublée

Nous sommes témoins à l’heure actuelle d’un grave déclin du respect de la loi et de l’autorité légalement constituée. Partout abondent autour de nous des substances explosives, dont les gens guidés par l’émotion plutôt que par la raison peuvent à tout moment provoquer la déflagration.

Le désaccord et la contestation sont permis dans notre société : de fait c’est par le mécontentement générateur d’amélioration que progresse cette société. Mais, pour ne pas enfreindre les droits des autres, la dissension doit s’exprimer de façon disciplinée. Il existe une minorité agressive, bruyante et exécrable. Le fait que ses bouffonneries méritent toujours une place dans la presse prouve qu’elles ne sont pas encore acceptables par la société.

Ces personnes, qui ruinent leur présent et compromettent leur avenir avec un zèle irascible, représentent une menace pour la sécurité, si petite soit-elle, qu’a pu nous apporter la civilisation.

Contre la violence insensée, les détenteurs de l’autorité doivent agir sur deux fronts : établir de rigoureuses mesures de sécurité pour protéger lés innocents et soumettre les fauteurs de troubles à un examen charitable, afin de trouver la cause de leur déviation et de les ramener à une vie utile. Cette action intéresse la collectivité tout entière : écoles, pouvoirs exécutifs, églises, parents, élèves, etc.

C’est un fait déplorable mais inévitable que les agitateurs qui causent tant d’embarras et de méfaits par leurs attaques contre la société ne se rendent pas compte que c’est celle-ci qui leur fournit la possibilité et de différer d’opinion et de faire valoir leurs talents. Ils acceptent tous les avantages qu’offre le Canada, mais n’en contribuent pas moins à la destruction des institutions qui sont les fondements de notre régime démocratique.

Un mot sur les droits

Tout le monde a raison de revendiquer ses droits, et il appartient aux personnes qui exercent l’autorité de soutenir ces droits, sans exclure cependant les désirs, les besoins ou les droits des autres. Le crime et la violence sont une infamie pour la dignité humaine. Jeter des briques, des pierres et des bouteilles d’essence sur les autorités n’est pas un droit constitutionnel, mais une preuve de sous-évolution sociale.

Le mot « liberté » est un slogan très employé dans les discours et la réclame, mais ceux qui l’invoquent n’ont pas conscience de la force de leurs arguments. La liberté personnelle doit se fonder sur le droit. Le véritable principe de la liberté démocratique est la soumission à des lois bonnes dans un État bon, ainsi que l’acceptation de droits et obligations mutuels.

Le manque de respect envers l’autorité se manifeste surtout chez les foules. Celles-ci agissent souvent sous la poussée de démagogues, hommes ou femmes doués de talents oratoires, qui se rendent populaires en excitant les émotions, les passions et les préjugés de ceux qui les écoutent. Ces agitateurs ne peuvent se recommander que par le feu de leur éloquence. Ils sont maîtres dans l’art de lancer une mouche artificielle de façon convaincante aux types assez crédules pour la gober. Ce sont des gens qui se donnent des airs d’autorité.

Un médecin français, Gustave Le Bon, a écrit en 1895 un livre intitulé Psychologie des foules. L’auteur y fait état, par anticipation, des forces qui agissent sur les hommes de notre époque et des confrontations sociales, politiques et raciales auxquelles ils se livrent dans le monde entier. « L’avènement des foules, » dit Le Bon, « marquera peut-être une des dernières étapes des civilisations de l’Occident, un retour vers ces périodes d’anarchie confuse précédant l’éclosion des sociétés nouvelles. »

L’individu sait bien que, seul, il ne peut impunément mettre le feu à un bâtiment, renverser une voiture ou frapper à coups de gourdin ceux qui refusent de le suivre. Au sein d’une foule, il a conscience de la puissance que lui donne le nombre et de l’anonymat qui le protège contre les sanctions. Il bénéficie de l’irresponsabilité sans visage de la populace.

L’acquisition de l’autorité

Chacun a le droit d’aspirer à occuper un poste d’autorité, mais il y a certains principes à observer. Selon un proverbe hindou, « il n’y a aucune noblesse à se sentir supérieur à une autre personne. La véritable noblesse est d’être supérieur à ce qu’on était soi-même auparavant. »

Les esprits pratiques objecteront peut-être que c’est du perfectionnisme ; mais à quoi d’autre faut-il viser ?

Ceux qui se sont montrés capables de bien diriger leur vie personnelle sont généralement les plus aptes à assumer l’autorité et les responsabilités. La véritable mission du chef est d’amener les autres à donner leur meilleur rendement, et les hommes écoutent très volontiers ceux qu’ils jugent les mieux en mesure de conduire.

Celui qui aspire à commander doit avoir du respect pour l’équipe avec laquelle il travaille. L’autorité suppose certes la capacité de conduire des hommes et des femmes disciplinés et bien disposés, mais aussi celle d’inspirer aux gens ordinaires le respect de celui qui la détient et des fonctions qu’il exerce, ainsi que l’enthousiasme pour le travail qu’il dirige. Fussent-elles les plus sages, les mesures imposées d’autorité ne réussiront pas à améliorer une collectivité si elles n’éveillent pas dans le cour des intéressés le désir de l’amélioration et la volonté de mettre librement ce désir à exécution sous la direction d’un chef en qui ils ont confiance.

L’envie engendre l’opposition

Cela est si vrai que nous sommes portés à nous demander : « Pourquoi alors tant de gens sont-ils opposés aux individus qui détiennent l’autorité ? »

Nous en avons un exemple dans la vie d’Aristide, célèbre général et homme politique athénien, que sa tempérance et sa vertu avaient fait surnommer le Juste. Voici ce que nous en dit le « père de l’histoire », Hérodote : « Ayant entendu parler de sa manière de vivre, je le considère comme l’homme le meilleur et le plus intègre qui ait vécu à Athènes. » Mais, devenu suspect aux yeux de ses concitoyens, Aristide fut condamné au bannissement par l’ostracisme, c’est-à-dire par jugement du peuple. Au moment du vote, dit-on, un paysan s’adressa à Aristide, qu’il n’avait pas reconnu, le priant de tracer son nom sur son bulletin, car il ne savait pas écrire. Aristide le fit, mais demanda à cet homme si l’accusé l’avait déjà offensé personnellement. « Non, répondit le paysan, mais je suis las de l’entendre toujours nommer le Juste. »

Celui qui exerce l’autorité n’est pas forcément un saint, un artiste, un philosophe ou un héros, mais il respecte la vérité, apprécie ce qui est beau, a du savoir-vivre et le courage de faire honneur à ses obligations.

C’est un homme qui a de la curiosité intellectuelle et qui s’instruit sans cesse. Il est tolérant, compréhensif et impassible. S’il n’est pas toujours affable et courtois, du moins n’est-il jamais brutal ni arrogant. C’est le plus souvent un intellectuel cultivé et aux vues larges, vivant selon les principes de la raison.