Tantôt lent, tantôt rapide, selon les époques, le changement demeure depuis toujours le lot inéluctable de l’humanité. Adam et Ève, par exemple, ont les premiers connu une mutation brusque en passant de l’âge de la cueillette des fruits à celui de l’agriculture.
Au cours des soixante dernières années, les conditions de vie ont subi des transformations plus profondes que pendant la durée tout entière des deux ou trois mille ans qui les ont précédées.
Aujourd’hui, les hommes de tous les pays sont témoins d’un changement de scène à l’échelle planétaire, où sont remises en question nombre d’idées et d’institutions héritées des temps passés. Conscience de l’environnement naturel ; rapports avec nos semblables ; sens des possibilités de la vie humaine, tout est changé.
Le monde traverse une période d’instabilité due à l’automation, à l’informatisation, à la croissance démographique, à la pollution de l’air, de l’eau et de la terre, aux aspirations grandissantes des habitants des pays développés comme des pays sous-développés. En ce moment, nous marchons à tâtons, comme des gens qui, non habitués à porter des lunettes bifocales, ne sauraient pas très bien à quelle distance se trouve le sol.
Nous sommes non seulement pris par la machine et l’informatique, mais aussi entraînés dans de pénibles conflits entre la science et la foi, entre l’industrialisme et la réforme sociale, entre l’art et le snobisme artistique, entre des idéologies insuffisamment mûries et le désir d’obtenir le maximum de plaisirs de la vie. Nous sommes submergés par une telle pléthore de théories sur la pensée qu’il peut sembler problématique que l’être humain survive à un tel enchevêtrement de complexes, de réflexes, de glandes, d’érotisme et de circulation routière.
Cassandre, fille de Priam, roi de Troie, s’est rendue célèbre par ses prédictions de calamité et de malheur. Mais il n’est nul besoin de s’abandonner au désespoir à l’heure actuelle. Il existe des principes et des règles qui nous aideront à atténuer la dure épreuve du changement et à amoindrir notre crainte de l’inconnu.
Des changements se produiront inévitablement, et notre appréhension ou notre dépit ne peuvent que nous rendre moins aptes à effectuer les adaptations qu’ils exigent. Au lieu de nous laisser énerver, impressionner ou angoisser par cette perspective, nous aurions intérêt à analyser la situation, à considérer le pire qui pourrait arriver et à essayer au moins d’y remédier.
Autrefois, l’inaction avait peut-être son utilité. Lorsque l’homme primitif ne pouvait se défendre autrement, le mieux pour lui était de « faire le mort » dans l’espoir de tromper tout ce qui le menaçait, de ne rien faire qui puisse attirer l’attention. Cela ne vaut plus aujourd’hui, parce que nous disposons du savoir, de la faculté de penser et des moyens de parer à presque toutes les menaces. Nous adoptons une attitude neurasthénique et nous affaiblissons notre résistance physique et spirituelle en refusant d’affronter la réalité du changement.
Une solution simple consiste à s’efforcer de comprendre l’ère nouvelle déjà amorcée et à se mettre à la promouvoir. Étudiez les changements qui se produisent afin d’en tirer parti. Renseignez-vous sur ce qui se passe et participez aux événements.
Dépit et désarroi
Dès qu’une chose est passée en usage, certains ressentent un trouble émotif si elle vient à changer. Il en est même qui croient que tout ce qui n’a jamais été fait auparavant est inutile, et ces gens sont tout aussi agaçants que ceux qui estiment qu’il ne faut rien faire qui ne soit inédit.
Il n’y a pas d’âge tout en or. La confusion qui règne aujourd’hui est imputable en grande partie au fait que nous n’avons pas la moindre certitude de savoir où nous allons ou où nous devrions aller.
Beaucoup de réalités intellectuelles, spirituelles et politiques occupent une autre place que celle qui leur était autrefois assignée. Nombre d’idées douteuses folâtrent sous les combles de notre cerveau et dans les salles des conseils mondiaux. C’est un signe encourageant que de reconnaître cet état de choses, car cette prise de conscience est un premier pas dans la voie qui nous conduira à éliminer ce qui est destructeur et à instaurer ce qui est profitable.
La chose n’est pas aussi difficile qu’on le pense. Elle ne demande ni grandes connaissances ni appareil compliqué. Les moyens les plus simples sont souvent les plus efficaces. À « Uniacke House », en Nouvelle-Écosse, le visiteur voit des trous qui furent pratiqués dans les portes des garde-robes afin de permettre aux chats d’y entrer pour chasser les souris.
Les personnes qui ne savent pas remplacer sans relâche les vieilles laçons de faire et les anciennes aspirations par des nouvelles cessent pour ainsi dire de vivre, car ce n’est pas l’avoir et l’immobilisme, mais le développement et le devenir qui sont les principaux éléments de la vie et de la culture. Le changement qui consiste à passer de l’ignorance au savoir, de la maladresse à la dextérité est une aventure merveilleuse.
Les gens satisfaits ne réalisent rien. Ils ont atteint leurs objectifs, s’ils en ont eu. Ils ne jugent pas les idées nouvelles selon leurs mérites, mais par rapport à des croyances qui sont en quelque sorte une survivance des civilisations primitives. La nouveauté leur fait peur, et si quelqu’un propose une amélioration, ils trouvent tout de suite vingt objections. Ils n’ont jamais compris que la plupart des bonheurs humains tiennent à des choses qui nous plaisent précisément par leur mobilité : les enfants, les arbres des forêts, les fleurs des jardins, les ciels nuageux.
Le changement inconsidéré
Il se trouve naturellement des fanatiques et des visionnaires qui veulent le changement pour le seul plaisir de démolir. Ils créent ainsi un pandémonium auquel ils donnent le nom de progrès.
La société en a soupé des charlatans et de leurs panacées, des « réformateurs » qui se targuent d’un « réalisme » qui n’est le plus souvent que sensualisme et vulgarité. Leur « réalisme » provient de leur état d’esprit et n’a pour lui aucune qualité qui puisse en faire une doctrine de vie heureuse.
Il n’y a pas de mal à être réformateur. Dans son Apologie, Socrate montre qu’il le fut, mais la réforme qu’il prêchait était un appel à la raison, à la loyauté, à la justice, à la conscience et au rêve séculaire de l’homme de devenir meilleur et de rendre le monde meilleur. La recherche du changement, dans de telles dispositions d’esprit, est tout autre chose que l’exploitation de l’envie et de la haine, des préjugés et des bas instincts.
Il faut se garder de former un jugement sur un projet de réforme en se fondant sur l’opinion d’un homme qui jouit d’une certaine célébrité dans une autre branche du savoir.
On peut raisonner juste sur une chose et de travers sur les autres. Ainsi, Pythagore utilisa son raisonnement pour élaborer le théorème selon lequel dans un triangle rectangle le carré construit sur l’hypoténuse est égal à la somme des carrés construits sur les deux côtés de l’angle droit, mais il croyait, dans un autre lobe de son cerveau, qu’il était mal de manger des haricots.
L’homme intelligent ne doit pas non plus se laisser influencer par la facilité de parole. Comme le dit le sage qui est l’auteur du Livre des proverbes : « Le simple croit tout ce qu’on dit, l’homme avisé surveille ses pas. »
La place de la jeunesse
Un nombre incalculable de jeunes sont perplexes. Ils assistent à la désintégration apparente de codes et de traditions jusqu’ici solidement établis. Ils se rendent compte aussi de l’embarras et de l’ahurissement de leurs aînés.
Jamais personne n’a été jeune dans un tel monde. Les vieux comme les jeunes se demandent ce qui a amené l’état de choses actuel, et les jeunes sont attirés par toute activité qui tend à rendre l’avenir plus brillant. Certains se laissent aller à ce que les médecins appellent l’athétose, c’est-à-dire à des mouvements de tortillement involontaires, mais la grande majorité des jeunes manifestent une conscience des faits et une compréhension qui sont le propre des esprits mûrs.
La crise des affaires humaines que doit affronter de nouveau chaque génération n’est jamais aussi nouvelle qu’il le semble à la génération en cause. Il y a eu, au cours des autres âges, et même dans les temps anciens, des changements aussi spectaculaires dans les domaines politique, économique et social, ainsi que des transformations tout aussi notables du vêtement et des manières.
Chaque phase de la vie a ses problèmes, mais les solutions et les avantages qui en découlent ne sont donnés qu’aux esprits dociles. « Vieux ou jeunes, écrit Richard Evans, nous devons rester souples dans la vie vécue : non pas souples en matière de principes, de vérités éternelles, mais souples dans nos réactions à l’égard du milieu, des personnes et des lieux, des allées et venues de nos amis et de nos familles, des changements de situations et de circonstances. »
Dans cette souplesse doit s’inscrire la prise en considération des solutions que proposent les jeunes pour résoudre certains problèmes. Les relations familiales ne sont plus comme autrefois. Les vieillards ont cessé d’être les chefs incontestés de familles solidement structurées de trois ou quatre générations. Ils doivent se rappeler que les idées et les habitudes se transforment inévitablement en face de conditions de vie nouvelles. Ils ne doivent pas oublier non plus que la jeunesse n’a pas encore appris à quoi servent les pierres funéraires, ce dont les gens âgés sont très conscients. Les jeunes ont les yeux tournés vers l’avenir, désireux qu’ils sont de faire en sorte qu’il ne reste pas un champ en friche.
Des relations humaines saines et chaleureuses sont possibles si jeunes et vieux recherchent la compréhension au lieu de la domination. On peut les établir dans un esprit de bienveillance et de civilité où chaque groupe laisserait à l’autre le temps nécessaire pour assimiler intellectuellement ce qu’il propose ou désire.
Le progrès, une nécessité
Le progrès constructif tient toujours au fait que quelqu’un consent à rompre avec le style du passé. C’est pour nous une obligation de prendre les vieilles idées qui sont bonnes et de les adapter aux circonstances de notre temps, puis de passer à de nouvelles aventures. Dans l’un de ses poèmes, Tennyson écrit que nous pouvons utiliser la position où nous sommes comme tremplin pour atteindre à un niveau plus élevé. Si, par contre, nous nous en servons comme d’un piédestal, nous nous dissocions de la vie.
Certaines personnes vont jusqu’à idéaliser la situation qui existait dans « le bon vieux temps ». Il y a un siècle, l’ouvrier d’un village canadien produisait ce dont il avait besoin pour sa famille et même un léger surplus qu’il échangeait contre ce que faisait un ouvrier de métier différent. Un couple ayant une terre de cent acres subvenait aux besoins de ses enfants. La famille était bien nourrie, convenablement vêtue, même si on s’habillait parfois avec des sacs de farine, les enfants faisaient leurs études primaires et les distractions dont ils jouissaient gravitaient autour de leurs dons et de leurs talents.
Mais le présent siècle est arrivé en trombe. Il fallut plus d’instruction pour décrocher les emplois nouveaux dans les usines et les bureaux, de sorte que les enfants durent aller à l’école secondaire et certains à l’université. Leurs horizons s’élargirent.
Au foyer, les nouveautés devinrent des nécessités de l’existence : téléphone, salle de bains, radio, lumière électrique, télévision, aliments de fantaisie, tenue élégante, etc.
Dans la plupart des parties du monde, l’industrialisation a entraîné l’essor de la civilisation matérielle, la hausse des niveaux de vie, l’amélioration de la santé, l’allongement de la vie, l’élévation du degré d’instruction et l’accroissement des loisirs. En théorie, tout cela devrait permettre aux hommes de tous les pays du monde d’abandonner à leur gré leurs vies de misère pour se mettre à la poursuite du bonheur.
Certains affirment que l’industrialisation a condamné la masse des travailleurs à une vie de labeur ennuyeux, monotone et ingrat. C’est une récrimination que l’on a tendance à exagérer. Les travaux mécaniques simples d’aujourd’hui ne sont pas plus monotones ni moins utiles, et ils sont assurément moins fatigants, que la corvée que représentaient autrefois les tâches de puiser de l’eau, de laver le linge sur une planche, de traire les vaches, d’équarrir des poutres à la main ou de scier des billes en long sur un chevalet.
La science et la technologie
Comme un magicien, la science a sorti de plus en plus de lapins blancs d’un chapeau haut de forme, et la technologie a mis ces lapins à l’oeuvre. Les commodités d’aujourd’hui n’existeraient pas n’eût été le travail des inventeurs, des constructeurs et des conducteurs de machines qui, à leur façon, ont créé de nouvelles manières de vivre.
Le besoin d’hommes et de femmes capables de faire fonctionner les nouvelles machines augmente avec une rapidité foudroyante, tandis que certains métiers se démodent. Selon le distingué mathématicien Norbert Wiener, qui a si largement contribué à la pensée conceptuelle que l’on retrouve à la base de la nouvelle technologie, l’automation aboutira à l’utilisation vraiment humaine des êtres humains. L’homme se servira de ses qualités typiquement humaines – ses facultés de penser, d’analyser, de décider et d’agir intentionnellement – au lieu d’accomplir le moindre travail que la machine fait mieux que lui.
Il y a eu une accélération de tous les aspects de la vie. L’existence ne correspond plus aux anciennes normes : temps de la vie, générations, années, saisons. Elle est réglée sur la vitesse de l’ordinateur. Chaque instant est rempli de quelque chose qu’il faut faire, voir, dire ou prévoir.
Ce changement d’allure nous a pris au dépourvu. Pendant des centaines d’années avant le commencement du XIXe siècle, l’accélération avait été à peu près nulle. Jules César pouvait envoyer une lettre presque aussi rapidement que Napoléon. Puis survinrent dans la technique de la distance des changements qui révolutionnèrent tous les éléments dont dépendent les contacts économiques et humains : voyages, transports et communications.
Aujourd’hui, un homme d’affaires peut partir de Toronto le matin, accomplir l’équivalent d’une journée de travail à Vancouver et être de retour à Toronto le lendemain matin, c’est-à-dire couvrir une distance de 5,000 milles entre deux bureaux sans perdre de temps de travail et en ne couchant qu’une seule nuit ailleurs que dans son lit.
Se préparer au changement
Il est plus plaisant de se préparer au changement et de l’accepter que d’attendre qu’il nous soit imposé.
Les changements qui nous irritent portent en général sur des choses que notre esprit n’a pas su prévoir. Nous pourrions nous y adapter ou les approprier à nos besoins si nous prenions la peine de les étudier dans leurs rapports avec nos vies. Il ne nous est pas nécessaire d’abandonner les habitudes, les méthodes et les espoirs du temps passé, mais de les remettre à jour. En faisant quotidiennement de petites mises au point, nous éviterons le désarroi qui se produit lorsque fondent soudain sur nous des pressions accumulées depuis longtemps.
L’homme a la faculté de dominer le changement. L’animal doit attendre inconsciemment que s’opère son adaptation à un milieu changeant au cours d’une évolution répartie sur d’innombrables générations. L’homme civilisé peut, dans une certaine mesure au moins, s’adapter consciemment au changement et même parfois modifier son milieu.
On ne peut survivre sans avoir la volonté active de s’adapter. Autrement, nous en sommes réduits à fuir la réalité, ce qui ne peut être que préjudiciable à la personnalité.
Mais l’adaptation exige un apprentissage sans fin. L’étude nous aidera à nous habituer sans cesse à de nouveaux dispositifs mécaniques et à de nouvelles façons de faire les choses. Nous ne pouvons pas faire abstraction des événements, alors efforçons-nous de les connaître.
Observez ce qui se passe et recherchez-en les raisons. C’est souvent lorsque les gens se posent des questions au sujet de ce qu’ils tenaient jusque-là pour acquis que la compréhension commence à faire des progrès appréciables. Celui qui accepte une étiquette sans s’interroger sur la valeur de la chose a cessé d’apprendre.
Il faut de la patience dans le changement. La patience est un très grand mot ; elle suppose la maturité et l’équilibre mental. Nous en trouvons un exemple typique dans la parole de saint Paul : « Et, après avoir tout mis en oeuvre, rester fermes. »
Les principes et les fins
En présence de changements importants et rapides, il est facile de perdre de vue les valeurs de base. Même s’il n’est pas sage d’essayer de retarder l’horloge, il importe essentiellement de demeurer fidèle à certaines vérités fondamentales héritées du passé si nous voulons éviter l’écroulement de tout ce qui a été jusqu’ici l’essence de notre vie sociale, religieuse, politique et économique.
Nous avons besoin de points de référence, de normes de qualité, sinon il nous sera impossible de dire si un changement de direction éventuel sera profitable.
Il y a des personnes qui sont prêtes à écarter avec dédain une précieuse botte de foin pour chercher une pauvre petite aiguille. Elles ne se rendent pas compte de ce que l’on risque de perdre en dépréciant des valeurs aussi essentielles que le patriotisme, la religion, l’autorité et la responsabilité.
L’homme a appris à dominer son univers ; il lui faut maintenant apprendre à maîtriser ses actions et ses pensées. Selon le Dr Salvador E. Luria, Prix Nobel de médecine en 1969, « pour la première fois dans son histoire, l’homme en sait suffisamment sur son milieu, avec lequel il dispute une partie sans fin, qu’il est capable de jouer seul. Mais il n’en sait pas encore assez sur lui-même. »
Les gens sensés ne tiennent pas à ce que les innovations qu’ils ont faites hier se terminent avec eux. Ce qui semblait alors immuable n’était que le germe de ce que nous avons aujourd’hui. Pourtant, il existe une tendance commune à rester sur ses lauriers et à ne pas se fatiguer.
Les réussites de longue durée ne sauraient être assurées par des changements à court terme. Les hommes sont portés à ne voir que les effets immédiats d’une ligne de conduite ou ses effets sur une situation ou un groupe particulier, sans chercher à se renseigner sur les effets ultérieurs.
Songez aux conséquences
Avant de s’engager dans quoi que ce soit, même s’il s’agit d’une affaire qui promet beaucoup, il est bon de s’arrêter et de réfléchir aux conséquences. La jeune Tarpeia trahit Rome et demanda en récompense « ce que les soldats portaient au bras gauche ». En plus des bracelets d’or qu’elle convoitait, ceux-ci amoncelèrent sur elles leurs boucliers, qu’ils portaient aussi au même bras, si bien qu’elle mourut écrasée. Plus récemment, un peintre australien exécuta un immense tableau mural de 66 pieds de long sur 12 de haut pour un immeuble de bureaux. Or, il est maintenant impossible d’avoir une vue de la peinture tout entière parce qu’on a construit un autre mur à 30 pieds en face du tableau.
Il faut avouer que les changements amenés par la recherche scientifique, le progrès technique et notre nouvelle abondance ont provoqué une multitude de problèmes. Nous ne pouvons nous engager dans l’ère nouvelle comme sur une route exempte de dos-d’âne et de nids-de-poule.
L’histoire du changement nous enseigne que lorsque la situation s’améliore le mécontentement se manifeste plus ouvertement. L’inégalité des uns par rapport aux autres devient plus évidente, et les gens sont moins empressés à rendre grâce pour le chemin parcouru qu’à insister sur la distance qu’ils veulent franchir.
La notion de progrès évoque l’idée d’un changement en mieux, d’un développement en bien, et le progrès véritable chemine pas à pas, sondant sans cesse le terrain avant d’y poser le pied.
Au milieu des années critiques où il vécut, Lincoln disait : « Les dogmes du calme passé ne sont plus adaptés au tumultueux présent. La situation est pleine de difficultés, et nous devons être à la hauteur de la situation. Comme il s’agit pour nous d’un état de choses nouveau, nous devons penser et agir d’une façon nouvelle. » Mais le président faisait également une mise en garde : si nous rejetons les opinions et la politique de nos pères, disait-il, nous devrons le faire en nous appuyant sur des preuves concluantes et des raisons évidentes.
Le temps présent est aussi une période de changement social. En 1971 et pendant toutes les années qui suivront nous aurons à faire face à des circonstances nouvelles, sans précédent dans notre histoire.
Nous avons besoin non seulement d’ouvrir les yeux et les oreilles pour savoir ce qui se passe, mais aussi d’employer nos intelligences pour comprendre quels en seront les effets, d’affermir nos coeurs pour résister là où les principes nous disent de le faire et d’exercer notre jugement pour céder lorsque le changement n’a rien de nuisible.
Si nous sommes persuadés que le présent vaut mieux à tout prendre que le passé et que l’avenir pourra être meilleur encore si nous faisons l’effort nécessaire, nous accepterons le changement avec confiance. Le changement tout comme la stabilité n’a pas de valeur en soi. Le mérite de la stabilité réside dans le bien qu’elle sauvegarde ; celui du changement dans le bien qu’il opère.