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Pendant que sur ce continent nous nous plaignons qui la vie est chère, ailleurs des centaines de millions d’êtres humains n’ont pas assez à manger.

Il n’y a jamais eu assez à manger pour tous dans le monde. Même avant la guerre, un milliard de personnes ne mangeaient pas à leur faim. Cet état de choses a donné naissance à des systèmes philosophiques qui encouragent la fortitude, promettent de récompenser les privations, et louent et exaltent ceux qui manquent du nécessaire. Maintenant, de l’avis des savants et des philosophes, le monde est arrivé à une crise.

William Vogt, chef du service de conservation de l’Union panaméricaine, vient de publier un livre, Road to Survival, dans lequel il dit : « Par les excès de naissances et l’épuisement du sol l’humanité se trouve prise dans un piège écologique. En abusant des découvertes scientifiques, elle a vécu au-delà de ses moyens. Maintenant, dans le monde entier, l’échéance est arrivée. »

Le présent article parait à un moment où il y a dans le monde un manque de vivres qui touche à la famine dans certains pays, tandis que dans d’autres la ration est inférieure à celle des années de guerre. Il est nécessaire que tous les habitants de tous les pays soient au courant de la situation. Il est essentiel également que les raisons en soient connues pour ne pas nous leurrer en blâmant le climat, la mauvaise chance ou le système économique.

Ce sont les hommes qui ont causé la disette actuelle par leurs infractions aux lois naturelles et l’avantage reste à la nature. Elle peut attendre, s’il le faut, pour rétablir l’équilibre, jusqu’à ce que l’homme ait disparu de la scène par sa propre folie. Nous verrons dans cet article que la nature ne pardonne pas les erreurs et qu’elle n’excuse pas non plus l’ignorance.

Pour nous au Canada, la faim est un « tenaillement d’estomac » qui nous pousse vers le plus proche restaurant ou la glacière. Nous sommes surpris quand une « personne déplacée » nous dit qu’on ne sent pas la faim chronique dans l’estomac mais dans la tête. Après quelques mois de nourriture insuffisante, l’esprit n’a plus qu’une seule idée qui est de trouver quelque chose à manger. Avec cette idée dominante dans la tête, on ne peut pas s’appliquer à fabriquer des marchandises pour l’exportation ou réfléchir aux problèmes moraux de la vie. Cela est bien différent des pénuries que nous avons éprouvées au Canada ces dernières années : beefsteaks, huile d’olive, laitue et sucre.

Nous vivons des produits du sol

La situation mondiale sous le rapport des vivres n’est pas très brillante. Ruskin a indiqué la solution de ce problème : « Si vous voulez manger, il faut travailler, » mais il existe également un grand besoin de compréhension, d’éducation et de collaboration.

Cela veut dire que nous devons nous rendre compte de la mesure dans laquelle nous dépendons de la terre et de ses produits. Les Canadiens ont un pays qui, grâce aux dons de la Providence, est un des plus grands fournisseurs de produits alimentaires sur les marchés du monde. Tandis que beaucoup d’autres pays ont glissé sur la pente qui conduit au suicide national par la destruction du sol qui seul assure la survivance, nous avons encore le temps de préserver notre sol et d’augmenter son utilité.

Seulement quelques pouces de terre arable séparent la race humaine de l’oubli. C’est la seule ressource naturelle, à part l’air et l’eau, sans laquelle la vie humaine n’est pas possible. La terre n’est pas seulement la source de ce qui nous fait vivre, mais la base de notre économie. Elle emmagasine l’énergie et la libère quand nous en avons besoin. Savoir de quoi elle est capable, la traiter selon ses besoins, employer les moyens convenables pour la cultiver et en préserver la bonté : tels sont les devoirs du cultivateur envers la terre. Mais le citadin est également intéressé parce que, quel que soit son commerce, il dépend absolument du sol pour manger.

En ce qui concerne la collaboration, nous devons reconnaître que la perte de sol productif n’importe où sur la face du globe est ressentie par les habitants de toutes les autres parties du monde. Cela est vrai parce que, comme R. H. Musser le dit dans la Canadian Agricultural Institute Review : « Chaque arpent qui cesse de produire oblige tous les autres arpents à produire davantage. » À moins de comprendre cela et d’agir en conséquence, les habitants des pays stériles seront réduits à la pauvreté, à la famine et aux dissension et c’est cela, dit M. Musser, « qui fait naître les conflits ».

L’érosion est le serpent qui hante notre éden potager. Dans d’immenses régions du monde la précieuse couche arable a disparu en totalité ou en partie, ou menace de disparaître.

Nos journaux publient généralement des vues de terres érodées dans des pays éloignes, mais l’érosion existe même en Amérique du Nord. Des statistiques publiées au printemps dernier disent que toutes les 24 heures l’érosion emporte l’équivalent de 200 des meilleures fermes de 40 arpents aux États-Unis. Dans un mois en 1947, plus de 115 millions de tonnes de terre arable en Iowa ont été emportées par le vent et la pluie.

Vogt déclare que la civilisation américaine, fondée sur une couche de terre arable de 9 pouces, a maintenant perdu un tiers de ce sol. Le docteur Hugh Bennett du U.S. Soil Conservation Service dit que si la couche de terre arable, perdue annuellement par l’érosion aux États-Unis, était empilée dans des wagons de chemin de fer, elle remplirait un train quatre fois plus long que la ceinture du globe à l’équateur. Cette terre s’en va peut-être contribuer à une autre Atlantide qu’une convulsion géologique fera sortir un jour du fond de la mer, mais c’est là une piètre consolation pour notre génération ou celle des enfants de nos enfants.

Même le Canada, comme nous l’avons dit dans notre Bulletin du mois d’août 1946, souffre d’érosion dans beaucoup d’endroits. L’érosion a commencé en Saskatchewan tout de suite après les premiers labourages. On a réussi à la contrôler, mais d’une façon si intermittente, dit Vogt, que le résultat a été insignifiant. Sur la ferme expérimentale à Ottawa, 15 pouces de pluie en 4 mois ont emporté 8 tonnes de sol par acre dans un champ de maïs sur une pente de 5 pour cent, et 22 tonnes sur une pente de 11 pour cent. Dans une heure, en juin 1946, une pluie de 3 pouces a emporté 72 tonnes par acre dans un champ en jachère sur une pente de 14 pour cent. Ces chiffres démontrent le danger.

Outre la terre arable, la pluie emporte des matières chimiques nécessaires. Dans certaines parties de la Floride et de la Louisiane, dit Louis Bromfield dans sa chronique populaire de Malabar Farm, on voit du bétail dont les os sortent presque de la peau en train de paître dans de hautes herbes, tandis que dans les pâturages presque dénudés du Nouveau Mexique, de l’Arizona et de l’ouest du Texas les troupeaux ont l’air bien portants et bien nourris. Ce sont les minéraux contenus dans l’herbe qui font toute la différence.

La croissance, la santé et l’intelligence des habitants d’une région dépendent de la mesure dans laquelle le sol retient ses éléments essentiels. Dans un État du sud, dit Bromfield, où le sol a été épuisé par des générations de mauvaises méthodes, près de 75% des jeunes gens ont été trouvés inaptes au service militaire.

Nous avons épuisé le sol

Quand nous voyons ce qui est arrivé dans d’autres continents, nous nous rendons compte que l’homme a épuisé le sol par ses méthodes intensives d’agriculture. L’érosion suit l’épuisement. Le berceau de la civilisation chinoise, disent Jacks and Whyte dans leur livre « Vanishing Lands » qui a soulevé beaucoup d’intérêt en faveur de la conservation, ressemble à un champ de bataille défiguré par des forces beaucoup plus destructives que les engins de guerre modernes, à travers lequel le Fleuve Jaune transporte annuellement deux milliards et demi de tonnes de terre.

Ceux qui ont lu les livres de Pearl Buck connaissent intimement la lutte pour l’existence des cultivateurs chinois, chacun sur son petit lot. Pour avoir juste le minimum, il faudrait a la Chine 60 pour cent plus de graisses et d’huiles, 327 pour cent plus de fruits et cinquante fois plus de lait qu’elle n’a maintenant. Au cours du dernier siècle, dit Vogt, au moins 100 millions de Chinois sont morts de faim.

Ou bien prenez l’Inde. Un rapport aux Nations Unies dit qu’en temps normal 30 pour cent de la population, c’est-à-dire, 100 millions de personnes, n’a pas assez à manger. Par comparaison avec les 3219 calories par personne et par jour au Canada en 1947, la moyenne dans un groupe de villageois au sud de l’Inde n’était que de 1700, et chez les familles pauvres dans un faubourg de Madras 1800.

Voilà pour l’Extrême-Orient. Passons à l’Europe. Avant la guerre, la plupart des pays importaient des vivres – le Royaume-Uni 50 pour cent, l’Allemagne 25 p. cent, la Grèce 40 p. cent. Dans les Balkans, les enfants recueillent la terre avec des cuillères dans les crevasses des roches pour la porter dans les champs. Dans les Vosges, le sol emporté dans les vallées par la pluie est recueilli dans des paniers et rapporté sur les fermes. La ferme moyenne en Grèce est de neuf acres.

L’Afrique ne peut pas nourrir une grosse population. De tous les continents, dit Vogt, c’est celui qui peut faire vivre le moins de personnes par mille carré. Quoiqu’elle n’ait que 20 millions d’acres de terre cultivable de plus que l’Amérique du Sud, elle a déjà 70 pour cent plus d’habitants qu’elle.

L’Union Soviétique, d’après un calcul de 1941, a 388 millions d’acres en culture, ce qui fait une moyenne de 2.3 acres par personne par comparaison avec 5 acres par personne au Canada.

Le sud-ouest de l’Asie nous démontre, quoique au milieu de convulsions regrettables, ce qu’on peut faire pour rendre la terre de nouveau productive. La Palestine montre, nous dit Road to Survival, que la couche « arable » est en fonction du cultivateur autant que de la ferme.

Il n’y a plus de terre

Voilà donc où nous en sommes en ce qui concerne les vivres et quelques-uns des facteurs qui sont les causes de cet état de choses. Les causes comprennent l’insouciance en ce qui concerne l’emploi du sol et le manque de soins ; l’érosion ; la disparition des éléments chimiques ; les mauvaises méthodes de culture ; les insectes et le gaspillage. Et il y a une chose certaine : il n’y a plus d’autre terre au monde à part celle que nous connaissons déjà.

Il y a d’autres domaines, naturellement. La science peut probablement venir à notre secours, si elle a autant de succès avec les maladies des plantes et des animaux qu’avec les maladies humaines. Elle peut trouver des grains qui résistent au froid, avec lesquels nous pourrons ensemencer des champs plus près des pôles ; et des grains qui résistent à la sécheresse que nous pourrons planter dans les régions arides. On a même proposé de cultiver des plantes comestibles au fond de la mer. Mais en supposant qu’avec tout cela nous augmentions notre production de 20 pour cent, il reste encore la perspective que la population du globe aura augmenté de 100 pour cent au cours du siècle prochain.

Même une augmentation de 20 pour cent dans la production ne suffirait pas. En supposant que la population ait augmenté seulement de 25 pour cent en 1960, l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture des Nations Unies estime qu’il faudrait au moins que la production augmente «ans les proportions suivantes sur celles d’avant-guerre :

Denrées Augmentation pour cent Denrées Augmentation pour cent
Céréles 21 Légumineuses 80
Racines et tubercules 27 Fruits et légumes 163
Sucre 12 Viande 46
Graisses 34 Lait 100

Et la population ?

Est-il vrai que la population s’accroît plus vite que la terre peut la nourrir ? Tout ce que nous pouvons faire est de nous fier à l’opinion des experts.

Il est remarquable qu’à la récente assemblée, à l’occasion de son centenaire, la American Association for the Advancement of Science ait exprimé des vues très rapprochées de celles de Malthus. Thomas Malthus était un vicaire anglais qui publia Un essai sur le principe de population en 1798. Cet essai souleva de nombreuses polémiques et en outre suggéra à Charles Darwin le principe de sélection naturelle dans la lutte pour l’existence. En lisant Malthus, dit Darwin dans son autobiographie, « je fus frappé par le fait que dans ces circonstances les variations favorables tendraient à être préservées et les variations défavorables à être détruites. »

Il était de mode à une époque peu peuplée de rire des prophéties de Malthus : aujourd’hui personne n’est si certain. Comme Malthus n’est pas toujours cité correctement, voyons ce qu’il dit exactement :

Au sujet de l’autre grand fléau du genre humain, la famine, on peut dire qu’il n’est pas dans la nature des choses que l’accroissement de la population en produise absolument une. Cet accroissement, quoique rapide, est nécessairement progressif ; et comme le corps humain ne peut exister, même pendant très peu de temps, sans nourriture, il est évident qu’il ne peut pas y avoir plus d’êtres humains qu’il n’y a de vivres pour les nourrir. Mais quoique le principe de population soit absolument incapable de produire la famine, il en prépare les moyens ; et en obligeant fréquemment les basses classes du peuple à subsister de la plus petite quantité de nourriture nécessaire à la vie, il transforme une petite mauvaise récolte en grave disette ; et peut, par conséquent, être considéré comme une des principales causes de famine. »

Les mauvaises récoltes saisonnières continuent aujourd’hui comme à l’époque de Malthus, et en outre, il y a des terres épuisées que nous devons remettre en état si nous voulons qu’elles produisent d’aussi abondantes récoltes qu’à l’époque de Malthus.

Sir Henry Tizard, président de la British Association for the Advancement of Science, a commenté il y a deux mois sur l’autre côté de la question : l’accroissement de population. La science a prolongé la vie de l’homme au point que la faim va bientôt la raccourcir de nouveau ; les freins qui ralentissent la population ne sont plus efficaces ; la guerre est moins mortelle qu’auparavant et les maladies font moins de ravages ; nous ne prévoyons pas de nouvelles découvertes par lesquelles le monde pourra soudainement augmenter la production comme avec les engrais chimiques ; en vérité, le monde est déjà trop peuple, et la population continue à augmenter.

D’après les statistiques, il y avait 445 millions de personnes sur la terre il y a 300 ans ; il y en a aujourd’hui 2,251 millions. Si l’augmentation continue au même taux que de 1936 à 1946, dit un article du New York Times il y aura plus de 21,000 millions d’habitants en 2240. Même si nous prenons la moitié de ce chiffre, la situation sous le rapport des vivres reste grave tout de même.

Il est difficile de comprendre de pareils chiffres ; prenons donc deux exemples. Java a aujourd’hui une population très dense de 47 millions d’habitants et n’en avait que 4 millions ½ en 1815 ; la population de l’Inde a doublé depuis 1872, de 206 millions à environ 420 millions. Si les mesures hygiéniques étaient aussi bonnes dans l’Inde qu’au Canada, et si la population continuait à s’accroître au même taux, dans un siècle il y aurait assez d’Indiens pour peupler cinq globes comme le nôtre.

Tout cela intéresse le Canada

Ce problème intéresse profondément le Canada parce que c’est un des principaux producteurs de vivres du monde. Comme quelques autres pays, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Brésil, ses habitants n’ont pas besoin de se faire de soucis. En vérité, les médecins disent que la plupart d’entre nous mangent trop. Mais dans les pays moins favorisés, dit sir Henry Tixard, environ trois quarts des gens avaient faim en allant se coucher hier soir, et ont faim chaque soir depuis des années.

Nous nous apercevons chaque jour que Glace Bay, N.-É., Omemee, Ontario et Prince-Rupert, C.-B., et toutes les stations d’élévateurs à grain du Canada ressentent la répercussion de ce qui s’est passé dans les parties les plus éloignées du monde. Il y a des régions au Canada qui pourraient jouir d’un meilleur niveau d’existence au milieu de la paix et de l’abondance si elles n’étaient pas troublées par les fluctuations du commerce, les hausses de prix, les pénuries de marchandises et un pressentiment de malheur.

La situation produit également un effet sur les perspectives de paix mondiale. Un homme affamé n’a pas les mêmes vues que s’il était bien nourri. Il vit dans l’apathie et une sorte de somnambulisme. Il n’éprouve aucun intérêt pour les questions publiques, politiques, sociales et intellectuelles. Il ne pense plus qu’aux moyens de se préserver, lui et sa famille, à tout prix. Quand une crise éclate, ces gens-là peuvent devenir dangereux à tout le voisinage. Leurs facultés intellectuelles sont engourdies, et comme l’a dit un article du New York Times l’an dernier, « Ces gens-là se laissent acheter avec promesses ».

Que faut-il faire ?

Le moyen de maintenir et d’augmenter les approvisionnements de vivres est de conserver le sol. Chaque grain de blé, chaque oeuf, chaque livre de beurre et chaque morceau de viande dépend du minimum de sol nécessaire à sa production. Ce genre de conservation doit commencer au sommet et suivre les lois de la nature.

Vient ensuite le problème de maintenir un niveau constant de productivité. Dans la plupart des endroits cela s’accomplit au moyen d’assolements et d’engrais. Il est intéressant de lire à ce sujet les résultats obtenus par des cultivateurs du Texas qu’a publiés l’Agricultural News Letter de la Banque Fédérale de Réserve de Dallas en 1946. 1,400 cultivateurs produisirent 49 pour cent plus de blé en réduisant la superficie de 12 pour cent. Ils récoltèrent 62 pour cent plus de sorgho, 30 pour cent plus de maïs, 86 pour cent plus de fourrage et 112 pour cent plus d’arachides.

Tout cela concerne le côté pratique de nourrir ceux qui ont faim. Il existe en outre une obligation morale de la part de ceux qui vivent dans l’abondance. Ruskin dit dans son Sesame and Lilies « L’Évangile ne nous dit pas de nourrir l’affamé qui le mérite, ni l’affamé qui travaille, ni l’affamé aimable et de bonne volonté, mais simplement de nourrir ceux qui ont faim. »

Pour le moment, dit le rapport de l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture sur les approvisionnements mondiaux de vivres, le problème consiste encore à utiliser au maximum les ressources des pays exportateurs de vivres pour éviter la famine et soulager la faim à l’étranger. Et Vogt ajoute « Il n’est pas sûr que les peuples affamés tolèrent les lents procédés de la démocratie. La liberté semble beaucoup moins importante quand le ventre est vide – et le dictateur, ou le conducteur d’un char d’assaut apparaît comme un libérateur. »

Cela nous amène à la question de distribution des vivres dont nous disposons. Le manque de change étranger peut rendre difficile à certains pays d’importer les vivres dont ils ont besoin et il est essentiel que les pays fournisseurs rendent les achats faciles aux pays dans le besoin. « Les pays pauvres ne peuvent pas résoudre le problème ou surmonter les difficultés tout seuls » dit le rapport de la OAA. Toutes les nations gagneront au progrès mondial de la santé et du bien-être de l’humanité ; elles profiteront toutes de la production et du commerce et il faut qu’elles participent toutes au résultat ».

En janvier 1944 le président de la Banque Royale du Canada a dit dans un discours :

« Je suis persuadé que le cadeau de grandes quantités de vivres, de matières premières, d’articles manufacturés et d’outillage aux pays retardataires et dévastés, même dans un but égoïste, contribuera non seulement à la longue et dans une plus grande mesure au bien-être de l’humanité, mais tournera immédiatement et à la longue à l’avantage des nations capables de faire des dons de ce genre. Si c’est là trop demander à des êtres humains au stade actuel de leur civilisation, il reste le choix de faire des prêts à long terme sur une grande échelle et à des conditions faciles, ou probablement une combinaison de prêts et de cadeaux. »

La plus grosse tâche de l’humanité

Nous sommes à une époque critique de l’histoire. La tâche de combattre la famine mondiale a été confiée à l’Organisation de l’alimentation et de l’agriculture des Nations Unies. Cette organisation a été créée pour aider les pays membres à rehausser les niveaux d’alimentation et d’existence, perfectionner le rendement et la distribution de tous les produits alimentaires et agricoles, améliorer la situation des populations rurales, et contribuer ainsi à l’expansion de l’économie mondiale.

La OAA s’est fixée un certain nombre d’objectifs. Elle a désigné 1960 comme date à laquelle le monde doit arriver à une ration de 2,600 calories par jour par personne ; il faudra pour cela que la production mondiale des vivres augmente de 90 pour cent. C’est une tâche formidable, la plus grosse que l’humanité ait jamais entreprise. Pourtant, les experts l’estiment faisable et les rapports adressés à la OAA appuient leurs espoirs sur de bonnes raisons.

Il y a quelque chose de touchant dans l’idée d’organiser les approvisionnements mondiaux de vivres en vue des besoins normaux de toute l’humanité et aucun homme de coeur ne saurait trouver à redire à sa hardiesse ou sa noblesse. En outre elle a une très importante portée politique pour ceux qui aiment la liberté.

Commençons au bas de l’échelle

La manière de s’y prendre offre un bon sujet de discussion dans les réunions, pas seulement à la campagne mais dans les villes. Nous sommes tous sur le même pied, et les approvisionnements de vivres sont limités. Les hommes d’affaires, les ménagères, les cultivateurs, les employés des compagnies de transport et les mineurs, tous ces gens-là sont égaux quand il s’agit de manger et de préserver l’ordre dans le monde.

Notre plus grand danger est d’oublier que le temps nous manquera peut-être. La crise actuelle demande des mesures immédiates de conservation et d’expansion. La productivité individuelle doit être intensifiée par l’application de méthodes scientifiques et l’emploi d’instruments modernes ; tout le monde doit être encouragé à travailler de manière à devenir une nouvelle source de richesse.

Nous sommes probablement sur le point de faire de nouvelles découvertes mais nous ignorons dans quel sens. En attendant, il importe de s’attaquer aux trois points principaux du problème : faire des progrès dans la voie de l’éducation et de l’industrie ; établir l’équilibre entre les déficits et les surplus ; conserver le sol et ses ressources.