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Cet article ne dira pas à l’homme d’affaires quels sont les meilleurs livres pour sa bibliothèque, ni comment choisir des volumes qui font bon effet grâce à leurs titres ronflants et leurs reliures somptueuses.

Il essaiera de montrer pourquoi chaque commerce a besoin d’une bibliothèque de livres utiles et comment en faire le meilleur usage. Il y a des gens qui s’imaginent qu’un livre est bon quand il est doré sur tranche et relié en maroquin, mais les hommes d’affaires feront bien de tenir compte du conseil de lord Chesterfield à son fils : « examine d’abord la substance des livres et la reliure ensuite. »

La bibliothèque du commerce – et ceci comprend tous les livres techniques, financiers, commerciaux et tous ceux qui peuvent servir aux affaires – est organisée dans l’idée d’en tirer parti et il est possible d’en tirer parti de plusieurs façons. Un membre de la direction peut trouver des renseignements qui l’aident à prendre une décision difficile ; un employé peut faire usage de la bibliothèque pour résoudre un problème d’arithmétique ou d’ordre supérieur ; la bibliothèque peut servir à gagner les bonnes grâces des clients, ou encore à rendre la vie plus agréable au personnel.

Une bibliothèque bien dirigée devient naturellement le centre des nouvelles et des informations relatives aux affaires dont s’occupe la firme. Elle obtient des renseignements sur les autres firmes dans le même commerce, et sur les événements qui intéressent ce commerce dans le pays, le continent et le monde entier. Mais cela n’est là que le stade préparatoire : Une bibliothécaire compétente, à la tête d’une bibliothèque bien organisée, n’est pas seulement en mesure de répondre aux questions qu’on lui pose, mais elle est capable d’indiquer à ses chefs de nouveaux moyens d’attaquer leurs problèmes. Elle peut rendre de grands services en recueillant à l’avance les données qui serviront plus tard à l’expansion des affaires. C’est une profession fort spécialisée que celle de bibliothécaire. Outre ses connaissances techniques, la bibliothécaire doit avoir une bonne idée de tous les aspects du commerce auquel sa bibliothèque apporte sa contribution.

La valeur de la bibliothèque commerciale ne se mesure pas par le nombre de livres prêtés. Un seul service rendu par votre bibliothèque peut en payer les frais pour un an ; si elle ne fait que rendre votre personnel plus compétent, cela suffit à justifier son existence.

Le nombre n’est pas essentiel

Un grand nombre de livres n’est pas essentiel, mais quand l’homme d’affaires rencontre un problème difficile, il aime avoir sous la main les livres susceptibles de lui fournir la solution. La bibliothèque n’a pas besoin d’être considérable pour être utile : Une bonne bibliothécaire sait où trouver les meilleures sources de renseignements. Elle est bientôt en mesure de répondre à toutes les questions se rapportant à votre commerce, aux commerces du même genre que le vôtre et à tous les sujets que vous lui soumettez.

De même qu’il n’est pas nécessaire que la bibliothèque soit grande pour être utile, il n’est pas nécessaire qu’un commerce soit gros pour avoir une bibliothèque. En réalité, aucun commerce n’est trop petit pour avoir une bibliothèque. Si les petites industries ne sont pas en mesure d’engager des statisticiens pour tenir compte des événements industriels et financiers, pourquoi ne feraient-elles pas usage des excellentes statistiques qu’elles peuvent se procurer gratuitement ou à peu de frais sous forme de brochures et dans les périodiques ? Si l’homme d’affaires ne se sent pas capable de payer un bon service de recherche, une bibliothèque lui sera utile, parce qu’on rencontre souvent un problème entièrement nouveau. Votre bibliothèque vous offre dans ses volumes le compte rendu de ce qui s’est fait jusqu’ici et vous permet d’éviter les erreurs commises par les uns et de profiter des méthodes qui ont réussi aux autres.

Comment s’y prendre

Commencer une bibliothèque est plus facile qu’on ne se l’imagine. Faites le tour de vos bureaux et remarquez les livres sur la table ou les étagères des employés. Quelques livres sont utilisés chaque jour et il est bon de ne pas y toucher ; d’autres ne sont ouverts que rarement par l’employé qui en a la garde et devraient être mis à la disposition de tous.

Après avoir ainsi recueilli tous les livres, les brochures et les périodiques, vous désirerez y ajouter les volumes essentiels de référence (voir plus loin une liste qui convient à tous les genres de commerce), des études (fournies gratuitement ou à peu de frais par le gouvernement ou les associations commerciales) et les périodiques qui se rapportent particulièrement à votre genre de commerce. Il ne s’agit pas de faire une collection complète, mais d’organiser un service capable de fournir rapidement à toute votre organisation des renseignements pratiques et courants.

Ne soyez pas effrayé par le nombre de livres qui s’offrent à vous. Le bon sens et les conseils de votre bibliothécaire vous aideront à choisir ceux qui sont réellement utiles. Il se peut que vous désiriez une collection complète de ceux qui traitent de votre genre de commerce. Vous trouverez sans doute nécessaire d’y ajouter un traité d’économie politique, un volume sur les méthodes commerciales, un sur les états financiers, et des livres de référence, par exemple des annuaires et des rapports financiers. Il est bon de décider d’abord ce qu’on veut et de choisir ensuite : ne vous laissez pas tenter par tous les livres que vous voyez.

La plupart des bibliothèques spéciales s’efforcent de comprendre quelques volumes sur l’historique du commerce de la firme, et d’autres sont chargées de tenir cet historique à jour. Les historiques sont toujours intéressants et souvent utiles, mais la plupart des hommes d’affaires trouveront plus profitable de lire les publications courantes. Ils feront usage chaque jour des livres qui renferment des renseignements fondamentaux, et des périodiques et brochures qui tiennent au courant des faits. Ils tiendront à leur portée dans les classeurs les découpures de journaux, les proclamations du gouvernement, les avis de changements commerciaux, et les nouvelles concernant les plans de leurs concurrents. Il est même utile de transcrire et de classer les données recueillies au cours des conversations.

Il existe des catalogues de livres sur tous les sujets imaginables, et une bonne bibliothécaire vous choisira ceux qui s’appliquent à votre commerce. Si vous lui donnez le choix, elle recommandera probablement quelques livres sur les procédés fondamentaux communs à tous les genres d’entreprises, pour servir de base et de point de départ à votre commerce. Ce n’est pas une mauvaise idée, car cela élargit les vues et permet d’apercevoir les moyens d’étendre les affaires et de mieux servir les clients. Un jour que vous serez d’humeur à bouquiner, vous trouverez des choses surprenantes dans ces livres, des choses qui seront utiles à votre service de production, à votre service des ventes et à votre conversation.

La bibliothécaire choisit les ouvrages courants d’après les instructions qu’elle reçoit du bureau de direction et dans les limites du budget qu’on lui ouvre. Il est essentiel qu’elle étudie ses gens. Il faut qu’elle connaisse leur travail, leurs intérêts et leur caractère. Quand quelqu’un lui téléphone pour lui demander « ce rapport d’Ottawa », il est évident qu’il faut qu’elle sache le travail dont il s’occupe et le rapport dont il s’agit.

Ce qu’il faut à une bibliothèque

La bibliothèque a besoin d’espace, d’une salle où les livres peuvent être tenus raisonnablement propres, des étagères et des classeurs de manière à pouvoir trouver facilement les choses dont on a besoin, et un personnel suffisant. L’expérience a démontré qu’une bibliothèque ne fonctionne bien que lorsqu’elle est sous la direction d’un fonctionnaire supérieur et que la bibliothécaire a rang de chef de service. Dans certaines firmes, la bibliothèque relève du directeur général ou du secrétaire qui s’intéressent aux services qu’elle rend et qu’elle est capable de rendre. Quand la bibliothèque ne relève pas de plusieurs départements, il est plus facile de centraliser tous les achats de livres et d’imprimés et d’effectuer ainsi des économies. Les affaires ne demandent pas tellement un personnel au courant d’un tas de détails méticuleux qu’un personnel capable de sentir le besoin imminent de certains renseignements et de les avoir sous la main quand on les demande. La bibliothécaire devrait être informée régulièrement de ce qui est susceptible d’intéresser la maison, et elle se tiendra naturellement au courant des opinions et des plans qui paraissent dans les journaux et magazines.

Sans chercher à discuter si une librairie « spéciale » est une librairie de « recherche », on peut dire qu’il ne se passe pas de jour sans qu’on demande à la bibliothécaire des données, vieilles ou neuves, qui permettent à la direction de prendre de sages décisions.

Peu de gens se rendent compte de tout ce qu’une bibliothécaire a à faire. Il faut qu’elle connaisse à fond sa collection. Il faut qu’elle sache où trouver les documents, souvent étranges, qu’on lui demande, et comment les obtenir des éditeurs, ministères du gouvernement, associations commerciales, autres bibliothèques. journaux et particuliers. Son esprit alerte, l’intérêt qu’elle porte au commerce et son instinct de collaboration dans son travail assurent son succès dans les recherches. Sa patience, son initiative, son imagination et son esprit méthodique lui permettent de répondre parfaitement et rapidement aux questions qu’on lui pose, ou de soumettre des renseignements de sa propre initiative.

Périodiques

Nous avons mentionné plus haut l’importance croissante des brochures et des périodiques. Examinons un peu cette partie de la bibliothèque, en commençant par les périodiques. Chaque lecteur sait qu’il existe dans son domaine des publications qui lui seraient utiles s’il pouvait facilement se les procurer. Dans les industries, comme celle des produits chimiques par exemple, ce sont les périodiques et les rapports qui vous tiennent au courant de ce qui se fait au jour le jour. Les rapports et les journaux financiers publient les événements courants, les changements commerciaux, et tous les divers renseignements sur les valeurs, les émissions, le rendement et les perspectives.

La plupart des bibliothèques ne font pas circuler les journaux de commerce en entier, mais elles découpent les articles et les envoient aux intéressés et classent ensuite les plus importants à leur retour à la bibliothèque. Qui de plus heureux que l’homme d’affaires dont la bibliothécaire suit attentivement les périodiques et attire immédiatement son attention sur les plus récentes analyses et informations qui l’intéressent. Même avec un faible budget, une bonne bibliothécaire peut rendre de grands services grâce à son jugement et son initiative.

Brochures

Aucune bibliothèque au Canada ne peut se passer des documents publiés par le Bureau fédéral de la statistique dont nous mentionnons les publications dans la liste à la fin de cet article. Des brochures de ce genre sont économiques parce qu’elles fournissent à peu de frais les dernières nouvelles et opinions sur des sujets spécifiques. Leur forme permet à la bibliothécaire de les conserver avec les livres sur le même sujet ou dans leur voisinage, ce qui facilite les recherches. Chaque brochure ou rapport imprimé qui arrive directement à un membre de la direction devrait être envoyé à la bibliothèque sous une des deux rubriques suivantes : (1) avec les mots « à classer » pour indiquer qu’on désire le consulter de nouveau plus tard ; (2) ou l’envoyer simplement à la bibliothécaire qui en disposera à son gré.

Les brochures sont publiées non seulement par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, mais aussi par des sociétés et des firmes. Le présent bulletin mensuel est une brochure qui relate, au cours de l’année, un grand nombre de faits intéressants sur différents aspects de la vie intellectuelle et économique du Canada. Les sociétés publient des brochures régulièrement ou de temps en temps pour faire connaître leurs travaux, par exemple, la lutte contre les maladies, ou simplement pour présenter leur rapport annuel. Les brochures gratuites, choisies avec soin et intelligemment classées, fournissent un excellent fond de renseignements.

Catalogue

Une bibliothèque ne servirait pas à grand’chose si on ne pouvait trouver facilement et rapidement ce que l’on cherche et par conséquent il s’agit en premier lieu de classer et de cataloguer tous les livres. Un bon catalogue est une chose très importante et une bonne classification des sujets est aussi utile qu’une bonne installation dans une usine. Cela exige une bibliothécaire qui a l’esprit alerte dans un corps agile et qui est en même temps une bonne ménagère.

Il ne faudrait pas croire que le catalogue sert principalement aux visiteurs fortuits ou aux membres du personnel qui cherchent des renseignements. C’est un instrument à l’usage des experts. Il permet de trouver rapidement et facilement ce qu’on cherche, mais il faut savoir s’en servir. Il peut être complet ou rudimentaire, selon les besoins de la firme, le nombre des livres et des sujets, et le temps que le personnel de la bibliothèque peut consacrer à sa préparation. C’est une fausse économie de le faire trop court, parce que le temps qu’économise aujourd’hui une sténographe peut coûter cher à un membre de la direction le mois prochain.

Passons maintenant de l’organisation et du mécanisme de la bibliothèque aux différentes manières qu’elle peut vous être utile. Robert Benchley, après avoir donné la recette d’une salade compliquée, ajouta après la liste des ingrédients et des quantités : « Jetez-la ensuite par la fenêtre. » Ce conseil pourrait fort bien s’appliquer à ce que nous avons dit au sujet d’une bibliothèque commerciale si nous n’ajoutions pas à la recette la manière de la servir d’une manière appétissante.

Romans

Environ la moitié de la circulation des livres de la Banque Royale du Canada consiste en romans. Cela est significatif à une époque où les employeurs cherchent les moyens d’attirer les employés à leur service. Toutes les firmes encouragent les sports, le théâtre, les débats, les clubs et autres amusements. Les employés aiment également la lecture. Que ce soit un chef de service qui vienne demander un roman policier après une longue journée de travail, ou une sténographe qui préfère un roman d’amour, le prêt gratuit d’un livre leur procure une soirée ou deux de délassement. Cela rendra également les employés plus contents de leur sort, à la grande satisfaction du chef du personnel.

Cours d’instruction

Dans un domaine plus sérieux, la bibliothécaire peut également préparer un cours d’instruction avec la collaboration du chef du personnel ou d’un directeur, sous forme de livres sur le commerce, l’économie politique, la sociologie ou la philosophie, ou tout autre sujet ; ou encore offrir le choix de plusieurs. Cette méthode est applicable aussi bien au siège social qu’aux succursales.

Recherche

Il y a lieu de supposer que beaucoup de bibliothèques ne sont pas utilisées aussi entièrement qu’elles pourraient l’être. Socrates avait raison de dire : « La possession d’un livre ne donne pas le savoir. » La plupart des bibliothèques s’apercevront qu’il faut rappeler aux membres du personnel que la bibliothèque est à leur service et souvent leur envoyer sans qu’ils le demandent les livres qui les intéressent. La bibliothécaire est pour ainsi dire l’oeil de la maison ; elle parcourt les matériaux qu’elle reçoit pour y trouver les articles et les renseignements qui peuvent être utiles à l’un ou à l’autre. Elle ne se contente pas d’envoyer les périodiques par la « voie ordinaire » à une liste régulière de lecteurs sans s’assurer s’ils ne contiennent pas quelque chose offrant un intérêt particulier pour l’un d’eux. Elle se hâte d’envoyer sans délai les bulletins importants aux membres de la direction – même s’il lui faut, pour le moment, abandonner son travail méthodique de réception, lecture, classement et mise en place.

Service de lecture

Le plus triste sort qui menace une bibliothèque commerciale est de devenir simplement une collection de livres. Si elle ne remplit pas une fonction de recherche, elle ne fait pas ce que la direction en attend. Il est bon d’établir une annexe, dans les grands établissements, pour lire, et envoyer rapidement aux intéressés tout ce qui est important. Le personnel de l’annexe doit être exactement renseigné sur ce qui intéresse les différents services et être tenu au courant de tous les changements. Tous les périodiques, brochures et autres publications passent journellement par cette annexe qui les envoie à chaque intéressé avec une fiche indiquant le nom de chaque destinataire et la page de l’article. Grâce à ce système, aucun périodique n’est classé sans avoir été signalé au membre de la direction ou chef de service susceptible d’être intéressé : s’il n’a pas le temps de le lire immédiatement, sa secrétaire peut en prendre note et en résumer le contenu en quelques mots. Après avoir fait le tour de tous ceux dont le nom figure sur la fiche, la publication circule parmi tout le reste du personnel.

Le rôle du lecteur

Après avoir énuméré les services qu’une bibliothèque peut rendre à une firme et ce que le directeur ou le chef de service peut en attendre, il convient d’ajouter que celui-ci a également un rôle à jouer. La faute la plus commune de ceux qui se servent d’une bibliothèque est de demander ce qu’ils désirent d’une manière trop générale et la bibliothécaire est obligée de deviner. Par exemple, si vous lui demandez quelque chose sur « les crédits », est-ce que vous voulez dire crédit aux clients, crédit de banque, crédit à moyen ou long terme, crédit international, ou quoi ? Votre bibliothécaire vous servira mieux et plus rapidement si vous lui indiquez exactement ce que vous désirez quand ce n’est pas absolument confidentiel.

Si la bibliothèque fait incessamment son examen de conscience, comme il convient, pour s’assurer qu’elle remplit exactement ses fonctions, il est juste que le directeur de la firme se demande également s’il en retire le plus grand profit possible. Il se peut qu’il attende du ciel la solution à des problèmes qu’il résoudrait rapidement s’il donnait à sa bibliothécaire la chance de faire des recherches. Même si elle n’a pas les renseignements dans ses étagères, neuf fois sur dix elle sait où se les procurer et la dixième fois elle finira par les trouver si elle se met à chercher.

Le rôle d’une bibliothèque spéciale n’est limité que par deux facteurs : la capacité de la bibliothécaire à comprendre les besoins de la firme, à se procurer des matériaux avec initiative et discrétion, à faire son travail avec énergie et enthousiasme, et mener ses recherches à bonne fin ; et de la part du directeur et des chefs de service, la conception que la bibliothèque est une source vivante d’information, qu’il convient de lui fournir l’occasion de démontrer qu’elle peut les aider à résoudre leurs problèmes personnels et commerciaux, et qu’il est juste de lui donner tout l’appui qu’elle mérite.