Skip to main content
Difficile de renoncer aux taux élevés quand l’inflation reste problématique

Faits saillants :

  • Aux États-Unis, l’inflation est plus forte que prévu depuis le début de l’année, si bien que la Fed devrait s’abstenir d’intervenir pour le moment. Nous prévoyons toujours qu’elle effectuera la première baisse du taux cible des fonds fédéraux en décembre, pourvu que la croissance et l’inflation ralentissent lentement, mais sûrement.

  • La Fed espère encore que l’inflation pourra fléchir sans que l’économie fasse de même. Nous croyons cependant qu’un certain affaiblissement de l’économie est indispensable pour que les pressions sur les prix se relâchent durablement.

  • Au Canada, le déclin de la croissance conforte notre prévision d’une baisse des taux en juin.

  • La BCE et la BdA devraient également amorcer leur assouplissement vers l’été et le poursuivre à un rythme assez lent par la suite.

En mars, l’inflation aux États-Unis a été plus forte que prévu pour un troisième mois d’affilée. Ce revers a rendu caduques la plupart des prévisions de baisses de taux de la Réserve fédérale (Fed). Il a également mis fin à l’ascension du marché boursier. Ainsi, en avril, l’indice S&P 500 a reculé pour la première fois en six mois. Les taux de rendement des obligations ont remonté vers les sommets atteints à la fin de l’été dernier, tandis que le dollar américain s’est raffermi.

Au début de mai, les commentaires conciliants du président de la Fed, M. Powell, à l’occasion de la décision sur les taux d’intérêt, ont quelque peu apaisé les marchés. Bien qu’un ralentissement de l’inflation paraisse peu probable, la Fed a réitéré qu’il fallait plus de temps, et non plus de hausses des taux, pour que les pressions sur les prix se relâchent durablement. Nous ne sommes pas si sûrs que l’inflation puisse décélérer sans un certain ralentissement de l’économie et nous prévoyons que la croissance du PIB et les hausses des prix commenceront à s’essouffler au cours des prochains trimestres. Si ces prévisions se concrétisent, nous croyons que la Fed attendra décembre (après les élections de novembre) pour décréter la première baisse de la fourchette cible du taux des fonds fédéraux.

Pour la Banque du Canada, la décision d’abaisser les taux d’intérêt devrait être plus facile à prendre cette année. L’économie du Canada continue de faire pâle figure comparativement à celle d’autres pays. La progression du PIB en janvier a été de courte durée; les données préliminaires pour le mois de mars indiquent un fléchissement de la production, celle-ci étant bien partie pour connaître, par habitant, une septième baisse consécutive sur l’ensemble du premier trimestre. Alors que les marchés du travail sont en perte de vitesse et que les taux d’inflation reculent, les conditions semblent réunies pour que la Banque du Canada (BdC) commence à abaisser le taux du financement à un jour dès juin, les réductions prévues jusqu’à la fin de l’année totalisant 100 points de base.

Entre ces deux extrêmes, on trouve la zone euro et le Royaume-Uni, où les progrès en matière d’inflation ont été plus lents que prévu au premier trimestre, tandis que la croissance du PIB donne des signes de reprise. On peut en déduire que le cycle d’assouplissement de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Banque d’Angleterre (BdA) sera plus graduel. Nous prévoyons que la BCE et la BdA débuteront les baisses de taux cet été, puis qu’elles adopteront un rythme plus modéré que celui attendu de la BdC.

Banque centrale
Taux directeur actuel
(dernier changement)
Prochain changement

BdC

5,00 %

+0 pb en avril 2024

-25 pb

Juin 2024

Comme prévu, la BdC a laissé le taux du financement à un jour inchangé en avril, tout en ouvrant la possibilité d’une réduction en juin (sans en prendre l’engagement). Les données publiées le mois dernier ont montré que la croissance économique et l’inflation continuaient de ralentir. Le gouverneur Macklem a récemment indiqué que la banque centrale se rapprochait d’une baisse du taux directeur. Nous restons d’avis que la première sera décrétée lors de la réunion de juin.

Fed

5,25 – 5,50 %

+0 pb en mai 2024

0 pb

Juin 2024

Conformément à la plupart des prévisions, la Fed a maintenu les taux d’intérêt inchangés en mai, tout en reconnaissant qu’il n’y avait guère eu de progrès en matière d’inflation au cours des mois précédents. Le ton du président Powell était plutôt conciliant, puisque selon lui, il est peu probable que la prochaine décision de politique soit une augmentation. Si l’inflation repart à la baisse durant l’année, nous nous attendons à ce que la Fed démarre les baisses de taux en décembre.

 Banque d’Angleterre

5,25 %

+0 pb en mai 2024

0 pb

Juin 2024

En mai, la BdA a maintenu ses taux d’intérêt comme prévu. Sept membres ont voté en faveur du statu quo et deux en faveur d’une baisse, comparativement à huit voix contre une à la dernière réunion, ce qui montre que l’idée d’un assouplissement fait son chemin. Le comité sur la politique monétaire a indiqué qu’il s’attendait à ce que l’inflation revienne à sa cible à très court terme, avant de suivre une trajectoire haussière en raison de l’effet de base lié à l’énergie. D’après ces perspectives, nous anticipons la première baisse de taux de la BdA en août.

BCE

4,00 %

+0 pb en avril 2024

0 pb

Juin 2024

Lors de sa réunion d’avril, la BCE a gardé le taux des dépôts à 4 % et adopté un ton conciliant, en indiquant que la détente monétaire serait justifiée si de nouvelles données confirmaient le relâchement général des pressions inflationnistes. Cette orientation concorde avec notre opinion selon laquelle la BCE abaissera le taux des dépôts lors de sa prochaine réunion, en juin, avant de décréter des baisses au rythme assez lent d’une réunion sur deux.

RBA

4,35 %

+0 pb en mai 2024

0 pb

Juin 2024

La RBA n’a pas modifié son taux d’intérêt principal lors de sa réunion de mai ni son orientation presque neutre. Le gouverneur Bullock a affirmé que les taux se situaient au bon niveau, mais que la RBA surveillait les risques à la hausse. Étant donné que le taux nominal neutre pourrait être plus élevé, nous croyons que la RBA attendra 2025 pour abaisser les taux et qu’elle le fera très lentement (nous prévoyons seulement deux réductions pour toute l’année).

Le fléchissement de l’économie canadienne laisse entrevoir une baisse des taux d’intérêt

Les arguments en faveur d’une réduction prochaine des taux d’intérêt par la BdC sont relativement simples. De plus en plus de signes montrent que la demande intérieure fléchit, sous l’effet des coûts d’emprunt résolument élevés, de sorte que la croissance des prix ralentit. Les entreprises ont maintes fois indiqué qu’elles n’avaient plus le pouvoir de fixer les prix, puisque l’affaiblissement de la demande accroît les pressions concurrentielles et entraîne une hausse du nombre de faillites. On peut en déduire que les pressions sur les prix continueront de se relâcher et qu’une baisse des taux de la BdC est de plus en plus probable.

Bien entendu, cela ne signifie pas que les risques inflationnistes ont complètement disparu au Canada. Lors de son allocution au Sénat et à la Chambre des communes la semaine dernière, le gouverneur Macklem a décrit quelques situations qui entraîneraient un retour des pressions. L’une d’elle serait une hausse des prix de l’énergie attribuables à l’intensification des tensions mondiales. Même si la banque centrale ne peut rien y faire, il est peu probable qu’elle n’en tienne pas compte, car l’énergie représente une part considérable des dépenses des consommateurs et toute augmentation importante aurait des répercussions sur la croissance. Sur le plan intérieur, ce sont les prix des propriétés et la croissance des salaires qui préoccupent le plus la BdC. L’activité du marché du logement est restée modérée au début de 2024, mais elle pourrait bien rebondir comme au printemps 2023, d’autant plus que les intentions d’achats des consommateurs demeurent fortes (comme l’a souligné l’enquête sur les attentes des consommateurs de la BdC pour le premier trimestre de l’année) et qu’on entrevoit des baisses des taux d’intérêt.

Enfin, le fait que la croissance des salaires est plus rapide que la croissance de la productivité fait monter les coûts unitaires de main-d’œuvre (coût de la main-d’œuvre par unité de production), ce qui, à long terme, peut alimenter les pressions inflationnistes. Toutefois, le repli général de la demande de main-d’œuvre et la hausse du taux de chômage continueront de peser sur la croissance des salaires au cours des prochaines périodes. La croissance des salaires mesurée à l’aide de la masse salariale des entreprises donne déjà des signes plus clairs de ralentissement que la croissance des gains horaires moyens dans la plus opportune enquête mensuelle sur la population active. Dans l’ensemble, nous nous attendons toujours à ce que le fléchissement de la croissance économique et de l’inflation au Canada justifient des mesures monétaires plus vigoureuses que dans d’autres régions.

Il faudra sans doute que les marchés américains du travail ralentissent pour que les pressions inflationnistes diminuent

La Fed aura du mal à convaincre de la nécessité de réduire les taux d’intérêt. La décélération de l’inflation l’an dernier, malgré la vigueur de l’économie, a ravivé l’espoir que les pressions sur les prix puissent s’atténuer sans nuire outre mesure à la croissance économique en général. Bien que l’IPC remonte depuis le début de 2024, la Fed ne semble pas perdre l’espoir d’un atterrissage en douceur.

Nous restons d’avis que les pressions inflationnistes finiront par diminuer, mais seulement si la demande intérieure, en particulier la demande de services, décline et si les marchés du travail perdent de la vigueur. Grâce à l’allègement des contraintes dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, les prix des biens négociables (hors aliments et énergie) sont déjà nettement inférieurs à ce qu’ils étaient il y a un an. En fait, les récentes poussées d’inflation sont entièrement attribuables aux services produits et consommés au pays, dont la demande ne fléchit pas. En mars, la « super mesure de base » utilisée par la Fed, qui mesure uniquement les pressions inflationnistes liées à la consommation intérieure de services, a grimpé à plus de 8 % sur trois mois (taux annualisé), soit deux fois plus qu’à la fin de l’année dernière.

Pour le président de la Fed, M. Powell, des indicateurs indirects, comme la baisse des offres d’emploi et des taux de démission, et la décélération de la croissance des salaires prouvent que les conditions du marché du travail se relâchent et que le niveau des taux d’intérêt est « restrictif » (et qu’il n’est donc pas nécessaire de le relever). Même le rythme des embauches est demeuré robuste, mais il s’explique surtout par les hausses dans les soins de santé, l’aide sociale et le service public, qui sont moins susceptibles de refléter les tendances cycliques du marché de l’emploi. Le repli des intentions d’embauches combiné au ralentissement de la croissance des salaires entraînera forcément une diminution de la croissance des revenus des ménages. Au vu de ce facteur et de l’épuisement de l’épargne accumulée durant la pandémie, nous continuons de prévoir que les consommateurs américains commenceront à réduire graduellement leurs dépenses jusqu’à la fin de l’année. Dans ce cas, les pressions inflationnistes diminueront avant que la Fed puisse opérer une baisse des taux d’intérêt en décembre.

Évidemment, les éléments qui ont contribué à protéger les ménages contre la flambée des taux d’intérêt au cours des deux dernières années, comme les prêts hypothécaires à très long terme et l’aide gouvernementale (notamment l’annulation du remboursement des prêts étudiants), pourraient très bien continuer de favoriser la croissance aux États-Unis. Selon nous, la Fed suivra ces tendances de près et ralentira le rythme de l’assouplissement en 2025 après une première baisse en décembre.

La BCE et la BdA entre deux extrêmes

La zone euro et le Royaume-Uni se situent quelque part entre la contre-performance du Canada et la résilience des États-Unis. Dans les deux cas, la conjoncture économique semble se redresser plus rapidement que prévu au début de 2024, après avoir atteint un creux au deuxième semestre de l’année dernière. Au premier trimestre de 2024, la croissance du PIB de la zone euro a dépassé nos prévisions en s’établissant à 0,3 %. La plupart des pays ont contribué à ce gain, mais plus particulièrement les pays d’Europe du Sud, grâce à la vigueur du tourisme. Au Royaume-Uni, les données mensuelles laissent entrevoir une croissance comparable pour le premier trimestre, mais elle est probablement un peu plus équilibrée entre le secteur manufacturier et le secteur des services. Le relevé préliminaire de l’indice des directeurs d’achat (PMI) pour le mois d’avril montre que l’élan se maintient au début du deuxième trimestre, en particulier dans les services. Nous avons relevé nos prévisions de croissance pour la zone euro et le Royaume-Uni pour le reste de l’année.

Faisant écho à ce dynamisme, les progrès sur le plan de l’inflation ont été de plus en plus faibles vers la fin du premier trimestre dans les deux régions. L’inflation des services reste très élevée au Royaume-Uni. Les mesures sont plus faibles dans la zone euro, bien que la tendance eût annoncé une réaccélération soutenue au premier trimestre. Toutefois, la BCE ne semble pas s’en inquiéter. Lors de sa réunion d’avril, elle s’est clairement montrée favorable à un assouplissement en énonçant les critères à remplir pour que la politique monétaire soit bientôt moins restrictive. Dans l’ensemble, nous continuons de prévoir que les deux banques centrales décréteront une première baisse cet été (la BCE en juin et la BdA en août), puis d’en effectuer d’autres au rythme d’une réunion sur deux. En raison de la croissance de la production plus forte que prévu et de l’absence de progrès du côté de l’inflation des services observées au premier trimestre, les banques centrales devraient suivre une approche plus prudente durant ce cycle d’assouplissement, l’inflation élevée aux États-Unis servant d’avertissement.

Lisez les précédents comptes rendus sur les Marchés financiers.

Voir le fichier PDF avec les graphiques complets

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Le lecteur est seul responsable de toute utilisation des renseignements contenus dans le présent document, et ni la Banque Royale du Canada (« RBC »), ni ses sociétés affiliées, ni leurs administrateurs, dirigeants, employés ou mandataires respectifs ne seront tenus responsables des dommages directs ou indirects découlant de l’utilisation du présent document par le lecteur. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses sociétés affiliées ne font pas la promotion, explicitement ou implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.

Le présent document peut contenir des déclarations prospectives – au sens de certaines lois sur les valeurs mobilières – qui font l’objet de la mise en garde de RBC concernant les déclarations prospectives. Les paramètres, données et autres renseignements ESG (y compris ceux liés au climat) contenus sur ce site Web sont ou peuvent être fondés sur des hypothèses, des estimations et des jugements. Les mises en garde relatives aux renseignements présentés sur ce Site Web sont exposées dans les sections « Mise en garde concernant les déclarations prospectives » et « Avis important concernant le présent rapport » de notre Rapport climatique le plus récent, accessible sur notre site d’information à l’adresse https://www.rbc.com/notre-impact/rapport-citoyennete-dentreprise-rendement/index.html. Sauf si la loi l’exige, ni RBC ni ses sociétés affiliées ne s’engagent à mettre à jour quelque renseignement que ce soit présenté dans le présent document.