Dans le numéro de cette semaine : Le Premier ministre,Mark Carney, a entouré sa propre date en rouge dans le calendrier : le 21 juillet.
Après le Jour de l’Indépendance, voici le Jour de la libération 2.0
L’Amérique a 249 ans : joyeux anniversaire ! Vous vous réjouissez de voir les feux d’artifice pendant la fin de semaine prolongée ? Le spectacle auquel se préparent les marchés aura toutefois des conséquences plus lourdes : le 9 juillet clôture le sursis de 90 jours des droits de douane dudit Jour de la libération. L’heure sera-t-elle alors à un autre bouquet final ou à un fiasco général ?
L’ambition de la Maison-Blanche des « 90 opérations en 90 jours », une sorte de « Folies de graduation » à l’américaine, a donné lieu à deux versions édulcorées de la série, à savoir des accords partiels avec le Royaume-Uni et la Chine, ainsi qu’un autre avec le Vietnam cette semaine.
Le président Donald Trump prolongera-t-il le cessez-le-feu ou déploiera-t-il un nouvel arsenal de droits de douane contre ses alliés, p. ex., le Japon, l’UE et le Canada ?
« De l’ordre de dix à douze pays sont très près d’arriver à une entente, a déclaré Joseph Lavorgna, un conseiller du secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, et une vingtaine d’autres pays mènent des négociations de bonne foi. Par ailleurs, la secrétaire, Mme Bassett, a souligné que de nombreux accords pourraient être atteints d’ici la fête du Travail. » Doit-on comprendre que l’administration cherche à repousser la date butoir du 9 juillet ? Qui sait ?
Alors que le Canada tient cette date à l’œil, le Premier ministre, M. Carney, a entouré sa propre date en rouge dans le calendrier : la date butoir du 21 juillet pour conclure un accord sur la sécurité et l’économie avec les États-Unis. Pour faciliter les négociations, Ottawa a renoncé à sa taxe sur les services numériques visant les géants technologiques, qui irritait le président Donald Trump. Pour sa part, Pete Hoekstra, ambassadeur des États-Unis au Canada, a assuré que le Canada s’est désormais retrouvé en première ligne dans les négociations commerciales.
Sur le plan stratégique, il reste à savoir si le pays a tout intérêt à négocier à la hâte un accord bilatéral avec les États-Unis ou à attendre l’automne. D’une part, les pionniers donnent souvent le ton dans de telles négociations en série. Il pourrait donc être avantageux de conclure un accord illico presto avec M. Trump. D’autre part, le président s’acharne pour que la Réserve fédérale réduise les taux d’intérêt. Les versements d’intérêts sur la dette publique astronomique des États-Unis seraient ainsi réduits, le service de la dette, allégé et l’activité économique, stimulée. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, n’est pas prêt à desserrer la vis tant que les turbulences commerciales ne s’apaisent pas. À l’automne, le compte à rebours jusqu’aux élections de mi-mandat se déclenchera. M. Trump sera alors mis sous pression pour faire passer le moteur économique de l’Amérique à la vitesse supérieure. Le Canada aurait-il tout intérêt à attendre que l’opinion publique accentue sa pression sur M. Trump ? Cela, dans l’hypothèse où ses propres statistiques commerciales et économiques tiendraient le coup évidemment.
Même si M. Trump vient d’affirmer que son administration avait toutes les cartes en main dans ses négociations avec Ottawa, M. Carney conserve lui aussi quelques atouts.
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L’énergie. Le Canada regorge de pétrole, de gaz naturel, d’électricité, etc. Toutes ces ressources dont ont besoin les États-Unis pour alimenter leurs centres de données et, vraisemblablement, relancer leur industrie.
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L’uranium. Le Canada, deuxième producteur mondiald’uranium,devrait occuper une place importante dans le projet de Donald Trump de construire dix grands réacteurs nucléaires d’ici 2030 et de faire passer la capacité d’énergie nucléaire actuelle des États-Unis de 100 GW à 400 GW d’ici 2050.
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Les géants technologiques. Ottawa vient de supprimer sa taxe sur les services numériques de 3 % (disant ainsi adieu à trois milliards de dollars de revenus). Ce faisant, elle peut redorer son image dans les négociations tout en gardant ouverte la possibilité de réinstaurer cette taxe en cas d’impasse.
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Les minéraux critiques. Le Canada produit ou raffine 21 des 50 minéraux répertoriés comme minéraux critiques aux États-Unis. Le développement de la capacité de la nouvelle usine de métaux des terres rares de la Saskatchewan et du Cercle de feu de l’Ontario est en voie de renforcer le leadership canadien dans la production responsable des minéraux critiques.
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La contrattaque. En dernier recours, au vu des coûts potentiels pour les entreprises canadiennes, le ministère des Finances Canada peut faire écho aux décisions américaines en imposant des droits de douane sur des marchandises américaines d’un montant pouvant atteindre 155 milliards de dollars. Cette liste avait déjà été élaborée en février.
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L’argumentaire concernant la délocalisation dans un pays allié. Un plan sur les chaînes logistiques bilatérales élaboré au cours des administrations précédentes plaide en faveur d’un renforcement de l’intégration nord-américaine – batteries pour véhicules électriques, semiconducteurs, acier vert. Il s’agirait d’une protection de premier plan contre la domination chinoise et le chaos lié aux droits de douane.
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La gestion de l’offre. Des concessions pourraient être négociées dans le secteur de l’agriculture et des produits laitiers, à mesure qu’Ottawa parvient à trouver l’équilibre pour apaiser Washington sans contrarier les Canadiens.
La semaine écoulée
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Dans la foulée du grand boycott canadien sur les importations de l’alcool américain, celles-ci sont passées d’un taux record de 94 % d’une année sur l’autre, à seulement 3 millions de dollars en avril. Certains responsables américains considèrent la suppression du boycott comme un élément de l’accord commercial.
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Ottawa a annulé les 53 exemptions fédérales de l’Accord de libre-échange canadien qui entravaient le commerce interprovincial, juste à temps pour la fête du Canada. Voilà une bonne chose. L’heure est maintenant au démantèlement de la mosaïque d’obstacles provinciaux, selon la recommandation de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
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Les républicains ont balayé la « revanche fiscale » du projet de loi budgétaire intitulé « Big Beautiful Bill » adopté hier. Celle-ci a été supprimée après l’accord des pays du G7 d’exempter les États-Unis d’un impôt minimum mondial proposé par l’OCDE. Voilà de quoi remettre en cause le caractère mondial de l’accord.
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Sur le plan des autres laissez-passer gratuits, l’UE propose d’affranchir son acier et d’autres industries lourdes d’une taxe carbone à l’exportation aux frontières face à la concurrence de ses rivaux étrangers.
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Les livraisons de navires-citernes de gaz naturel liquéfié (GNL) mondial ont augmenté de 60 %, soit 67 navires-citernes de plus l’an dernier, portant la flotte mondiale à 831 navires-citernes, avec l’explosion du commerce de GNL. Cette année, 103 navires supplémentaires devraient être livrés.
Le chiffre à retenir
10,8 %
En mai, le taux de chômage de Windsor, principal carrefour d’assemblage de véhicules automobiles de l’Ontario, accuse durement le coup des droits de douane américains. Le taux de chômage global de la province s’établit à 7,9 %.
Tendance actuelle sur le plan commercial : une diversification mêlée à la crainte
Selon les nouvelles données de Statistique Canada, le Canada rajuste ses échanges commerciaux internationaux en réponse aux droits de douane américains. Après avoir fortement chuté en avril, les exportations semblent prendre une autre tournure, bien que les perspectives des industries canadiennes restent incertaines. La plupart des secteurs stratégiques, à savoir le fer, l’aluminium, le bois d’œuvre et les produits pharmaceutiques – des secteurs qualifiés de stratégiques pour l’économie américaine par M. Trump – ont reculé.
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Une bonne nouvelle toutefois : les exportations ont légèrement progressé. Le déficit commercial du Canada, d’un montant record de 7,6 milliards de dollars en avril, a chuté pour atteindre 5,9 milliards de dollars en mai. Les exportations globales, propulsées par l’or, ont augmenté de 1,1 %. Les importations ont diminué de 1,6 %.
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En revanche, les échanges commerciaux avec les États-Unis ont continué de se contracter. À la suite des droits de douane, les exportations canadiennes ont continué de diminuer pour le quatrième mois d’affiliée, avec une baisse de 0,9 % en mai.
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Lancement de la campagne de diversification. Le Canada commence à accroître ses exportations vers d’autres pays que les États-Unis ; celles-ci ont augmenté de 5,7 % en mai, ce qui constitue un record.
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Les secteurs touchés par les droits de douane ont payé le plus lourd tribut. En mai, les secteurs clés n’ont eu guère de répit à la suite des importantes diminutions des exportations en avril. Depuis lors, les exportations d’alliages et de produits de fer, d’acier et d’aluminium à l’état brut ont chuté de 4,9 %. Les exportations de bois d’œuvre et de sciages ont aussi reculé de 2,2 % et celles de produits pharmaceutiques, de 0,5 %. En revanche, les exportations de véhicules et pièces automobiles ont augmenté de 0,9 %.
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Un avenir peu réjouissant pour le bois d’œuvre en perspective de l’augmentation des droits de douane. À moins d’une entente, les droits de douane sur les exportations canadiennes de bois de sciage résineux aux États-Unis pourraient passer de 14,5 % à 34,45 % en juillet.
Cette semaine, les chefs de la direction de constructeurs automobiles ont discuté avec M. Carney des moyens de protéger les chaînes logistiques du secteur automobile de la guerre commerciale et de diversifier les relations commerciales. L’imposition par le Canada de contingents tarifaires provisoires sur les produits fabriqués en aciérie pourrait offrir un répit à court terme aux producteurs canadiens, bien que plusieurs secteurs d’activité attendent des éclaircissements sur leurs échanges commerciaux.
Lecture supplémentaire : Cinq secteurs stratégiques dans la mire de Donald Trump : 125 milliards de dollars à risque pour le Canada
Le mot de la fin
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