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Extraire la valeur : le rôle essentiel que peut jouer la nature dans les programmes de croissance
  • Le capital naturel demeure un moteur économique sous-utilisé. Le PIB des secteurs liés à la nature au Canada, notamment ceux de la foresterie, de l’agriculture, des mines et de la pêche, a enregistré une croissance annuelle inférieure de 0,3 % à celle du reste de l’économie au cours des vingt-cinq dernières années. Une tendance comparable est observée aux États-Unis et au Royaume-Uni.

  • Ignorer la nature menace la prospérité. Plus de la moitié de l’économie mondiale, soit environ 78 000 milliards de dollars, dépend de la nature, qu’il s’agisse de l’alimentation, du tourisme ou de la construction. Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni cherchent à rebâtir leurs économies, mais les ressources naturelles dont la croissance à long terme de celles-ci est tributaire s’épuisent, et leur valeur réelle n’est pas prise en compte.

  • Il existe une occasion générationnelle de tirer profit du patrimoine naturel grâce à des programmes d’intérêt national. Les pays qui suivent et mettent en valeur leur capital naturel parallèlement à leur PIB peuvent libérer de la croissance et attirer des investisseurs mondiaux en quête de projets de valorisation du capital naturel dans lesquels investir. Alors que les institutions financières se mobilisent pour combler le déficit de financement de la nature, la demande augmente : on estime les besoins annuels à 580 milliards de dollars d’ici 2030. Cette somme atteindra près de 940 milliards de dollars d’ici 2050.

  • Les capitaux privés sont essentiels pour combler ce déficit – et monter en puissance. Les États assurent actuellement 82 % (222 milliards de dollars) du financement de la nature. Cela tient au fait que le secteur privé a besoin de signaux politiques plus forts et d’avoir l’assurance que ses investissements seront générateurs de rendements.

  • Si sa place s’accroît dans les marchés de la finance et de l’environnement, la nature y demeure sous-représentée.. La nature représente un petit segment de la finance durable. En 2025, les mesures de compensation carbone fondées sur la nature ont compté pour 13 % des crédits carbone volontaires, alors qu’elles représentent plus de la moitié du potentiel annuel de création de crédits carbone.

  • L’intégration des politiques, l’intelligence artificielle et… la comptabilité peuvent faire entrer la nature dans le bilan et les programmes de croissance. Au Canada, la mise en œuvre de la Stratégie sur les minéraux critiques et de nouveaux projets d’exploitation minière importants sont un bon moyen de tester ces trois axes.Tout commence parintégrer les systèmes de valeurs et connaissances autochtones dans les cadres comptables du capital naturel.

En 2023, RBC a créé l’Institut d’action climatique dans le but d’accompagner collectivement les Canadiens vers l’objectif « zéro émission nette », avec un engagement d’information, de mobilisation et d’intervention sur tous les aspects du défi climatique. La protection, la conservation et la croissance des ressources naturelles sont des éléments essentiels du parcours vers l’objectif « zéro émission nette ».

La nature est un atout essentiel pour faire croître notre économie. Ce thème tombe à point, alors que des économies avancées comme le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis promeuvent des programmes et projets d’intérêt national. Il existe cependant un problème : la nature et les personnes qui la gèrent et la protègent – notamment les communautés autochtones, les agriculteurs, les pêcheurs et les foyers d’accueil – sont souvent exclues du bilan. C’est ce problème que l’Institut d’action climatique RBC et Nature United, la filiale canadienne de The Conservation of Nature, aborde dans ce rapport.

Bâtir, consommer et exporter toujours plus pour stimuler le PIB finissent inévitablement par éprouver les forêts, les sols et les cours d’eau sans lesquels aucune croissance ne serait possible. Mais les programmes en faveur de la croissance offrent aussi une occasion générationnelle – à condition de considérer la nature non comme un coût à gérer, mais comme un atout à construire, à valoriser et à exploiter.

Plus de 78 000 milliards de dollars1 de l’économie mondiale – environ la moitié du PIB total – sont fortement ou modérément tributaires de la nature[i]. Pourtant, le PIB national ne tient compte de la nature qu’une fois celle-ci exploitée (pêche, céréales, bois d’œuvre), en faisant fi, pour l’essentiel, des services écosystémiques offerts par la nature. C’est notamment le cas du stockage du carbone dans les sols agricoles, de la filtration de l’eau dans les tourbières saines et des avantages des forêts intactes sur les plans culturel et de la biodiversité. Ces services écosystémiques, évalués à plus de 200 000 milliards de dollars, demeurent largement invisibles dans les comptes économiques, ce qui occulte à la fois une source importante de croissance et une source croissante de risques2.

La valeur véritable de la prise en compte de la nature est à l’ordre du jour des dirigeants mondiaux lors des conférences sur la nature et les changements climatiques depuis plus de 30 ans. Ces derniers ont signé les premiers accords mondiaux sur le climat et la biodiversité la dernière fois que le Brésil a accueilli le monde, au sommet de la Terre de Rio, en 1992. Les dirigeants de la planète doivent de nouveau se réunir au Brésil cet automne, à l’occasion de la COP30, et auront une occasion de placer la nature au centre de leurs stratégies économiques.

La mobilisation de capitaux pour la nature demeure un défi. La majeure partie provient des gouvernements, l’industrie s’étant largement tenue à l’écart, du fait, en partie, du caractère incertain du rendement des investissements dans ce domaine. Les financements publics et privés de la nature s’élèvent annuellement à quelque 270 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Plus de 580 milliards de dollars seront nécessaires annuellement si l’on veut combler le déficit de financement de la nature d’ici 2030. Ce chiffre augmentera à quelque 940 milliards de dollars par an d’ici 20503.

Une convergence entre la nature et les programmes politiques en faveur de la croissance offrirait une occasion sans précédent de tirer profit de la nature en tant qu’actif investissable. La constitution d’un patrimoine naturel constitue un moyen de relancer les secteurs axés sur la nature, comme l’agriculture et l’industrie forestière, et de renforcer le rôle de la nature dans l’économie du bâtiment et des travaux publics, notamment les infrastructures vertes dans les projets de construction résidentielle. Le fait d’investir dans la nature permet aussi d’atténuer les pertes économiques, notamment les 3 300 milliards de dollars à risque à l’échelle mondiale si des services écosystémiques, comme la pollinisation sauvage ou la pêche en mer devaient s’effondrer du fait d’une exploitation excessive4.

Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont tous mis en place des programmes de croissance et proposent trois modèles politiques et économiques d’intégration de la nature. Environ 7 % du PIB du Canada provient des secteurs axés sur la nature – agriculture, mines, foresterie et pêche. La croissance du PIB combiné de ces secteurs a été de 0,3 % plus lente que celle du reste de l’économie au cours du dernier quart de siècle5. Aux États-Unis, la Réserve fédérale estime que les événements météorologiques extrêmes peuvent avoir une incidence négative de 0,5 % sur le PIB du pays annuellement6. Et les protections naturelles, comme les zones humides côtières, disparaissent au profit des aménagements, ce qui accentue les conséquences. Si les tendances actuelles se maintiennent, la gestion de son capital naturel par le Royaume-Uni pourrait entraîner une diminution de son PIB d’environ 5 % d’ici 20307.

La nature est désormais un risque déclarable et une catégorie d’actifs investissables. La mise en œuvre de cette idée est cependant inégale. Plus de 90 pays, dont le Canada et l’Australie, ont adopté des cadres de comptabilité du capital naturel harmonisés avec le Système de comptabilité environnementale et économique (SEEA) des Nations Unies. Des lacunes demeurent toutefois au chapitre de l’intégration complète du capital naturel dans les comptes du PIB national et à celui de l’utilisation de la comptabilité du capital naturel pour orienter les investissements à grande échelle. Dans le secteur privé, certaines régions, comme l’Union européenne, imposent la production de rapports sur la durabilité et encouragent l’harmonisation avec les cadres financiers liés à la nature, comme le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (Task Force on Nature-related Financial Disclosures – TNFD).

Si les normes de comptabilité et de finance relatives à la nature demeurent désorganisées, ces exemples montrent qu’il existe un faisceau de politiques et de rapports permettant de traiter la nature comme un actif pertinent pour les flux de trésorerie. Le temps est maintenant venu de simplifier la gouvernance de la nature, d’améliorer l’accessibilité pour les entreprises et les gouvernements en appliquant des technologies de rupture comme l’IA et d’intégrer tout cela aux politiques de croissance.

Le modèle canadien : une économie riche en ressources, en quête de nouveaux moteurs de croissance

Le Canada regorge de richesses naturelles : le pays possède 25 % des zones humides, 24 % des forêts boréales et 30 % des réserves d’eau douce de la planète. Comme indiqué précédemment, quelque 7 % de son PIB dépend directement de la stabilité et de la productivité de ces actifs, et cette dépendance se répercute sur toute la chaîne d’approvisionnement8.

L’approche du Canada en matière d’intégration de la nature à la croissance économique est appuyée par des financements et des mesures financières, l’établissement d’objectifs, dont la Stratégie pour la nature 2030, et l’expansion des parcs nationaux et des corridors écologiques. Ces investissements et engagements font progresser la conservation et la protection de la nature. Pourtant, les mesures politiques actuelles ne parviennent pas à tirer parti des cadres comptables du capital naturel pour retourner à grande échelle cette valeur aux personnes sur le terrain.

Pour le Canada, le défi d’intégrer la nature à sa politique de croissance consiste à trouver un équilibre entre sa croissance fondée sur les ressources naturelles et son engagement envers la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, tout en respectant ses engagements climatiques inscrits dans la loi. Composer avec un environnement aussi complexe n’a rien de simple. Celui-ci est toutefois nécessaire pour faire en sorte que les projets d’intérêt national du Canada ne compromettent pas les droits et systèmes de connaissances des peuples autochtones et ne grugent pas un de ses plus grands atouts par nature.

Le modèle du Royaume-Uni : un pays aux ressources limitées, mais affichant de grandes ambitions pour leur exploitation

Le Royaume-Uni, où seule la moitié de la faune et de la flore indigènes restent intactes, est un des pays les plus appauvris en ressources naturelles du monde9. L’économie du pays repose principalement sur les secteurs des services, comme la finance et l’immobilier, tandis que les secteurs liés à la nature comptent pour environ 2 % de l’économie10. Cependant, l’intensité de la course aux ressources naturelles dans le pays et le rythme auquel elles s’épuisent ont donné de l’élan au financement de la nature sur le plan national. Cet élan s’accompagne d’un appel à des recommandations sur la façon dont l’État peut aider à accroître le rôle du secteur privé dans la réhabilitation de la nature dans le cadre de la stratégie de croissance du gouvernement britannique, Plan for Change.

L’une des principales composantes de ce plan de changement est l’ambition du pays de construire 1,5 million de logements et d’accélérer la prise de décisions en matière de planification pour au moins 150 grands projets d’infrastructure économique, dont la création de zones de croissance de l’IA pour les centres de données. Les politiques de gain net de biodiversité et de neutralité des rejets de nutriments du Royaume-Uni permettent d’intégrer dans ces projets d’aménagement une possibilité fondée sur le marché pour les propriétaires terriens et gestionnaires fonciers d’accumuler des actifs naturels11. Cela montre que les politiques publiques du Royaume-Uni axées sur la nature se multiplient et s’harmonisent avec les politiques de croissance.

On ne s’attend toutefois pas à ce que le pays parvienne à la fois à s’attaquer aux pertes de PIB liées à l’épuisement du capital naturel et à atteindre ses objectifs, comme préserver 30 % de sa biodiversité d’ici 203012. Le Royaume-Uni fait face à un défi de restauration de la nature à grande échelle, dans un contexte d’intensification et de concurrence des intérêts en matière d’actifs naturels. Les besoins en eau et en terres liés à la construction résidentielle, à l’agriculture et à l’expansion des centres de données pour l’IA soulignent la nécessité d’une meilleure planification du capital naturel pour orienter les options de croissance économique, au-delà de la seule compensation des répercussions 13.

Le modèle américain : un géant économique qui tourne le dos à la valorisation de la nature

Environ 3 % du PIB des États-Unis provient des secteurs axés sur la nature. Et plus de 10 % du PIB du pays dépend fortement de la nature, notamment les secteurs se trouvant en aval des secteurs axés sur la nature dans la chaîne d’approvisionnement, comme la transformation d’aliments14. Pourtant, plus de 40 % de ses écosystèmes naturels sont considérés comme présentant un risque d’effondrement15. En 2023, le programme Statistics for Environmental-Economic Decisions (SEED), qui s’appuie sur le cadre du SEEA, a quantifié la valeur des actifs naturels des États-Unis. Cet exercice a estimé la valeur des terres privées à 43 000 milliards de dollars, soit environ 30 % de la richesse nette des États-Unis. Ces conclusions ont poussé le gouvernement fédéral à investir de façon éclairée dans des programmes de conservation et le développement d’infrastructures vertes, en accordant notamment un financement de 1,3 milliard de dollars pour le verdissement des villes, en vertu de l’Inflation Reduction Act16.

L’administration Trump a opéré un virage de la comptabilisation des ressources naturelles renouvelables à l’extraction des ressources non renouvelables. L’exemple le plus révélateur est probablement le décret présidentiel intitulé Unleashing American Energy, qui abroge les directives données aux agences fédérales de prendre en compte les services écosystémiques comme la contribution des zones humides à la gestion des inondations dans les évaluations de projets. Les modifications de la One Big Beautiful Bill Act (la grande et belle loi) récemment proposées pourraient également compromettre une convention de partage des revenus de plus de 100 ans entre le gouvernement fédéral et les collectivités rurales en matière de gestion des forêts. Aux termes de cet accord de longue date, 25 % des profits du gouvernement fédéral provenant de l’exploitation commerciale des forêts sont reversés aux collectivités rurales (où cette activité a lieu, mais ne génère pas d’impôts fonciers locaux), afin qu’elles les investissent dans les infrastructures locales. Ces modifications de la loi pourraient réorienter ces fonds vers le gouvernement fédéral et augmenter les exigences minimales en matière d’exploitation forestière.

Mettre de côté les efforts nationaux qui comptabilisent les actifs naturels parallèlement au PIB risque de conduire à négliger une source de croissance économique et de risque. La nature clivante de la politique fédérale américaine exige une redéfinition des actifs naturels et de leur gestion apte à résister aux changements de gouvernements. Le plus urgent est d’établir une stratégie de communication insistant sur la valeur de la nature pour l’économie axée sur la production que privilégie l’administration fédérale.

Finance et financement : un élan pour stimuler la croissance

FondsFonds d’investissement spéciaux servant à financer des projets axés sur la conservation, la restauration ou la gestion durable du capital naturel
SubventionsFonds non remboursables versés pour soutenir des activités liées à la nature
CréditsIncitatifs financiers ou aides visant à encourager des activités bénéfiques pour l’environnement (p. ex., allègements fiscaux ou réductions de frais)
ObligationsTitres de dette à revenu fixe dont le produit de la vente aux investisseurs est principalement utilisés pour des projets axés sur la nature
PrêtsFonds empruntés pour des projets liés à la nature et devant être remboursés avec des intérêts ou assortis de conditions d’emprunt avantageuses
Échanges dette-natureAccord aux termes duquel une partie de la dette étrangère d’un pays est annulée en échange d’engagements de financer des projets de conservation              

Les fonds et les financements peuvent faciliter les choses en créant un rôle dans l’économie pour des solutions fondées sur la nature. Ce sont toutefois les gouvernements qui assument une grande partie de la facture – 82 % des flux financiers pour la nature à l’échelle mondiale17 –, ce qui rend difficile la mobilisation de fonds nécessaires à des projets transformationnels.

Au Canada, Financement de projets pour la permanence (FPP) est un modèle novateur de financement de la conservation qui permet de jumeler des financements gouvernementaux, privés et communautaires à long terme. La première initiative de FPP au Canada, qui concernait la forêt pluviale de Great Bear, née d’une crise touchant le bien-être des Premières Nations et d’un conflit relatif à l’exploitation forestière, rétablit aujourd’hui la nature en tant que source de prospérité et offre des occasions de conservation et de développement économique menées par les Autochtones. Plus de 444 millions de dollars ont été investis depuis la création du FPP de la forêt pluviale de Great Bear, en 200718.

Étude de cas

Lieu : Forêt pluviale de Great Bear et Haida Gwaii (Colombie-Britannique), Canada

Le financement à long terme de la conservation de la nature dirigé par la vision des Premières Nations en matière de développement économique et de conservation accroît l’ampleur et la durabilité des occasions concernant les collectivités, les entreprises et la conservation de la nature.

Élément déclencheur :

Une crise du bien-être chez les Premières Nations et une économie fortement tributaire des industries d’extraction en Colombie-Britannique au cours des années 1980 et 1990 ont engendré un conflit croissant quant à la gestion des ressources naturelles et ont limité les occasions de développement économique et communautaire, ce qui fait monter le taux de chômage à 80 % chez les Premières Nations37. Ce modèle intenable a atteint un sommet dans les années 1990. Le mouvement mené par les Premières Nations, notamment la Guerre des bois, comme on a appelé les manifestations historiques de Clayoquot Sound, en 1993, soutenues par des groupes écologistes, a exigé la protection des territoires des Premières Nations et un accès pour elles aux occasions économiques. Ce mouvement a conduit le gouvernement à amorcer un processus de planification stratégique de l’utilisation du territoire. Il s’agissait d’une étape clé pour ouvrir la voie à un changement transformationnel là où les tentatives ponctuelles précédentes n’avaient pas permis d’améliorer le bien-être et la situation économique et environnementale des communautés.

Cette exigence de changement a mené à la création, en 2007, de Coast Funds, institut de financement de la conservation ayant pour mandat de mettre en œuvre certaines parties de l’accord de la forêt pluviale de Great Bear. Coast Funds est né de la reconnaissance mutuelle par les Premières Nations, les groupes environnementaux, l’industrie et le gouvernement que le bien-être des collectivités est essentiel à une économie durable et à une gestion responsable des ressources naturelles.

Mécanisme de changement :

Les Premières Nations et des organismes environnementaux ont recueilli 60 millions de dollars de fonds privés en 2006 pour créer un fonds de dotation pour la conservation de la côte, le Coast Conservation Endowment Fund, sur lesquels 4 millions de dollars ont été affectés à la planification de la conservation et aux coûts du démarrage opérationnel. Un an plus tard, les gouvernements provincial et fédéral ont versé un financement équivalent ; le Coast Economic Development Fund était né. Les deux fonds, d’une valeur initiale de 120 millions de dollars, sont administrés par le conseil d’administration du Coast Fund, qui est nommé par les Premières Nations, le gouvernement de la Colombie-Britannique et des fondations philanthropiques. Le conseil d’administration supervise les finances et les investissements des fonds dans les Premières Nations, et celles-ci soumettent des projets au conseil pour examen.

La structure de gouvernance du conseil a évolué à mesure que les fondations consolidaient leurs rôles de gouvernance et renonçaient à leurs droits de vote afin d’augmenter l’influence des Premières Nations dans l’orientation de Coast Funds, ce qui leur donnait un contrôle égal à celui des gouvernements de la Couronne. Ce changement dans la gouvernance fait progresser la vision d’un développement économique mené par des Autochtones et d’une gérance assurée par les nations autochtones.

Mise en oeuvre :

Les Premières Nations ont investi plus de 120 millions de dollars provenant de Coast Funds et ont mis à profit 324 millions de dollars de leurs propres fonds et d’autres sources de financement. Les 444 millions de dollars ont été investis dans différents secteurs économiques, notamment le tourisme, la fabrication, l’exploitation forestière et l’aquaculture.

En complément des fonds de Coast Funds, les Premières Nations génèrent des ventes de crédits de carbone aux termes de l’Atmospheric Benefit Sharing Agreement, accord conclu entre deux organisations autochtones régionales, leurs Premières Nations respectives et le gouvernement provincial. Ces accords définissent le cadre de partage des avantages liés au carbone, comme les crédits de compensation associés à l’accord de la forêt pluviale de Great Bear, qui vise à éviter la déforestation.

Taan Forest, entreprise d’exploitation forestière appartenant à la Nation haïda, est un exemple d’accumulation de fonds et de soutien à la création de crédits carbone pour promouvoir des entreprises forestières durables. La société a mis à profit des fonds provenant de Coast Funds pour aménager un parc industriel qui a permis aux entrepreneurs haïdas de s’engager dans le secteur de l’exploitation forestière à valeur ajoutée38. Taan Forest offre des chances économiques tout en protégeant les actifs environnementaux et culturels de la nation, en détenant la tenure forestière pour 60 % des activités de foresterie à Haida Gwaii39

Retombées :

Coast Funds a été un catalyseur d’initiatives de développement économique menées et détenues par des Autochtones, parmi lesquelles le développement ou l’établissement de 144 entreprises et la création de plus de 1 400 emplois, dont 850 à temps plein, pour des salaires totaux de plus de 70 millions de dollars40. Reconnaissant le rôle de gérance des enjeux forestiers des peuples autochtones dans le cadre de l’Atmospheric Benefit Sharing Agreement, le gouvernement de la Colombie-Britannique a acheté pour plus de 56,5 millions de dollars de crédits de carbone à la Great Bear Carbon Credit Limited Partnership et de 6,8 millions de dollars à la Na̲nwak̲olas Offset Limited Partnership41.

Sur le terrain, les Premières Nations ont mené plus de 444 initiatives de restauration et de recherche d’habitats pour des espèces ayant une importance culturelle et économique, notamment le saumon, la laminaire et les arbres. Les pratiques de Taan Forest sont conformes à la certification du Forest Steward Council et à la certification de Rainforest Alliance, ainsi qu’aux normes de conservation de l’ordonnance sur l’utilisation des terres de la Nation haïda, ce qui permet à ses pratiques de gestion durable des forêts d’être reconnues par sa chaîne d’approvisionnement. Cette dernière certification permet d’assurer la protection des habitats sensibles, y compris les tanières des ours et les zones de nidification des oiseaux, et de réduire les coupes permises pour l’exploitation forestière, ce qui améliore la protection et la restauration des habitats42.

Enseignements :

Les critères d’affectation du financement axés sur la taille peuvent mener à des iniquités. Le modèle initial d’affectation des fonds alloués à la forêt pluviale de Great Bear encourageait des niveaux élevés de conservation en offrant plus d’avantages aux Premières Nations qui s’étaient engagées à protéger la biodiversité à grande échelle en protégeant les écosystèmes forestiers intacts. En conséquence, les Premières Nations disposant d’aires de conservation importantes et dont la population était nombreuse recevaient les dotations les plus importantes, tandis que celles dont les terres étaient déjà largement exploitées et dont la population était réduite recevaient moins de fonds. Conscientes de cette difficulté, les Premières Nations ont décidé, pour la formule d’affectation du FPP de la mer Great Bear, de veiller à l’équité et de tenir compte des nuances de taille et d’incidence. Le FPP de la mer de Great Bear a permis à toutes les Premières Nations participantes de recevoir une aide de base pour faire progresser leur développement économique et leurs objectifs de gérance.

Great bear rainforest
Photo credit: Andrew S Wright

En profitant de la dynamique du FPP de la forêt pluviale de Great Bear, le Coast Funds supervise aussi à présent le versement des fonds dans le cadre du FPP de la mer de Great Bear. Ce FPP dispose d’un financement initial de 335 millions de dollars et garantit un financement à long terme mené par des Autochtones pour des initiatives de gérance et de développement menées par des Autochtones19.

Élargissement du financement de la conservation

Les produits de dette pour les solutions fondées sur la nature peuvent fournir du capital de départ, mais les projets doivent offrir des rendements concurrentiels aux investisseurs et aux financiers. Les échanges dette-nature, par exemple, obligent les banques de développement à maintenir des coûts d’emprunt bas et à offrir des assurances accrues aux investisseurs privés. Le marché des échanges de dette a plus que doublé durant la dernière année, pour atteindre 3,6 milliards de dollars20. Certains spécialistes du financement de la nature affirment toutefois que la structure des échanges dette-nature a dépassé son objectif initial. Ils avancent que la participation des banques et agences de développement dans la constitution du capital naturel contribue à l’obtention des financements nécessaires aux projets, car elle réduit les risques pour les autres investisseurs. Cependant, le pays destinataire des fonds doit également tenir compte de l’incidence de l’échange de dette sur sa capacité de contrôler la gestion de la richesse de son capital naturel.

Avec une valeur de près de 15 000 milliards de dollars à ce jour21, les obligations et les prêts verts et liés au développement durable sont aussi devenus d’importants produits de financement. Les titres de dette axés sur la nature ne représentent encore toutefois qu’une part relativement modeste de l’ensemble des fonds obligataires affectés. Au cours de l’année écoulée, moins de 10 % du produit des obligations vertes et liées au développement durable a été expressément versé à des projets axés sur la nature. Bien que les projets fondés sur la nature évoluent dans leur capacité de garantir des rendements aux investisseurs, le rôle des gouvernements et des investisseurs d’impact dans l’expansion des produits de dette liés à la nature demeure essentiel.

Au-delà de la finance et du financement, les gouvernements peuvent également utiliser leur pouvoir de reconnaître les projets fondés sur la nature de haute intégrité environnementale pour attirer des capitaux privés. Par exemple, Environnement et changements climatiques Canada mène un projet pilote de bourse de la conservation. Dans ce cadre, le gouvernement fédéral évalue une approche reconnaissant les avantages prouvés de projets de conservation financés par les entreprises au moyen de certificats de biodiversité approuvés par le gouvernement 22. Fortes d’une relation de financement à long terme, la compagnie d’assurance Aviva et Conservation de la nature Canada s’appuient sur le projet pilote de la bourse de la conservation pour apporter de la valeur en misant sur le rôle de la nature dans la gestion du risque et la revitalisation des terres exploitées, comme les grands parcours sur les prairies indigènes restaurées.

Étude de cas

Lieu : Saskatchewan (Canada)

La nature est un atout et un risque. Les assureurs et les personnes gérant des terres exploitées,
telles des prairies pour le bétail, font chaque jour face à cette réalité. Investir dans des projets à
long terme de restauration des terres épuisées et de leurs fonctions écosystémiques naturelles
crée une passerelle permettant à la nature de contribuer à la résilience économique.

Élément déclencheur :

Environ 75 % des prairies indigènes du Canada ont disparu43. Les prairies canadiennes regroupent les provinces des Prairies, stockent deux à trois milliards de tonnes de carbone et abritent un nombre en baisse d’éleveurs, de troupeaux de bétail et d’espèces indigènes, qui constituent aujourd’hui un des écosystèmes les plus menacés au monde44. La perte de prairies est attribuable au changement de destination des terres au profit de la production de récoltes et de l’extraction de ressources minières et énergétiques et à l’étalement urbain. Bien que ces activités contribuent à la croissance de l’économie canadienne, la perte de prairies accentue l’épuisement des ressources et les risques environnementaux, notamment les sécheresses45. Les conditions météorologiques extrêmes, les feux de forêt et leurs répercussions sur les actifs naturels et bâtis constituent un risque important pour l’économie et représentent un coût croissant pour les compagnies d’assurance. Avec des pertes liées à des événements météorologiques totalisant 7,7 milliards de dollars, l’été 2024 a été la saison la plus destructrice et la plus coûteuse jamais enregistrée au Canada du fait de conditions météorologiques extrêmes46.

Mécanisme de changement :

La restauration ne se fait pas du jour au lendemain, ce qui est dissuasif pour les investisseurs en quête de résultats immédiats. Toutefois, grâce à un peu de prévoyance et à un terrain d’entente, Conservation de la nature Canada et Aviva ont conclu un partenariat de sept ans dans le but de restaurer près de 450 acres de prairies en Saskatchewan. Les investissements en restauration sont généralement à court terme (de 1 à 3 ans) et axés sur des résultats immédiats, ce qui ne permet pas l’approche en plusieurs étapes que la restauration nécessite souvent pour être durable. L’investissement d’Aviva brise ce cycle.

La reconnaissance par le gouvernement des projets de restauration de prairies contribue à renforcer l’intérêt pour ce partenariat. Environnement et Changements climatiques Canada mène un projet pilote de bourse de la conservation, qui vise à remettre aux entreprises des certificats reconnaissant leur investissement dans des projets de haute intégrité axés sur la nature ayant démontré de véritables effets sur la biodiversité. Cette bourse est une approche nouvelle pour attirer des capitaux afin de créer des actifs naturels ; elle offre aux entreprises la possibilité d’obtenir des certificats de biodiversité délivrés par l’État et reconnaissant leur investissement, ce qui rend les revendications de durabilité associées plus rigoureuses. Les projets de restauration de prairies de Conservation de la nature Canada, appuyés par Aviva en Saskatchewan, font partie du projet pilote de bourse de la conservation.

Mise en oeuvre :

La production de graines indigènes au Canada est limitée par le manque d’investissement en capital et de contrats à long terme, ce qui rend difficile pour les cultivateurs locaux d’étendre la restauration des prairies. En réponse à cela, le partenariat avec Aviva a permis à Conservation de la nature Canada de conclure une entente de plusieurs années avec un producteur autochtone de semences : Skinner Native Grains. L’investissement initial d’Aviva a atténué le risque financier pour Skinner Native Semences et contribué à l’accroissement de sa production, ce qui a permis d’améliorer les résultats de restauration de prairies et de renforcer la résilience du secteur des semences indigènes de la Saskatchewan.

Retombées :

Les avantages sont multidimensionnels, mais reposent sur la restauration de terres exploitées qui combinent des possibilités de soutien de la conservation et de la production agricole.

Au terme de l’évaluation d’un expert du projet pilote de bourse de la conservation, les projets ont, dans l’ensemble, reçu des notes positives pour la restauration des espèces et des écosystèmes et pour l’amélioration de la probabilité de persistance des espèces focales, qui servent d’indicateur de l’état général de la biodiversité. Sur le site de restauration de prairies du plateau Old Man on His Back, en Saskatchewan, un renforcement de la présence des plantes indigènes permet d’accroître l’habitat des espèces en péril. Pour faciliter ce projet de restauration et accroître la production de semences, Skinner Native Semences estime pouvoir accroître la production de graines de fleurs sauvages à ses installations de 91 kg (200 lb) en 2027, ce qui devrait permettre l’expansion de près de 40 espèces de fleurs sauvages indigènes pour soutenir la biodiversité et la résilience climatique dans les Prairies.

La reconnaissance par les gouvernements de ces avantages liés à la biodiversité renforce la crédibilité et la transparence, ce qui permet aux entreprises et au public de comprendre l’ampleur des retombées et les espèces et les écosystèmes qui devraient en bénéficier.

Enseignements :

Les promoteurs de projets de restauration de la nature qui cherchent à faire augmenter l’investissement doivent apprendre à maîtriser la communication des résultats afin de trouver un écho auprès des investisseurs. Ils ont également un rôle à jouer en sensibilisant ces derniers à l’importance du facteur temps dans l’obtention d’effets concrets et durables sur le terrain. Une bonne communication et une bonne information commencent par connaître son public. Il est primordial de comprendre les objectifs des investisseurs qui s’intéressent aux solutions fondées sur la nature – notamment l’atténuation des risques, les exigences ESG et la réalisation d’objectifs climatiques – pour concevoir des projets de restauration de la nature qui atteignent des objectifs communs aux collectivités, aux écologistes, aux entreprises et aux gouvernements.

Nature Conservancy of Canada
Photo credit: Nature Conservancy of Canada

Simplifier les politiques pour optimiser l’investissement public

Si les gouvernements stimulent l’investissement dans les solutions, ils peuvent aussi freiner les progrès. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), les flux d’argent public vers les solutions fondées sur la nature représentent moins d’un dixième des dépenses publiques en subventions nuisibles à l’environnement. La question est particulièrement préoccupante dans le secteur agricole. Les agriculteurs canadiens, par exemple, peuvent recevoir des fonds pour favoriser des pratiques durables dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat, qui encourage l’adoption de cultures de couverture et l’amélioration des pratiques en matière d’utilisation de l’engrais. Ils peuvent aussi bénéficier d’une assurance récolte subventionnée par l’État, qui, selon certains agriculteurs, peut encourager la culture sur des terres marginales qui ne seraient pas rentables sans cela23. 24 On peut trouver des exemples comparables aux États-Unis, dans le cadre du Federal Crop Insurance Program. Certains États prennent des mesures pour remédier à l’inadéquation entre les filets de sécurité de l’État et les aides à l’agriculture durable, en offrant des programmes tels que des réductions sur les primes d’assurance pour les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables, tel le Crop Insurance Discount Program du Department of Agriculture & Land Stewardship de l’Iowa en faveur de l’adoption de cultures de couverture.

Les gouvernements et les entreprises du secteur privé ont également eu du mal à élargir les mesures d’encouragement fondées sur le marché pour les projets fondés sur la nature. Certains agriculteurs en prennent acte et utilisent les subventions gouvernementales pour lancer des initiatives locales leur donnant la maîtrise de l’intégration de la valeur des services écosystémiques dans leur entreprise et de la reconnaissance de cette valeur sur le marché. La fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, a appris tôt dans son parcours d’atténuation des GES l’importance de collecter des données fiables et de surveiller le carbone du sol pour tirer profit des marchés du carbone. Encouragée par les dirigeants locaux, la fédération aide les agriculteurs à harmoniser leurs pratiques avec les protocoles de compensation du carbone et à élaborer des algorithmes et des normes de données leur permettant de débloquer la valeur carbone et d’améliorer leur efficacité.

Étude de cas

Lieu : Île-du-Prince-Édouard, Canada

En mettant l’accent sur les crédits de carbone, les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont compris que les gains d’efficacité réalisés grâce à des pratiques de réduction des émissions de GES étaient en soi la véritable occasion économique.

Élément déclencheur :

Le désir d’encourager les agriculteurs à prendre des mesures pour le climat est l’élément qui a décidé la fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard (PEIFA) à établir l’infrastructure de mesure des émissions de GES et du carbone dans le sol nécessaire pour lier les agriculteurs aux marchés du carbone, tout en conservant la propriété de leurs données.

Les agriculteurs peuvent être des chefs de file pour faire progresser les solutions favorables pour le climat. La gestion responsable des intrants, comme les engrais azotés, essentiels pour obtenir des récoltes et des rendements sains, est un des éléments clés du rôle des agriculteurs dans l’action climatique. La production de pommes de terre représente la majeure partie de l’utilisation des terres agricoles de l’Île-du-Prince-Édouard, soit quelque 86 500 acres (env. 35 000 hectares). La pomme de terre étant une plante riche en nutriments, elle permet d’étudier la possibilité d’encourager des gains d’efficacité dans l’utilisation d’engrais, grâce à des crédits de carbone récompensant la réduction des émissions nettes de GES.

Mécanisme de changement :

Une combinaison de financement gouvernemental et de leadership provincial, sous la direction de la fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, et le lancement du protocole de compensation pour une meilleure gestion des terres agricoles dans le cadre du registre de compensation volontaire du carbone de VERRA ont permis de créer les conditions propices à la mise en pratique de l’Internet des objets agricole (AgIoT) de la fédération. AgIoT est une plateforme évolutive de surveillance en temps réel, indépendante du format de données, qui appartient à l’agriculteur.

L’argent, la direction de projet et un protocole établissant la norme permettant d’accroître le carbone du sol et de réduire les émissions de GES sont autant d’éléments nécessaires à la génération de crédits de carbone. Toutefois, pour des projets fondés sur la nature tels que celui-ci, la partie la plus difficile est sans doute la collecte des données. C’est ce qui a conduit à la création de la plateforme AgIoT, solution technologique faite par des agriculteurs pour des agriculteurs.

Mise en oeuvre :

Pour accéder aux marchés du carbone, les projets ont besoin de mesures de référence, sur lesquelles les agriculteurs peuvent se fonder pour adopter des pratiques de gestion exemplaires, comme la fertilisation de précision ou les cultures couvertes, pour déterminer les progrès réalisés. La fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard a mis sur pied une initiative de culture à faible empreinte carbone, la « P.E.I. Low Carbon Cropping Initiative », qui s’étend à ce jour à 4 800 acres (env. 1 950 hectares) et constitue un projet conforme au marché des crédits compensatoires, avec pour objectif d’inscrire le projet sur un marché du carbone. Au début du projet, la fédération et ses agriculteurs ont fait un constat : les exploitations agricoles n’avaient aucune capacité de recueillir le degré de données requis pour accéder aux marchés du carbone. Elle a donc entrepris d’automatiser autant que possible l’engagement des agriculteurs au moyen de la plateforme AgIoT.

AgIoT automatise la collecte et le traitement des données afin de réduire la charge de travail des agriculteurs pour gérer et conserver leurs données. Des capteurs sur le terrain recueillent en temps réel les données, qui sont automatiquement téléversées dans le nuage ; l’utilisateur peut ensuite y accéder au moyen du tableau de bord d’AgIoT. Les algorithmes de la plateforme relatifs au carbone dans le sol et aux émissions de GES utilisent les données réelles des agriculteurs pour estimer la teneur des sols en carbone d’origine agricole et les émissions de GES, afin de déterminer l’incidence sur les émissions nettes de GES.

Retombées :

En 2024, une version semi-automatisée des algorithmes d’AgIoT a été utilisée pour modéliser des fermes pilotes participant à l’initiative de culture à faible empreinte carbone. Elle a analysé les volumes historiques déclarés des récoltes, des carottes de sol récentes et un modèle fondé sur un processus pour estimer les émissions de GES et le carbone dans le sol. Les résultats des fermes pilotes ont révélé que la réduction des émissions de GES des exploitations était de l’ordre de 50 à 150 kilogrammes d’équivalents de dioxyde de carbone par hectare. Les pratiques suivies par le projet pilote, notamment la gestion de précision des engrais azotés, ont également montré que les agriculteurs pourraient économiser de 50 $ à 120 $ d’intrants par hectare. Il s’agit là d’un effet direct de l’optimisation d’un système de production pour obtenir des résultats économiques et environnementaux positifs.

Si les gains d’efficacité ainsi modélisés étaient appliqués aux 86 500 acres (env. 35 000 hectares) de terres consacrées à la production annuelle de pommes de terre, on pourrait espérer une réduction de 1 750 à 5 250 tonnes d’équivalents de dioxyde de carbone par année. Et on ne parle là que de l’amélioration de la précision des données des agriculteurs pour obtenir des gains d’efficience.

Enseignements :

Carbon markets for nature-based projects is not for the faint at heart. It’s costly. It’s time consuming. And it’s complicated to measure, monitor, report and verify net GHG reductions from biological systems over time because there are many variables to consider that are out of a human’s control. But when you have the right mix of technical skills on the ground to build and apply data solutions like AgIoT, pursing carbon credits can be a pathway to unlock new innovations and efficiencies for farmers.

A farm operation that can collect the necessary data for accessing carbon markets will have a tremendous opportunity to improve decision making and profitability, which is more valuable than the actual carbon credit.

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Mettre à profit les marchés pour promouvoir la nature et accroître ses revenus

Marchés des titres compensatoiresSystème de négociation où des personnes souhaitant compenser leur incidence sur l’environnement en rémunèrent d’autres afin de créer des avantages environnementaux ailleurs.
Mécanismes de compensation intégréeRéduction ou compensation des effets sur l’environnement au sein de la propre chaîne de valeur d’une entreprise. L’entreprise investit dans des projets positifs pour la nature et le climat directement liés à ses fournisseurs, à ses activités ou à son réseau de distribution.
PrimesPaiement d’un supplément pour les produits ou services durables afin de couvrir le coût supérieur des solutions à faibles émissions de carbone ou respectueuses de l’environnement.
À toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement, les consommateurs ou les acheteurs paient un prix plus élevé ou accordent un traitement préférentiel pour favoriser une production durable ou la protection de la nature.
Accès au marchéPénétration du marché grâce au respect de normes ou de certifications précises en matière de durabilité.

Les marchés des services écosystémiques couvrent une gamme croissante de résultats, tels des mécanismes de négociation liés à la qualité de l’eau aux États-Unis, les marchés émergents de la biodiversité, comme en Australie, ou les systèmes d’échange de quotas d’émissions dans l’UE. Pourtant, l’activité sur les marchés est principalement axée sur la production de crédits provenant de la réduction, de l’élimination et de l’évitement des émissions de GES, grâce à des mécanismes de conformité et de réduction volontaire de son empreinte carbone. Au total, 15,3 milliards de dollars de crédits se sont échangés sur le marché des crédits compensatoires volontaires. Après avoir atteint un sommet de 2,6 milliards de dollars en 2021, l’activité de ce marché a connu une baisse constante et atteint en 2024 son niveau le plus bas depuis cinq ans, avec une valeur de 727 millions de dollars de crédits négociés25. Ce recul peut être attribué à des facteurs aggravants, notamment la phase de maturité que traverse le marché, avec l’intégration de garde-fous supplémentaires en matière d’intégrité et d’assurance, et la volatilité macroéconomique depuis la pandémie de coronavirus.

Malgré le repli du marché, la maturation du marché du carbone devrait stimuler le financement du capital naturel. Le marché de la compensation volontaire est toujours en phase de transition et cherche à améliorer la qualité des crédits offerts et à s’harmoniser avec les normes de conformité du marché. Un des premiers signes de redémarrage du marché de la compensation volontaire est la hausse de la demande de projets de qualité fondés sur la nature générant des crédits d’élimination des GES. C’est là l’occasion de réaliser des projets fondés sur la nature visant à extraire activement le dioxyde de carbone de l’atmosphère par une gestion et une restauration actives des puits de carbone, notamment les zones humides, les terres cultivées, les forêts, les prairies et les fonds océaniques. La récente évolution des protocoles de compensation fondés sur la nature offre les cadres nécessaires pour générer les crédits d’élimination des GES en demande.

Le « carbone bleu », par exemple, a le potentiel de purger chaque année l’atmosphère de trois gigatonnes de carbone, ce qui équivaut à plus de 3 % des émissions mondiales26. Avec l’élaboration de protocoles sur le carbone bleu comme l’initiative Tidal Wetland and Seagrass Restoration sur le registre de compensation du carbone de l’organisme VERRA, les communautés et les propriétaires terriens peuvent voir les résultats de leurs efforts de conservation sur le marché. Un projet de restauration de l’herbier marin dans les baies côtières de l’est de la Virginie, auquel participent des chercheurs, des spécialistes de la conservation, la collectivité locale et le Commonwealth de Virginie, permet de valider la faisabilité de l’introduction sur le marché d’un projet axé sur le carbone bleu, ce qui implique de modifier certaines lois, l’État étant propriétaire des fonds marins côtiers.

While nature-based protocols have allowed for increased market access, nature-based carbon offsets account for only 13% of voluntary carbon credits issued in 2025 to-date but hold more than 50% of annual carbon credit potential.27

Bien que les protocoles fondés sur la nature aient amélioré l’accès aux marchés, les mesures de compensation de carbone fondées sur la nature ne comptent que pour 13 % des crédits de carbone volontaires émis jusqu’ici en 2025, mais représentent plus de 50 % du potentiel annuel des crédits de carbone27.

Étude de cas

Lieu : Parc national de Cairngorms, en Écosse

La présentation des risques et du rendement aux investisseurs a permis de positionner ce projet de restauration de façon à attirer des investisseurs patients et, en retour, de bénéficier de contrats à long
terme permettant de réduire les coûts et l’incertitude du projet.

Élément déclencheur :

Les tourbières d’Écosse couvrent un cinquième de la masse terrestre du pays et contiennent environ 1,6 milliard de tonnes de carbone. Elles jouent également un rôle essentiel dans la filtration et la régulation du débit de l’eau, car elles influent sur l’approvisionnement en eau des villes voisines, comme Dundee et Aberdeen47. Cependant, plus de 80 % des tourbières du pays sont épuisées48. Cela tient à une combinaison de facteurs, notamment le drainage pour l’extraction de la tourbe, le pâturage du bétail et la plantation d’espèces non indigènes, comme certaines plantations de conifères. Aujourd’hui, les tourbières dégradées représentent plus de 3,5 % des émissions du Royaume-Uni et augmentent les risques d’inondation et les pertes d’habitat.

Le projet de restauration des tourbières de Cairngorms, un des plus importants du genre en Écosse, est une collaboration, saluée par un prix, entre des propriétaires fonciers, l’autorité du parc national de Cairngorms, Palladium, un cabinet d’études d’impact, et Revere, coordonnateur de la collaboration. Le projet associe financement public et financement privé pour partager les risques liés à la restauration des tourbières et assurer la durabilité des solutions de financement de la nature. Plus de 1 700 acres (env. 690 hectares), répartis sur neuf sites, sont en cours de restauration dans le parc national des Cairngorms.

Mécanisme de changement :

The project combines government funding via Peatland ACTION, a government program, with private finance through the sale of carbon offset credits verified by the Peatland Code–a voluntary certification standard for peatland restoration projects in the U.K. The Peatland Code ensures that projects are credible, providing assurance to investors through independent validation and verification. 

Carbon benefits from nature-based projects can take years to verify. As a result, revenue from carbon credit sales can be slow to materialize. This presented a challenge: find long-term investors that understand nature-based carbon and are willing to wait on their returns. Santander U.K. and Respira, an impact investor, met the challenge and provided partial funding, which facilitated an agreement with a British law firm that purchased some of the project’s Pending Issuance Units (PIUs) verified under the Peatland Code. Such patient investors were key to funding the upfront project costs.

At the start of the project, the collaborators agreed to allocate 10% of the project’s profits to a local community trust. A commitment that reflects rural Scotland’s community values and the collaborators’ responsibility to the local economy.

Mise en oeuvre :

La restauration commence par une évaluation de la santé de la tourbière, notamment en mesurant la profondeur de la tourbe et l’étendue de la dégradation. Un des principaux indicateurs de la réussite de la restauration des tourbières réside dans la hausse du niveau de la surface de l’eau. Lorsque les tourbières s’assèchent, elles sont plus susceptibles de se dégrader et de relâcher des GES, ce qui endommage les riches écosystèmes qu’elles entretiennent.

Des stratégies pour relever la surface de l’eau consistent à obstruer les drains artificiels, à restaurer les fonctions de prévention de l’érosion par la création de « digues » telles qu’un remblai ou un barrage, et à remodeler ou à revégétaliser les zones de tourbe nue. Le Peatland Code propose une méthodologie pour calculer l’incidence de ces approches sur les émissions de GES, en évaluant l’état de la tourbière avant et après la restauration.

Retombées :

Les projets de restauration des neuf sites permettent d’éviter des émissions de carbone sur la durée de 30 ans du projet, ce qui équivaut au retrait de l’atmosphère de plus de 44 000 tonnes de dioxyde de carbone. Le projet a également pour effet d’améliorer les habitats naturels en préservant des espèces animales comme le pluvier doré, le lagopède d’Écosse, le pipit des prés et le courli. Les tourbières en bonne santé permettent aussi de filtrer naturellement l’eau, ce qui réduit la quantité de polluants et de nutriments qu’elle peut contenir.

Les collaborateurs au projet ont également travaillé avec la Scott Land Commission et le gouvernement écossais pour développer des avantages économiques au-delà du seul rendement financier des crédits de carbone, comme les occasions d’emploi pour les entrepreneurs. Cela permet d’offrir des avantages tangibles et immédiats aux collectivités locales, en y investissant à long terme l’engagement financier de 10 % évoqué plus haut.

Enseignements :

Les cours actuels du marché du carbone et les fonds gouvernementaux ne suffisent pas à couvrir les coûts du projet. Attirer du financement par actions nécessite d’établir des accords d’enlèvement offrant aux investisseurs des garanties appropriées, aptes à leur donner confiance dans la gestion des risques et la viabilité à long terme du projet.

En plus de l’augmentation des sommes consacrées à la restauration dans le cadre de projets à long terme, les sous-contrats à long terme offrent une certitude accrue quant au budget du projet et permettent à l’équipe de prévoir et de tarifer avec plus d’exactitude les crédits de carbone qu’elle vend aux entreprises. Si la base des coûts est stable, il est plus facile de calculer les revenus nécessaires à la rentabilité du projet.

Photo credit: Ed Smith

Des investisseurs patients sont essentiels pour obtenir de la nature des rendements solides

La mise en marché de projets fondés sur la nature de qualité prend du temps. La longueur des changements écologiques et la difficulté inhérente à l’attribution de résultats précis et mesurables en matière de biodiversité à une intervention donnée ajoutent à la complexité et au coût de ce type d’intervention.

Par exemple, les résultats de la création de mesures de compensation de carbone à partir de projets fondés sur la nature peuvent prendre des décennies à vérifier. Les personnes participant à un projet de restauration des tourbières dans les hautes terres d’Écosse ont dû relever un défi : trouver des investisseurs suffisamment patients pour attendre avant d’obtenir des rendements. Une méthode consiste à obtenir des acheteurs des garanties de marché par l’intermédiaire de rendements de crédits différés pour l’élimination du carbone ou des avantages en matière de biodiversité qui auront sur le marché une valeur supérieure, mais qui sont plus longs à générer, comparativement à des projets d’énergies renouvelables susceptibles de générer des crédits dès le jour de leur mise en œuvre. Un exemple récent est la Symbisis Coalition, formée de Microsoft, Google, Salesforce, Meta et McKinsey & Company. Ces grandes entreprises offrent des garanties aux investisseurs réfractaires au risque.

Étude de cas

Lieu : Rives est de la Virginie, États-Unis

Le leadership de la collectivité en matière de recherche et de conservation a conduit au plus important projet de restauration de l’herbier marin au monde. Les changements apportés à la législation de l’État ont permis de lier le projet au marché du carbone, avec pour effet de créer une nouvelle source de

Élément déclencheur :

Avec plus de 133 000 acres (env. 53 850 hectares) de terres conservées et protégées s’étalant sur 120 kilomètres, la réserve littorale de la Virginie (Virginia Coast Reserve) est la plus longue étendue sauvage côtière de la côte est. Les parties prenantes du littoral, comme The Nature Conservancy, qui possède et gère activement plus de 40 000 acres (env. 16 200 hectares) de cette superficie, contribuent de bien des façons à l’écosystème naturel et à l’économie locale – en stimulant la biodiversité des poissons et des crustacés ainsi qu’en protégeant et en restaurant les barrières naturelles qui protègent les collectivités des événements météorologiques extrêmes, comme les ouragans. Il manquait toutefois un élément à cet écosystème croissant et vivant.

Depuis plus de 70 ans, on pensait que la zostère, herbe aquatique poussant dans les baies peu profondes, avait disparu des baies côtières de Virginie à la suite d’une épidémie d’agents pathogènes et de la tempête de 1933. Une petite trace en a été découverte en 1999, ce qui indiquait qu’une source de graines migrait probablement de la baie de Chincoteague et a suscité l’optimisme quant à une possible restauration de la zostère49.

La restauration de la zostère présente de nombreux avantages, notamment la création d’un environnement favorable pour la pêche commerciale et récréative, car elle sert de pépinière pour les poissons et les crustacés, la prévention de l’érosion des rivages et la séquestration du carbone. La plantation de zostère et le carbone séquestré au fond de l’eau dans ses racines sont appelés le « carbone bleu » ; celui-ci peut rester au fond de l’eau durant des milliers d’années, ce qui en fait l’une des solutions au changement climatique les plus durables.

Mécanisme de changement :

L’approche adoptée pour la mise en œuvre à grande échelle de la restauration de la zostère en Virginie est un modèle de collaboration dans le cadre d’un projet fondé sur la nature complexe. The Nature Conservancy, le Virginia Institute of Marine Science, l’Université de Virginie et le Commonwealth de Virginie y contribuent tous de différentes façons : réensemencement, engagement de la collectivité, mesures et surveillance, et modification des politiques publiques.

Ce projet sert également de validation de concept pour la façon d’amener les projets liés au carbone bleu sur les marchés du carbone. Bien que la production de crédits de carbone n’ait pas été l’idée-force de cette collaboration, elle a offert à l’équipe un moyen de financer ses efforts de restauration pour l’avenir. Mais pour positionner le projet de restauration de la zostère de façon à générer des crédits de carbone à vendre, il était nécessaire de mettre en place des protocoles et de modifier des politiques.

Pour commencer, un protocole de compensation, Tidal Wetland et Seagrass Restoration, a été créé dans le registre des crédits compensatoires de Verra en 2015. L’équipe du projet a ainsi pu suivre une approche normalisée pour mesurer, déclarer et vérifier les effets du réensemencement de zostère sur l’élimination du carbone. Le deuxième élément manquant était d’habiliter le Commonwealth de Virginie à posséder et à vendre des crédits de carbone liés à des projets de restauration de la nature, une pratique qui n’était pas reconnue dans sa législation. Le Commonwealth de Virginie possède tous les fonds marins de l’État, et, de ce fait, les droits légaux sur le carbone qui y est stocké. Des modifications apportées aux lois ont permis à l’État de participer à des projets de compensation du carbone et d’exiger que tout produit de la vente de crédits de carbone soit réinvesti dans le projet – pour financer une surveillance et des recherches supplémentaires ou pour couvrir des coûts administratifs.

Mise en oeuvre :

L’ensemencement direct de zostère génère des crédits dans le cadre du projet de restauration, ce qui permet d’accroître la superficie de l’herbier marin dans la région. Le Virginia Institute of Marine Science dirige les pratiques de restauration, et The Nature Conservancy mobilise la collectivité, qui a joué un rôle crucial dans la collecte de plus de 72 millions de graines. Ces graines ont été éparpillées sur 700 acres (env. 285 hectares) afin d’accélérer la propagation naturelle de la zostère, qui couvre à présent quelque 10 000 acres (4 050 hectares) dans les baies South, de Spider Crab, de Hog Island et de Cobb Island. La zone visée par le projet lié au marché du carbone, et qui respecte les critères du protocole de compensation, couvre une superficie d’environ 3 000 acres (env. 1 215 hectares) – ce qui comprend la zone où la zostère est restaurée et les fonds marins disponibles pour étendre la restauration.

Retombées :

Le projet devrait permettre de retirer de l’atmosphère l’équivalent de plus de 42 000 tonnes d’équivalents de dioxyde de carbone (éq. CO2) en 30 ans, ce qui permettra de recueillir 1,4 million de dollars pour la recherche et la gestion de la restauration de la zostère sur les côtes de Virginie.

Les avantages économiques du projet vont bien au-delà des crédits de carbone. Au début des années 1930, le pétoncle de baie était abondant le long du littoral, ce qui soutenait la pêche commerciale. La disparition de la zostère a toutefois entraîné la destruction de l’habitat de prédilection de ce crustacé. Une restauration réussie de la zostère pourrait ouvrir la voie à une restauration potentielle du pétoncle – et la nature ouvrirait ainsi la voie à un renouveau de la pêche récréative et commerciale. Le secteur de l’élevage de crustacés en aquaculture s’est inquiété que l’expansion de la zostère puisse faire concurrence aux crustacés sur les fonds marins, mais de nouvelles recherches et de nouvelles approches de planification inclusive de l’utilisation des terres permettent d’assurer la réussite à la fois de la conservation et du secteur de l’élevage de crustacés.

Enseignements :

La génération de crédits de carbone sur un marché bien établi peut prendre des années, ce qui souligne le fait qu’il s’agit d’une bonne option pour contribuer à un financement mixte, mais ce n’est souvent pas l’élément décisif de la réussite d’un projet. En fin de compte, le projet doit profiter aux collectivités, à la nature et aux entreprises par des moyens allant au-delà des crédits de carbone, afin de favoriser la durabilité des projets de solutions fondées sur la nature.

Photo credit: Nature Conservancy of Canada

Conscient que les agriculteurs, les exploitants forestiers et les pêcheurs ne peuvent pas assumer tous les risques liés à l’investissement dans la constitution du capital naturel, un mouvement grandissant a commencé à promouvoir des pratiques agricoles durables grâce à du financement de la chaîne logistique et à des mesures d’encouragement. Des acheteurs, dont PepsiCo, investissent dans des fournisseurs d’intrants, comme les entreprises d’engrais Nutrien et Yara, par divers mécanismes, dont des programmes de compensation intégrée, des paiements pour certaines pratiques et de primes vertes, pour un total de plus de 1,6 milliard de dollars publiquement promis par des entreprises à ce jour28.

Hausser la barre en matière de chaînes d’approvisionnement durables

Primes vertes : les prix payés pour les produits répondant aux normes de durabilité sont plus élevés – les conditions d’accès aux marchés favorables liées aux critères de durabilité jouent un rôle important dans la promotion des pratiques durables. Mais une question fondamentale demeure : qui doit payer la prime ? On présume souvent que la prime verte est supportée par l’acheteur final, alors qu’en pratique, ce dernier a besoin d’un signal du marché pour la payer. De ce fait, les primes sont sporadiques sur le marché. Depuis peu, les agriculteurs qui cultivent des matières premières destinées aux biocarburants, comme le canola, le soja et le maïs, observent l’émergence sur le marché de primes vertes pour prouver la durabilité de leur production et accéder à des marchés comme l’UE et les États-Unis.

Ces primes vertes sont souvent appuyées par des certifications qui encouragent de façon plus générale une gestion responsable des ressources et le bien-être de la collectivité, ainsi que l’établissement de normes pour les pratiques associées. À l’échelle mondiale, la part de marché des ressources affichant ces certifications est en croissance, 19 % des prises d’origine marine étant liées au Marine Stewardship Council (MSC) et quelque 200 000 millions d’hectares de forêts dans le monde étant certifiés par le Forest Stewardship Council (FSC)2930.

Bien que ces certifications aient été critiquées en raison de leur rigueur, elles s’avèrent efficaces pour faire progresser et suivre la mise en œuvre des pratiques voulues sur le terrain. Par exemple, la surveillance des mammifères au Gabon et en République du Congo montre que la diversité des espèces est plus importante dans les forêts certifiées FSC que dans les forêts non certifiées31. De telles certifications demeurent l’une des rares approches existantes à grande échelle à favoriser la normalisation du marché en ce qui a trait à l’utilisation durable des ressources naturelles et à en permettre la reconnaissance et la promotion dans la chaîne d’approvisionnement.

Ces certifications se ctorielles sont souvent indépendantes des gouvernements, mais ces derniers stimulent aussi les marchés en faveur de la nature. Au Royaume-Uni, dans le cadre du programme Biodiversity Net Gain, les versements au titre du crédit pour la biodiversité ont atteint plus de 360 000 $ pour la première année d’exploitation (de 2024 à 2025)32. Un mécanisme de marché qui crée de la valeur pour ceux qui gèrent des actifs naturels, comme les agriculteurs, en dehors des zones de développement, et qui incite les développeurs à intégrer la nature dans leurs nouvelles constructions. Wendling Beck, une collaboration dirigée par quatre agriculteurs du comté de Norfolk, au Royaume-Uni, montre la façon dont les exploitants agricoles peuvent tirer profit des occasions de revenu offertes par les marchés de l’environnement, tout en produisant des aliments.

Étude de cas

Lieu : Wendling Beck, comté de Norfolk, Royaume-Uni

L’ambition de construire 300 000 logements par an au Royaume-Uni et un programme complémentaire de compensation pour la biodiversité offrent aux agriculteurs une nouvelle façon de générer des revenus et de renforcer la résilience sur leurs terres.

Élément déclencheur :

Les pénuries d’eau se multiplient dans le comté de Norfolk. En 2045, le déficit en eau dans le comté pourrait atteindre 472 millions de litres par jour50. Cette situation est causée par une délivrance de permis et une extraction d’eau des cours d’eau de la région excessives, par l’augmentation de la population et par les effets des changements climatiques, ainsi que par la pollution de l’eau. Ce stress hydrique pose de réels problèmes pour la croissance économique, qu’il s’agisse de pertes de rendement dans les exploitations agricoles ou de la disponibilité de l’eau nécessaire aux infrastructures bâties, à la fabrication et à la consommation humaine.

Outre la nécessité d’atténuer les facteurs de stress environnementaux, comme la disponibilité de l’eau, les agriculteurs britanniques font de plus en plus face à des difficultés économiques. Le financement accordé au titre de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE est appelé à disparaître progressivement au Royaume-Uni d’ici 2028, et une intégration de subventions régionales est en cours. Qui plus est, l’augmentation de la volatilité et de la fréquence des événements perturbateurs, comme les sécheresses ou les droits de douane, peut déstabiliser les entreprises agricoles – et stimuler la demande de sources de revenus plus diversifiées et durables autres que les marchés des marchandises agroalimentaires.

Mécanisme de changement :

Farmers are known for helping their neighbours and community. But managing private land is often an individual endeavor.Four farmers from Wendling Beck are challenging this norm by working with conservation organizations and the local water utility company to lead landscape-scale adoption of nature-based solutions, delivering positive outcomes for water, biodiversity, climate and the farmers’ businesses.

Grants kickstarted the feasibility phase of the Wendling Beck farmers’ adoption of nature-based solutions. This helped mitigate the risks for the farmers if new practices such as rehabilitating marginal land did not net out positively. Now, the farmers’ efforts in rehabilitating landscapes and maintaining practices are enabled through private finance, ecotourism, and environmental marketplaces. Biodiversity net gain (BNG) units are a key source of revenue under the new scheme introduced in 2024, which requires developers to deliver at least a 10% net increase in biodiversity compared to pre-development conditions.

Mise en oeuvre :

Over 2,000 acres are being rehabilitated with diverse activities on the land, including food production, wildlife habitat, flood management and water quality improvements. These activities are the result of farmers adopting nature-based solutions, including species-rich grassland restoration. Wendling Beck farmers continue to generate revenue through farming black currents and raising livestock on grasslands, stacked with revenue from environmental credits.

To ensure there is evidence backing the rigor of the credits sold by the farmers, counterfactual baseline measurements were set, and ongoing monitoring is conducted to ensure impacts are accounted. Species count, water quality and carbon sequestration are all being monitored through remote sensing, surveys, and eDNA barcoding.

Plus de 2 000 acres (env. 800 hectares) font l’objet d’une remise en état par diverses activités sur le territoire, notamment la production de nourriture, l’habitat de la faune, la gestion des inondations et l’amélioration de la qualité de l’eau. Ces activités sont le résultat de l’adoption par les agriculteurs de solutions fondées sur la nature, notamment la restauration de prairies riches en espèces. Les agriculteurs de Wendling Beck continuent de générer des revenus en cultivant du cassis et en élevant du bétail dans les prairies, auxquels s’ajoutent des revenus provenant des crédits environnementaux.

Pour veiller à ce que la rigueur des crédits vendus par les agriculteurs soit justifiée par des preuves, des mesures de base contrefactuelles ont été établies, et un suivi continu est effectué pour s’assurer que les effets sont pris en compte. Le nombre d’espèces, la qualité de l’eau et la séquestration du carbone sont autant d’éléments qui sont surveillés par des moyens de télédétection, des sondages et des codages à barres de l’ADNe.

Retombées :

Ultimement, les agriculteurs de Wendling Beck ont revu leur modèle d’affaires, en se diversifiant au-delà de la production de revenus tirés de la production alimentaire pour tirer également profit de leur contribution à l’édification du capital naturel au Royaume-Uni. Le modèle financier du projet utilise de façon prudente 47 000 $ CA par unité de biodiversité, ce qui assure aux cultivateurs de Wendling Beck des revenus projetés de 131 millions de dollars de revenus sur plus de 30 ans. Ils ont déjà près de 10 millions de dollars sous contrat. Ces crédits correspondent à 1 500 acres (env. 610 hectares) de création d’habitats. De plus, dans le cadre du programme de neutralité des rejets de nutriments, le projet retourne 400 acres de terre à l’habitat naturel afin d’obtenir des crédits au titre des nutriments pour les projets de construction d’habitations. Le programme oblige les promoteurs immobiliers à compenser et à atténuer l’incidence nette du ruissellement des nutriments des nouveaux projets domiciliaires vers les habitats aquatiques protégés par l’achat de crédits. La création de crédits de neutralité des rejets de nutriment par les agriculteurs de Wendling Beck a permis de construire environ 2 000 logements à Norfolk51.

Enseignements :

L’élaboration d’une grille de vision et l’encouragement de l’harmonisation parmi les parties prenantes se sont avérés essentiels à la réussite du projet à mesure que le nombre de celles-ci augmentait. Les projets de financement de la nature rassemblent souvent des parties prenantes issues de différents secteurs et ayant des objectifs différents. L’élaboration d’une vision commune peut faire progresser la réalisation d’un objectif commun, communiquer la façon dont les éléments d’un projet contribuent aux objectifs généraux et favoriser la continuité à mesure que de nouvelles parties prenantes s’ajoutent à l’équipe au fil des étapes du projet.

Le modèle de Wendling Beck est évolutif, et les flux de financement de la nature peuvent être cumulés, mais il nécessite de combler le fossé entre production agricole et savoir-faire en matière de conservation de l’environnement, afin d’élaborer des solutions pratiques pour les exploitations agricoles en activité. Les agriculteurs ayant participé au projet Wendling Beck permettent maintenant à d’autres régions de faire la même chose par l’entremise d’une société de services-conseils dirigée par des agriculteurs.

Photos: The Wendling Beck Project
Photo credit: The Wendling Beck Project

Libérer le potentiel de la nature grâce à des modèles d’affaires

Résultats triplesCadre de gestion mesurant la réussite selon trois volets : les gens (volet social), la planète (volet environnemental) et les profits (volet économique).
 
Les entreprises intègrent les résultats sociaux et environnementaux dans leurs stratégies parallèlement aux résultats financiers et font souvent un suivi des paramètres pour chaque volet.
Produits et services durablesModèles d’affaires concevant, produisant et offrant des biens ou services ayant un minimum d’incidence négative et souvent des effets positifs sur l’environnement et la société.
 
Les produits et services sont conçus pour réduire l’utilisation des ressources et promouvoir la circularité, un approvisionnement éthique et des avantages sociaux et sont commercialisés en tant que solutions durables

Au cours de la dernière année, la nature s’est imposée comme une priorité dans l’information ESG des entreprises. Un sondage réalisé par la Stanford University Business School auprès d’investisseurs révèle que la durabilité des chaînes d’approvisionnement et le capital naturel arrivent en 3e et 4e positions dans la liste des facteurs environnementaux dont ils tiennent compte en priorité dans l’information ESG d’une société33. Les mesures relatives au climat demeurent la principale considération dans le domaine de l’environnement et sont parmi les trois principaux motifs de l’engagement ESG des investisseurs à l’égard des trois piliers des questions ESG. Il s’agit d’un point important, car les enjeux naturels et climatiques sont liés, en particulier dans les secteurs fondés sur la nature, comme l’industrie forestière, où l’atténuation des risques reste un souci majeur pour les investisseurs dans leur engagement ESG auprès des entreprises34.

L’intérêt croissant pour la nature résulte de la demande des investisseurs et de la reconnaissance des risques associés au non-respect par les entreprises d’une gestion responsable du capital naturel. Lors de la conférence de Cali sur la biodiversité, ou COP16, organisée en 2024 par l’ONU en Colombie, plus de 27 fonds de retraite ont dénoncé l’inaction des gouvernements et exigé une réglementation et des normes plus rigoureuses pour résoudre la crise de la nature. Black Rock a déclaré publiquement que la préservation de la nature – l’eau, le carbone des sols et la biodiversité – était une catégorie fondamentale d’actifs. Goldman Sachs a lancé un fonds d’obligations pour la biodiversité avec pour objectif de recueillir plus de 700 millions de dollars. Le Government Pension Fund Global de l’État norvégien, qui gère pour 2 100 milliards de dollars d’actifs, a publié une évaluation des risques liés à la nature pour environ 90 % de son portefeuille35.

Des modèles d’affaires axés sur la collectivité qui fonctionnent

Un nombre croissant d’investisseurs recherchent des entreprises capables de démontrer une approche durable dans leur relation avec les actifs naturels et l’utilisation qu’ils en font. Les entreprises qui réduisent l’intensité de leur incidence sur l’écosystème et leur empreinte carbone et foncière sont également plus performantes. L’indice de la biodiversité S&P 500, annualisé sur 5 ans, dépasse légèrement (de 0,26 %) l’indice S&P 500b.

Repenser les modèles d’affaires conventionnels des entreprises et des secteurs d’activité qui misent sur des actifs naturels est l’occasion de replacer le rôle stratégique de la nature dans une économie en croissance. Mais l’adhésion et les preuves sur le terrain sont essentielles. Un collectif d’agriculteurs, d’organismes de conservation et d’entreprises des Prairies canadiennes coopère pour déterminer si les plans de gérance de l’eau du bassin du lac Winnipeg sont bons pour les affaires. Poussé par la curiosité, ce groupe crée un modèle d’évaluation du rendement des investissements et des marges de profit des agriculteurs intégrant une comptabilité de la nature, qui soit reproductible et adaptable dans toutes les régions agricoles.

Étude de cas

Lieu : Sud du Manitoba, Canada

Les agriculteurs font évoluer leur rôle dans la conservation de la nature en menant des activités de gérance de l’eau dans leurs exploitations. Des agriculteurs du sud du Manitoba montrent comment leurs
pratiques produisent des résultats positifs pour l’environnement dans leur bassin hydrographique et améliorent leurs résultats financiers.

Élément déclencheur :

Le lac Winnipeg, dixième lac d’eau douce le plus vaste au monde, s’est détérioré au cours des 50 dernières années en raison du ruissellement de nutriments provenant de l’agriculture, de l’aménagement urbain et des déchets municipaux et industriels. Cette situation a permis aux algues de s’épanouir, ce qui est un obstacle à l’utilisation de l’eau à des fins industrielles et nuit aux activités récréatives sur le lac52. Cela coûte cher à l’économie canadienne et aux entreprises qui dépendent de la stabilité de la qualité et de la quantité de l’eau, notamment les agriculteurs du bassin du lac Winnipeg.

Mécanisme de changement :

Un collectif rassemblant des organisations, des entreprises agricoles et quatre exploitations agricoles couvrant plus de 45 000 acres (env. 18 200 hectares) des Prairies s’est réuni pour concevoir un projet visant à faire valoir les avantages des pratiques de gérance de l’eau pour les entreprises53. Un projet de recherche appliquée aide ce groupe à comprendre comment les plans de gérance de l’eau et leur mise en œuvre peuvent créer de la valeur pour les agriculteurs, en leur donnant les moyens de relater des histoires fondées sur des données à propos de leur contribution à des résultats positifs sur le plan environnemental.

Bien que le financement ne soit pas la raison ayant incité les agriculteurs à se joindre au collectif – c’était plutôt la curiosité de connaître les effets de la gérance de l’eau sur leurs exploitations et le désir d’en témoigner –, les entreprises du groupe travaillent avec les agriculteurs participants pour mettre à l’essai des modèles de mesures d’encouragement, notamment une combinaison de crédits de carbone et de paiements visant à encourager certaines pratiques. Nutrien, producteur d’engrais canadien, travaille avec deux des fermes participantes dans le cadre de son programme Sustainable Nitrogen Outcomes, axé sur l’azote durable . Le programme offre des paiements en fonction des résultats en matière de réduction des émissions de GES obtenus grâce à une meilleure gestion des engrais azotés par les agriculteurs54.

Mise en oeuvre :

Les agriculteurs mettent en œuvre des pratiques tirées de leurs plans de gestion de l’eau et travaillent avec une équipe de recherche pour évaluer le rendement de leurs investissements dans la rentabilité, la productivité et l’environnement. Les pratiques de gestion de l’eau ont été classées et évaluées en fonction de deux stratégies. La première met en œuvre des pratiques ciblées sur des terres cultivables, ce qui comprend des changements dans le travail du sol, l’adoption de technologies agricoles de précision et une rotation des récoltes. La deuxième est axée sur l’amélioration des milieux naturels non cultivés se trouvant sur une propriété agricole, comme la restauration de terres agricoles marginales ou l’amélioration des zones humides, des haies et des espaces verts. Les résultats évalués des pratiques adoptées en 2023 et en 2024 par les quatre exploitations agricoles sont notamment l’amélioration de la qualité de l’air, l’amélioration de la santé des sols et l’accroissement de la biodiversité, qui étaient organisés en fonction du bien public et du bien privé.

Retombées :

Les agriculteurs ont généré en moyenne une valeur de 6 900 $ par acre (17 000 $/ha) pour le public grâce à des services écosystémiques comme la pollinisation, l’habitat  , la santé des sols et la régulation de l’eau. La valeur retournée aux agriculteurs, selon les cours du marché du carbone dans la région, a été de 33 $ l’acre (81,51 $/ha).

Le projet a aussi eu des conséquences sociales. Grâce à des activités de partage des connaissances et à des visites de fermes, les membres de la communauté agricole ont été sensibilisés à l’importance de gérer l’eau et ont manifesté un engouement et un intérêt considérable à cet égard. Ce projet inspire également des efforts environnementaux similaires, axés sur la gérance de l’eau, dans d’autres régions.

Enseignements :

Les gouvernements jouent un rôle clé dans l’écosystème de soutien aux agriculteurs, par du financement, des prolongations et de la normalisation. Toutefois, les échéanciers et les priorités du gouvernement ne correspondent pas toujours à ceux des agriculteurs et des entreprises. Néanmoins, le fait de ne pas faire jouer un rôle actif au gouvernement au sein du collectif est devenu un obstacle à l’élargissement de ses résultats. Son absence a également fait manquer des occasions de faire concorder les plans de gérance de l’eau des agriculteurs avec les programmes gouvernementaux. Le collectif travaille activement à mobiliser le gouvernement et à tirer parti des occasions découlant de la collaboration.

Photo credit: Mike Nemeth

Dans un modèle d’affaires à triple résultat, les multiples sources de revenus peuvent contribuer à atténuer les frictions entre l’environnement, la résilience des collectivités et les objectifs de croissance économique. Un cadre financier et politique favorable y contribue également. Un plan de gestion fondé sur les écosystèmes ayant cartographié les multiples objectifs environnementaux, communautaires et économiques de la gestion forestière a permis de positionner la forêt communautaire de Cheakamus entourant Whistler, en Colombie-Britannique, de façon à établir un modèle d’affaires résilient équilibrant les revenus tirés des services écosystémiques et de l’exploitation du secteur agricole.

Étude de cas

Lieu: Whistler (Colombie-Britannique), Canada

Les accords relatifs à la forêt communautaire de la Colombie-Britannique, qui marquent le passage des conflits au développement économique axé sur la collectivité, ont ouvert la voie à une exploitation forestière collective qui met en oeuvre un modèle d’affaires à trois types de résultats et tire profit de services écosystémiques comme la séquestration du carbone, le tourisme et l’exploitation forestière.

Élément déclencheur :

Les conflits relatifs à la gestion et la propriété de la forêt étaient un problème de longue date en Colombie-Britannique. En réponse aux demandes accrues de contrôle des forêts par les Premières Nations et les collectivités locales, la province a instauré en 1998 des permis d’exploitation de la forêt par secteurs, appelés Community Forest Agreements (CFA) – ou accords relatifs à la forêt communautaire. Cela a permis d’établir un nouveau type de tenure pour la gestion forestière, qui est conforme aux valeurs et à la vision des collectivités locales en matière de développement.

Mécanisme de changement :

Les accords relatifs à la forêt communautaire visent les terres provinciales de la Couronne en Colombie-Britannique, qui couvrent environ 94 % du territoire. Les permis sont délivrés par la province aux collectivités qui établissent un plan de gestion comportant des engagements visant à obtenir des retombées plus larges sur le plan social, économique et de l’utilisation des ressources. Ces plans de gestion sont essentiels à la réussite des accords et donnent aux collectivités les moyens d’élaborer un modèle d’affaires qui génère des avantages sociaux, économiques, culturels et environnementaux, en veillant à ce que la gestion des forêts soit dictée par les valeurs et les priorités locales. Les accords relatifs à la forêt communautaire sont également à long terme (d’une durée de 25 à 99 ans) et accordent aux communautés le droit exclusif de récolter du bois d’œuvre et de gérer les produits botaniques forestiers dans une zone déterminée. 

On compte aujourd’hui 62 de ces accords, qui couvrent environ 5 % du volume annuel des récoltes sur les terres publiques en Colombie-Britannique55. Environ la moitié de ces accords sont mis en œuvre par des nations autochtones ou des nations travaillant en partenariat avec des communautés non autochtones pour superviser les activités visées par ces accords. Par exemple, la forêt communautaire de Cheakamus est un partenariat trilatéral entre les nations Lil’wat et Squamish et la municipalité de villégiature de Whistler. La forêt communautaire de Cheakamus s’étend sur 81 589 acres (env. 33 032 hectares). Ses tenures sont gérées selon un plan de gestion fondée sur l’écosystème qui met l’accent sur les fonctions écosystémiques, les valeurs culturelles, l’atténuation des risques de feux de forêt et les activités récréotouristiques, tout en planifiant les activités de récolte.

Mise en oeuvre :

Le plan de gestion fondée sur l’écosystème de la forêt communautaire de Cheakamus a mené à l’élaboration d’un programme de compensation des émissions de carbone, car la conservation et la protection de la forêt étaient une priorité pour la collectivité dans le cadre de ce plan. Le plan de gestion fondée sur l’écosystème a permis d’orienter l’approche de la gestion des forêts dans la collectivité. Il prévoit des niveaux de récolte réduits, des périodes de rotation prolongées, des réserves accrues et un renforcement de la protection de la forêt ancienne et des habitats de la faune sauvage par rapport aux pratiques forestières standard. Du fait de ces pratiques et de la conclusion d’un accord de partage des avantages atmosphériques, la forêt communautaire de Cheakamus exploite le seul projet de compensation du carbone de la forêt communautaire en Colombie-Britannique, ce qui génère des revenus permettant de financer ses initiatives de gérance et de lutte contre les changements climatiques.

La forêt communautaire de Cheakamus entoure le centre de villégiature de Whistler, l’une des principales destinations touristiques de la province, ce qui permet à la collectivité d’offrir des expériences touristiques dans toute la forêt gérée. Cela ajoute aussi la responsabilité accrue de prendre des mesures à grande échelle de réduction des risques de feux de forêt pour protéger l’interface entre les zones naturelles et la zone urbaine de Whistler. L’équipe de la forêt communautaire de Cheakamus a récemment effectué une évaluation des risques liés aux changements climatiques et déterminé les zones exposées à des risques de feux de forêt et de sécheresse, ce qui permet de documenter les plans stratégiques d’exploitation forestière afin de créer une forêt diverse et résiliente face aux changements climatiques.

Retombées :

La tenure de la forêt communautaire contribue annuellement à hauteur de 1 à 2 millions de dollars à l’économie du corridor « Sea-to-Sky » grâce à la récolte du bois, soutient l’emploi et le renforcement des capacités des Autochtones et assure une gouvernance transparente et axée sur la collectivité grâce à une participation active de la collectivité et à des accords de partage de l’information.

Depuis sa création en 2009, la forêt communautaire de Cheakamus a démontré des résultats réels sur l’environnement grâce à une gestion améliorée des forêts, conformément au protocole de compensation du carbone des forêts de la Colombie-Britannique, ce qui permet d’éviter des émissions annuelles de 10 000 à 15 000 tonnes de dioxyde de carbone et a permis de générer plus de 150 000 crédits de carbone à ce jour, ce qui représente quelque 100 000 $ tirés annuellement de la vente de crédits carbone et à réinvestir dans la gérance des forêts56.

Enseignements :

Dans un modèle d’affaires à trois résultats, les frictions entre l’environnement, la résilience des collectivités et la croissance économique peuvent mener au développement de multiples sources de revenus contribuant au renforcement du capital naturel. Le Plan de gestion basée sur l’écosystème a été essentiel pour déterminer comment créer des occasions gagnant-gagnant pour la collectivité et préparer le terrain pour le projet relatif au carbone. Pour que d’autres en fassent autant, il est indispensable d’instaurer des politiques qui placent d’autres forêts communautaires dans une position leur permettant de tirer profit de leur travail en produisant des services écosystémiques, comme l’atténuation des émissions de GES. Il s’agit d’une occasion à explorer dans le cadre du mandat qu’a récemment reçu le ministre des Forêts de la Colombie-Britannique d’étendre le système de tenure des forêts communautaires.

Photo credit: Heather Beresford

Faire une place à la comptabilité de la nature dans les livres

Bien utilisée, la comptabilité de la nature peut conduire à des projets plus intelligents, à des chaînes d’approvisionnement résilientes, à une réduction des pertes en cas de catastrophe et à des pipelines d’actifs naturels investissables – avec pour effet de transformer les écosystèmes en facteurs de richesse. Mais les cadres existants, tel le SEEA des Nations Unies, ont besoin d’un plus grand nombre de cas d’utilisation pour démontrer leur valeur et orienter les investissements.

Au Canada, la Stratégie sur les minéraux critiques et les grands projets s’y inscrivant pourraient faire office de révélateurs pour la mise en œuvre du SEEA dans l’évaluation de projets et les plans de mobilisation de capitaux. Cependant, il est essentiel d’inclure les terres, les valeurs et les connaissances autochtones dans le cadre du SEEA pour combler l’écart entre le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC) et les paramètres de comptabilité naturelle. Les droits et les connaissances des Autochtones doivent être au cœur de la comptabilité de la nature, de sorte que la croissance économique bâtisse un patrimoine naturel et soit respectueuse de ceux qui en assurent la gérance.

L’intégration de valeurs de capital naturel dans les études d’impact et les programmes de croissance plus larges, comme le plan de changement du Royaume-Uni, pourrait faire en sorte que les nouveaux développements libèrent de l’investissement pour des infrastructures vertes et aient lieu là où les exigences en matière d’utilisation de l’eau peuvent être satisfaites. La comptabilité de la nature dans la vallée de la Tamise, une des régions souffrant le plus de stress hydriques au Royaume-Uni, pourrait transformer la façon d’évaluer les projets domiciliaires et d’infrastructures. L’utilisation de la nature comme un atout dans les processus décisionnels relatifs à l’aménagement foncier et à la construction peut permettre de recadrer l’approche des autorités locales et des promoteurs en matière d’évaluation des coûts économiques et des compromis dans la gestion de l’eau, ainsi que d’élargir la gamme d’options, notamment les options grises, vertes et hybrides.

Enfin, pensons au bassin versant de la baie de Chesapeake, qui couvre six États le long des côtes est des États-Unis et qui est exposé à une des pollutions par les nutriments les plus importantes du pays ; les causes en sont l’industrie, l’agriculture et les ruissellements urbains, qui entraînent une détérioration de la qualité de l’eau, des pertes d’habitats et des répercussions économiques sur les pêches et les loisirs36. L’intégration de la valeur du capital naturel dans la planification des infrastructures et de l’utilisation du territoire permettrait d’investir de façon ciblée dans les infrastructures vertes et les services écosystémiques. Elle donnerait aussi la possibilité aux agriculteurs de la région de reproduire l’approche adoptée par les exploitants agricoles dans l’étude de cas du projet du bassin du lac Winnipeg pour stimuler l’investissement dans la gérance de l’eau fondée sur l’agriculture.


Intégration des politiques : il n’est pas nécessaire d’innover pour axer les capitaux et les règles vers une croissance positive pour la nature

L’intégration du financement gouvernemental aux plans visant à développer l’offre de projets de compensation du carbone dans les systèmes d’échange de quotas d’émissions est un élément clé de l’intégration croissante des politiques, sans perdre de vue l’impératif pour les projets de respecter les principes d’additionnalité. Au Canada, bien que de nouveaux protocoles de compensation apparaissent dans le Régime fédéral de crédits compensatoires pour les GES pour les secteurs forestiers et agricoles, les agriculteurs, comme l’a montré l’étude de cas de la fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, ne sont généralement pas bien outillés pour satisfaire aux exigences de qualité des données et de tenue des dossiers des projets de compensation du carbone. Les programmes de financement actuels, comme le Programme des technologies propres en agriculture, doté de près de 500 millions de dollars, offrent une occasion de s’attaquer à ce problème. En aidant les agriculteurs à comprendre comment leurs investissements en matériel et en logiciels peuvent les aider à recueillir les données nécessaires pour profiter des incitatifs en matière de carbone, il serait possible de stimuler l’offre de projets de compensation fondés sur la nature dans le Régime fédéral de crédits compensatoires pour les GES et d’améliorer les résultats du programme de financement.

L’inclusion expresse des secteurs fondés sur la nature et des projets d’infrastructures vertes et leur priorisation dans les fonds de croissance gérés par les gouvernements constitue un autre tremplin pour intégrer la nature aux programmes de croissance. Le fonds souverain que doivent lancer prochainement les États-Unis, le National Wealth Fund de près de 50 milliards de dollars au Royaume-Uni et le Fonds de croissance de 15 milliards de dollars du Canada sont de bons points de départ pour donner la priorité aux projets investissables fondés sur la nature et liés au capital naturel.

Enfin, l’amélioration de la résilience des collectivités et la réduction potentielle des coûts liés à l’explosion du marché du logement sont une occasion prochaine d’intégration des politiques. Le Royaume-Uni agit par l’intermédiaire de son régime de gain net de biodiversité, une occasion d’attirer plus de capitaux privés. Au Canada, il est possible d’utiliser la Stratégie nationale d’adaptation pour populariser les projets fondés sur la nature dans les programmes de logement municipaux liés à des fonds fédéraux, parmi lesquels le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement (FCIL). Le FCIL s’est engagé à investir six milliards de dollars canadiens sur dix ans dans la gestion de l’eau et des eaux usées pour les nouveaux logements.

Adoption des technologies de rupture : s’appuyer sur l’IA pour simplifier la gouvernance de la nature et renforcer le capital naturel

La comptabilité et la gouvernance de la nature sont d’une grande complexité. Il existe de nombreux protocoles, cadres de travail et normes pour mesurer, surveiller, comptabiliser et vérifier les actifs naturels et leurs services écosystémiques et pour en rendre compte. Étant donné que ce réseau de normes et de cadres de gouvernance est essentiel à la rigueur de la comptabilité de la nature, il est nécessaire de le simplifier pour en faciliter l’adoption. En apprenant de pays comme l’Estonie, un chef de file dans la mise en œuvre de l’IA pour transformer l’administration publique, le secteur de la nature et de la conservation a l’occasion de faire progresser la mise en œuvre de normes et de cadres en faveur de la nature, comme le SEEA.

Les projets fondés sur la nature qui évaluent les résultats et surveillent les progrès peuvent également tirer parti de l’IA pour traiter automatiquement l’imagerie satellite, la télédétection, les capteurs et les collections de données publiques pour surveiller les écosystèmes pratiquement en temps réel, ce qui réduit les coûts de collecte manuelle des données et en améliore la précision. On ne peut évidemment pas ignorer les coûts associés à l’IA. Les centres de données d’IA sont de plus en plus gourmands sur le plan de la demande de terrains, d’eau et d’énergie. S’appuyer sur le capital naturel pour déterminer où il est possible de bâtir un parc de centres de données d’IA propre devient un impératif stratégique, en particulier dans des pays où les ressources naturelles s’épuisent, comme le Royaume-Uni. Outre le lieu, les caractéristiques de conception sont essentielles pour atténuer la consommation des ressources naturelles, par ex. en recueillant les eaux de pluie ou en adhérant au concept d’eau positive nette, qui peuvent retourner de l’eau propre dans les paysages avoisinants. Pour alléger la pression sur les terres, la récupération de la chaleur des centres de données d’IA pourrait aussi leur donner une double utilité, par exemple en contribuant à la production d’aliments sous serre.

Les programmes de croissance ne doivent pas se limiter à extraire de la richesse : ils doivent constituer des actifs naturels aptes à entretenir la richesse aujourd’hui et demain. Les pays qui agissent ainsi peuvent transférer le contrôle et la valeur du patrimoine naturel à ceux qui le gèrent. Le secteur financier mondial est déjà en action, et les investisseurs sont à la recherche de projets de capital naturel efficaces productifs de rendements. Les pays qui comptabilisent et bâtissent leur patrimoine naturel peuvent aussi accueillir ces investissements. Pour saisir cette occasion, il faut modifier l’approche des gouvernements et des entreprises, en ne traitant plus le capital naturel comme une condition réglementaire à remplir ou un idéal, mais comme un élément fondamental de la croissance – la richesse sous-jacente à la richesse.

Télécharger le rapport

Nos partenaires de projet

Andrew Day, BC Parks Foundation

Audrey Popa, Coast Funds

Chance Cutrano, Resource Renewal Institute

Chuck Rumsey, Ecotrust Canada

Craig Harding, Nature Conservancy of Canada

Craig Losos, Nature Conservancy of Canada

Dave Secord, Salazar Center for North American Conservation

Deb Davidson, Center for Large Landscape Conservation

Donald Killorn  PEI Federation of Agriculture

Eddy Adra, Coast Funds

Glenn Anderson, Wendling Beck Environment Project

Heather Beresford, Cheakamus Community Forest

Holly Story, UK National Parks

Jane Church, Nature United

Jennifer Gunter, British Columbia Community Forests Association

Jill Bieri , The Nature Conservancy

Katie Davis, Wildlands Network

Leah Blechschmidt, Nature United

Leslie Harroun, Salazar Center for North American Conservation

Lisa Mclaughlin, Nature Conservancy of Canada

Maas, Tony, Nature United

María José González, MAR Fund

Matthew Mitchell, University of British Columbia

Maya Kocian, Earth Economics

Meg Lovett, Nature Conservancy of Canada

Mike Nemeth, Nutrien

Raine Playfair, Coast Funds

Risa Smith, IUCN/World Commission on Protected Areas

Ross Dixon, Coast Funds

Sara Aminzadeh, California Natural Resources Agency

Stephanie Walker, Revere

Stephenne Harding, Great Northern Strategies

Steven Nitah, Nature for Justice Canada

Susan Mulkey, British Columbia Community Forests Association

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