Principaux points à retenir
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Le capital naturel demeure un moteur économique sous-utilisé. Le PIB des secteurs liés à la nature au Canada, notamment ceux de la foresterie, de l’agriculture, des mines et de la pêche, a enregistré une croissance annuelle inférieure de 0,3 % à celle du reste de l’économie au cours des vingt-cinq dernières années. Une tendance comparable est observée aux États-Unis et au Royaume-Uni. 
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Ignorer la nature menace la prospérité. Plus de la moitié de l’économie mondiale, soit environ 78 000 milliards de dollars, dépend de la nature, qu’il s’agisse de l’alimentation, du tourisme ou de la construction. Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni cherchent à rebâtir leurs économies, mais les ressources naturelles dont la croissance à long terme de celles-ci est tributaire s’épuisent, et leur valeur réelle n’est pas prise en compte. 
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Il existe une occasion générationnelle de tirer profit du patrimoine naturel grâce à des programmes d’intérêt national. Les pays qui suivent et mettent en valeur leur capital naturel parallèlement à leur PIB peuvent libérer de la croissance et attirer des investisseurs mondiaux en quête de projets de valorisation du capital naturel dans lesquels investir. Alors que les institutions financières se mobilisent pour combler le déficit de financement de la nature, la demande augmente : on estime les besoins annuels à 580 milliards de dollars d’ici 2030. Cette somme atteindra près de 940 milliards de dollars d’ici 2050. 
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Les capitaux privés sont essentiels pour combler ce déficit – et monter en puissance. Les États assurent actuellement 82 % (222 milliards de dollars) du financement de la nature. Cela tient au fait que le secteur privé a besoin de signaux politiques plus forts et d’avoir l’assurance que ses investissements seront générateurs de rendements. 
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Si sa place s’accroît dans les marchés de la finance et de l’environnement, la nature y demeure sous-représentée.. La nature représente un petit segment de la finance durable. En 2025, les mesures de compensation carbone fondées sur la nature ont compté pour 13 % des crédits carbone volontaires, alors qu’elles représentent plus de la moitié du potentiel annuel de création de crédits carbone. 
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L’intégration des politiques, l’intelligence artificielle et… la comptabilité peuvent faire entrer la nature dans le bilan et les programmes de croissance. Au Canada, la mise en œuvre de la Stratégie sur les minéraux critiques et de nouveaux projets d’exploitation minière importants sont un bon moyen de tester ces trois axes.Tout commence parintégrer les systèmes de valeurs et connaissances autochtones dans les cadres comptables du capital naturel. 
Pourquoi ce rapport ?
En 2023, RBC a créé l’Institut d’action climatique dans le but d’accompagner collectivement les Canadiens vers l’objectif « zéro émission nette », avec un engagement d’information, de mobilisation et d’intervention sur tous les aspects du défi climatique. La protection, la conservation et la croissance des ressources naturelles sont des éléments essentiels du parcours vers l’objectif « zéro émission nette ».
La nature est un atout essentiel pour faire croître notre économie. Ce thème tombe à point, alors que des économies avancées comme le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis promeuvent des programmes et projets d’intérêt national. Il existe cependant un problème : la nature et les personnes qui la gèrent et la protègent – notamment les communautés autochtones, les agriculteurs, les pêcheurs et les foyers d’accueil – sont souvent exclues du bilan. C’est ce problème que l’Institut d’action climatique RBC et Nature United, la filiale canadienne de The Conservation of Nature, aborde dans ce rapport.
D’invisible à indispensable : le combat de la nature pour être reconnue dans l’économie
Bâtir, consommer et exporter toujours plus pour stimuler le PIB finissent inévitablement par éprouver les forêts, les sols et les cours d’eau sans lesquels aucune croissance ne serait possible. Mais les programmes en faveur de la croissance offrent aussi une occasion générationnelle – à condition de considérer la nature non comme un coût à gérer, mais comme un atout à construire, à valoriser et à exploiter.
Plus de 78 000 milliards de dollars1 de l’économie mondiale – environ la moitié du PIB total – sont fortement ou modérément tributaires de la nature[i]. Pourtant, le PIB national ne tient compte de la nature qu’une fois celle-ci exploitée (pêche, céréales, bois d’œuvre), en faisant fi, pour l’essentiel, des services écosystémiques offerts par la nature. C’est notamment le cas du stockage du carbone dans les sols agricoles, de la filtration de l’eau dans les tourbières saines et des avantages des forêts intactes sur les plans culturel et de la biodiversité. Ces services écosystémiques, évalués à plus de 200 000 milliards de dollars, demeurent largement invisibles dans les comptes économiques, ce qui occulte à la fois une source importante de croissance et une source croissante de risques2.
La valeur véritable de la prise en compte de la nature est à l’ordre du jour des dirigeants mondiaux lors des conférences sur la nature et les changements climatiques depuis plus de 30 ans. Ces derniers ont signé les premiers accords mondiaux sur le climat et la biodiversité la dernière fois que le Brésil a accueilli le monde, au sommet de la Terre de Rio, en 1992. Les dirigeants de la planète doivent de nouveau se réunir au Brésil cet automne, à l’occasion de la COP30, et auront une occasion de placer la nature au centre de leurs stratégies économiques.
La mobilisation de capitaux pour la nature demeure un défi. La majeure partie provient des gouvernements, l’industrie s’étant largement tenue à l’écart, du fait, en partie, du caractère incertain du rendement des investissements dans ce domaine. Les financements publics et privés de la nature s’élèvent annuellement à quelque 270 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Plus de 580 milliards de dollars seront nécessaires annuellement si l’on veut combler le déficit de financement de la nature d’ici 2030. Ce chiffre augmentera à quelque 940 milliards de dollars par an d’ici 20503.
Une convergence entre la nature et les programmes politiques en faveur de la croissance offrirait une occasion sans précédent de tirer profit de la nature en tant qu’actif investissable. La constitution d’un patrimoine naturel constitue un moyen de relancer les secteurs axés sur la nature, comme l’agriculture et l’industrie forestière, et de renforcer le rôle de la nature dans l’économie du bâtiment et des travaux publics, notamment les infrastructures vertes dans les projets de construction résidentielle. Le fait d’investir dans la nature permet aussi d’atténuer les pertes économiques, notamment les 3 300 milliards de dollars à risque à l’échelle mondiale si des services écosystémiques, comme la pollinisation sauvage ou la pêche en mer devaient s’effondrer du fait d’une exploitation excessive4.
Le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont tous mis en place des programmes de croissance et proposent trois modèles politiques et économiques d’intégration de la nature. Environ 7 % du PIB du Canada provient des secteurs axés sur la nature – agriculture, mines, foresterie et pêche. La croissance du PIB combiné de ces secteurs a été de 0,3 % plus lente que celle du reste de l’économie au cours du dernier quart de siècle5. Aux États-Unis, la Réserve fédérale estime que les événements météorologiques extrêmes peuvent avoir une incidence négative de 0,5 % sur le PIB du pays annuellement6. Et les protections naturelles, comme les zones humides côtières, disparaissent au profit des aménagements, ce qui accentue les conséquences. Si les tendances actuelles se maintiennent, la gestion de son capital naturel par le Royaume-Uni pourrait entraîner une diminution de son PIB d’environ 5 % d’ici 20307.
La nature est désormais un risque déclarable et une catégorie d’actifs investissables. La mise en œuvre de cette idée est cependant inégale. Plus de 90 pays, dont le Canada et l’Australie, ont adopté des cadres de comptabilité du capital naturel harmonisés avec le Système de comptabilité environnementale et économique (SEEA) des Nations Unies. Des lacunes demeurent toutefois au chapitre de l’intégration complète du capital naturel dans les comptes du PIB national et à celui de l’utilisation de la comptabilité du capital naturel pour orienter les investissements à grande échelle. Dans le secteur privé, certaines régions, comme l’Union européenne, imposent la production de rapports sur la durabilité et encouragent l’harmonisation avec les cadres financiers liés à la nature, comme le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (Task Force on Nature-related Financial Disclosures – TNFD).
Si les normes de comptabilité et de finance relatives à la nature demeurent désorganisées, ces exemples montrent qu’il existe un faisceau de politiques et de rapports permettant de traiter la nature comme un actif pertinent pour les flux de trésorerie. Le temps est maintenant venu de simplifier la gouvernance de la nature, d’améliorer l’accessibilité pour les entreprises et les gouvernements en appliquant des technologies de rupture comme l’IA et d’intégrer tout cela aux politiques de croissance.
Trois modèles d’intégration de la nature aux politiques de croissance
Le modèle canadien : une économie riche en ressources, en quête de nouveaux moteurs de croissance
Le Canada regorge de richesses naturelles : le pays possède 25 % des zones humides, 24 % des forêts boréales et 30 % des réserves d’eau douce de la planète. Comme indiqué précédemment, quelque 7 % de son PIB dépend directement de la stabilité et de la productivité de ces actifs, et cette dépendance se répercute sur toute la chaîne d’approvisionnement8.
L’approche du Canada en matière d’intégration de la nature à la croissance économique est appuyée par des financements et des mesures financières, l’établissement d’objectifs, dont la Stratégie pour la nature 2030, et l’expansion des parcs nationaux et des corridors écologiques. Ces investissements et engagements font progresser la conservation et la protection de la nature. Pourtant, les mesures politiques actuelles ne parviennent pas à tirer parti des cadres comptables du capital naturel pour retourner à grande échelle cette valeur aux personnes sur le terrain.
Pour le Canada, le défi d’intégrer la nature à sa politique de croissance consiste à trouver un équilibre entre sa croissance fondée sur les ressources naturelles et son engagement envers la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, tout en respectant ses engagements climatiques inscrits dans la loi. Composer avec un environnement aussi complexe n’a rien de simple. Celui-ci est toutefois nécessaire pour faire en sorte que les projets d’intérêt national du Canada ne compromettent pas les droits et systèmes de connaissances des peuples autochtones et ne grugent pas un de ses plus grands atouts par nature.
Le modèle du Royaume-Uni : un pays aux ressources limitées, mais affichant de grandes ambitions pour leur exploitation
Le Royaume-Uni, où seule la moitié de la faune et de la flore indigènes restent intactes, est un des pays les plus appauvris en ressources naturelles du monde9. L’économie du pays repose principalement sur les secteurs des services, comme la finance et l’immobilier, tandis que les secteurs liés à la nature comptent pour environ 2 % de l’économie10. Cependant, l’intensité de la course aux ressources naturelles dans le pays et le rythme auquel elles s’épuisent ont donné de l’élan au financement de la nature sur le plan national. Cet élan s’accompagne d’un appel à des recommandations sur la façon dont l’État peut aider à accroître le rôle du secteur privé dans la réhabilitation de la nature dans le cadre de la stratégie de croissance du gouvernement britannique, Plan for Change.
L’une des principales composantes de ce plan de changement est l’ambition du pays de construire 1,5 million de logements et d’accélérer la prise de décisions en matière de planification pour au moins 150 grands projets d’infrastructure économique, dont la création de zones de croissance de l’IA pour les centres de données. Les politiques de gain net de biodiversité et de neutralité des rejets de nutriments du Royaume-Uni permettent d’intégrer dans ces projets d’aménagement une possibilité fondée sur le marché pour les propriétaires terriens et gestionnaires fonciers d’accumuler des actifs naturels11. Cela montre que les politiques publiques du Royaume-Uni axées sur la nature se multiplient et s’harmonisent avec les politiques de croissance.
On ne s’attend toutefois pas à ce que le pays parvienne à la fois à s’attaquer aux pertes de PIB liées à l’épuisement du capital naturel et à atteindre ses objectifs, comme préserver 30 % de sa biodiversité d’ici 203012. Le Royaume-Uni fait face à un défi de restauration de la nature à grande échelle, dans un contexte d’intensification et de concurrence des intérêts en matière d’actifs naturels. Les besoins en eau et en terres liés à la construction résidentielle, à l’agriculture et à l’expansion des centres de données pour l’IA soulignent la nécessité d’une meilleure planification du capital naturel pour orienter les options de croissance économique, au-delà de la seule compensation des répercussions 13.
Le modèle américain : un géant économique qui tourne le dos à la valorisation de la nature
Environ 3 % du PIB des États-Unis provient des secteurs axés sur la nature. Et plus de 10 % du PIB du pays dépend fortement de la nature, notamment les secteurs se trouvant en aval des secteurs axés sur la nature dans la chaîne d’approvisionnement, comme la transformation d’aliments14. Pourtant, plus de 40 % de ses écosystèmes naturels sont considérés comme présentant un risque d’effondrement15. En 2023, le programme Statistics for Environmental-Economic Decisions (SEED), qui s’appuie sur le cadre du SEEA, a quantifié la valeur des actifs naturels des États-Unis. Cet exercice a estimé la valeur des terres privées à 43 000 milliards de dollars, soit environ 30 % de la richesse nette des États-Unis. Ces conclusions ont poussé le gouvernement fédéral à investir de façon éclairée dans des programmes de conservation et le développement d’infrastructures vertes, en accordant notamment un financement de 1,3 milliard de dollars pour le verdissement des villes, en vertu de l’Inflation Reduction Act16.
L’administration Trump a opéré un virage de la comptabilisation des ressources naturelles renouvelables à l’extraction des ressources non renouvelables. L’exemple le plus révélateur est probablement le décret présidentiel intitulé Unleashing American Energy, qui abroge les directives données aux agences fédérales de prendre en compte les services écosystémiques comme la contribution des zones humides à la gestion des inondations dans les évaluations de projets. Les modifications de la One Big Beautiful Bill Act (la grande et belle loi) récemment proposées pourraient également compromettre une convention de partage des revenus de plus de 100 ans entre le gouvernement fédéral et les collectivités rurales en matière de gestion des forêts. Aux termes de cet accord de longue date, 25 % des profits du gouvernement fédéral provenant de l’exploitation commerciale des forêts sont reversés aux collectivités rurales (où cette activité a lieu, mais ne génère pas d’impôts fonciers locaux), afin qu’elles les investissent dans les infrastructures locales. Ces modifications de la loi pourraient réorienter ces fonds vers le gouvernement fédéral et augmenter les exigences minimales en matière d’exploitation forestière.
Mettre de côté les efforts nationaux qui comptabilisent les actifs naturels parallèlement au PIB risque de conduire à négliger une source de croissance économique et de risque. La nature clivante de la politique fédérale américaine exige une redéfinition des actifs naturels et de leur gestion apte à résister aux changements de gouvernements. Le plus urgent est d’établir une stratégie de communication insistant sur la valeur de la nature pour l’économie axée sur la production que privilégie l’administration fédérale.
Mobiliser des capitaux pour intégrer la valeur de la nature dans l’économie
Finance et financement : un élan pour stimuler la croissance
| Fonds | Fonds d’investissement spéciaux servant à financer des projets axés sur la conservation, la restauration ou la gestion durable du capital naturel | 
| Subventions | Fonds non remboursables versés pour soutenir des activités liées à la nature | 
| Crédits | Incitatifs financiers ou aides visant à encourager des activités bénéfiques pour l’environnement (p. ex., allègements fiscaux ou réductions de frais) | 
| Obligations | Titres de dette à revenu fixe dont le produit de la vente aux investisseurs est principalement utilisés pour des projets axés sur la nature | 
| Prêts | Fonds empruntés pour des projets liés à la nature et devant être remboursés avec des intérêts ou assortis de conditions d’emprunt avantageuses | 
| Échanges dette-nature | Accord aux termes duquel une partie de la dette étrangère d’un pays est annulée en échange d’engagements de financer des projets de conservation | 
Les fonds et les financements peuvent faciliter les choses en créant un rôle dans l’économie pour des solutions fondées sur la nature. Ce sont toutefois les gouvernements qui assument une grande partie de la facture – 82 % des flux financiers pour la nature à l’échelle mondiale17 –, ce qui rend difficile la mobilisation de fonds nécessaires à des projets transformationnels.
Au Canada, Financement de projets pour la permanence (FPP) est un modèle novateur de financement de la conservation qui permet de jumeler des financements gouvernementaux, privés et communautaires à long terme. La première initiative de FPP au Canada, qui concernait la forêt pluviale de Great Bear, née d’une crise touchant le bien-être des Premières Nations et d’un conflit relatif à l’exploitation forestière, rétablit aujourd’hui la nature en tant que source de prospérité et offre des occasions de conservation et de développement économique menées par les Autochtones. Plus de 444 millions de dollars ont été investis depuis la création du FPP de la forêt pluviale de Great Bear, en 200718.
En profitant de la dynamique du FPP de la forêt pluviale de Great Bear, le Coast Funds supervise aussi à présent le versement des fonds dans le cadre du FPP de la mer de Great Bear. Ce FPP dispose d’un financement initial de 335 millions de dollars et garantit un financement à long terme mené par des Autochtones pour des initiatives de gérance et de développement menées par des Autochtones19.
Élargissement du financement de la conservation
Les produits de dette pour les solutions fondées sur la nature peuvent fournir du capital de départ, mais les projets doivent offrir des rendements concurrentiels aux investisseurs et aux financiers. Les échanges dette-nature, par exemple, obligent les banques de développement à maintenir des coûts d’emprunt bas et à offrir des assurances accrues aux investisseurs privés. Le marché des échanges de dette a plus que doublé durant la dernière année, pour atteindre 3,6 milliards de dollars20. Certains spécialistes du financement de la nature affirment toutefois que la structure des échanges dette-nature a dépassé son objectif initial. Ils avancent que la participation des banques et agences de développement dans la constitution du capital naturel contribue à l’obtention des financements nécessaires aux projets, car elle réduit les risques pour les autres investisseurs. Cependant, le pays destinataire des fonds doit également tenir compte de l’incidence de l’échange de dette sur sa capacité de contrôler la gestion de la richesse de son capital naturel.
Avec une valeur de près de 15 000 milliards de dollars à ce jour21, les obligations et les prêts verts et liés au développement durable sont aussi devenus d’importants produits de financement. Les titres de dette axés sur la nature ne représentent encore toutefois qu’une part relativement modeste de l’ensemble des fonds obligataires affectés. Au cours de l’année écoulée, moins de 10 % du produit des obligations vertes et liées au développement durable a été expressément versé à des projets axés sur la nature. Bien que les projets fondés sur la nature évoluent dans leur capacité de garantir des rendements aux investisseurs, le rôle des gouvernements et des investisseurs d’impact dans l’expansion des produits de dette liés à la nature demeure essentiel.
Au-delà de la finance et du financement, les gouvernements peuvent également utiliser leur pouvoir de reconnaître les projets fondés sur la nature de haute intégrité environnementale pour attirer des capitaux privés. Par exemple, Environnement et changements climatiques Canada mène un projet pilote de bourse de la conservation. Dans ce cadre, le gouvernement fédéral évalue une approche reconnaissant les avantages prouvés de projets de conservation financés par les entreprises au moyen de certificats de biodiversité approuvés par le gouvernement 22. Fortes d’une relation de financement à long terme, la compagnie d’assurance Aviva et Conservation de la nature Canada s’appuient sur le projet pilote de la bourse de la conservation pour apporter de la valeur en misant sur le rôle de la nature dans la gestion du risque et la revitalisation des terres exploitées, comme les grands parcours sur les prairies indigènes restaurées.
Simplifier les politiques pour optimiser l’investissement public
Si les gouvernements stimulent l’investissement dans les solutions, ils peuvent aussi freiner les progrès. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), les flux d’argent public vers les solutions fondées sur la nature représentent moins d’un dixième des dépenses publiques en subventions nuisibles à l’environnement. La question est particulièrement préoccupante dans le secteur agricole. Les agriculteurs canadiens, par exemple, peuvent recevoir des fonds pour favoriser des pratiques durables dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat, qui encourage l’adoption de cultures de couverture et l’amélioration des pratiques en matière d’utilisation de l’engrais. Ils peuvent aussi bénéficier d’une assurance récolte subventionnée par l’État, qui, selon certains agriculteurs, peut encourager la culture sur des terres marginales qui ne seraient pas rentables sans cela23. 24 On peut trouver des exemples comparables aux États-Unis, dans le cadre du Federal Crop Insurance Program. Certains États prennent des mesures pour remédier à l’inadéquation entre les filets de sécurité de l’État et les aides à l’agriculture durable, en offrant des programmes tels que des réductions sur les primes d’assurance pour les agriculteurs qui adoptent des pratiques durables, tel le Crop Insurance Discount Program du Department of Agriculture & Land Stewardship de l’Iowa en faveur de l’adoption de cultures de couverture.
Les gouvernements et les entreprises du secteur privé ont également eu du mal à élargir les mesures d’encouragement fondées sur le marché pour les projets fondés sur la nature. Certains agriculteurs en prennent acte et utilisent les subventions gouvernementales pour lancer des initiatives locales leur donnant la maîtrise de l’intégration de la valeur des services écosystémiques dans leur entreprise et de la reconnaissance de cette valeur sur le marché. La fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, a appris tôt dans son parcours d’atténuation des GES l’importance de collecter des données fiables et de surveiller le carbone du sol pour tirer profit des marchés du carbone. Encouragée par les dirigeants locaux, la fédération aide les agriculteurs à harmoniser leurs pratiques avec les protocoles de compensation du carbone et à élaborer des algorithmes et des normes de données leur permettant de débloquer la valeur carbone et d’améliorer leur efficacité.
Mettre à profit les marchés pour promouvoir la nature et accroître ses revenus
| Marchés des titres compensatoires | Système de négociation où des personnes souhaitant compenser leur incidence sur l’environnement en rémunèrent d’autres afin de créer des avantages environnementaux ailleurs. | 
| Mécanismes de compensation intégrée | Réduction ou compensation des effets sur l’environnement au sein de la propre chaîne de valeur d’une entreprise. L’entreprise investit dans des projets positifs pour la nature et le climat directement liés à ses fournisseurs, à ses activités ou à son réseau de distribution. | 
| Primes | Paiement d’un supplément pour les produits ou services durables afin de couvrir le coût supérieur des solutions à faibles émissions de carbone ou respectueuses de l’environnement. À toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement, les consommateurs ou les acheteurs paient un prix plus élevé ou accordent un traitement préférentiel pour favoriser une production durable ou la protection de la nature. | 
| Accès au marché | Pénétration du marché grâce au respect de normes ou de certifications précises en matière de durabilité. | 
Les marchés des services écosystémiques couvrent une gamme croissante de résultats, tels des mécanismes de négociation liés à la qualité de l’eau aux États-Unis, les marchés émergents de la biodiversité, comme en Australie, ou les systèmes d’échange de quotas d’émissions dans l’UE. Pourtant, l’activité sur les marchés est principalement axée sur la production de crédits provenant de la réduction, de l’élimination et de l’évitement des émissions de GES, grâce à des mécanismes de conformité et de réduction volontaire de son empreinte carbone. Au total, 15,3 milliards de dollars de crédits se sont échangés sur le marché des crédits compensatoires volontaires. Après avoir atteint un sommet de 2,6 milliards de dollars en 2021, l’activité de ce marché a connu une baisse constante et atteint en 2024 son niveau le plus bas depuis cinq ans, avec une valeur de 727 millions de dollars de crédits négociés25. Ce recul peut être attribué à des facteurs aggravants, notamment la phase de maturité que traverse le marché, avec l’intégration de garde-fous supplémentaires en matière d’intégrité et d’assurance, et la volatilité macroéconomique depuis la pandémie de coronavirus.
Malgré le repli du marché, la maturation du marché du carbone devrait stimuler le financement du capital naturel. Le marché de la compensation volontaire est toujours en phase de transition et cherche à améliorer la qualité des crédits offerts et à s’harmoniser avec les normes de conformité du marché. Un des premiers signes de redémarrage du marché de la compensation volontaire est la hausse de la demande de projets de qualité fondés sur la nature générant des crédits d’élimination des GES. C’est là l’occasion de réaliser des projets fondés sur la nature visant à extraire activement le dioxyde de carbone de l’atmosphère par une gestion et une restauration actives des puits de carbone, notamment les zones humides, les terres cultivées, les forêts, les prairies et les fonds océaniques. La récente évolution des protocoles de compensation fondés sur la nature offre les cadres nécessaires pour générer les crédits d’élimination des GES en demande.
Le « carbone bleu », par exemple, a le potentiel de purger chaque année l’atmosphère de trois gigatonnes de carbone, ce qui équivaut à plus de 3 % des émissions mondiales26. Avec l’élaboration de protocoles sur le carbone bleu comme l’initiative Tidal Wetland and Seagrass Restoration sur le registre de compensation du carbone de l’organisme VERRA, les communautés et les propriétaires terriens peuvent voir les résultats de leurs efforts de conservation sur le marché. Un projet de restauration de l’herbier marin dans les baies côtières de l’est de la Virginie, auquel participent des chercheurs, des spécialistes de la conservation, la collectivité locale et le Commonwealth de Virginie, permet de valider la faisabilité de l’introduction sur le marché d’un projet axé sur le carbone bleu, ce qui implique de modifier certaines lois, l’État étant propriétaire des fonds marins côtiers.
While nature-based protocols have allowed for increased market access, nature-based carbon offsets account for only 13% of voluntary carbon credits issued in 2025 to-date but hold more than 50% of annual carbon credit potential.27
Bien que les protocoles fondés sur la nature aient amélioré l’accès aux marchés, les mesures de compensation de carbone fondées sur la nature ne comptent que pour 13 % des crédits de carbone volontaires émis jusqu’ici en 2025, mais représentent plus de 50 % du potentiel annuel des crédits de carbone27.
Des investisseurs patients sont essentiels pour obtenir de la nature des rendements solides
La mise en marché de projets fondés sur la nature de qualité prend du temps. La longueur des changements écologiques et la difficulté inhérente à l’attribution de résultats précis et mesurables en matière de biodiversité à une intervention donnée ajoutent à la complexité et au coût de ce type d’intervention.
Par exemple, les résultats de la création de mesures de compensation de carbone à partir de projets fondés sur la nature peuvent prendre des décennies à vérifier. Les personnes participant à un projet de restauration des tourbières dans les hautes terres d’Écosse ont dû relever un défi : trouver des investisseurs suffisamment patients pour attendre avant d’obtenir des rendements. Une méthode consiste à obtenir des acheteurs des garanties de marché par l’intermédiaire de rendements de crédits différés pour l’élimination du carbone ou des avantages en matière de biodiversité qui auront sur le marché une valeur supérieure, mais qui sont plus longs à générer, comparativement à des projets d’énergies renouvelables susceptibles de générer des crédits dès le jour de leur mise en œuvre. Un exemple récent est la Symbisis Coalition, formée de Microsoft, Google, Salesforce, Meta et McKinsey & Company. Ces grandes entreprises offrent des garanties aux investisseurs réfractaires au risque.
Conscient que les agriculteurs, les exploitants forestiers et les pêcheurs ne peuvent pas assumer tous les risques liés à l’investissement dans la constitution du capital naturel, un mouvement grandissant a commencé à promouvoir des pratiques agricoles durables grâce à du financement de la chaîne logistique et à des mesures d’encouragement. Des acheteurs, dont PepsiCo, investissent dans des fournisseurs d’intrants, comme les entreprises d’engrais Nutrien et Yara, par divers mécanismes, dont des programmes de compensation intégrée, des paiements pour certaines pratiques et de primes vertes, pour un total de plus de 1,6 milliard de dollars publiquement promis par des entreprises à ce jour28.
Hausser la barre en matière de chaînes d’approvisionnement durables
Primes vertes : les prix payés pour les produits répondant aux normes de durabilité sont plus élevés – les conditions d’accès aux marchés favorables liées aux critères de durabilité jouent un rôle important dans la promotion des pratiques durables. Mais une question fondamentale demeure : qui doit payer la prime ? On présume souvent que la prime verte est supportée par l’acheteur final, alors qu’en pratique, ce dernier a besoin d’un signal du marché pour la payer. De ce fait, les primes sont sporadiques sur le marché. Depuis peu, les agriculteurs qui cultivent des matières premières destinées aux biocarburants, comme le canola, le soja et le maïs, observent l’émergence sur le marché de primes vertes pour prouver la durabilité de leur production et accéder à des marchés comme l’UE et les États-Unis.
Ces primes vertes sont souvent appuyées par des certifications qui encouragent de façon plus générale une gestion responsable des ressources et le bien-être de la collectivité, ainsi que l’établissement de normes pour les pratiques associées. À l’échelle mondiale, la part de marché des ressources affichant ces certifications est en croissance, 19 % des prises d’origine marine étant liées au Marine Stewardship Council (MSC) et quelque 200 000 millions d’hectares de forêts dans le monde étant certifiés par le Forest Stewardship Council (FSC)29, 30.
Bien que ces certifications aient été critiquées en raison de leur rigueur, elles s’avèrent efficaces pour faire progresser et suivre la mise en œuvre des pratiques voulues sur le terrain. Par exemple, la surveillance des mammifères au Gabon et en République du Congo montre que la diversité des espèces est plus importante dans les forêts certifiées FSC que dans les forêts non certifiées31. De telles certifications demeurent l’une des rares approches existantes à grande échelle à favoriser la normalisation du marché en ce qui a trait à l’utilisation durable des ressources naturelles et à en permettre la reconnaissance et la promotion dans la chaîne d’approvisionnement.
Ces certifications se ctorielles sont souvent indépendantes des gouvernements, mais ces derniers stimulent aussi les marchés en faveur de la nature. Au Royaume-Uni, dans le cadre du programme Biodiversity Net Gain, les versements au titre du crédit pour la biodiversité ont atteint plus de 360 000 $ pour la première année d’exploitation (de 2024 à 2025)32. Un mécanisme de marché qui crée de la valeur pour ceux qui gèrent des actifs naturels, comme les agriculteurs, en dehors des zones de développement, et qui incite les développeurs à intégrer la nature dans leurs nouvelles constructions. Wendling Beck, une collaboration dirigée par quatre agriculteurs du comté de Norfolk, au Royaume-Uni, montre la façon dont les exploitants agricoles peuvent tirer profit des occasions de revenu offertes par les marchés de l’environnement, tout en produisant des aliments.
Libérer le potentiel de la nature grâce à des modèles d’affaires
| Résultats triples | Cadre de gestion mesurant la réussite selon trois volets : les gens (volet social), la planète (volet environnemental) et les profits (volet économique). Les entreprises intègrent les résultats sociaux et environnementaux dans leurs stratégies parallèlement aux résultats financiers et font souvent un suivi des paramètres pour chaque volet. | 
| Produits et services durables | Modèles d’affaires concevant, produisant et offrant des biens ou services ayant un minimum d’incidence négative et souvent des effets positifs sur l’environnement et la société. Les produits et services sont conçus pour réduire l’utilisation des ressources et promouvoir la circularité, un approvisionnement éthique et des avantages sociaux et sont commercialisés en tant que solutions durables | 
Au cours de la dernière année, la nature s’est imposée comme une priorité dans l’information ESG des entreprises. Un sondage réalisé par la Stanford University Business School auprès d’investisseurs révèle que la durabilité des chaînes d’approvisionnement et le capital naturel arrivent en 3e et 4e positions dans la liste des facteurs environnementaux dont ils tiennent compte en priorité dans l’information ESG d’une société33. Les mesures relatives au climat demeurent la principale considération dans le domaine de l’environnement et sont parmi les trois principaux motifs de l’engagement ESG des investisseurs à l’égard des trois piliers des questions ESG. Il s’agit d’un point important, car les enjeux naturels et climatiques sont liés, en particulier dans les secteurs fondés sur la nature, comme l’industrie forestière, où l’atténuation des risques reste un souci majeur pour les investisseurs dans leur engagement ESG auprès des entreprises34.
L’intérêt croissant pour la nature résulte de la demande des investisseurs et de la reconnaissance des risques associés au non-respect par les entreprises d’une gestion responsable du capital naturel. Lors de la conférence de Cali sur la biodiversité, ou COP16, organisée en 2024 par l’ONU en Colombie, plus de 27 fonds de retraite ont dénoncé l’inaction des gouvernements et exigé une réglementation et des normes plus rigoureuses pour résoudre la crise de la nature. Black Rock a déclaré publiquement que la préservation de la nature – l’eau, le carbone des sols et la biodiversité – était une catégorie fondamentale d’actifs. Goldman Sachs a lancé un fonds d’obligations pour la biodiversité avec pour objectif de recueillir plus de 700 millions de dollars. Le Government Pension Fund Global de l’État norvégien, qui gère pour 2 100 milliards de dollars d’actifs, a publié une évaluation des risques liés à la nature pour environ 90 % de son portefeuille35.
Des modèles d’affaires axés sur la collectivité qui fonctionnent
Un nombre croissant d’investisseurs recherchent des entreprises capables de démontrer une approche durable dans leur relation avec les actifs naturels et l’utilisation qu’ils en font. Les entreprises qui réduisent l’intensité de leur incidence sur l’écosystème et leur empreinte carbone et foncière sont également plus performantes. L’indice de la biodiversité S&P 500, annualisé sur 5 ans, dépasse légèrement (de 0,26 %) l’indice S&P 500b.
Repenser les modèles d’affaires conventionnels des entreprises et des secteurs d’activité qui misent sur des actifs naturels est l’occasion de replacer le rôle stratégique de la nature dans une économie en croissance. Mais l’adhésion et les preuves sur le terrain sont essentielles. Un collectif d’agriculteurs, d’organismes de conservation et d’entreprises des Prairies canadiennes coopère pour déterminer si les plans de gérance de l’eau du bassin du lac Winnipeg sont bons pour les affaires. Poussé par la curiosité, ce groupe crée un modèle d’évaluation du rendement des investissements et des marges de profit des agriculteurs intégrant une comptabilité de la nature, qui soit reproductible et adaptable dans toutes les régions agricoles.
Dans un modèle d’affaires à triple résultat, les multiples sources de revenus peuvent contribuer à atténuer les frictions entre l’environnement, la résilience des collectivités et les objectifs de croissance économique. Un cadre financier et politique favorable y contribue également. Un plan de gestion fondé sur les écosystèmes ayant cartographié les multiples objectifs environnementaux, communautaires et économiques de la gestion forestière a permis de positionner la forêt communautaire de Cheakamus entourant Whistler, en Colombie-Britannique, de façon à établir un modèle d’affaires résilient équilibrant les revenus tirés des services écosystémiques et de l’exploitation du secteur agricole.
Résultat : Comment la comptabilité, les politiques publiques et l’intelligence artificielle peuvent stimuler davantage l’investissement
Faire une place à la comptabilité de la nature dans les livres
Bien utilisée, la comptabilité de la nature peut conduire à des projets plus intelligents, à des chaînes d’approvisionnement résilientes, à une réduction des pertes en cas de catastrophe et à des pipelines d’actifs naturels investissables – avec pour effet de transformer les écosystèmes en facteurs de richesse. Mais les cadres existants, tel le SEEA des Nations Unies, ont besoin d’un plus grand nombre de cas d’utilisation pour démontrer leur valeur et orienter les investissements.
Au Canada, la Stratégie sur les minéraux critiques et les grands projets s’y inscrivant pourraient faire office de révélateurs pour la mise en œuvre du SEEA dans l’évaluation de projets et les plans de mobilisation de capitaux. Cependant, il est essentiel d’inclure les terres, les valeurs et les connaissances autochtones dans le cadre du SEEA pour combler l’écart entre le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC) et les paramètres de comptabilité naturelle. Les droits et les connaissances des Autochtones doivent être au cœur de la comptabilité de la nature, de sorte que la croissance économique bâtisse un patrimoine naturel et soit respectueuse de ceux qui en assurent la gérance.
L’intégration de valeurs de capital naturel dans les études d’impact et les programmes de croissance plus larges, comme le plan de changement du Royaume-Uni, pourrait faire en sorte que les nouveaux développements libèrent de l’investissement pour des infrastructures vertes et aient lieu là où les exigences en matière d’utilisation de l’eau peuvent être satisfaites. La comptabilité de la nature dans la vallée de la Tamise, une des régions souffrant le plus de stress hydriques au Royaume-Uni, pourrait transformer la façon d’évaluer les projets domiciliaires et d’infrastructures. L’utilisation de la nature comme un atout dans les processus décisionnels relatifs à l’aménagement foncier et à la construction peut permettre de recadrer l’approche des autorités locales et des promoteurs en matière d’évaluation des coûts économiques et des compromis dans la gestion de l’eau, ainsi que d’élargir la gamme d’options, notamment les options grises, vertes et hybrides.
Enfin, pensons au bassin versant de la baie de Chesapeake, qui couvre six États le long des côtes est des États-Unis et qui est exposé à une des pollutions par les nutriments les plus importantes du pays ; les causes en sont l’industrie, l’agriculture et les ruissellements urbains, qui entraînent une détérioration de la qualité de l’eau, des pertes d’habitats et des répercussions économiques sur les pêches et les loisirs36. L’intégration de la valeur du capital naturel dans la planification des infrastructures et de l’utilisation du territoire permettrait d’investir de façon ciblée dans les infrastructures vertes et les services écosystémiques. Elle donnerait aussi la possibilité aux agriculteurs de la région de reproduire l’approche adoptée par les exploitants agricoles dans l’étude de cas du projet du bassin du lac Winnipeg pour stimuler l’investissement dans la gérance de l’eau fondée sur l’agriculture.
Intégration des politiques : il n’est pas nécessaire d’innover pour axer les capitaux et les règles vers une croissance positive pour la nature
L’intégration du financement gouvernemental aux plans visant à développer l’offre de projets de compensation du carbone dans les systèmes d’échange de quotas d’émissions est un élément clé de l’intégration croissante des politiques, sans perdre de vue l’impératif pour les projets de respecter les principes d’additionnalité. Au Canada, bien que de nouveaux protocoles de compensation apparaissent dans le Régime fédéral de crédits compensatoires pour les GES pour les secteurs forestiers et agricoles, les agriculteurs, comme l’a montré l’étude de cas de la fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, ne sont généralement pas bien outillés pour satisfaire aux exigences de qualité des données et de tenue des dossiers des projets de compensation du carbone. Les programmes de financement actuels, comme le Programme des technologies propres en agriculture, doté de près de 500 millions de dollars, offrent une occasion de s’attaquer à ce problème. En aidant les agriculteurs à comprendre comment leurs investissements en matériel et en logiciels peuvent les aider à recueillir les données nécessaires pour profiter des incitatifs en matière de carbone, il serait possible de stimuler l’offre de projets de compensation fondés sur la nature dans le Régime fédéral de crédits compensatoires pour les GES et d’améliorer les résultats du programme de financement.
L’inclusion expresse des secteurs fondés sur la nature et des projets d’infrastructures vertes et leur priorisation dans les fonds de croissance gérés par les gouvernements constitue un autre tremplin pour intégrer la nature aux programmes de croissance. Le fonds souverain que doivent lancer prochainement les États-Unis, le National Wealth Fund de près de 50 milliards de dollars au Royaume-Uni et le Fonds de croissance de 15 milliards de dollars du Canada sont de bons points de départ pour donner la priorité aux projets investissables fondés sur la nature et liés au capital naturel.
Enfin, l’amélioration de la résilience des collectivités et la réduction potentielle des coûts liés à l’explosion du marché du logement sont une occasion prochaine d’intégration des politiques. Le Royaume-Uni agit par l’intermédiaire de son régime de gain net de biodiversité, une occasion d’attirer plus de capitaux privés. Au Canada, il est possible d’utiliser la Stratégie nationale d’adaptation pour populariser les projets fondés sur la nature dans les programmes de logement municipaux liés à des fonds fédéraux, parmi lesquels le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement (FCIL). Le FCIL s’est engagé à investir six milliards de dollars canadiens sur dix ans dans la gestion de l’eau et des eaux usées pour les nouveaux logements.
Adoption des technologies de rupture : s’appuyer sur l’IA pour simplifier la gouvernance de la nature et renforcer le capital naturel
La comptabilité et la gouvernance de la nature sont d’une grande complexité. Il existe de nombreux protocoles, cadres de travail et normes pour mesurer, surveiller, comptabiliser et vérifier les actifs naturels et leurs services écosystémiques et pour en rendre compte. Étant donné que ce réseau de normes et de cadres de gouvernance est essentiel à la rigueur de la comptabilité de la nature, il est nécessaire de le simplifier pour en faciliter l’adoption. En apprenant de pays comme l’Estonie, un chef de file dans la mise en œuvre de l’IA pour transformer l’administration publique, le secteur de la nature et de la conservation a l’occasion de faire progresser la mise en œuvre de normes et de cadres en faveur de la nature, comme le SEEA.
Les projets fondés sur la nature qui évaluent les résultats et surveillent les progrès peuvent également tirer parti de l’IA pour traiter automatiquement l’imagerie satellite, la télédétection, les capteurs et les collections de données publiques pour surveiller les écosystèmes pratiquement en temps réel, ce qui réduit les coûts de collecte manuelle des données et en améliore la précision. On ne peut évidemment pas ignorer les coûts associés à l’IA. Les centres de données d’IA sont de plus en plus gourmands sur le plan de la demande de terrains, d’eau et d’énergie. S’appuyer sur le capital naturel pour déterminer où il est possible de bâtir un parc de centres de données d’IA propre devient un impératif stratégique, en particulier dans des pays où les ressources naturelles s’épuisent, comme le Royaume-Uni. Outre le lieu, les caractéristiques de conception sont essentielles pour atténuer la consommation des ressources naturelles, par ex. en recueillant les eaux de pluie ou en adhérant au concept d’eau positive nette, qui peuvent retourner de l’eau propre dans les paysages avoisinants. Pour alléger la pression sur les terres, la récupération de la chaleur des centres de données d’IA pourrait aussi leur donner une double utilité, par exemple en contribuant à la production d’aliments sous serre.
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Les programmes de croissance ne doivent pas se limiter à extraire de la richesse : ils doivent constituer des actifs naturels aptes à entretenir la richesse aujourd’hui et demain. Les pays qui agissent ainsi peuvent transférer le contrôle et la valeur du patrimoine naturel à ceux qui le gèrent. Le secteur financier mondial est déjà en action, et les investisseurs sont à la recherche de projets de capital naturel efficaces productifs de rendements. Les pays qui comptabilisent et bâtissent leur patrimoine naturel peuvent aussi accueillir ces investissements. Pour saisir cette occasion, il faut modifier l’approche des gouvernements et des entreprises, en ne traitant plus le capital naturel comme une condition réglementaire à remplir ou un idéal, mais comme un élément fondamental de la croissance – la richesse sous-jacente à la richesse.

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Auteur
Lisa Ashton, Directeur, Politique agricole
Co-Auteur
Ronnie Drever, Nature United
Martha Rogers, The Nature Conservancy (Global affiliate of Nature United)
Nos partenaires de projet

Values are in Canadian dollars unless specified.
The Biodiversity Index Launch Date is Feb 05, 2024. The index Backward Data Assumption Date is Jun 22, 2020.
Andrew Day, BC Parks Foundation
Audrey Popa, Coast Funds
Chance Cutrano, Resource Renewal Institute
Chuck Rumsey, Ecotrust Canada
Craig Harding, Nature Conservancy of Canada
Craig Losos, Nature Conservancy of Canada
Dave Secord, Salazar Center for North American Conservation
Deb Davidson, Center for Large Landscape Conservation
Donald Killorn PEI Federation of Agriculture
Eddy Adra, Coast Funds
Glenn Anderson, Wendling Beck Environment Project
Heather Beresford, Cheakamus Community Forest
Holly Story, UK National Parks
Jane Church, Nature United
Jennifer Gunter, British Columbia Community Forests Association
Jill Bieri , The Nature Conservancy
Katie Davis, Wildlands Network
Leah Blechschmidt, Nature United
Leslie Harroun, Salazar Center for North American Conservation
Lisa Mclaughlin, Nature Conservancy of Canada
Maas, Tony, Nature United
María José González, MAR Fund
Matthew Mitchell, University of British Columbia
Maya Kocian, Earth Economics
Meg Lovett, Nature Conservancy of Canada
Mike Nemeth, Nutrien
Raine Playfair, Coast Funds
Risa Smith, IUCN/World Commission on Protected Areas
Ross Dixon, Coast Funds
Sara Aminzadeh, California Natural Resources Agency
Stephanie Walker, Revere
Stephenne Harding, Great Northern Strategies
Steven Nitah, Nature for Justice Canada
Susan Mulkey, British Columbia Community Forests Association
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