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Mener l’action climatique : 10 façons pour le Canada d’accélérer l’investissement dans la décarbonisation

Au début de février, l’Institut d’action climatique RBC a évalué pour la première fois les progrès réalisés au Canada pour lutter contre les changements climatiques et a convoqué plus de 100 chefs d’entreprise, investisseurs, experts en politiques publiques et dirigeants communautaires pour discuter de ses constatations et en débattre, ainsi que pour proposer des idées sur ce que le Canada peut faire pour accélérer le mouvement. L’évènement a fait salle comble, et l’enthousiasme qu’il a suscité est sans équivoque : l’engouement pour les idées climatiques est plus fort que jamais.

Notre rapport, intitulé L’urgence de mettre les bouchées doubles, montre que le Canada doit accroître ses investissements dans la lutte contre les changements climatiques pour les faire passer de 22 milliards de dollars en 2023 à environ 60 milliards de dollars par année pour le reste de la décennie, afin d’atteindre la neutralité carbone. La discussion, animée par Mark Carney, envoyé spécial des Nations Unies pour l’action et le financement en faveur du climat, et Dave McKay, PDG de RBC, a permis de formuler un éventail d’idées.

Voici ce que nous en avons retiré :

Les gouvernements doivent moins intervenir

Les subventions ne sont pas durables, et pourtant, la plupart des mesures de lutte contre les changements climatiques reposent sur ce type d’aide, que ce soit pour l’achat de thermopompes ou pour le captage industriel du carbone. Selon notre rapport, 80 % des dépenses liées à la lutte contre les changements climatiques au cours de la dernière décennie ont été financées par le gouvernement fédéral canadien. Cette situation s’explique en partie par l’influence de l’Inflation Reduction Act, un programme de subventions massives mis en place aux États-Unis que d’autres pays, dont le Canada, ont essayé de recréer. Selon le Fonds monétaire international, si tous les pays versaient autant de subventions que les États-Unis, la dette publique globale augmenterait de 40 % à 50 % au cours des 20 prochaines années.

Appel à l’action pour le climat : Le gouvernement fédéral canadien doit élargir son approche climatique pour élaborer des politiques commerciales axées sur le marché, notamment avec des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières, dont le double objectif serait d’attirer les investissements tout en réduisant les émissions.

Cibler les grands émetteurs

Le secteur pétrolier représente la plus grande occasion de réduire les émissions et dispose du bilan financier et des liquidités nécessaires pour financer des efforts de décarbonisation à grande échelle. D’autres grands émetteurs, dans les secteurs de l’acier, de l’aluminium, du ciment et du transport maritime, sont également prêts à réduire leurs émissions et disposent des capitaux et des chaînes d’approvisionnement pour agir rapidement. En nous concentrant sur les grands émetteurs dans les années 2020, nous serons en mesure de nous attaquer à d’autres enjeux dans les années 2030, notamment l’approvisionnement en électricité et les technologies grand public.

Appel à l’action pour le climat : Élaborer un programme inspiré de l’Accélérateur de transition industrielle, une initiative mondiale lancée à la COP28 qui réunit des entreprises, des investisseurs et des gouvernements afin de réaliser de grands projets basés sur des technologies propres.

Un financement mixte est essentiel

Pour développer des technologies propres, il faut des capitaux, et la structure de notre marché financier n’est pas adaptée au risque, au rendement, ni à l’horizon temporel requis pour les investissements climatiques disponibles aujourd’hui. Ces capitaux ne peuvent pas non plus provenir d’une seule source. Plusieurs entrepreneurs canadiens ont fait part de leurs frustrations concernant l’accès au capital et se sont tournés vers les marchés étrangers pour leurs besoins d’investissement initiaux. L’une des difficultés qu’ils rencontrent est l’absence de grands fonds de capital-risque (et d’expertise en capital-risque) pour les technologies non éprouvées. Ils indiquent également que les banques et les fonds de pension, qui ont les capitaux nécessaires, sont peu enclins à prendre des risques, ce qui est particulièrement frustrant. Les contraintes règlementaires sur le capital des banques font partie du problème, et il a été suggéré que le gouvernement fédéral, par l’entremise du Bureau du surintendant des institutions financières, pourrait jouer un rôle plus constructif en assouplissant ces restrictions. Les fonds de pension du Canada, qui ont affecté une grande partie de leur capital à l’étranger pour diversifier leur exposition au risque et accroître les rendements, pourraient constituer une autre source potentielle de capital, mais pas au détriment de leurs obligations fiduciaires.

Appel à l’action pour le climat : Réunir divers portefeuilles de capitaux par l’entremise du Fonds de croissance du Canada pour accélérer la mise au point de technologies canadiennes, surtout dans le cadre des priorités stratégiques et des projets phares.

Se tourner vers les marchés émergents

En collaborant avec des organismes multilatéraux de développement comme la Banque mondiale, nous pouvons renouveler notre rôle dans le Sud global grâce à des actions de lutte contre les changements climatiques. Bon nombre des technologies nécessaires dans les marchés à croissance rapide (et à industrialisation rapide) sont fabriquées au Canada, qu’il s’agisse de captage et d’utilisation du carbone, de stockage de batteries ou de surveillance par satellite. Étant donné que les marchés émergents seront responsables de la majorité des nouvelles émissions mondiales au cours des 25 prochaines années, l’opportunité est évidente, tout comme les effets positifs sur les émissions mondiales.

Appel à l’action pour le climat : Promouvoir une stratégie commerciale axée sur les technologies propres, menée par Exportation et développement Canada, afin de doubler les exportations d’ici 2030.

Le Canada doit passer à la vitesse supérieure

Un cadre règlementaire fiable est primordial si le Canada veut que le secteur privé accélère la cadence. Il faut notamment mettre en place rapidement des crédits d’impôt à l’investissement et accroître la dotation du Fonds de croissance du Canada, qui est actuellement de 15 milliards de dollars. Le programme de contrats sur différence pour le carbone (qui sert essentiellement de garantie contre les changements de tarification du carbone) est également crucial. D’autres règlementations, notamment sur les émissions dans le secteur pétrolier et gazier, et dans le secteur de l’électricité, progressent lentement. Il est temps d’accélérer l’adoption de politiques qui attirent de nouveaux investissements dans les technologies durables. Pour investir davantage dans la décarbonisation, les entreprises ont besoin que les règlementations soient plus prévisibles. Trop de règlementations canadiennes, dont la Loi sur l’évaluation d’impact environnemental, baignent dans une incertitude politique et constitutionnelle. Si les règlementations peuvent être bénéfiques pour les affaires, les investisseurs doivent pouvoir être sûrs que l’intégrité de ces règles sera préservée, et ce, même si elles sont révisées, pendant le cycle de vie de leurs engagements.

Appel à l’action pour le climat : Créer une unité chargée du climat au sein du ministère des Finances pour accélérer la mise en œuvre de mesures fiscales, et lancer une version canadienne du Climate Change Committee mis en place en Grande-Bretagne pour suivre de façon indépendante les progrès réalisés grâce aux politiques publiques par rapport à des exigences claires en matière d’émissions.

La tarification du carbone industriel est la nouvelle norme

La taxe sur le carbone sur les consommateurs pourrait ne pas survivre aux prochaines élections, mais de nombreux analystes experts du sujet du climat ne s’inquiètent pas. Elle ne concerne qu’une petite partie des émissions, et son rôle dans la modification des comportements des consommateurs est encore amoindri par toutes les remises accordées. De nombreuses entreprises et de nombreux décideurs envisagent la possibilité de mettre en place un système de tarification du carbone industriel, peut-être au moyen d’un programme national de plafonnement et d’échange. L’Alberta et l’Ontario, les deux principaux émetteurs industriels, auront un rôle clé à jouer.

Appel à l’action pour le climat : Envisager la mise en place d’un système national d’échange de droits d’émissions industrielles qui incite les entreprises à tirer profit de la réduction de leur empreinte environnementale.

Taxonomie : une solution canadienne est nécessaire pour débloquer des capitaux

S’il y a bien un mot qui était sur toutes les lèvres lors du forum, c’est celui-ci : taxonomie. Bien qu’abstrait, ce terme recouvre une réalité qui présente un réel potentiel économique en tant que système de classification pour la finance verte et le financement de la transition. Si le Canada veut attirer les dizaines de milliards de dollars nécessaires pour faire progresser la décarbonisation, les institutions financières devront fournir aux entreprises qui cherchent à réunir des capitaux des normes sur lesquelles se baser pour qualifier un projet, ou un investissement, de vert ou le décrire comme favorisant la transition. De tels systèmes de classification sont en place en Europe et dans plusieurs marchés émergents. Un cadre pour une taxonomie canadienne de la transition, élaboré par une trentaine de grandes banques, de compagnies d’assurance et de caisses de retraite, est actuellement entre les mains du ministre fédéral des Finances.

Appel à l’action pour le climat : Faire avancer le projet fédéral de taxonomie afin de normaliser la classification des investissements verts et d’établir une référence pour les institutions financières.

Les marchés du carbone peuvent utiliser des capitaux privés

S’ils se développent rapidement en Europe et aux États-Unis, les marchés du carbone en sont encore au stade embryonnaire au Canada. Cette situation doit changer si nous voulons mobiliser des dizaines de milliards de dollars de capital pour récompenser les acteurs de l’économie qui réduisent les émissions. Voici un exemple concret : les agriculteurs canadiens qui adoptent de meilleures pratiques de gestion des sols pour capter et conserver le carbone, mais qui ne sont rémunérés que pour ce qu’ils produisent et non pour ce qu’ils préservent. Aux États-Unis, les entreprises alimentaires et les investisseurs peuvent récompenser les agriculteurs beaucoup plus facilement, comme ils peuvent le faire pour d’autres émetteurs qui investissent dans la réduction des émissions. Par conséquent, les marchés du carbone aux États-Unis représentent une opportunité d’une valeur estimée à 200 milliards de dollars américains par année.

Appel à l’action pour le climat : Réunir les principales entreprises de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, des investisseurs institutionnels et des organismes de règlementation provinciaux afin d’établir un cadre de surveillance, de déclaration et de vérification qui servira de base à un marché du carbone florissant.

Le méthane peut être notre objectif ambitieux

Certaines des plus grandes sociétés pétrolières et gazières, qui sont responsables de 40 % des émissions, dont Saudi Aramco, ExxonMobil et Chevron, se sont engagées à éliminer les émissions de méthane d’ici 2030. Le Canada est déjà un chef de file en matière de règlementation du méthane et fait partie d’un mouvement mondial visant à réduire les émissions de méthane. Nous pouvons assurer 25 % des réductions d’émissions que nous nous sommes engagés à réaliser d’ici 2030 si nous augmentons la portée des technologies déjà en place. Le gouvernement fédéral estime qu’il faudra 15 milliards de dollars pour réduire les émissions de méthane, ce qui en fait l’un des investissements les plus rentables pour réduire les émissions.

Appel à l’action pour le climat : Élaborer un atlas de surveillance des émissions de méthane pour le secteur pétrolier et gazier du Canada, dirigé par l’industrie, grâce à des investissements dans des entreprises en démarrage et au déploiement de technologies comme des capteurs satellitaires, aériens et terrestres.

Les consommateurs doivent être sensibilisés aux enjeux climatiques

Selon une étude RBC-Ipsos, les trois quarts des consommateurs ont besoin d’être davantage accompagnés et éduqués sur la question du climat. À cet égard, la sensibilisation aux enjeux climatiques et les politiques stratégiques jouent un rôle important. Un participant a affirmé que les politiciens avaient peur des consommateurs. Ils n’ont pourtant aucune crainte à avoir. Les principaux moteurs de l’action climatique sont les politiques qui catalysent la transformation. L’idée est de supprimer les obstacles pour aider les consommateurs à prendre des décisions respectueuses du climat, notamment en limitant les combustibles fossiles disponibles sur le marché pour orienter leurs dépenses vers des options plus écologiques.

Appel à l’action pour le climat : Utiliser divers contenus et canaux numériques, notamment des campagnes de sensibilisation créatives sur les médias sociaux, et des ressources et cours ludiques en ligne, pour inciter les Canadiens à participer aux actions climatiques qui s’offrent à eux et à réfléchir aux compromis inhérents à une transition.

Le Canada ne fera pas partie des meilleurs élèves en matière de lutte contre les changements climatiques si les gouvernements et l’industrie continuent de s’impliquer de loin, ou pire, sans se concerter. Nous avons besoin de davantage de modèles collaboratifs pour la planification, l’affectation des ressources et l’exécution de la stratégie industrielle. L’exemple de la Climate Smart Buildings Alliance a été cité; il s’agit d’un organisme fondé par Mattamy Homes, EllisDon et RBC pour élaborer des projets de démonstration de bâtiments et de collectivités à faibles émissions de carbone.

Comme l’a dit un intervenant, « L’heure n’est pas à la compétition, mais à la collaboration. » Cette démarche n’est pas qu’une question de fierté patriotique, elle peut donner de l’élan à de nouveaux modèles d’achat et de chaîne d’approvisionnement, favoriser de nouvelles approches de financement et encourager une prise de risques accrue. Comme cela a été démontré lors de la COP28, des puissances moyennes mondiales comme le Brésil et l’Inde jouent de leur influence et de leur pouvoir pour rafler la récompense ultime (des capitaux verts et un savoir-faire technique). Le Canada ne peut pas se contenter de la troisième place.


John Stackhouse est premier vice-président, Bureau du chef de la direction à RBC


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