Également dans le numéro de cette semaine : Comment les cinq industries canadiennes assujetties aux droits de douane parviennent à se tirer d’affaire
Le protocole d’entente (PE) en Alberta vient s’ajouter au dilemme du pétrole lourd auquel est confronté Washington
Auteur : Shaz Merwat, responsable principal, Politique énergétique
Alors que le président des États-Unis, Donald Trump, a accueilli le premier ministre Mark Carney et la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, les questions liées à l’énergie se sont prolongées sur fond des inquiétudes des États-Unis à propos des déficits structurels dans le secteur du brut lourd. Historiquement, le baril canadien a su rivaliser avec le baril de brut lourd vénézuélien dans les principaux marchés américains du raffinage, en premier lieu dans le Midwest et sur la côte du golfe du Mexique. Même si les volumes au Venezuela ont été largement absents au cours de la dernière décennie, l’évolution des signaux relatifs à la politique étrangère des États-Unis suggère un retour à la concurrence.
Pourquoi c’est important – Trump ne peut délaisser deux dépendances fondamentales aux États-Unis
Malgré les efforts déployés pour transformer les chaînes d’approvisionnement américaines, Washington continue de dépendre structurellement de deux choses qu’elle ne peut pas facilement remplacer : le pétrole brut lourd canadien et les terres rares chinoises. Le pétrole brut lourd est essentiel à la capacité de raffinage des États-Unis et, dans l’état actuel des choses, les États-Unis ne peuvent pas facilement remplacer l’approvisionnement canadien : la production nationale est exceptionnellement basse, et les alternatives au pétrole brut lourd provenant du Mexique et du Venezuela ont connu un déclin structurel.
Ces deux contraintes limitent l’influence des États-Unis et renforcent l’importance d’avoir des partenaires d’approvisionnement stables et à long terme. Le protocole d’entente (PE) de l’Alberta arrive à un moment où les décideurs politiques américains doivent trouver un équilibre entre leurs objectifs géopolitiques, tels que le regain d’attention porté au Venezuela, et la réalité selon laquelle le pétrole canadien demeure irremplaçable dans le système de raffinage.
En chiffres – le déficit des barils de pétrole lourd
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Mexique : les exportations de pétrole brut lourd vers les États-Unis sont passées d’un pic d’environ 1,7 Mb/j en 2005-2006 à environ 0,40 Mb/j aujourd’hui.
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Venezuela : les exportations de pétrole brut lourd vers les États-Unis ont dépassé 1,5 Mb/j au début des années 2000 ; aujourd’hui, les exportations à destination des É.-U. sont d’environ 0,1 Mb/j.
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Canada : il s’agit du principal exportateur vers les États-Unis, avec environ quatre millions de barils de pétrole brut expédiés chaque jour au sud de la frontière. Le PE entre le Canada et l’Alberta proposait un pipeline d’une capacité d’un million de barils par jour, auquel s’ajoutaient 300 000 à 400 000 barils par jour provenant de Trans Mountain, ce qui, ensemble, représentait une augmentation considérable de la capacité d’exportation, principalement orientée vers l’Asie.

La situation dans son ensemble – si le Venezuela revient , le Canada perdra-t-il son influence ?
Un « retour » du Venezuela serait probablement lent, coûteux et politiquement fragile. Les contrats de raffinerie, les engagements au titre du service de la dette et les infrastructures en amont doivent tous être rétablis. Même en cas de changement de régime, les investisseurs exigeront une stabilité pendant dix ans avant d’engager des capitaux.
Le Mexique est confronté à des limites similaires : Sheinbaum hérite de la production en baisse de la société d’État Pancex et de sa dette croissante, ce qui signifie qu’un rétablissement rapide des exportations de brut lourd est peu probable.
Le Canada demeure donc la seule source crédible et évolutive d’approvisionnement en lourd. Les délais accélérés du PE – équivalence des prix du carbone, règles relatives au méthane et projet Pathways de captage, d’utilisation et de stockage du carbone – indiquent qu’Ottawa et Edmonton se préparent à une croissance soutenue de la production.
En résumé – Le PE prépare le Canada à un contexte plus concurrentiel dans le secteur du pétrole lourd.
Alors que le Canada renforce ses capacités vers l’ouest grâce à TMX et au projet de pipeline d’un million de barils par jour, davantage de barils sont destinés à l’Asie plutôt qu’aux États-Unis. Cette évolution oblige inévitablement les décideurs politiques américains à réfléchir à la manière dont ils vont garantir leur approvisionnement en pétrole brut lourd au cours de la prochaine décennie, notamment en envisageant de renouer des relations plus significatives avec le Venezuela.
Pour le Canada, la question est aujourd’hui moins cruciale. Le PE garantit que, quelle que soit l’évolution de la politique américaine, les producteurs bénéficieront d’un accès diversifié aux marchés et d’une plus grande résilience. Si les volumes vénézuéliens augmentent, le Canada aura le choix; s’ils n’augmentent pas, le Canada restera le principal fournisseur des raffineries américaines.
Quoi qu’il en soit, le milieu de la prochaine décennie s’annonce comme une période beaucoup plus dynamique pour le secteur du pétrole lourd, et le PE place le Canada en position de force pour y faire face.
Récapitulatif de la semaine
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Le Canada est entré dans la guerre commerciale dans une meilleure posture qu’on ne le pensait auparavant. Statistique Canada a révisé à la hausse le PIB de chacune des trois dernières années d’environ un demi-point.
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Le gouvernement canadien a signifié au constructeur automobile Stellantis un avis de défaut pour avoir transféré la production du Jeep Compass de Brampton, en Ontario, vers l’Illinois, malgré les centaines de millions de dollars d’incitations financières dont il a bénéficié ces dernières années. « Stellantis est dans le pétrin », a déclaré la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly. « Défendre ces emplois, c’est défendre le fondement économique du Canada. »
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Lors d’un discours devant des chefs d’entreprise à Ottawa, l’ambassadeur du Japon au Canada, Kanji Yamanouchi, a souligné le rôle que pourrait jouer l’énergie dans les relations futures entre le Canada et le Japon. « Si nous avons besoin d’énergie provenant d’un pays auquel il est difficile de faire confiance ou d’un pays auquel nous pouvons faire confiance, a-t-il déclaré, il est préférable pour nous de commercer avec le pays digne de confiance. »
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Malgré des prêts gouvernementaux de 500 millions de dollars, Algoma Steel met à pied 1 050 travailleurs de son usine de Sault Ste. Marie, en Ontario, en raison de « forces du marché extraordinaires et externes ».
Les tendances…
L’équipe économique de RBC a mené une analyse approfondie cette semaine : « Suivi de l’impact des droits de douane américains sur cinq industries canadiennes ciblées. »
Dans l’ensemble, nous observons une baisse modérée de la production manufacturière et de l’emploi dans la plupart des secteurs fortement tarifés au Canada. Ces tendances ont également été beaucoup moins volatiles que les flux des échanges commerciaux internationaux, qui ont été fortement perturbés au moment de la mise en place des droits de douane (les importateurs américains ayant anticipé leurs achats afin de constituer des stocks avant l’entrée en vigueur des droits douaniers au premier trimestre).
Les prix de vente des fabricants canadiens se sont généralement maintenus, les acheteurs étrangers assumant la majeure partie des coûts tarifaires initiaux, mais cela a entraîné une baisse des bénéfices des entreprises américaines cette année. Nous n’avons pas constaté d’augmentation systématique des prix à la consommation aux États-Unis, mais nous nous attendons tout de même à ce qu’ils augmentent de manière plus significative en 2026.
Voici un aperçu des résultats obtenus par cinq industries canadiennes clés en matière de production, d’emploi et de prix de vente, dans un contexte de hausse des droits de douane américains.
Le rapport complet se trouve ici.
Écoutez bien – Les innovateurs : Le Projet Canada (en anglais)
Dans un épisode récent de Les innovateurs, John Stackhouse emmène les auditeurs au Québec à la rencontre de l’ancien premier ministre Jean Charest et d’Éric Desaulniers, fondateur et PDG de Nouveau Monde Graphite. Ensemble, ils explorent comment une nouvelle mine de graphite à Matawinie et une usine de raffinage intégrée à Bécancour visent à relier l’ensemble de la chaîne, de la roche au matériau d’anode, dans une seule province, et ce que cela pourrait signifier pour le rôle du Canada en tant que fournisseur fiable de minéraux essentiels à ses alliés du G7.
De la domination chinoise dans le raffinage du graphite à la volonté du Québec de mettre en place des flottes minières entièrement électriques alimentées par l’hydroélectricité, cet épisode examine comment le Canada peut passer du statut de « carrière » à celui de partenaire stratégique dans une économie mondiale en pleine mutation.
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