Auteur : Jordan Brennan, chef, Leadership avisé RBC
À l’occasion de leur rencontre en début de semaine, nous avons assisté à un échange d’éloges, de sourires et d’accolades entre Donald Trump et Mark Carney, et le président des États-Unis a même assuré aux journalistes que le Canada ressortirait « très content » de cette réunion. Malheureusement, l’optimisme s’est effondré dès le lendemain, lorsque le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a déclaré publiquement à Toronto que l’assemblage d’automobiles se ferait aux États-Unis et que le Canada ne pouvait rien y faire.
L’opinion de la Maison-Blanche est que les Américains n’ont pas besoin du Canada pour assembler leurs voitures. Il est difficile de savoir que penser des propos du secrétaire Lutnick. S’agit-il d’une véritable menace, ou de la technique de négociation habituelle de Donald Trump consistant à réclamer le soleil, la lune et les étoiles pour finalement obtenir la lune ? Selon les rumeurs, le président Trump n’apprécie pas s’entendre dire que les États-Unis ont besoin du pétrole, de l’acier et du bois d’œuvre du Canada.
Une équipe de spécialistes du commerce est restée à Washington pour chercher à conclure des accords sectoriels sur l’acier, l’aluminium, l’énergie et l’automobile – bastions de ce que Washington appelle désormais les « échanges dirigés ». Étant donné que les pourparlers ont peu avancé à ce jour et que l’équipe de négociation américaine est enlisée dans des discussions bilatérales avec de nombreux pays, il reste à savoir si le Canada parviendra à conclure des ententes sectorielles significatives avant la révision officielle de l’AEUMC en juillet prochain.
Cette nouvelle ère des « échanges dirigés » semble bien partie pour durer. Que faut-il en déduire ?
En juin, M. Trump a doublé les droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens, les portant à 50 % contre 25 % en février. L’impact a été immédiat. Le Canada produit environ 13 millions de tonnes d’acier primaire chaque année, dont la moitié est destinée à l’exportation et neuf tonnes sur dix sont envoyées aux États-Unis. Aujourd’hui, ces échanges se tarissent.
Les prix de l’acier sont parlants. Le graphique ci-dessous illustre la valeur des exportations canadiennes d’acier vers les États-Unis et les prix de l’acier américain, les deux mesures étant indexées à 100 en janvier 2025 pour faciliter la comparaison. Au cours des 12 mois qui ont précédé l’imposition des droits de douane par M. Trump, les exportations d’acier du Canada vers les États-Unis comme les prix de l’acier américain s’inscrivaient dans une tendance à la baisse. Puis la guerre commerciale a éclaté et les deux séries de données ont divergé : les exportations canadiennes d’acier se sont effondrées, tandis que les prix de l’acier américain se sont envolés.

Les nouveaux droits de douane ont ravivé l’inflation des prix de l’acier. Avec la limitation des importations canadiennes, les producteurs américains ont moins de concurrence et en profitent pour hausser tranquillement les prix. Les importations américaines d’acier canadien ont chuté de 49 % et les prix de l’acier américain ont augmenté de 17 % depuis janvier.
C’est la face visible des échanges dirigés. La question n’est pas d’ouvrir les marchés, mais de les organiser. Dans le cadre des politiques de libre-échange des quarante dernières années, les gouvernements ont décidé d’abaisser les barrières et de laisser les préférences de consommation, la technologie et la concurrence départager les gagnants et les perdants. Le concept des échanges dirigés renverse cette logique. Les gouvernements sélectionnent des secteurs stratégiques pour les mettre à l’abri de la concurrence mondiale et influencent les investissements à l’aide de droits de douane, de quotas et de subventions.
Pour le Canada, la question n’est pas de savoir si nous aimons cette politique, mais de trouver une façon de nous y adapter. Ottawa semble prête à changer de cap, après avoir annoncé des mesures de soutien aux secteurs en septembre. Nous devons apprendre à composer avec les nouvelles règles : déterminer les priorités nationales, déployer les capitaux de manière stratégique et faire en sorte que la réciprocité fonctionne en notre faveur.
Les échanges dirigés peuvent être cahoteux. Toutefois, dans cette nouvelle ère, nous n’avons pas d’autre choix.
La semaine écoulée
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Donald Trump souhaite que son équipe conclue rapidement des ententes avec le Canada. C’est ce qu’a déclaré le ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, Dominic LeBlanc, après la rencontre du président américain avec le Premier ministre Mark Carney à Washington. M. LeBlanc reste à Washington afin de poursuivre les pourparlers sur les échanges commerciaux.
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La Chine a dévoilé de strictes mesures de contrôle sur les exportations de terres rares. Trump a menacé Beijing de droits de douane « massifs » en représailles.
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La ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, a dévoilé un plan en trois points dont l’objectif est de contrer les droits de douane américains. Le plan met l’accent sur la protection de l’emploi, la création de nouveaux emplois et un effort pour attirer les investissements et les talents.
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Les États-Unis ont perçu 195 milliards de dollars US de recettes au titre des droits de douane au cours de l’exercice 2025. Ce chiffre était de 77 milliards de dollars américains en 2024.
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Les puces et autres produits liés à l’IA ont représenté près de la moitié de la croissance du commerce mondial au premier semestre de 2025, selon l’Organisation mondiale du commerce. Compte tenu de l’impact des droits de douane qui devrait se faire sentir l’année prochaine seulement, l’OMC s’attend à ce que les échanges commerciaux progressent d’un maigre 0,5 % en 2026.
Les droits de douane devant la Cour suprême des États-Unis
Notez le 5 novembre dans vos agendas. C’est à cette date que la Cour suprême des États-Unis examinera le dossier des droits de douane d’urgence imposés par le président Donald Trump en vertu de la loi sur les pouvoirs économiques d’urgence internationaux (loi IEEPA). Le département de la Justice espère invalider une décision prise en mai par le Tribunal du commerce international, selon laquelle M. Trump a outrepassé la loi IEEPA en l’utilisant à l’encontre du Canada et d’autres partenaires commerciaux des États-Unis.
Le dossier contient trois affaires distinctes alléguant que les droits de douane imposés par M. Trump sur le Canada, la Chine, le Mexique et d’autres partenaires commerciaux sont illégaux. L’un des dossiers a été ouvert par les procureurs généraux démocrates de plusieurs États, et les deux autres proviennent de coalitions de petites entreprises.
Voici ce que vous devez savoir :
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Illégalité : le principal argument des plaignants est que les droits de douane n’ont jamais été conçus pour répondre aux griefs des États-Unis envers le Canada, le Mexique et la Chine dans le contexte du trafic de stupéfiants.
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Jusque là, M. Trump est en désavantage, car un panel du Tribunal du commerce international composé de trois juges, plus un juge de district fédéral de Washington, D.C. et les 11 juges en fonction à la Cour d’appel du circuit fédéral des États-Unis soutiennent les plaignants à une majorité de 7 contre 4. Le département de la Justice espère que la Cour suprême invalidera cette décision qu’il considère comme « incohérente ».
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La Cour suprême pourrait aller dans un sens comme dans l’autre, dans la mesure où les victoires dans les tribunaux de niveau inférieur peuvent encore se renverser. Selon Scott Lincicom, expert en commerce au Cato Institute, c’est à pile ou face.
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La Maison-Blanche a de nombreux outils à sa disposition. Certains analystes sont d’avis que la Cour suprême pourrait donner raison aux tribunaux inférieurs, car l’administration américaine peut emprunter différentes voies pour remplacer les droits de douane au titre de la loi IEEPA, notamment l’article 232 du Trade Expansion Act de 1962.
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Remboursement : si les adversaires du gouvernement obtiennent gain de cause, une vague de batailles juridiques pourrait s’ensuivre concernant des remboursements pour plus de 80 milliards de dollars américains.
La Cour suprême pourrait rendre sa décision d’ici la fin de l’année.
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