Les récentes tensions commerciales ont amplifié les vulnérabilités qui caractérisent le marché de l’emploi canadien. Après s’être brièvement stabilisé à la fin de 2024 et au début de 2025, le taux de chômage s’est remis à grimper tandis que le nombre d’emplois vacants est en déclin.
Le mois de juin a fait apparaître une légère amélioration par rapport à mai, mais il semble que le cycle de chômage n’ait pas atteint son sommet.
Néanmoins, cette faiblesse est loin de constituer une tendance naissante. Cela fait près de trois ans que le taux de chômage affiche une tendance à la hausse, à la suite de la reprise post-pandémie qui l’avait fait chuter à son niveau le plus bas en 53 années – entraînant une forte croissance des salaires, du fait que les employeurs étaient en concurrence pour embaucher des travailleurs.
Toutefois, la dynamique sous-jacente du marché de l’emploi canadien a considérablement changé. Dans le sillage de la pandémie, la hausse du chômage reflétait principalement la lente intégration des nouveaux travailleurs sur le marché de l’emploi, en particulier les nouveaux diplômés et les nouveaux arrivants qui peinaient à trouver du travail.
Aujourd’hui, les mises à pied permanentes ne sont pas beaucoup plus nombreuses qu’il y a un an, mais les travailleurs mettent plus de temps à trouver un emploi, et nous observons des signes de pertes d’emploi plus marqués dans les secteurs sensibles au commerce transfrontalier. Cette situation a créé des clivages dans des régions et groupes démographiques spécifiques.
Les nouveaux arrivants sur le marché du travail exercent aussi une pression à la hausse sur le taux de chômage, malgré le fort ralentissement de la croissance démographique au Canada.
Les pertes d’emplois sont concentrées dans une poignée de secteurs
Bien que l’anxiété causée par les droits de douane ait tempéré les intentions d’embauche dans l’ensemble de l’économie, les pertes d’emploi réelles restent concentrées dans les secteurs sensibles au commerce. La manufacture, les ressources primaires, le transport et l’entreposage, et certains services en dehors de l’administration publique1 ont été les secteurs les plus touchés par le récent repli de l’emploi.
L’incertitude entourant la politique commerciale des États-Unis semble expliquer une grande partie de ce fléchissement, mais il semble que d’autres facteurs comme la fluctuation des prix des marchandises et le ralentissement de la construction domiciliaire aggravent la situation.
La faiblesse du marché de l’emploi varie selon les régions du Canada
C’est en Ontario, cœur de la main-d’œuvre du secteur manufacturier canadien, que s’est concentrée la majeure partie de l’affaissement du marché du travail, avec une hausse du taux de chômage de plus de 60 % au cours des 12 derniers mois.
L’affaiblissement a été particulièrement marqué dans le sud-ouest de la province, où se situe la majeure partie de la production manufacturière. En fait, quatre des cinq taux de chômage les plus élevés de la région métropolitaine de recensement canadienne ont été observés en Ontario, plus précisément à Windsor (11,2 %), Peterborough (10 %), Oshawa (9,3 %) et Toronto (8,7 %). Prises ensemble, ces provinces forment près du quart (22 %) de la main-d’œuvre du secteur manufacturier au Canada, dans lequel près de 45 000 emplois ont été supprimés depuis janvier (en données désaisonnalisées), ce qui représente le plus grand recul de l’emploi parmi tous les secteurs pour cette année.

Le Québec et la Colombie-Britannique contribuent également à la hausse du taux de chômage à l’échelle nationale, l’importante main-d’œuvre du secteur manufacturier du Québec (30 % de la main-d’œuvre totale du Canada) étant soumise à des pressions similaires liées au commerce.
Contrairement aux plus grandes provinces du Canada, la hausse du taux de chômage en Colombie-Britannique semble attribuable à d’autres facteurs cycliques comme l’achèvement de grands projets d’infrastructure, plutôt qu’à un ralentissement des exportations. Malgré les augmentations, le taux de chômage de ces provinces demeure l’un des plus faibles au Canada.
En revanche, les provinces canadiennes de l’Atlantique font preuve d’une résilience remarquable. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, les taux de chômage sont passés sous la moyenne nationale au deuxième trimestre, ce qui est rare compte tenu de la composition sectorielle et démographique de ces provinces.
De même, certaines régions des Prairies font preuve de vigueur, dont la Saskatchewan qui affiche le taux de chômage le plus bas au Canada (4,9 %) après une baisse constante depuis la fin de 2024. Des secteurs de l’Alberta, notamment Red Deer et Lethbridge, connaissent aussi un renforcement de leurs marchés du travail.
Défis pour les travailleurs en fin de carrière et les Canadiens de naissance
Des tendances variables se dessinent aussi selon les groupes d’âge sur le marché du travail. Les travailleurs en fin de carrière (45 ans et plus) connaissent le ralentissement le plus marqué, représentant près de 40 % de la hausse du taux de chômage depuis l’an dernier.
Le milieu de carrière (entre 35 et 44 ans) a représenté le quart (25 %) de l’augmentation, tandis que le début de carrière (entre 15 et 24 ans) a participé à la hausse à un taux légèrement plus élevé (31 %). Les personnes de début et de milieu de carrière (entre 25 et 34 ans) ont toutefois beaucoup moins contribué (9 %) à la hausse du taux de chômage global.
Les travailleurs nés au Canada sont également confrontés à des défis plus prononcés que les nouveaux arrivants, et ils ont représenté environ 60 % de l’augmentation du taux de chômage l’an dernier.
Les résidents permanents récents constituent le seul groupe ayant connu une baisse de leur taux de chômage au cours de la dernière année, mais l’augmentation des postes vacants laisse penser que ce recul du chômage est probablement attribuable à une diminution de l’effectif plutôt qu’à une amélioration des perspectives d’emploi.
Ces tendances marquent un tournant par rapport aux dernières années où la majeure partie de la hausse du chômage était attribuable aux nouveaux arrivants sur le marché du travail, en particulier aux nouveaux diplômés et aux immigrants.
L’affaiblissement du marché du travail chez les travailleurs nés au Canada et les travailleurs en milieu ou en fin de carrière découle probablement de la concentration de la faiblesse dans certains secteurs. En effet, les secteurs de la production de biens ont une part disproportionnée de travailleurs en fin de carrière, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux difficultés économiques actuelles.
L’incertitude économique semble aussi inciter certains retraités à réintégrer le marché du travail, car la volatilité des marchés boursiers provoque un certain malaise financier, surtout pour ceux qui vivent avec un revenu fixe. Cette tendance se reflète dans la récente augmentation des activités de recherche d’emploi chez les travailleurs de 55 ans et plus ayant récemment quitté le marché du travail.
Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales. Elle est titulaire d’un baccalauréat en économie (avec distinction) de l’Université Western Ontario et d’une maîtrise en sciences de l’Amsterdam School of Economics.
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