Comme prévu, la Banque du Canada a maintenu son taux de financement à un jour pour la troisième fois d’affilée, tout en laissant la porte ouverte à de futures baisses ; le taux du financement à un jour n’a pas évolué depuis mars, à 2,75 %, après sept baisses consécutives qui l’ont fait reculer par rapport au sommet de 5 % atteint l’an dernier.
Le message de l’annonce sur les taux était nuancé. La Banque du Canada a reconnu que la croissance de l’économie canadienne ralentissait depuis janvier, mais a également souligné que les données publiées récemment demeuraient généralement solides par rapport aux scénarios de baisse plus importants qui paraissaient probables au printemps. Elle a également indiqué que les hausses inattendues de l’inflation justifiaient de ne pas réduire davantage les taux d’intérêt.
L’éventuelle « nécessité d’une baisse du taux directeur » a été réaffirmée, si l’affaiblissement de l’économie devait entraîner de nouvelles pressions nettes à la baisse sur l’inflation. Toutefois, il faudrait un choc commercial international beaucoup plus important qu’actuellement pour provoquer une telle réaction, et la banque centrale devra également continuer de tenir compte de l’assouplissement de la politique budgétaire, qui est mieux adaptée que celle sur les taux d’intérêt pour apporter une aide ciblée aux secteurs touchés par les échanges commerciaux.
La décision sur les taux d’intérêt étant conforme aux attentes, nous nous concentrerons davantage sur l’analyse des scénarios qui a été une fois de plus présentée dans le rapport sur la politique monétaire, plutôt que sur une prévision principale. Toutefois, un troisième scénario basé sur les droits de douane actuels s’est ajouté aux deux scénarios (haussier et baissier) présentés en avril.
Cette approche est inhabituelle, mais elle permet à la banque centrale d’éviter de spéculer sur la probabilité d’événements dans un contexte d’incertitude exceptionnelle, et de présenter à la place un éventail de résultats potentiels.
Similitudes entre l’analyse de scénarios de la Banque du Canada et la notre
Dans le scénario basé sur les droits de douane actuels, qui se rapproche le plus de nos hypothèses de base, les droits de douane américains devraient maintenir leur niveau actuel de 13 %.
Le calcul par la Banque du Canada du taux effectif actuel des droits de douane américains sur les importations en provenance du Canada, qui est d’environ 5 %, est conforme à nos calculs, tout comme le calcul selon lequel la grande majorité des exportations canadiennes sont actuellement exemptées de droits de douane en vertu de l’accord de libre-échange AEUMC/ACEUM.
Dans ce scénario, la croissance du PIB devrait être faible, mais positive au second semestre de cette année. L’inflation quant à elle devrait osciller autour de la cible de 2 %, les pressions exercées par les droits de douane et le ralentissement de l’économie se compensant à peu près – ce qui correspond également à nos prévisions de base.
Dans les deux autres scénarios, les droits de douane américains moyens vont de 10 % dans le cas d’un apaisement à 28 % dans le cas d’une intensification. Dans le premier cas, l’économie canadienne se redresse un peu plus rapidement, tandis que l’inflation demeure constamment inférieure à la cible. À l’inverse, le scénario d’intensification déclenche une longue récession qui durera jusqu’au début de 2026, avec une inflation qui dépassera 2,5 % plus tard dans l’année 2026.
Hypothèses communes aux trois scénarios
Les hypothèses communes aux trois scénarios sont peut-être plus révélatrices. L’une d’elles est que 75 % des hausses de coûts liées aux droits de douane se répercuteront sur les consommateurs en l’espace de six trimestres. Nous estimons que les répercussions seront moindres, mais plus rapides, à savoir qu’environ la moitié des hausses de coûts liées aux droits de douane se répercuteront sur les consommateurs en l’espace d’un à deux trimestres.
Une autre hypothèse importante concerne la politique budgétaire, puisque les projections n’intègrent que les mesures fédérales et provinciales déjà annoncées. Des dépenses supplémentaires pourraient contribuer à l’accélération de la croissance en 2026. Cependant, nos hypothèses tiennent compte d’un soutien supplémentaire par le biais de dépenses publiques en plus des dépenses réelles incluses dans les projections de la Banque du Canada.
Il est important de noter que les droits de douane américains sont considérés comme des éléments permanents qui auront une incidence sur l’économie bien au-delà du cycle actuel, en raison d’une diminution des investissements et de la productivité. Ces perspectives cadrent avec les nôtres et sont particulièrement préoccupantes, compte tenu du marasme de la productivité canadienne de cette dernière décennie présent avant même les perturbations commerciales actuelles.
Dernières réflexions et retour à notre hypothèse de base…
Malgré les récentes décisions de maintien des taux, les baisses de taux antérieures de la Banque du Canada ne semblent pas encore soutenir l’économie. Toutefois, avec la stabilisation des taux hypothécaires à un niveau proche ou supérieur à ceux de 2020-2021, l’effet sur les ménages s’apparente davantage à un relâchement des freins de l’économie plutôt qu’à un coup d’accélérateur.
Aujourd’hui, l’économie est au point mort et les perspectives sont encore floues. Les droits de douane en vigueur aujourd’hui sont moins sévères que ce que l’on craignait, mais le Canada, qui est l’un des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, demeure particulièrement vulnérable aux politiques commerciales protectionnistes des États-Unis. Dans deux jours, la date butoir que les États-Unis se sont imposée pour les négociations commerciales pourrait entraîner une intensification des droits de douane au-delà des niveaux ciblés, mais relativement limités en vigueur aujourd’hui.
Si l’on adopte des perspectives nettement plus négatives semblables à celles du printemps, le risque de baisse demeure. Bien que la Banque du Canada prévoie une hausse de l’inflation dans ce type de scénario, l’incidence des droits de douane l’emportant sur la faiblesse de l’économie, de nouvelles baisses de taux seraient justifiées s’il apparaissait clairement que l’économie s’engageait dans une récession. En l’absence d’une telle détérioration et conformément à notre hypothèse de base, la Banque du Canada devrait maintenir ses taux actuels.
Claire Fan est économiste à RBC. Elle se concentre sur les tendances macroéconomiques et est chargée d’établir des prévisions relatives au PIB, au marché du travail et à l’inflation pour le Canada et les États-Unis, en fonction des principaux indicateurs.
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